Depuis plusieurs jours, c’est une véritable folie qui s’est emparée de la toile. La nouvelle Miss France 2024 fait l’objet d’une campagne de dénigrement de la part d’une partie du public francophone sur les réseaux sociaux. Les reproches sont multiples, infondées ou relèvent de considérations purement subjectives. Cette situation est révélatrice de la mauvaise pente sur laquelle glisse la société française en matière de valeurs, une défaite de la bienveillance au profit de l’aigreur allant jusqu’à une certaine animosité. Il serait temps que chacun mène une véritable introspection et que 2024 soit l’année d’une plus grande mansuétude sur la place publique. La critique ne doit pas virer au harcèlement.
Miss France 2024, Eve Gilles, nouvellement couronnée se retrouve sous les feux nourris de critiques voire d’injures et commentaires désobligeants divers et variés. La jeune femme âgée de tout juste vingt ans, aux cheveux courts (sic !), une information semble-t-il essentielle aux yeux de certains est étudiante en licence de mathématiques. La victoire de la jeune femme au concours national français de beauté semble avoir troublé un certain nombre d’individus. Il serait fastidieux de dresser une cartographie des griefs mis en avant par ces derniers. Citons pêle-mêle : attaques sur l’aspect physique et les mensurations jugées pas assez féminines, reproches liés à une coupe de cheveux « dite garçon », préférences pour une autre candidate liées à ses origines ethniques, style d’élocution… Tout est matière à un déversement de messages insultants et grossiers.
Les mauvaises langues profitent de l’anonymat des réseaux sociaux pour publier des invectives assassines et blessantes. Il est vrai que la nature humaine est complexe, et que les nouvelles technologies sont de nouveaux outils mis à la disposition des « amateurs de lettres anonymes » et des « apprentis-corbeau ». Il convient de se demander si le stade de la simple critique et de la mauvaise foi n’a pas été largement dépassé pour entrer dans un phénomène de harcèlement tous azimuts visant à démolir la jeune femme gratuitement. Un phénomène devenu un exutoire aux multiples frustrations d’une société mondialisée, psychologiquement fragile et frustrée.
Le harcèlement scolaire : quand des enfants briment des enfants
A Poissy en France, il y a quelques mois un jeune garçon, Nicolas a fini par se suicider vraisemblablement pris au piège du harcèlement.
Ce drame a poussé le ministre de l’Education nationale a s’emparer du sujet en lançant un plan de lutte au niveau national. Plusieurs collectivités territoriales françaises ont décidé également de s’impliquer dans ce combat avec leurs moyens.
Attardons-nous sur la notion de harcèlement et ce qu’elle englobe.
Le harcèlement au niveau scolaire est défini commune violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. À l’école, le harcèlement est le fait d’un ou de plusieurs élèves qui se fondent sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines caractéristiques d’une personne qui ne peut se défendre.
Le phénomène repose sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines particularités: l’apparence physique (poids, taille, couleur ou type de cheveux) ; le sexe ; l’identité de genre (garçon jugé trop efféminé, fille jugée trop masculine, etc.), l’orientation sexuelle ou supposée ; un handicap (physique, psychique ou mental) ; un trouble de la communication qui affecte la parole ; l’appartenance à un groupe social ou culturel particulier ; des centres d’intérêts différents…
A la lecture de ces éléments, il est légitime de s’interroger, la douloureuse épreuve vécue par la jeune Miss France 2024 ne relève-t-elle pas tout simplement de harcèlement ?
Harcèlement en société : quand la foule cloue au pilori un des siens
L’observation des commentaires sur les réseaux sociaux et plus généralement Internet concernant Miss France 2024 est déroutante. Là, où d’habitude, les commentaires proviennent de profils, non identifiables et anonymisés, ici la parole se libère et les individus semblent pour un certain nombre utiliser leur identité véritable.
Étonnamment les profils féminins de toutes origines, sont nombreux à être impliqués dans cette stigmatisation irrationnelle. Le combat féministe disparaît au profit des réalités inhérentes à la nature humaine laissant paraître de façon sous-jacente jalousie et envie. Les personnes âgées ou censées être plus « mûres » et normalement plus sages ne sont pas en reste. Une « coupe dite garçon » semble être pour certaines d’entre elles la pire des injures à l’idéal de beauté attribuée à la fonction de Miss France. Les jugements nuancés ne sont pas légions. On a comme l’impression d’une perte de valeurs de base à la vie en commun et à la vie citoyenne en société.
La crise de la Covid-19, nous avait précédemment ouvert les yeux, mettant en lumière un certain nombre d’individus extrêmement virulents et mettant en avant leurs certitudes et leurs croyances personnels.
Comment une société dont une partie des adultes, se livrent à des activités de harcèlement sans motif rationnel (si tenté qu’il en existe) peut-elle combattre les phénomènes de harcèlement qui détruisent psychologiquement ses enfants, ses adolescents et une partie de sa jeunesse ?
Pensons-nous sérieusement qu’une jeune fille de 20 ans puisse mérite un tel traitement à la limite de la persécution ? Aimerions-nous qu’un de nos proches soient victimes d’une telle vindicte populaire ?
C’est tout comme si la gangrène du harcèlement avait gagné la toile, passant d’une victime à une autre, il faudra impérativement lutter contre ce phénomène pour aller vers une humanité de la bienveillance et de la fraternité dans un monde aux enjeux beaucoup plus inquiétants et dangereux.