Nora ANSELL-SALLES

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mardi 5 avril 2016

L’élimination du paludisme dans le monde est-elle possible ?

les mardis de l'ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE
  
« L’élimination du paludisme dans le monde est-elle possible ?

Médecins et chercheurs dans cette lutte »
Organisateurs : Marc GENTILINI et Martin DANIS


Introduction par Marc GENTILINI


Communications

Espoir d’un contrôle en Afrique, vers l’élimination du paludisme par Ogobara DOUMBO (Centre de Recherche et de Formation sur le Paludisme, Faculté de Médecine, Université de Bamako.okd@icermali.org)

Le paludisme à Plasmodium falciparum reste encore l’une de cause majeure de fièvre et de mortalité dans la population des enfants et des femmes enceintes en Afrique. Le taux de prévalence et la morbidité de P. vivax, P. ovale (curisi et wallikeri) et P. malariae, restent sous-évalués en Afrique. Cependant selon le rapport OMS 2014 [1], on observe une réduction de 30 % de l’incidence globale du paludisme et de 47 % de sa mortalité entre 2000 et 2013. Cette réduction de la mortalité atteint 58 % en Afrique. Des progrès significatifs ont été réalisés dans la mise à échelle des stratégies de lutte : test de diagnostic rapide/combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (TDR/CTA), moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MIILDAs), pulvérisation d’insecticide rémanent dans les maisons (IRS), traitement intermittent préventif des femmes enceintes (IPTp-SP), chimioprévention saisonnière par un antipaludique combiné (SMC/AQ-SP). Dans les pays sahéliens avec une transmission saisonnière marquée, une réduction de la morbidité palustre de 80 % et des décès de 58 % en une saison de transmission a été obtenue avec l’intégration de la SMC (OMS 2012, Dicko A et al [2]). Des espoirs d’élimination du paludisme sont nés à Zanzibar, Rwanda, Zambie, Tanzanie, Sao Tomé et Principe, Ile de Bioko (Guinée Équatoriale), Guinée Bissau et peut être au Sénégal. Seuls les pays d’Afrique Australe et du Maghreb sont en phase d’élimination du paludisme autochtone.

Il reste encore 700 000 décès par an dus au paludisme et 10-15 % de séquelles invalidantes et de retard de scolarisation en Afrique. La mise à échelle des stratégies thérapeutiques et antivectorielles avec une couverture d’au moins 80 % restent un des défis majeurs dans les pays africains (WARN-CARN Cotonou [7]). Sur 12 millions d’enfants de moins de 5 ans, qui auraient pu bénéficier du SMC AQSP en 2014, seuls 35 % ont été couverts et ce malgré la disponibilité financière des partenaires (WARN-CARN [7]). Cette situation de pénurie mondiale en intrants (CTAs, AQ-SP) est à craindre en 2015. Les objectifs d’Abuja et du Millénaire pour le Développement (OMD) ne sont pas atteints dans la majorité des pays africains. La situation est donc grave et inquiétante pour les prochaines années. Le développement de vaccins antipaludiques reste un espoir déçu. Le RTS, S, a donné des résultats modestes (Lancet [3]). La mise en évidence des foyers de résistance aux dérivés de l’artémisinine en Asie du sud-est et sa possible diffusion en Afrique est une épée de Damoclès sur les populations africaines. Le développement de la résistance des anophèles du complexe Anopheles gambiae aux pyrthrinoides vient compliquer la situation du paludisme en Afrique. Une approche innovante et un engagement fort et continu des partenaires et des gouvernements africains doivent être le fer de lance de ce combat. Car la situation du paludisme pourrait s’aggraver avec le changement climatique et les troubles socio-politiques en Afrique. Une lueur d’espoir est en train de naitre avec le développement de candidats vaccins à sporozoïtes entiers (Seder RA [4], Consortium PfSPZ [5]), des phases Ib en Afrique de candidats vaccins bloquant la transmission [6] et la nouvelle stratégie SMC-Plus (AQSP+azithromycine). Des leçons de l’échec de la campagne d’éradication mondiale du paludisme des années 1950 devraient être tirées pour repenser la stratégie d’élimination du paludisme en Afrique d’ici 2030.

[1]  World malaria report 2014-WHO 09-12-2014. http://www.who.int/malaria/publications/world_malaria_report/en/
[2]  Dicko A, Diallo AI, Tembine I et al. Intermittent preventive treatment of malaria provides substantial protection against malaria in children already protected by an insecticide-treated bednet in Mali: a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. PLoS Med. 2011 Feb 1; 8(2):e1000407.
[3]  RTS,S Clinical Trials Partnership. Efficacy and safety of RTS,S/AS01 malaria vaccine with or without a booster dose in infants and children in Africa: final results of a phase 3, individually randomised, controlled trial. Lancet. 2015 Apr 23. pii: S0140-6736(15)60721-8.
[4]  Seder RA, Chang LJ, Enama ME et al.; VRC 312 Study Team. Protection against malaria by intravenous immunization with a nonreplicating sporozoite vaccine. Science. 2013 Sep 20; 341(6152):1359-65.
[5]  Mordmüller B, Supan C, Sim KL et al. Direct venous inoculation of Plasmodium falciparum sporozoites for controlled human malaria infection: a dose-finding trial in two centres. Malar J. 2015 Mar 18; 14(1):117.
[6]  Wu Y, Sinden RE, Churcher TS, Tsuboi T, Yusibov V. Development of malaria transmission-blocking vaccines: from concept to product. Adv Parasitol. 2015 Jun; 89:109-52.
[7] WARN (West Africa Roll Back Malaria Network)-CARN, Cotonou mai 2015.

Élimination en Asie du Sud-Est ? Moyens médicamenteux par François NOSTEN (Shoklo Malaria Research Unit, Mahidol-Oxford University Research Unit, Thaïlande. francois@tropmedres.ac).
La résistance de Plasmodium falciparum aux dérivés de l’artémisinine qui gagne le Sud-Est Asiatique menace les progrès récents observés dans la lutte contre le paludisme. Une véritable course contre la montre est engagée pour éliminer P.falciparum dans cette région avant qu’il ne devienne résistant à tous les traitements disponibles. Les antipaludiques occupent une place centrale dans le projet d’élimination en cours dans l’Est de la Birmanie le long de la frontière thaïlandaise. La combinaison d’artéméther et de luméfantrine est utilisée dans le traitement précoce des cas cliniques en association avec la primaquine. La dihydro-artémisinine en association avec la pipéraquine, d’élimination lente, est le médicament de choix pour les traitements de masse, dans les foyers de forte prévalence d’infections sous-microscopiques asymptomatiques. Les premiers résultats enregistrés après 18 mois d’activités sont très encourageants : l’acceptabilité par la population a été excellente et une forte diminution de l’incidence de P.falciparum, sans aggravation de la résistance, a été observée.

Résistance de l’agent du paludisme, Plasmodium falciparum aux ACTs : craintes d’une chimiorésistance généralisée par Françoise BENOIT-VICAL (Laboratoire de Chimie de Coordination du CNRS ; Equipe « Nouvelles molécules antipaludiques et approches pharmacologiques » ; UPR8241 ; Toulouse.  francoise.vical@inserm.fr).
L’utilisation, depuis plus de 15 ans, dans le traitement du paludisme de combinaisons thérapeutiques associant un dérivé de l'artémisinine avec une molécule partenaire (ACT), a permis une diminution notable de la mortalité dans les régions tropicales et subtropicales. Cependant ces progrès sont gravement menacés par la diminution de l'efficacité clinique des artémisinines caractérisée par une clairance parasitaire retardée et un taux de recrudescence élevé, et rapportée dès 2008 dans l’Ouest du Cambodge. Cette résistance de Plasmodium aux artémisinines s’est déjà étendue à plusieurs pays du Sud-est Asiatique. Cependant les ACTs restent efficaces tant que la molécule partenaire garde son activité mais de plus en plus d’échecs cliniques sont aujourd’hui corrélés à la résistance du parasite à la fois à l’artémisinine et à la molécule associée. Une des craintes majeures est la diffusion de ces parasites aux multiples résistances en Afrique subsaharienne, continent le plus touché par le paludisme, comme cela fut le cas par le passé avec d’autres traitements antipaludiques. Il est donc indispensable de mieux comprendre, d’un point de vue phénotypique et génotypique, la résistance du parasite Plasmodium falciparum à l'artémisinine et à ses dérivés afin de proposer de nouveaux outils thérapeutiques.

Conclusions

L’implication de la Fondation Bill et Melinda Gates dans l’élimination / éradication du paludisme par Sophie ALLAUZEN (Équipe Malaria de la Fondation Bill et Melinda Gates)

Élimination du paludisme, un objectif envisageable ? Coordonner les actions, anticiper les obstacles par Pierre BUFFET, Martin DANIS (CIMI Inserm U 1135 UPMC-Paris 6).

mercredi 26 septembre 2012

Paludisme au Sahel


65% de cas en moins grâce au traitement préventif

MSF met en œuvre une nouvelle stratégie de traitement préventif du paludisme au Mali et au Tchad. Les premiers résultats, qui montrent une baisse des cas de paludisme ainsi que du nombre d’hospitalisations, sont très encourageants.

 

Paris/Bamako/Ndjamena, le 24 septembre 2012 – Pour la première fois à vaste échelle et en conditions réelles, une stratégie de traitement préventif du paludisme, appelée chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS), a été menée par des équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) en collaboration avec du personnel médical local dans deux projets pilote, au Tchad et au Mali. Des traitements antipaludiques ont été distribués à environ 170 000 enfants âgés de 3 mois à 5 ans ; les premiers résultats sont très encourageants puisqu’une baisse de 65% des cas de paludisme a été constatée dans le projet de Koutiala, au sud du Mali.

 

« Nos équipes constatent des effets spectaculaires en termes de diminution du nombre de cas, explique le Dr. Estrella Lasry, spécialiste du paludisme à MSF. Bien sûr, il ne s’agit que des premiers retours, et nous allons continuer d'évaluer l’impact de ces stratégies de distributions ».

 

Pendant la période de haute transmission de la maladie, qui dure habituellement de juillet à octobre, les enfants ont reçu tous les mois un traitement à base d'amodiaquine et sulphadoxine / pyriméthamine (Fansidar®). Les distributions concernent environ 161 000 enfants du district de Koutiala, au sud-est du Mali, et 10 000 enfants de celui de Moïssala, au Tchad. Dans les deux cas, les enfants malades, déjà atteints de paludisme ou d’autres pathologies, sont directement traités et exclus de la distribution.

 

Dans le district de Koutiala, au Mali, les équipes MSF ont constaté une baisse de 65% des cas de paludisme simple au cours de la semaine qui a suivi la distribution du traitement. De même, le nombre d’hospitalisations liées à la maladie est passé de 247 cas à 84 cas par semaine. Dans le sud du Tchad, dans deux aires de santé à proximité de la ville de Moïssala, les résultats sont également encourageants avec une baisse oscillant entre 72% et 86% des cas de paludisme simple.

 

« La CPS pourrait représenter un formidable outil de santé publique, notamment en protégeant les enfants, parmi lesquels on compte la grande majorité des décès. Les interventions menées au Tchad et au Mali vont également nous permettre d’évaluer la faisabilité de ces stratégies à vaste échelle et dans d'autres contextes », continue le Dr. Lasry.

 

En mars 2012, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recommandé l'utilisation de la CPS dans les zones de forte transmission saisonnière du paludisme au Sahel.

 

On estime que 650 000 personnes (source : OMS) meurent chaque année du paludisme. 90% de ces décès surviennent en Afrique subsaharienne, pour la plupart chez des jeunes enfants.

Au Mali et au Tchad, MSF mène des projets de traitement et prévention des maladies les plus meurtrières chez les jeunes enfants. Depuis le début de l'année, plus de 12 000 cas de paludisme ont été traités en ambulatoire et 3 500 enfants malades et/ou sévèrement malnutris ont été hospitalisés dans le cercle de Koutiala, dans le sud du Mali. Au Tchad, à Moïssala, plus de 18 000 cas de paludisme ont été pris en charge dans les structures soutenues par MSF ainsi que par des agents de santé non-médicaux formés par MSF dans les villages.