Des propositions pour compléter
notre système de surveillance des médicaments.
Ce lundi 16 septembre 2013, les Professeurs Dominique
COSTAGLIOLA et Bernard BEGAUD, pharmacologues et épidémiologistes, ont remis à
Marisol TOURAINE, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, le rapport sur
la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France.
En février dernier, l’utilisation prédominante des pilules
de 3ème et 4ème génération en première intention a montré
la nécessité de mieux suivre les comportements collectifs de prescription et d’aider
les professionnels à la juste prescription.
La Ministre avait donc confié une mission aux deux experts,
pour mettre en œuvre une méthode d’analyse continue des prescriptions
collectives et promouvoir le bon usage des médicaments.
Le rapport remis ce jour propose notamment :
- la création d’une
structure regroupant et analysant l’ensemble des données de santé sur l’utilisation
des médicaments et produits de santé,
- la mise en
place de programmes de surveillance ciblés,
- une meilleure
information des professionnels de santé et du grand public au travers d’un
portail d’information unique dédié.
Ces propositions seront attentivement analysées conjointement avec celles
du rapport remis par Jean-Yves GRALL, directeur général de la Santé (DGS), sur
le système des vigilances, et de celui attendu prochainement sur l’accès aux
données de santé.
RAPPORT SUR LA SURVEILLANCE ET
LA PROMOTION DU BON USAGE
DU MEDICAMENT EN FRANCE
Bernard Bégaud, Dominique Costagliola 2
SOMMAIRE
Avant-propos .............................................................................................. 3
Liste des personnes auditionnées ................................................................ 4
1. Liberté de prescription, indications, recommandations face au monde réel de la prescription et de l’usage des produits de santé ...................... 9
1.1. Comment définir le bon usage ? .................................................................... 9
1.2. Implications sanitaires et économiques ........................................................ 10
1.3. La situation française ................................................................................. 11
1.3.1. France : un mauvais élève européen .................................................................... 11
1.3.2. Conséquences d’une situation dégradée ............................................................... 17
2. Comment agir sur les prescriptions et l’usage non conformes ? ............ 19
3. Connaître l’usage des médicaments dans la vie réelle : la clef de bien des problématiques .............................................................................. 20
3.1. Données disponibles en France pour étudier la prescription et l’usage des produits de santé ...................................................................................... 20
3.1.1. Bases de données de l’Assurance Maladie ............................................................. 20
3.1.2. Les cohortes ..................................................................................................... 22
3.1.3. Le Dossier Pharmaceutique ................................................................................. 23
3.1.4. Déclarations de ventes et données « taxes » ........................................................ 24
3.1.5. Centres de pharmacovigilance et de pharmacodépendance ..................................... 25
3.1.6. Les systèmes privés existant en France ................................................................ 25
3.2. Expériences étrangères .............................................................................. 28
3.2.1. Royaume Uni .................................................................................................... 28
3.2.2. Danemark ......................................................................................................... 30
3.2.3. Canada ............................................................................................................. 32
3.2.4. Etats-Unis ......................................................................................................... 33
4. Une formation des professionnels de santé clairement insuffisante ...... 35
4.1. Formation initiale ...................................................................................... 36
4.1.1. Etudes médicales ............................................................................................... 36
4.1.2. Etudes de Pharmacie .......................................................................................... 38
4.2. Formation continue des professionnels de santé : une quête d’un mieux jamais aboutie .................................................................................................... 39
5. Une information morcelée, incomplète et souvent peu accessible ......... 41
5.1. Professionnels de santé .............................................................................. 41
5.2. Informer, former le « grand public » ............................................................ 44
6. Synthèse et recommandations .............................................................. 45
6.1. Synthèse du rapport .................................................................................. 45
6.2. Recommandations ..................................................................................... 46
7. Références des rapports consultés ........................................................ 51
Annexe 1 : principaux acronymes et abréviations utilisés .......................... 54
Annexe 2 : lettres de mission .................................................................... 56 3
AVANT-PROPOS
Le présent rapport constitue la synthèse du travail mené dans le cadre d’une mission sur la « pharmacosurveillance » confiée par la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, Madame Marisol Touraine le 26 février 2013.
La lettre de mission (voir en Annexe) mentionne que « s’il importe de garantir, pour chaque praticien, l’exercice de la liberté de prescription, il est non moins essentiel d’un point de vue de santé publique de pouvoir repérer les écarts éventuels entre les pratiques collectives de prescription et les conditions de l’autorisation de mise sur le marché ou les recommandations d’usage ».
L’objectif central de la mission de formuler des propositions en vue de la mise en place « d’un dispositif répondant à l’objectif prioritaire de pharmacosurveillance » et en particulier de :
proposer la mise en oeuvre d’une méthode collaborative de suivi et d’analyse en continu des pratiques collectives de prescription par les pouvoirs publics, afin d’identifier les mésusages potentiels, en s’appuyant sur les actions entreprises conjointement par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé et la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés ;
proposer des actions innovantes concourant à l’information des professionnels de santé et favoriser la diffusion des bonnes pratiques de prescription, en procédant à un examen attentif des expériences menées dans ce domaine, tant en France qu’à l’étranger.
4
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES
Dans le cadre de cette mission, 19 auditions de personnalités et organismes ont été organisées au cours des mois d’avril { juin 2013 au Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, tel que suggéré par la lettre de mission (ordre chronologique) :
- Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé)
Valérie SALOMON
Conseillère auprès du Directeur Général
- Alliance pour les Sciences de la Vie et de la Santé (AVIESAN) et INSERM Institut Thématique « Santé Publique »
Jean Paul MOATTI
Directeur
Sylvain DURRLEMAN
Conseiller
- Les Industries du Médicament (LEEM)
Philippe LAMOUREUX
Directeur Général
Catherine LASSALE
Directeur des Affaires Scientifiques
Sylvie PAULMIER-BIGOT
Directeur publicité, informations médicales et bon usage
Sylvie GAUTHIER-DASSENOY
Présidente du Groupe de travail « Publicité » du LEEM et Pharmacien Responsable, Novartis
Muriel MALBEZIN
Présidente du Groupe de travail « sécurité et bon usage du médicament » du LEEM et Vice-Président Affaires Médicales - Responsable des Affaires Réglementaires, Janssen Cilag
- Collège National de Pharmacologie Médicale (CNPM)
Mathieu MOLIMARD
Président
Christian FUNCK-BRENTANO
Président honoraire
Annie FOURRIER-REGLAT
Responsable du Master Européen Pharmacovigilance-Pharmaco-épidémiologie (EU2P)
- Equipe Cohorte CONSTANCES
Marcel GOLDBERG
Directeur
Marie ZINS 5
- Haute Autorité de Santé (HAS)
Jean Luc HAROUSSEAU
Président du Collège
Dominique MAIGNE
Directeur de la Haute Autorité de Santé
- Direction Générale de la Santé (DGS, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé)
Jean-Yves GRALL
Directeur Général de la Santé
François AUBART
Conseiller Médical
Catherine CHOMA
Sous-Directrice
Marie-Christine FAVROT
Adjointe du Directeur Général
- Mission Ministérielle sur l’accès aux données de santé
Pierre-Louis BRAS
Inspecteur Général des Affaires Sociales
André LOTH
Directeur de Projet { la Direction des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES)
- Observatoire des Médicaments, des Dispositifs médicaux et des Innovations Thérapeutiques (OMéDIT) de la Région Centre
Mary-Christine LANOUE
Coordinatrice
- Direction de la Recherche des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé)
Franck Von LENNEP
Directeur
Renaud LEGAL
Chef de bureau
Marie CAVILLON
Adjointe au Chef de Bureau
Sylvie REY
Chargée de Mission
- Institut de Veille Sanitaire (InVS)
Françoise WEBER
Directrice
Jean-Claude DESENCLOS
Directeur Scientifique
- Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)
Dominique MARANINCHI
Directeur Général
François HÉBERT
Directeur Général Adjoint
Evelyne FALIP
Directrice de la Surveillance 6
Patrick MAISON
Directeur Adjoint à la Surveillance
Mahmoud ZUREIK
Chef de Pôle Epidémiologie des Produits de Santé
- Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS)
Frédéric Van ROEKEGHEM
Directeur Général
Sophie MARTINON
Directrice de Cabinet du Directeur Général
Hubert ALLEMAND
Médecin Conseil National
Dominique POLTON
Directrice de la Stratégie, des Etudes et des Statistiques
Philippe RICORDEAU
Responsable du Département Etudes de Santé Publique
Christelle RATIGNIER-CARBONNEIL
Responsable du Département des Produits de Santé
- Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (ATIH)
Housseyni HOLLA
Directeur
Anne BURONFOSSE
Responsable de Pôle
- Ordre National des Pharmaciens
Isabelle ADENOT
Présidente
Alain DELGUTTE
Président du Conseil Central des Pharmaciens d’Officine
- Direction de la Sécurité Sociale (DSS, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé)
Thomas FATOME
Directeur
Claire BIOT
Chef du bureau 1C
Abraham HAMZAWI
Chef du bureau 4C
Irina SCHAPIRA
Chef de la MCGR
Annie HENRION
Adjointe-chef du Bureau 4C
- Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS)
Magali LEO
Chargée de Mission
Michèle TEULE-ESPIÉ
Médecins du Monde 7
- Comité Economique des Produits de Santé (CEPS)
Dominique GIORGI
Président
Jean-Yves FAGON
Vice-Président
- Institut de Recherche et de Documentation et en Economie de la Santé (IRDES)
Yann BOURGUEIL
Directeur
Catherine SERMET
Directeur-adjoint 8
Même si nous ne pouvons les citer, nous tenons à remercier l’ensemble des collègues français et étrangers qui, malgré un délai parfois très court, nous ont fourni un grand nombre d’informations et de documents.
Nous tenons également à remercier tout particulièrement Madame Marie Annick Gauvrit pour son aide importante et efficace pour l’organisation des auditions.
Nous remercions Madame Véronique Gigou pour la mise en forme du présent rapport ainsi que Mesdames Christelle Lemieux et Nadine Michineau de la Direction Générale de la Santé (Ministère des Affaires Sociales et de la Santé) pour leur aide logistique précieuse. 9
1. LIBERTE DE PRESCRIPTION, INDICATIONS, RECOMMANDATIONS FACE AU MONDE REEL DE LA PRESCRIPTION ET DE L’USAGE DES PRODUITS DE SANTE
1.1. Comment définir le bon usage ?
Même si de nombreuses définitions ont été proposées, le bon usage se comprend, du point de vue clinique et pharmacologique, comme l’ensemble des conditions garantissant a priori, pour un médicament ou une classe de médicaments, tant au niveau de l’individu que de la société, des rapports bénéfice/risque et coût/efficacité optimisés. Tendre à une telle optimisation suppose que :
La prescription (ou l’utilisation) soit justifiée, tant dans l’absolu (un traitement par médicament est-il réellement nécessaire ?) qu’en comparatif (le recours à ce médicament est-il justifié ?),
Les paramètres particuliers pouvant motiver une attention particulière ou une contre-indication (co-morbidités, particularités génétiques, état nutritionnel, autres traitements, etc.) aient été pris en compte,
Les conditions de l’usage (dose, rythme, durée de traitement, surveillance, etc.) soient conformes aux recommandations ou, de manière argumentée, adaptées au contexte.
On distingue donc les prescriptions appropriées si les trois conditions ci-dessus sont respectées et inappropriées dans le cas contraire. L’usage approprié ou bon usage a un sens plus large en ce sens qu’il se réfère { tous les intervenants potentiels (prescripteur éventuel, pharmacien, utilisateur malade ou non) et concerne de ce fait également les produits de santé non prescrits et/ou non remboursés.
Par un abord plus réglementaire, on peut également définir la prescription conforme ou le bon usage par le respect du Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) ou des recommandations issues des « données actualisées de la science ». L’hypothèse faite est alors qu’une prescription ou un usage respectant ces recommandations correspond à des rapports bénéfice/risque et bénéfice/coût optimisés (ce qui peut, nous le verrons, se révéler inexact dans certains cas particuliers). Dans la majorité des cas, cette approche « réglementaire » et pragmatique est suffisamment robuste pour servir d’indicateur ou de comparateur.
Elle a l’inconvénient, par rapport à la définition clinique et pharmacologique précédente, de ne pas prendre en compte certaines situations pouvant justifier, chez un individu et dans des circonstances particulières, une sortie de la norme. De plus, les libellés de la majorité des RCP, correspondent plus à des problématiques réglementaires et industrielles qu’à des objectifs cliniques ou de santé publique. Ils sont de ce fait souvent imprécis et peu adaptés à la pratique de soins primaires. Il en va de même pour nombre de recommandations conçues dans l’optique théorique d’une mono-pathologie rarement rencontrée, surtout chez les plus forts consommateurs de médicaments : les sujets âgés. 10
A l’autre extrême, la prescription en pédiatrie, faute de spécialité, de dosage adaptés dans nombre d’indications impose parfois des libertés avec les textes réglementaires.
Il est ainsi possible que certaines prescriptions qualifiées d’inappropriées correspondent de fait à « la moins mauvaise solution possible dans le contexte ». Certaines prescriptions hors-AMM figurent du reste à ce titre dans les recommandations de l’HAS et de l’ANSM.
Ces réserves doivent être gardées { l’esprit pour l’interprétation des études menées sur les bases de remboursement de l’Assurance Maladie : l’absence d’information sur les indications précises et certains facteurs de risque particuliers rendent difficile, voire impossible, l’analyse du contexte.
Ces situations de « mauvais usage justifié » restent cependant très minoritaires et ne sauraient expliquer la massivité du dérapage constaté pour certains médicaments et classes pharmacologiques, notamment en France.
1.2. Implications sanitaires et économiques
Pendant trop longtemps, les prescriptions inappropriées n’ont été abordées que sous l’aspect « micro-économiques» (le coût des médicaments remboursés à tort) ; l’Assurance Maladie se félicitant par exemple du fait que parmi les classes les plus coûteuses (inhibiteurs de la pompe à proton, statines, etc.), la prise du marché par les génériques fasse baisser ce coût, sans aborder la justification de ces prescriptions, ni leurs conséquences « macro-économiques ». Cette impasse sur la règle évidente qui rappelle qu’une prescription non conforme reste une prescription non conforme, que le produit prescrit soit une spécialité princeps ou générique, est { l’origine de surcoûts directs et indirects très importants. Ainsi, la surconsommation des benzodiazépines, associée à une iatrogénie très importante et en bonne part évitable, n’a pas, jusqu’{ une date récente, fait l’objet d’une attention particulière rn France; sans doute parce que malgré 114,3 millions de boîtes consommées par an (soit pratiquement 2 par habitant !) cette classe avec 183 millions d’euros et simplement 0,7 % du montant total des ventes de médicaments ne représentait pas une priorité économique, d’autant moins qu’en vision « micro-économique », elle était un assez « bon élève » avec des taux de génériques de 53,2 % pour les anxiolytiques et de 67,6 % pour les hypnotiques (source : ANSM : Etat des lieux de la consommation de benzodiazépines en France en 2013. Juin 2013).
Cette mise au second plan des messages cliniques et de santé publique est l’une des raisons du peu de réceptivité des médecins français aux statistiques concernant le « mauvais usage » et du retard à la prise de conscience des problèmes sanitaires et économiques majeurs que constitue l’usage inapproprié des médicaments. 11
En effet, chaque fois que les populations cible (celle qui devrait recevoir le traitement) et rejointe (celle qui le reçoit dans les conditions préconisées) ne se superposent pas, se pose un double problème :
nombre de personnes qui pourraient bénéficier du traitement ne sont pas correctement prises en charge,
celles qui le reçoivent à tort ou dans des conditions qui le rendent peu ou pas efficaces sont exposées à une iatrogénie alors que le bénéfice attendu est a priori nul.
Les conséquences étant bien plus considérables que le seul coût remboursé des médicaments concernés (prise en charge de médicament ne se justifiant pas, qu’ils soient inutiles en eux-mêmes, inutiles dans le cas particulier ou inutilement trop chers).
1.3. La situation française
1.3.1. France : un mauvais élève européen
Les prescriptions inappropriées et l’usage irrationnel des médicaments ne sont certes pas l’apanage de notre pays; la moyenne de 20 % de prescriptions hors-AMM étant classiquement avancée pour nombre de pays d’Europe et d’Amérique du Nord (Rapport du Groupe de Travail n°4 des Assises du Médicament, 2011). De fait, les comparaisons intra-européennes menées { l’occasion de plusieurs affaires récentes, ont montré que nos voisins n’étaient pas irréprochables, de loin s’en faut, vis-à-vis de la prescription de contraceptifs oraux ou de psychotropes.
Cette évidence, de même que la difficulté à identifier ce qui est réellement du hors-AMM ou du « hors-AMM justifié », ne doivent cependant pas occulter, comme cela est trop souvent fait, que la France est l’un des pays dans lequel les prescriptions et l’usage irrationnels sont les plus prévalents.
Tout d’abord, toutes les statistiques et études produites, même si elles se contredisent sur certains points, s’accordent { classer notre pays parmi les plus forts consommateurs mondiaux, en tout cas européens, de médicaments (nombre de conditionnements consommés par an rapporté à la taille de la population). Ce positionnement est resté inchangé depuis de nombreuses années malgré le rapprochement des politiques de régulation européenne. Par exemple, en 2007 dans une comparaison avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume Uni (Point d’Information Mensuel de l’Assurance Maladie du 19 octobre 2007), la France se classait en tête pour 6 des 9 classes étudiées (entre autres pour les antibiotiques, les hypocholestérolémiants, les antidépresseurs et les « tranquillisants »). Malgré des prix de conditionnements souvent plus faibles, le montant moyen par habitant (130 €) classait la France en tête avec 32 € de plus que le second du classement, l’Italie. On peut objecter qu’il est difficile de juger le bien-fondé d’une plus forte consommation par rapport { d’autres pays, même dotés d’un système de recours aux soins assez proche. Pour certains, ces statistiques attestent d’une meilleure qualité de prise en charge des soins en France, pour d’autres, elles signent une indiscutable gabegie. Nous nous bornerons à remarquer que nombre d’indicateurs ne plaident pas pour la première option. Citons parmi d’autres : 12
- Vaccin contre l’hépatite B
Cette affaire, quoique ancienne, est emblématique du particularisme français : une déviation massive d’usage et des conséquences sanitaires graves, notamment la défiance induite dans la population vis-à-vis de ce type de vaccin et de la vaccination en général. La campagne décidée en 1994 par le Ministre de la Santé de l’époque (Mr Philippe Douste-Blazy) visait une couverture totale de la population française en vaccinant, systématiquement les nourrissons et les enfants de 10-11 ans (ces derniers, à titre de « rattrapage » jusqu’en 2005), tout en maintenant les recommandations et pratiques antérieures pour les sujets { risque élevé. Il est remarquable qu’aucun dispositif n’ait été prévu (étude pharmaco-épidémiologique, observatoire, etc.) pour accompagner une campagne aussi vaste, coûteuse et sensible et s’assurer de la congruence des populations cible et rejointe. Ce manque de surveillance et le champ libre laissé à des messages promotionnels stupéfiants (« L’hépatite B tue en un jour en France plus que le SIDA en un an », transmission de la maladie par la salive, etc.), expliquent que ce n’est que trois ans après (1997) le lancement de la campagne, grâce aux remontées de la pharmacovigilance, que l’on s’est aperçu que les deux tiers des personnes vaccinées avaient été des adultes et non les nourrissons et les enfants de 10 à 11 ans. De fait, la France possède le record mondial d’exposition { ce vaccin avec 89 millions de doses vendues et remboursées entre 1994 et 2000 (soit une moyenne de 1,5 doses par habitant), plus de 50 millions ayant été administrées hors de la cible initiale majoritairement à des adultes n’ayant pas dû l’être au vu des données de la science. La notification d’un millier de cas d’atteintes démyélinisantes de tous types chez des adultes a créé une situation de crise sanitaire majeure décrédibilisant la campagne initiée en 1994, rendant extrêmement difficile son repositionnement et introduisant une méfiance tenace de l’opinion vis-à-vis de toute vaccination. Ce vaccin est encore aujourd’hui considéré par beaucoup comme « non sûr » en France avec une forte réticence { l’utiliser chez l’enfant (vécu comme plus « fragile »), alors que ce dernier est, a priori indemne du risque de démyélinisation centrale.
- Antibiotiques
Pendant de nombreuses années la France s’est classée largement en tête pour la prévalence des souches bactériennes (staphylocoque, pneumocoque, etc.) résistantes aux antibiotiques de première intention (l’Organisation Mondiale de la Santé ayant dû, dans sa cartographie, utiliser une couleur spéciale, le mauve, pour la France pour la distinguer du rouge des pays ayant les taux de prévalence les plus élevés). Ce classement des « mauvais élèves » était directement corrélé au niveau de la consommation d’antibiotiques. La France (source : The Lancet 2001 ; 357 : 1851-2) avec 36,5 doses quotidienne standard (DDD) pour 1000 habitant et par jour se classait largement en tête du groupe des « mauvais élèves » (France, Espagne, Portugal, Belgique, Italie, Grèce), notamment pour la consommation de pénicillines { large spectre d’action. Sa consommation d’antibiotiques par habitant était 1,8 fois plus élevée que celle du Royaume Uni et plus de 2 fois celle de l’Allemagne. Cette forte prévalence de souches bactériennes résistantes a, en dehors de ses autres conséquences sanitaires (infections 13
nosocomiales, etc.), justifié en 2001 la recommandation coûteuse d’un usage systématique du vaccin contre les infections aiguës à pneumocoque alors que dans d’autres pays, moins atteints par la gabegie des antibiotiques et les résistances qui en découlent, le traitement et la prophylaxie par antibiotique du groupe des pénicillines étaient priorisés. Pour la période plus récente, on observe qu’après le succès de la campagne « les antibiotiques, c’est pas automatique » ayant fait perdre à la France sa place de leader de la consommation, les dernières études disponibles montrent une nette remontée des prescriptions, la France étant, quoiqu’il en soit, toujours restée très au dessus (+30%) de la moyenne européenne.
- Hypocholestérolémiants
La France est également parmi les plus forts consommateurs au Monde de ces médicaments, essentiellement représentés par les statines (inhibiteurs de la synthèse du cholestérol introduits sur le marché au début des années 80). Avec plus d’un milliard d’euros par an, ils constituent l’un des principaux postes de remboursement de la branche médicaments de l’Assurance Maladie française. Selon une étude de la DREES (Etudes et Résultats, n°509. Juillet 2006), la France se situait en 2004 légèrement derrière le Royaume Uni du fait d’un prix de vente plus élevé dans ce pays, mais se plaçait, avec 47 millions de boîtes, parmi les tout premiers consommateurs européens ; place confirmée par des données récentes de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Sans entrer dans les polémiques actuelles sur le rapport bénéfice/risque et bénéfice/coût de cette classe, ce niveau de consommation interroge car (1) elle semble majoritairement justifiée par la prévention primaire (sujets sans accident cardiovasculaire antérieur), indication pour laquelle la prescription « par excès » semble patente 1 et (2) la France fait justement partie des pays dans lequel le risque cardiovasculaire est spontanément faible. A titre de comparaison, le montant de remboursement des statines en Espagne (pays de 44,1 millions d’habitants { niveau de risque cardiovasculaire également faible et plutôt classé parmi les « mauvais élèves » européens pour la conformité des prescriptions) est de 470 millions d’euros par an contre 1,1 milliards en France, soit, rapporté au nombre d’habitants, un niveau 1,5 fois plus faible (ceci sans prendre en compte le coût considérable des millions de dosages annuels de cholestérol dont la très grande majorité ne se justifie pas au vu des recommandations internationales). De même, l’application de ces recommandations internationales ferait attendre une proportion de sujets traités 2 fois plus faible qu’au Royaume Uni, ce qui est loin d’être le cas (Source : communication personnelles d’experts cardiologues ayant travaillé sur les recommandations européennes actuelles).
1 Les recommandations internationales les plus récentes fondent la pertinence de la prévention primaire non plus sur le niveau de cholestérol total ou du LDL-cholestérol mais sur l’importance du risque de mortalité cardiovasculaire dans les 10 ans (comme permet, par exemple, de le prédire le site http://www.heartscore.org/Pages/welcome.aspx). Le traitement en prévention primaire (compte-tenu des risques associés au traitement, comme la diabétogénèse) ne se justifie que si ce risque est égal ou supérieur à 5 % dans les 10 ans.
Cette situation de mauvaise gestion perdurant en France depuis des années a généré un coût évitable cumulé se chiffrant en milliards d’euros. 14
- Psychotropes
Notre pays se caractérise (Rapport OPEPS) non seulement par un niveau de consommation particulièrement élevé, mais également par un usage souvent très éloigné des recommandations, qu’il s’agisse des indications ou du respect des durées de traitement recommandées. Par exemple, l’Enquête Santé Mentale en Population Générale, menée auprès de 36 785 sujets en France Métropolitaine, montrait une dissociation caricaturale des populations cible et rejointe : si un tiers des sujets rapportaient l’utilisation d’au moins un psychotrope au cours de leur vie (19,4 % d’utilisateurs pour les anxiolytiques), moins d’un tiers de ceux présentant un épisode dépressif majeur selon le questionnaire MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview) étaient traités par antidépresseur selon les recommandations en vigueur ! (Grolleau A. et al. Encéphale 2008 ; 34 (4) : 352-9).
Pour la classe des benzodiazépines, la France est (si l’on ajuste pour les structures d’âge des différents pays) en première position européenne, si ce n’est mondiale. En données non corrigées exprimées en nombre de doses quotidiennes standard (DDD), notre pays arrive en effet en seconde position derrière le Portugal pour la consommation d’anxiolytiques et en seconde position derrière la Suède pour les hypnotiques. Les durées de consommation observées sont 2 à 7 fois plus longues que celles recommandées. Cette surconsommation (par exemple, 3 fois supérieure à celle du Royaume Uni pour les hypnotiques) s’accompagne en effet d’un mésusage patent, non seulement vis-à-vis des indications (comme l’attestent les données de l’Enquête Santé Mentale en Population Générale citée ci-dessus) mais aussi du non-respect des types de molécules (celles à longue demi-vie d’élimination devant a priori être évitées chez les sujets âgés) et, surtout, des durées de traitement. On mesure en effet une durée moyenne de 7 mois en population générale et de plusieurs années chez les personnes de plus de 65 ans (données de la cohorte PAQUID) quand les recommandations officielles fixent 1 mois pour les hypnotiques et 3 mois pour les anxiolytiques. Le rapport de l’ANSM cité ci-dessus confirme que 55 % des sujets se voient prescrire un hypnotique plus de 3 mois, ce qui est contraire à la fois au libellé du RCP, aux recommandations et aux données de la science (perte d’efficacité au bout de quelques semaines et effets indésirables à type de dépendance , chutes/fractures et troubles de la cognition).
- Anti-ulcéreux
Comparés à ceux d’autres pays, les niveaux de consommation et de remboursement de cette classe, en particulier ceux des inhibiteurs de la « pompe à proton », ont de quoi surprendre : 532 millions d’euros ont été remboursés par le régime général en 2012, ce qui est supérieur à ce qui est observé (rapporté au nombre d’habitants) dans la plupart des pays. On ne note pas de baisse sensible depuis 2008 si l’on tient compte de l’évolution des parts des génériques. Malgré le manque, une fois de plus, de données précises, nombre de prescriptions et de renouvellements (avec des consommations inexplicablement prolongées), semblent être en dehors des recommandations. Les indications de ces molécules sont en effet de trois ordres : (1) traitement du reflux gastro-oesophagien et de l’oesophagite qui peut le compliquer, (2) prévention et 15
traitement des lésions gastroduodénales dues aux anti-inflammatoires non-stéroïdiens chez les sujets à risque et (3) éradication d’helicobacter pylori et traitement des ulcères gastroduodénaux. L’épidémiologie des ces risques ou affections, en tenant compte des durées moyennes de traitement pour chacune d’elles, est loin de justifier le niveau de consommation observé en France.
- Contraceptifs oraux
La France n’est pas le seul pays dans lequel les contraceptifs oraux de troisième et quatrième génération (qui, au vu de leurs indications et d’un risque thrombo-embolique reconnu plus élevé, devraient constituer une prescription de seconde intention) ont été trop massivement prescrits. Elle se classe cependant à nouveau parmi les mauvais élèves. En 2009 (source : ANSM, 11 janvier 2013), les contraceptifs de troisième et quatrième génération totalisaient 34 millions de boîtes contre 30,3 pour les contraceptifs de seconde génération (théoriquement positionnés en première intention), soit respectivement 51,5 % et 49,5 %. Deux ans plus tôt, en 2007, ces pourcentages étaient de 41,6 % et 58,4 %, signe d’une promotion efficace centrée sur des produits nouveaux et plus chers. Le fait qu’une bonne part de ces prescriptions de contraceptifs «nouveaux » était médicalement non justifiée, malgré les déclarations des professionnels, est attesté par l’inversion rapide des pourcentages suite à la médiatisation de l’affaire : en avril 2013 (source ANSM), les troisième et quatrième générations ne représentaient plus que 32 % des ventes (contre 51,5 % auparavant) et celles de DIANE 35® avaient chuté de 75 % (les ventes globales de contraceptifs ne diminuant « que » de 1,9 % sur cette période).
Plus préoccupante, la récente enquête menée par les centre régionaux de pharmacovigilance français met, de plus, en exergue une forte prévalence du non-respect de précautions d’emploi et de contre-indications devant a priori être connues de tous.
- Prescriptions non conformes aux deux extrêmes de la vie
Les prescriptions sans apparente justification ou même clairement contre-indiquées sont particulièrement prévalentes dans les populations pourtant fragiles que représentent les sujets âgés et les nourrissons et jeunes enfants. Pour les premiers, les nombreuses études menées, concluent { des pourcentages très élevés (jusqu’{ deux tiers) de prescriptions a priori non justifiées ou non conformes aux recommandations, certaines d’entre elles pouvant générer une iatrogénie importante. A l’autre extrême, malgré une consommation plus faible, certaines données sont préoccupantes comme (étude menée sur la base EGB de l’Assurance Maladie) la prescription chez 10 % des nourrissons et très jeunes enfants d’un antihistaminique H1 contre-indiqué depuis 2011 ou le fait que l’on retrouve les vasoconstricteurs par voie nasale (dont les risques sont aujourd’hui bien démontrés) parmi les 10 médicaments les plus fréquemment remboursés chez les moins de 18 ans. 16
- Le problème spécifique des reports de prescription
Une source importante d’augmentation des coûts de prise en charge et de iatrogénie est l’absence de gestion des reports de prescription, soit après l’introduction d’un nouveau médicament ou d’une nouvelle classe de médicaments, soit en cas de retrait du marché ou de déremboursement :
la première situation, en bonne part induite par les campagnes de promotion, peut induire un transfert notable vers une spécialité pas forcément plus efficace, généralement plus coûteuse et parfois plus mal tolérée et dont la iatrogénie possible est forcément moins bien connue. En dehors de l’exemple historique des anti-inflammatoires de la classe des coxibs, on peut citer celui du traitement des troubles bipolaires : l’extension de l’AMM des antipsychotiques dits de deuxième génération s’est accompagnée d’un transfert vers ces médicaments au détriment des thymorégulateurs classiques (tels que les sels de lithium), beaucoup moins chers et souvent mieux tolérés (prise de poids et syndromes métaboliques parfois graves propres aux antipsychotiques de deuxième génération),
la seconde situation, aussi importante, est en général ignorée ou sous-estimée par les autorités sanitaires. En l’absence de messages clairs sur l’attitude { adopter par les praticiens, le retrait du marché ou le déremboursement (partiel ou total) d’une spécialité ou d’une classe induit généralement son « remplacement ». Les « alternatives » étant souvent plus coûteuses et parfois plus mal tolérées, « l’économie » ayant motivé le déremboursement correspond de fait a posteriori à un surcoût parfois important. Avant toute décision, les conséquences sanitaires et économiques devraient être anticipées et prises en compte et une surveillance mise en place. Pour les déremboursements partiels ou totaux, l’avis de la HAS devrait être accompagné d’une information aux prescripteurs indiquant l’attitude thérapeutique { privilégier et les alternatives de remplacement s’il y a lieu. Cet avis ne devrait pas se limiter à signaler que le médicament ou la classe « n’a pas sa place dans la stratégie thérapeutique » mais, justement, indiquer quelle est cette stratégie thérapeutique et ce qu’il convient de faire et ce qu’il convient de ne pas faire. L’exemple du déremboursement de l’EUPHYTOSE® (anxiolytique et hypnotique « doux » à base d’extraits de plantes) ayant entraîné un report de prescription massif vers les benzodiazépines avec les conséquences que l’on connaît est emblématique de ce phénomène. Celui du déremboursement des « anti-arthrosiques » (pratiquement 900 000 utilisateurs en général âgés ou très âgés) poserait le même problème (iatrogénie prévisible dans cette classe d’âge) si un report massif se faisait vers les anti-inflammatoires non-stéroïdiens.
Pour les principales classes de médicaments pour lesquelles on dispose de données comparatives, la France apparaît à chaque fois comme le pays le plus fort consommateur et celui dans lequel la prescription semble le plus fréquemment s’éloigner des recommandations et des données de la science. 17
1.3.2. Conséquences d’une situation dégradée
- Conséquences sanitaires
On ne peut que regretter que, faute d’incitation et de financement, aucune étude, d’envergure et rigoureuse, n’ait été menée en France sur les conséquences, en termes individuels, de santé publique et de coûts évitables, des prescriptions inappropriées et de l’usage non conforme. Comme mentionné plus haut, ces conséquences sanctionnent à la fois une mauvaise prise en charge ou prévention des maladies et une part importante de iatrogénie, non justifiée par un bénéfice attendu.
La iatrogénie, souvent imprévisible, fait partie du pari global (rapport bénéfice/risque) de toute instauration d’une thérapeutique. Elle devient en revanche inacceptable dès qu’un bénéfice réel ne saurait être attendu, soit du fait d’une prescription non justifiée, soit d’un traitement prescrit ou maintenu dans des conditions ne permettant pas ou plus d’attendre ce bénéfice. Cette iatrogénie a priori évitable est un fléau, malheureusement peu exploré en France ; son ampleur est considérable. Ceci est vrai même pour des médicaments présentés comme bien tolérés comme les benzodiazépines. Les données de la littérature permettent, en effet, d’estimer que 20 { 30 % des chutes graves (compliquées au minimum d’une fracture) survenant en France chez le sujet âgé, soit plus de 10 000 par an, pourraient être attribuables { l’usage de ces médicaments dont on sait qu’il ne se justifie pas ou plus dans bon nombre de cas. Les projections en nombre de cas attribuables sont encore plus préoccupante pour les cas de démence pouvant être induits par un usage prolongé de ces médicaments comme le suggèrent 7 études pharmaco-épidémiologiques menées sur ce sujet (voir : S. Billioti de Gage BMJ. 2012 ;345 : e6231).
L’exemple de la vaccination contre l’hépatite B cité plus haut est emblématique en ce sens qu’il conjugue un coût particulièrement élevé (record mondial du nombre d’injections par million d’habitants), un usage massif hors recommandations (environ la moitié des cas), une sous-protection de la population (au terme de la campagne : guère plus de 30 % de nourrissons et enfants étaient immunisés contre 80 % en Italie), une iatrogénie importante, en bonne part non justifiée et l’induction d’une méfiance, voire d’un rejet, vis-à-vis des politiques vaccinales.
Concernant l’importance de la iatrogénie en France, l’étude menée en 1998 par le réseau des centres régionaux de pharmacovigilance a estimé le nombre d’hospitalisations dans les seuls hôpitaux publics français motivées par un effet indésirable médicamenteux à 134 159 (intervalle de confiance : 85 263 – 182 637), { l’origine de 1,28 millions de journées d’hospitalisation (P. Pouyanne et al. BMJ 2000 ; 320 (7241) : 1036). D’autres études de pharmacovigilance permettent d’avancer la fourchette de 10 000 à 30 000 pour le nombre de décès attribuables chaque année en France à un accident médicamenteux.
Bien que non chiffrée, une part notable de ces accidents correspond à des prescriptions ou utilisations a priori non justifiées et donc à des cas évitables. Cette proportion est délicate à estimer : les études fondées sur les cas déclarés tendent à la sous-estimer, tandis que toute prescription non conforme chez un patient présentant un effet indésirable n’en est pas forcément la cause. Un pourcentage de 20 % à 30 % paraît une 18
estimation basse raisonnable si l’on se fie aux rares estimations françaises (A.P Jonville-Béra et al. Drug Safety. 2009 ; 32 (5) : 429-40) et à celles provenant de pays étrangers (Royaume Uni principalement) dans lesquels les recommandations de prescription et d’usage sont généralement mieux respectées. Par exemple, dans leur méta-analyse de 16 études sur les causes d’hospitalisation pour effet indésirable (72 925 sujets au total), K.M. Hakkarainen et al. (PLoS ONE 2012 ; 7 (3) : e33236) avancent un pourcentage de cas évitables de 45 à 52 %. F. Ahern et al. (Emerg Med J 2013. doi:10.1136/emermed-2012-201945) dans une étude menée en Irlande concluent à 57,3 %, l’estimation de M. Pirmohamed (BMJ 2004, 329 (7456) : 15-9) étant de plus de 70 % (région de Liverpool).
- Conséquences économiques
Sur ce plan, on ne dispose pas non plus d’une estimation crédible sur le coût supporté chaque année par l’Assurance Maladie (toutes branches confondues) du fait des conséquences de la haute prévalence des prescriptions et des utilisations non conformes. Ce coût est considérable (probablement supérieur { 10 milliards d’euros par an) car, comme mentionné ci-dessus, il inclut non seulement les remboursements non justifiés de médicaments et des consultations et actes biologiques que ces prescriptions induisent (le dosage du « cholestérol » pour les statines) mais surtout les coûts induits par les maladies mal ou non prises en charge ou non prévenues et par la iatrogénie évitable (conséquences immédiates, hospitalisations, séquelles, examens complémentaires, etc.).
- Perte d’image et de confiance
Même si au plan international de nombreuses crises sanitaires ont émaillé l’histoire moderne du médicament, force est de constater que la France occupe, tant par l’ampleur que par la fréquence de ces crises, une place particulière. Certaines crises sont pratiquement spécifiques { notre pays (vaccination contre l’hépatite B, MEDIATOR®), les autres y prennent une ampleur particulière (contraceptifs oraux, DIANE 35®, psychotropes, etc.). Ces crises ont mis en difficulté les autorités sanitaires du fait de la double particularité de notre pays : mésusage souvent plus massif qu‘ailleurs et absence de données précises (nombre et caractéristiques des personnes traitées, motifs de prescription, facteurs de risque, etc.). Cette gestion incessante de l’urgence nuit à la sérénité des décisions et provoque l’étonnement de nos voisins européens.
Ces crises ont également gravement altéré l’image du système de gestion et d’évaluation dans son ensemble et tout simplement celle du médicament vécu aujourd’hui par beaucoup plus comme un risque à éviter que comme un outil majeur de santé publique.
Hormis le MEDIATOR® qui est pratiquement une affaire spécifiquement française, il est intéressant de noter que les autres relèvent de problématiques débattues dans d’autres pays mais ayant émergé bien plus tard dans le nôtre sous la forme d’une crise ou d’un « scandale ». Elles présentent quatre points communs :
les risques mis en exergue ne sont nullement nouveaux, souvent connus depuis de nombreuses années,
19
elles concernent des médicaments très largement utilisés chez des personnes généralement en bonne santé (vaccins, contraceptifs, majorité des psychotropes, etc.),
pour une part non négligeable, le médicament semble avoir été utilisé en dehors des recommandations de bon usage, une part notable du risque attribuable étant de plus observée dans la population pour laquelle le bénéfice ne paraît pas évident,
la communication et les décisions des autorités de santé ont été rendues délicates par le manque de données précises sur le nombre des utilisateurs concernés et la proportion d’utilisation hors recommandations.
L’impact sanitaire et économique (qu’il conviendrait de chiffrer par une étude adéquate) des prescriptions et de l’utilisation hors recommandations des produits de santé en France est, de toute évidence, considérable ; tant par le nombre des maladies et complications qui pourraient être évitées par une prise en charge optimisée que par la iatrogénie évitable (respectivement, plusieurs centaines de milliers de cas et certainement plus de dix milliards d’euros par an).
2. COMMENT AGIR SUR LES PRESCRIPTIONS ET L’USAGE NON CONFORMES ?
Les causes de « l’exception française » sont probablement nombreuses et dépendantes en bonne part de l’organisation de notre système de soins et de remboursement ainsi que du faible niveau de culture de santé publique qui caractérise notre pays.
Si agir sur ces facteurs pourrait se révéler complexe, trois leviers majeurs sont accessibles :
celui de la connaissance en temps réel de ce qui se prescrit, à qui, comment et pourquoi,
celui de la formation des professionnels de santé, en général trop peu entraînés aux raisonnements de base qui fondent la bonne prescription et l’usage rationnel,
celui d’une information immédiatement disponible et accessible pour ces professionnels et de messages clairs à destination de la population qui, du fait du laisser-faire et des erreurs passés, a perdu ses repères sur la nature et la place réelle du médicament en santé.
Ce sont ces trois possibilités d’action qui seront détaillées dans les chapitres suivants du fait qu’elles nous paraissent constituer des priorités immédiates simples à mettre en oeuvre, pour un coût minime si on le compare à celui induit par la persistance de la situation actuelle. 20
3. CONNAITRE L’USAGE DES MEDICAMENTS DANS LA VIE REELLE : LA CLEF DE BIEN DES PROBLEMATIQUES
Longtemps considérée comme la branche pauvre de la pharmaco-épidémiologie, l’étude d’usage (drug utilization study), est de fait un préalable indispensable, parfois suffisant de l’évaluation d’un médicament en conditions réelles. Les informations qu’elle est susceptible de fournir (nombre de personnes utilisatrices, motifs de prescription et d’utilisation, conditions d’utilisation, etc.) permettent le plus souvent de tirer des conclusions sur le respect ou non des règles de bon usage et, le cas échéant, d’identifier bon nombre des « anomalies » qui, faute d’être gérées à temps, peuvent générer une crise sanitaire et/ou médiatique.
Il est par essence difficile de piloter une politique en matière de produits de santé sans disposer en temps réel de données ou d’estimations fiables sur les niveaux et les motifs de prescription et de consommation. Ceci, non seulement à cause des motifs évoqués plus haut mais également du fait qu’en cas de crise, les premières informations dont il convient de disposer sont justement celles-là.
3.1. Données disponibles en France pour étudier la prescription et l’usage des produits de santé
3.1.1. Bases de données de l’Assurance Maladie
En France, le système de protection sociale d'assurance maladie, composé de plusieurs régimes spécifiques, couvre toute la population, c'est-à-dire 65 millions d'habitants en 2010. Le régime général (Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, CNAMTS), couvre environ 86 % de la population résidant en France. La caisse nationale d'assurance pour les salariés et les exploitants agricoles (Mutuelle Sociale Agricole, MSA) et celle des travailleurs indépendants (Régime Social des Indépendants, RSI) représentent 5 % chacune, 12 régimes supplémentaires couvrant les 4 % restants de la population.
- Le SNIIRAM-PMSI
Le système d'information appelé SNIIRAM (Système National d’Informations Inter-Régimes de l'Assurance Maladie) contient des données exhaustives individualisées et anonymes sur tous les remboursements des dépenses de santé. Cette information peut être chaînée avec la base de données du PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information), qui fournit des informations médicales pour tous les patients hospitalisés, y compris les codes de diagnostic avec la CIM-10 (10ème version de la Classification Internationale des Maladies). La mise en oeuvre du SNIIRAM a reçu l'accord de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). Pour les personnes couvertes par le régime général, { l’exception des sections locales mutualistes, soit 49,7 millions de personnes, le taux d'appariement entre les données de remboursement et la base de données d'hospitalisation était de 97 % à partir de 2007 et d’environ 90 % en 2006. 21
Sur les personnes, sont renseignées l’âge, le sexe, la notion de CMU-C, le département et la région de résidence et (depuis 2009) la date de décès. La base de données de remboursement enregistre de manière exhaustive toutes les dépenses de soins de santé qui sont remboursées, y compris les médicaments (code CIP), les dispositifs médicaux, les soins médicaux ambulatoires et les soins infirmiers, prescrits ou exécutés par un professionnel de la santé (médecins généralistes, spécialistes, infirmières, biologistes, pharmaciens, etc.), les examens biologiques. Cette base de données médico-administratives ne renseigne pas directement sur l’indication médicale (diagnostic) de chaque remboursement, mais fournit les diagnostics sur plusieurs maladies chroniques qui sont considérées comme des maladies de longue durée graves et coûteuses ou ALD (Affection de Longue Durée). Ces malades en ALD sont remboursés à 100 % sur demande du patient ou de sa famille et du médecin traitant, après accord d'un médecin de l’assurance maladie. Les ALD sont codées selon la CIM-10. Les admissions pour séjour de courte durée ou hospitalisation de jour dans les hôpitaux publics et privés sont enregistrées et documentées dans le PMSI, en particulier les diagnostics de prise en charge qui sont codés avec la CIM-10. En outre, des groupes homogènes de malades (GHM) sont également disponibles, afin de classer les patients dans les sous-groupes selon les procédures médicales et les diagnostics de prise en charge. Les actes médicaux importants dit classant sont renseignés dans le PMSI et codés selon la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM). L’activité externe des hôpitaux est renseignée depuis 2009. On dispose aussi des médicaments et dispositifs facturés en sus.
Il n’y a pas de données cliniques (exhaustivité des diagnostics, indice de corpulence, prssion artérielle, etc.), para-cliniques (résultats d’examens), de notion d’antécédents personnels ou familiaux, de données sociales, environnementales ou d’informations sur d’éventuels facteurs de risque ; toutes informations utiles pour ajuster sur les facteurs de risque de survenue de certaines pathologies (risque cardiovasculaire augmenté chez les fumeurs ou en cas de diabète mal contrôlé, formes familiales de certains cancers, etc.). L’intégration des causes de décès est en cours.
Les données accessibles en ligne concernent 3 ans plus l’année en cours. A partir de 2006, les données ont été conservées avec accès possible après accord de la CNIL.
Pour les études impliquant des produits de santé, la CNAMTS a un accord cadre avec la CNIL et une procédure simplifiée existe de façon à pouvoir répondre à des saisines de l'ANSM ou du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé dans des délais brefs. Outre les éléments habituels sur le protocole, la CNAMTS doit déclarer le nom des statisticiens spécifiquement chargés du traitement des données, avec, en complément, un courrier du Directeur Général de la CNAMTS aux informaticiens autorisant l'accès aux données archivées pour l'étude considérée.
- L’Echantillon Généraliste de Bénéficiaires (EGB)
L’Échantillon Généraliste de Bénéficiaires (EGB) est un échantillon permanent au 1/97ième représentatif de la population protégée par l’Assurance Maladie, qu’elle ait ou non perçu des remboursements de soins. Il regroupe actuellement les données du SNIIRAM d’un peu plus de 600 000 bénéficiaires du régime général ({ l’exception des 22
fonctionnaires et des étudiants), et, depuis 2011, celles du Régime Social des Indépendants (RSI) et de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). Les données sont conservées sur une période de 20 ans à partir de 2004. Cet échantillon permet de réaliser des études longitudinales et de reconstituer l’ensemble du parcours de soins des patients sur une longue période, que ce soit en ville ou { l’hôpital, notamment grâce aux données du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI). Par rapport aux systèmes étrangers (Royaume-Uni, Danemark), la taille est un peu limitée pour servir dans le contexte de l’utilisation des médicaments, même pour les prescriptions fréquentes comme les statines ou les médicaments psychotropes. Un échantillon au 1/10ième serait plus approprié dans ce contexte.
La liste des organismes autorisés { accéder { l’EGB est fixée par arrêté ministériel : Ministères (santé, sécurité sociale et finances) et services déconcentrés, Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance Maladie (HCAM), Institut des Données de Santé (IDS), Union Nationale des Professions de Santé (UNPS), Haute Autorité de Santé (HAS), Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), Institut de Veille Sanitaire (InVS), Institut National du Cancer (INCa), Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé (IRDES), Centre technique d’appui et de formation des Centres d’examens de santé (CETAF), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM). Tout autre organisme public de recherche, université, école ou autre structure d’enseignement liée à la recherche peut obtenir un accès après approbation de l’Institut des Données Santé (IDS).
3.1.2. Les cohortes
Pour certaines pathologies, le recours à une cohorte spécialisée peut être plus utile que le SNIIRAM du fait de la disponibilité des données de diagnostic et de facteurs de risque. Les cohortes existantes en France sont décrites sur le portail Epidémiologie – France (https://epidemiologie-france.aviesan.fr/catalog/browse.jsp). Outre l’utilisation du SNIIRAM en tant que tel, il est possible de demander un chaînage des données du SNIIRAM avec des données de cohorte, pour les participants à la cohorte ayant donné leur accord à un tel chaînage, après demande auprès de l’IDS et accord de la CNIL, en mettant en place un procédure de chaînage excluant l’accès au NIR pour les chercheurs.
- La cohorte Constances
Constances est une cohorte épidémiologique « généraliste » constituée d'un échantillon représentatif qui comprendra d’ici 5 ans 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l’inclusion, consultants dans 17 Centres d'examens de santé (CES) de la Sécurité Sociale. L’objectif de Constances est de constituer une plateforme largement ouverte à la communauté des chercheurs et de la santé publique, afin de contribuer au développement de la recherche épidémiologique et de fournir des informations à visée de santé publique. L’avantage de cette cohorte est de comprendre beaucoup des données qui ne sont pas présentes dans le SNIIRAM (facteurs de risque, exposition, adresse géocodée, etc.) et d’être chaînée avec les données du SNIIRAM (une fois par an), 23
du CépiDc (causes de mortalité) et de la Caisse nationale d’assurance Vieillesse (Déclarations Annuelles des Données Sociales, Données Nominatives Trimestrielles, chômage, absences pour maladie, Revenu de Solidarité Active, maternité). Les inclusions sont en cours (15 à 20 000 personnes étaient incluses en juin 2013). Le projet, financé dans le cadre des investissements d’avenir, fait l’objet d’un partenariat entre l’INSERM, l’Université Versailles Saint-Quentin et la CNAMTS, avec le soutien du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé (Direction Générale de la Santé).
Même si sa taille (200 000 personnes) ne sera pas suffisante en tant que telle pour beaucoup des questions susceptibles de se poser dans le cadre de l’utilisation des médicaments, elle pourrait être utilisée pour étudier l’influence des facteurs de confusion potentiels non présents dans la base du SNIIRAM sur le résultat des études et donc pour valider ou invalider les résultats obtenus à partir de la base de données du SNIIRAM dans l’étude de l’association entre une exposition { un ou des médicaments et la survenue d’un événement clinique. Sous réserve de financements complémentaires ciblés, la cohorte pourrait aussi permettre la surveillance de l’utilisation des médicaments, du moins pour ceux dont la fréquence d’utilisation est suffisante.
- Les autres cohortes
Si Constances représente un outil particulièrement intéressant du fait de la représentativité de la population incluse et par la présence d’un grand nombre de variables non accessibles dans les bases de l’Assurance Maladie, d’autres cohortes, de taille plus limitée, sont potentiellement d’un grand intérêt dès lors que l’on s’intéresse { une population particulière comme :
les sujets âgés : cohorte PAQUID fournissant un suivi de 23 ans pour 3777 sujets âgés de 65 ans et plus { l’inclusion ; Etude des 3 Cités ou 3C ayant inclus 9294 sujets de 65 ans et plus en 1999, les données étant chaînées avec celles du SNIIRAM),
les femmes nées entre 1925 et 1950 (étude E3N suivant 100 000 femmes recrutées dans le fichier de la MGEN),
les 17-25 ans (cohorte i.Share projetant le suivi sur 10 ans de 30 000 étudiants recrutés auprès des universités de Bordeaux et de Versailles Saint-Quentin),
les sujets présentant une pathologie donnée comme :
la cohorte HEPATHER (25 000 personnes porteuses d’une hépatite B ou C),
l’Observatoire Français de la Sclérose en Plaques (OFSEP) soutenu par le programme « investissements d’avenir »,
la cohorte FHDH (plus de 100 000 personnes porteuses de l’infection { VIH),
la cohorte CKD Rein, soutenue par le programme « investissements d’avenir » prévoyant le suivi de 3 600 insuffisants rénaux pendant au moins 5 ans
ou, pour le diabète, le programme ENTRED (Echantillon National Témoin REprésentatif des personnes Diabétiques) géré par l’InVS { partir des données de l’Assurance Maladie.
3.1.3. Le Dossier Pharmaceutique
Le Dossier Pharmaceutique (DP) recense, pour chaque bénéficiaire de l'Assurance Maladie qui le souhaite, tous les médicaments délivrés au cours des quatre derniers 24
mois, qu’ils soient prescrits ou non. Le DP a été créé par la loi du 30 janvier 2007 relative { l’organisation de certaines professions de santé. Sa mise en oeuvre a été confiée au Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens. A l’heure actuelle, le système est implanté dans 98 % des pharmacies d’officine et environ 30 millions de personnes ont un dossier pharmaceutique. Depuis sa création, des services complémentaires ont été développés, dont DP-suivi sanitaire (voir ci-dessous).
Le DP contribue à sécuriser la dispensation des médicaments en permettant de minimiser les risques d’interaction entre médicaments et les traitements redondants. Il aide le pharmacien à agir efficacement contre la iatrogénie médicamenteuse. Le DP permet également une meilleure coordination des soins entre la ville et l’hôpital. En effet, depuis octobre 2012, les pharmaciens des pharmacies à usage intérieur (PUI) peuvent accéder au DP dans les mêmes conditions que les pharmaciens d’officine. En complément, depuis début 2013 et jusqu’en décembre 2014, une expérimentation ouvre l’accès du DP { certains médecins hospitaliers. Peuvent y accéder des anesthésistes-réanimateurs, des médecins exerçant dans les structures d’urgence et dans les structures de médecine gériatrique.
DP-suivi sanitaire
La base anonyme du DP permet de contribuer au suivi sanitaire. Les données anonymes sont archivées chez un hébergeur de données de santé. Les données concernent tous les médicaments délivrés, prescrits ou en vente libre, remboursés ou non, ainsi que le département de délivrance, l’âge et le sexe du patient, la date de délivrance, la quantité délivrée et le dosage. Prochainement les co-dispensations d’un même patient pourront être chaînées. La base de données est régulièrement actualisée et peut donc, dans la limite des données disponibles, répondre à des questions portant sur des pratiques en cours.
La loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 permet au Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, { l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) et { l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) d’accéder, sur demande, pour des raisons de santé publique, aux données anonymes des DP. Ces statistiques constituent un outil d’aide { la décision, dans la mesure où elles offrent une meilleure visibilité de la consommation de médicaments de la population.
3.1.4. Déclarations de ventes et données « taxes »
Même si elles ne fournissent, par définition, aucun renseignement direct sur les motifs et conditions d’utilisation ni sur les profils des utilisateurs, ces statistiques, dont l’ANSM a communication régulière via les firmes pharmaceutiques opérant sur le territoire français, sont précieuses, ne serait-ce que parce qu’elles renseignent de façon fiable sur le nombre de conditionnements vendus, prescrits ou non, remboursés ou non, durant une période donnée.
Par exemple, les déclarations de ventes sont aujourd’hui beaucoup plus informatives que dans le passé et parfois accompagnées de données sur le type de consommateur (âge, sexe, etc.) pour la spécialité concernée. 25
Les données « taxes » ont le double intérêt de renseigner sur le chiffre d’affaire réel pour chaque spécialité mais surtout d’être transmises tous les deux mois ce qui permet de suivre, de manière assez précise, un profil de consommation au cours du temps.
3.1.5. Centres de pharmacovigilance et de pharmacodépendance
Bien que leur activité soit centrée sur la détection, l’évaluation et la prévention des effets indésirables des médicaments et sur leur déviation d’usage { des fins d’addiction, le matériau recueilli par ces centres (plus de 25 000 cas par an) constitue une source importante d’identification de mauvais usage (cas avec une prescription ou un usage non conformes : non respect des indications, des contre-indications et précautions d’emploi, de la posologie, du rythme ou de la durée, etc.). De telles informations devraient faire impérativement partie du matériau de veille sur lequel travaillerait la structure dont la mise en place sera la recommandation principale de ce rapport (voir Recommandation n° 1 en 6.2). A titre d’exemple, une étude menée par le Centre Régional de Pharmacovigilance de Tours identifiait 32 % de prescriptions inappropriées parmi les cas d’effets indésirables qui lui avaient été notifiés (A.P Jonville-Béra et al. Drug Safety. 2009 ; 32 (5) : 429-40). L’implication des centres régionaux de pharmacovigilance est de plus justifiée par le fait que la récente Directive Européenne sur la pharmacovigilance (Directive 2010/84/UE publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne du 31 décembre 2010, applicable en juin 2012) élargit la définition des effets indésirables aux conséquences d’utilisations non conformes au RCP.
3.1.6. Les systèmes privés existant en France
- Recueil de données longitudinales de patients à partir d’observatoires de médecins libéraux informatisés
Deux systèmes sont disponibles :
Le Longitudinal Patient Database, LPD (ex-Thalès, CEGEDIM),
Le Disease Analyzer (DA, IMS).
Ces deux systèmes permettent un suivi longitudinal du patient, il est possible de rajouter des écrans ad-hoc pour renseignements supplémentaires. Le nombre de données accessibles est très important et inclut un historique. Le codage utilise les codes CIM10 pour les diagnostics et les codes CIP pour les médicaments. Les bases ne comprennent aucune donnée hospitalière, ni provenant de spécialistes libéraux. Il n’existe pas de chainage médecins généralistes-médecins spécialistes-Hôpital et les visites à domicile ne sont pas renseignées.
- Le Longitudinal Patient Database (LPD)
Panels :
1 panel 1200 médecins généralistes,
8 panels pour un total de 750 spécialistes libéraux (cardiologie, gastro-entérologie, gynécologie, neurologie, pédiatrie, pneumologie, psychiatrie, rhumatologie).
26
Méthodologie : recueil des données sur la base du logiciel dossiers patients (Doc’Ware).
Informations recueillies :
profil du médecin (taille du panel permet une déclinaison niveau ARS),
diagnostics, symptômes, facteurs de risque, ALD,
profil administratif du patient (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle),
profil médical du patient (poids, taille, indice de masse corporelle, biologie, pression artérielle, fréquence cardiaque, etc.),
informations sur le traitement et ses modalités : dates de prescription, posologie, durée d’ordonnance.
- Le Disease Analyzer
Panel : 1200 médecins généralistes.
Méthodologie : recueil des données à partir de 5 logiciels de gestion de cabinet issus d’éditeurs indépendants.
Informations recueillies :
profil du médecin (la taille du panel permet une déclinaison au niveau régional),
profil administratif du patient (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle),
diagnostic,
profil médical du patient (poids, taille, indice de masse corporelle, biologie, pression artérielle, fréquence cardiaque, etc.),
informations sur le traitement et ses modalités : dates de prescription, posologie, durée d’ordonnance.
- Recueil de données transversales sur les prescriptions et les diagnostics des médecins libéraux avec notion d’effet attendu mais sans suivi longitudinal : l’EPPM
L’EPPM (Etude Permanente de la Prescription Médicale, ex-DOREMA, IMS) concerne les consultations en cabinet ou { domicile, la notion d’effet attendu de la prescription est documentée, ainsi que le diagnostic principal, les comorbidités, les prescriptions et co-prescriptions. Il n’y a pas de données d’origine hospitalière, pas de suivi longitudinal, pas de notion de durée de traitement au-delà de la durée d’une ordonnance.
Panel : 400 médecins généralistes et 435 spécialistes libéraux (angiologie, cardiologie, dermatologie, gastro-entérologie, gynécologie, neurologie, ophtalmologie, ORL, pédiatrie, pneumologie, psychiatrie, rhumatologie).
Méthodologie :
médecins panélisés 1 semaine par trimestre,
utilisent un carnet de prescriptions + renseignements supplémentaires.
Informations recueillies :
profil du médecin (spécialité, âge, sexe, convention, exercice, région),
profil administratif du patient (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle),
diagnostics,
traitement et ses modalités : effet attendu du produit, posologie, durée de traitement de la prescription.
27
- Recueil de données de dispensations de médicaments à partir de données Pharmacies et chaînage de ces délivrances sur la base d’une « clé » et d’un « faisceau d’indices » : Méthodologie LRX (IMS)
Ce système permet le suivi longitudinal indépendamment du prescripteur. Les données patient sont chaînées sur une base probabiliste. Il n’y a pas de données sur le diagnostic ni les prescriptions additionnelles (biologie, radiologie, etc.) et les patients sans mutuelle et ceux affiliés aux régimes spéciaux sont exclus.
Panel : 13 800 pharmacies (réseau PharmaStat).
Méthodologie : chaînage des dispensations en pharmacie et identification de profils patients sur la base d’une « clé » (année de naissance, centres payeurs) et de « faisceaux d’indices » (pharmacie, prescripteurs, date de délivrance, panier de produits, etc.).
Informations recueillies :
quantification des patients exposés (nouveaux patients, arrêts de traitement),
quantification des durées de traitement,
estimation des comorbidités.
Ces différents systèmes peuvent être utilisés pour répondre à la question : « Les médicaments sont-ils utilisés dans le cadre de leur AMM et de leurs conditions de remboursement ? » avec les limites suivantes :
Les indications sont-elles respectées ?
LPD, DA, EPPM : oui avec un degré de précision variable,
LRX : non.
La durée de traitement et la posologie respectent elles l’AMM ?
LPD, DA : oui,
EPPM : posologie seulement,
LRX : durée de traitement seulement.
Le profil patient (âge, respect des contre-indications et des précautions, comorbidités et co-prescriptions) est-il le bon ?
LPD, DA : oui avec un degré de précision variable,
EPPM : partiellement,
LRX : oui pour l’âge et les co-prescriptions.
Il serait important de valider la qualité du codage et la représentativité de ces différents systèmes dans le cadre de publications scientifiques pour valider leur utilisation en termes d’analyse de prescriptions.
(Source : Groupe de Travail n° 2 des Assises du Médicament).
- Le programme PGRx
Ce programme a été mis en place en 2007 par la Société LASER (www.la-ser.com) pour constituer une base de sujets témoins facilitant la réalisation d’études pharmaco-épidémiologiques, notamment de type cas-témoins. PGRx constitue de fait un échantillon représentatif de la population française (comparable quant à ses caractéristiques aux données DREES) utilisable pour l’étude des pratiques de 28
prescription, de consommation et de recours aux soins. 18 000 sujets ont été sélectionnés auprès de médecins généralistes (sur la base de séries de 12 patients avec stratification) ; un interrogatoire permettant de renseigner un assez grand nombre de variables : âge, sexe, région géographique, motif de consultation, comorbidité, données biologiques et prise de médicaments (prescrits ou non). Pour 14 800 sujets (82 % du total), un interrogatoire plus complet renseigne sur les principaux facteurs de risque, les durées de traitement et l’observance).
D’autres expériences, publiques ou privées, ont été testées ou proposées :
Xpr-SO (CELTIPHARM), basé sur un panel de 3004 pharmacies, qui documente les achats, stocks et ventes de médicaments en pharmacie d’officine en temps réel (extrapolation par la méthode des quotas). CELTIPHARM a un projet (non opérationnel { l’heure actuelle) d’études épidémiologiques à partir de données issues des feuilles de soins électroniques anonymisées (incluant le contenu des ordonnances, l'âge des patients, l'origine et la spécialité des médecins prescripteurs, les types de mutuelles souscrites, les montants remboursables, etc.).
L’IRDES a conduit en coopération avec l’Observatoire de la Médecine Générale, une expérimentation appelée PROSPERE (Partenariat pluridisciplinaire de Recherche sur l’Organisation des Soins de premiers REcours) d’appariement probabiliste entre les données de l’Observatoire et celles du SNIIRAM. L’objectif était de tester la faisabilité d’un outil de recherche et d’analyse appariant des données médicales (diagnostics et pratiques) et de remboursement (dépenses remboursées et recours au système de soins).
Le projet Bridge (Bénéfices et Risques des produits de santé en vie réelle : une base de Données pharmaco-épidémiologiques en Médecine Générale) se proposait de faire le lien entre les données cliniques issues des logiciels de gestion de cabinets médicaux en médecine générale, les données de l'Assurance Maladie, le PMSI et les causes de décès, regroupant à terme les données de 6 millions de patients, dans un système permettant le suivi en temps réel des risques même rares. Ce projet soumis { l’appel d’offres « infrastructures » du Grand Emprunt n’a pas été retenu.
3.2. Expériences étrangères
3.2.1. Royaume Uni
Le Royaume-Uni a très tôt compris l’intérêt d’un accès, largement ouvert, aux données de santé enregistrées et de leur croisement. On dénombre de fait de nombreuses expériences et réalisations en ce domaine, locales, régionales ou généralisées à l’ensemble du territoire (ex : Prescription Event Monitoring à Southampton, PEM ; Medicines Monitoring Unit, MEMO de la Dundee University, etc.). 29
Cette volonté d’optimiser l’utilisation des ressources en santé a également pour objectif d’aider l’industrie pharmaceutique nationale et de rendre la Grande Bretagne attractive pour les chercheurs, y compris étrangers. Nous nous centrerons sur deux réalisations, particulièrement emblématiques.
- La General Practice Research Database (GPRD) : une référence
Ce programme est souvent considéré comme la référence en matière de bases de données utilisables pour la pharmaco-épidémiologie. Ceci tient essentiellement au fait que le programme n’a pas été dérivé d’une base administrative préexistante mais conçu dès l’origine par son fondateur (Alan Dean, un médecin généraliste de l’Essex) dans une optique de production d’indicateurs statistiques et de recherche. Une autre particularité, rendant malheureusement le programme non directement transposable en France, est le fait que dans le système de soins britannique (National Health System), le médecin généraliste est la « plaque tournante » par laquelle transitent toutes les informations pertinentes (consultations de spécialistes, examens de laboratoire et d’imagerie, hospitalisations, décès, vaccinations, etc.). En 1987 (Référence : Wikipedia.org/wiki/Clinical_Practice_Research_Datalink), Dean fonde la société VAMP (Value Added Information Medical Products Ltd) qui démarche environ mille cabinets médicaux (approximativement 3 000 médecins généralistes) proposant la mise { disposition d’un système informatique pour constituer un réseau centralisé avec extraction quotidienne des informations dont la confidentialité est garantie par un cryptage permettant cependant un retour vers le médecin. Très tôt, l’une des forces du réseau a été la validation, par retour au médecin, voire au malade, des informations saisies (erreurs de codage, validité des diagnostics, etc.).
En novembre 1993, VAMP est acquise par Reuters Health qui la cède en 1994, au UK Departement of Health ; elle prend le nom de General Practice Research Database (GPRD) et est exploitée par l’Office for National Statistics (ONS). En 1999, GPRD est acquise par l’agence anglaise du médicament ou MCA (Medicines Control Agency) qui devient MHRA (Medicines and Healthcare products Regulatory Agency) après sa fusion avec la MDA (Medical Devices Agency). En 2007, GPRD, en tant que sous-division de la MHRA, s’allie avec la société IMS Health dans le but de croiser ses données avec celles du IMS Disease Analyzer qui rassemble des données de prescription portant sur plus de 20 millions de personnes. Reposant sur une taille de population (environ 3 millions) et une durée de suivi (au moins dix ans) suffisantes pour la majorité des applications en pharmaco-épidémiologie, sans biais apparent de représentativité, conçue dès le départ dans une perspective de recherche avec des données dont la validité est régulièrement vérifiée, la GPRD représente pratiquement ce qui peut se faire de mieux dans le domaine des outils disponibles pour l’évaluation post-AMM des médicaments. Les publications et communications scientifiques valorisant les informations de cette base sont, de ce fait, extrêmement nombreuses. 30
- Le Clinical Practice Research Datalink, CPRD
En mars 2011, le gouvernement britannique lance son Growth Plan destiné à rendre l’économie du pays plus compétitive. A l’opposé de la vision ayant jusque-là prévalu en France (un projet de ce type y étant seulement vu comme un coût et non comme un investissement d’optimisation et de développement économique), parmi les mesures figure « le soutien aux projets de croisement des données électroniques de santé de manière à placer le Royaume Uni en position mondiale stratégique pour la recherche en santé ». (Référence : Department of Health. « Launch of the Clinical Practice Research Data Link ». Department of Health, UK. https://www.gov.uk/government/news/launch-of-the-clinical-practice-research-datalink).
Le CPRD est créé le 29 mars 2012 dans cet objectif par la MHRA et le Department of Health’s National Institute for Health Research (NIHR), la GPRD devenant l’un de ses principaux fournisseurs de données. De fait, le CPRD croise les données électroniques de différentes sources (entre autres, celles de registres de maladies et de cancer) de manière à permettre aux institutions, chercheurs et industriels d’accéder à des informations anonymisées de haute qualité comprenant notamment :
les données socio-démographiques des patients,
leur statut socio-économique,
leurs éventuels facteurs de risque (rapport poids/taille, alcool, tabac),
les examens complémentaires, en particulier biologiques,
les motifs de consultations,
les affections présentées par les sujets (codées par les médecins),
les médicaments, qu’ils soient prescrits en soin primaire ou { l’hôpital,
les éventuels motifs d’arrêt de ces traitements,
les motifs d’admission { l’hôpital ou de consultation spécialisée.
L’objectif du programme est d’étendre la collecte de ces données croisées à la population entière du territoire, soit 64 millions d’habitants.
Ces deux expériences (GPRD et CPRD) sont emblématiques par le fait qu’elles ont été portées par une vision macro-économique moderne et une volonté de bâtir un système très performant à l’accès largement ouvert, en agrégeant outils et compétences d’origines tant publique que privée.
3.2.2. Danemark
Dans ce pays de près de 5,6 millions d’habitants, le système de santé est basé sur la gratuité et financé par l’impôt. Près de 98 % des résidents sont inscrits auprès d’un médecin généraliste. Les principales données utilisables pour réaliser des études sur l’usage du médicament sont listées ci-dessous :
Le Danish Civil Registration System est la liste des résidents du Danemark existant depuis 1968, avec un identifiant unique sur 10 chiffres attribué à la naissance ou lors de l’immigration. Ce registre est actualisé tous les jours. Il est géré par Statistics Denmark. L’identifiant (CPR number) est utilisé dans tous les registres publics permettant le chaînage des données des différents registres. Statistics Denmark dispose des données d’âge, de sexe, de résidence, de
31
nombre d’années d’études, de niveau scolaire atteint, de date d’immigration au Danemark, d’émigration en dehors du Danemark et de statut vital.
Le registre national des patients (National Patient Register) contient les diagnostics de sortie relatifs à toutes les hospitalisations en hôpitaux publics ou privés depuis 1977. Les diagnostics sont codés avec la CIM 10 depuis 1994 (CIM 8 auparavant). Le registre contient aussi les codes des actes de chirurgie effectués dans tous les hôpitaux publics ou privés, ainsi que les issues de grossesse et l’âge gestationnel correspondant. Ce registre est géré par le National Board of Health et Statistics Denmark qui dispose d’un copie actualisée pour le chaînage à des fins de recherches.
Le registre national des causes de décès (Register of Causes of Death) contient les données relatives aux causes et à la date de décès des ressortissants du Danemark. Ce registre est géré par le National Board of Health.
Le registre national des produits pharmaceutiques (Register of Medicinal Product Statistics) recense depuis 1994 les produits pharmaceutiques vendus quel que soit le lieu de vente (pharmacies d’hôpital depuis 1997, ventes hors pharmacies depuis 2001), en utilisant les codes ATC ainsi que les quantités en nombre de jours. Ce registre est géré par la Danish Medicine Agency et Statistics Denmark qui dispose d’une copie actualisée pour le chaînage à des fins de recherche.
L’accès aux données, obtenu auprès de Statistics Denmark, se fait via internet et les utilisateurs ne peuvent pas copier les fichiers sur leurs propres machines. En revanche, les logiciels d’analyse statistique (SAS, STATA, etc.) sont disponibles en ligne pour permettre aux utilisateurs de concevoir et réaliser leur analyses, les listings sont envoyés régulièrement par mail aux utilisateurs. Il est possible de chaîner les données avec ses propres données d’études et l’ensemble des données est alors stockée sur les serveurs de Statistics Denmark.
Pour avoir accès aux données, il faut faire partie d’une institution autorisée par Statistics Denmark. Seules les institutions de recherche permanentes avec un responsable désigné et plusieurs chercheurs peuvent être autorisées. L’institution doit être danoise et les chercheurs étrangers doivent donc passer un accord avec une institution autorisée au Danemark pour obtenir un accès aux données (qu’ils pourront alors analyser en ligne comme les autres utilisateurs).
Depuis 2000, les autorisations d’études spécifiques sont délivrées par la Data Protection Agency, en sachant que les études basées sur des registres n’ont pas besoin de l’avis d’un comité d’éthique.
Sources:
http://www.ssi.dk/English/HealthdataandICT/Health%20data/Registries/Register%20of%20Medicinal%20Products%20Statistics.aspx
Thygesen LC, Daasnes C, Thaulow I, Bronnum-Hansen H. Introduction to Danish (nationwide) registers on health and social issues : access, legislation, and archiving. Scandinavian Journal of Public Health 2011; 39 (suppl 7) :12-6. 32
3.2.3. Canada
La situation du Canada (35 millions d’habitants) est intéressante comme exemple de bases de données, au départ administratives à visée purement comptable, mises à disposition de chercheurs. Chacune des dix provinces de la Fédération gère son propre système de remboursement de soins au moyen d’une base dont certaines sont depuis longtemps des références en pharmaco-épidémiologie. On peut citer celle de la province de la Saskatchewan [base de données rassemblant l’ensemble des informations pertinentes sur la totalité de la population de l’état (1,01 millions d’habitants) et permettant un suivi historique pouvant aller jusqu’{ 14 ans], de la Colombie Britannique, de l’Ontario avec l’Ontario Drug Benefit Program (ODB) dont les données sont gérées par une équipe spécifique (ISIS) et, celui du Québec (8,1 millions d’habitants) avec la Régie d’Assurance Maladie du Québec (RAMQ).
- Régie d’Assurance Maladie du Québec (RAMQ)
Autrefois essentiellement limitée aux personnes âgées et aux déshérités, l’Assurance Maladie du Québec est, depuis 1997, ouverte { l’ensemble des personnes qui ne sont pas bénéficiaires d’un autre régime (comme, par exemple, celui des travailleurs autonomes). La RAMQ couvre aujourd’hui une population de 3 { 4 millions d’habitants (environ la moitié de celle de la Province) dont environ 750 000 personnes âgées de 65 ans et plus. Bien que développée à des fins purement administratives, la base de données de la RAMQ a été rendue accessible aux chercheurs et aux entreprises privées par la volonté de la Régie. Il n’existe pas de comité scientifique jugeant la pertinence scientifique des demandes ; celles-ci étant a priori toutes recevables, quelle que soit leur origine, dès lors qu’elles respectent un certain nombre de règles :
afin d’éviter le piratage, l’extraction ne peut concerner qu’une faible partie des patients enregistrés dans la base (< 25 %),
si l’âge est accessible, l’accès aux dates de naissance est proscrit,
dès lors qu’il existe un risque d’identification, même indirecte, des sujets (ex : médicament très faiblement prescrit et spécifique d’une affection), un avis préalable doit être demandé { la Commission d’Accès { l’Information du Québec (équivalent de la CNIL française).
Pour gérer les demandes et les extractions, la RAMQ dispose d’une équipe permanente (Service des Statistiques et de Gestion des Programmes), dont 4 informaticiens. Les données sont facturées au prorata du temps nécessaire à leur extraction et à leur mise en forme. Ce temps étant plus long pour un chaînage sur plusieurs années, une extraction sur 10 ans (durée maximale disponible) des données d’un nombre limité de personnes sera plus coûteuse qu’une extraction massive sur une seule année. Une extraction coûte, en général, entre 4000 et 20 000 dollars canadiens (2900 à 15 000 euros). Du fait du mode canadien de dispensation (généralement par unité de prise et non par conditionnement), un avantage par rapport au système français est de pouvoir disposer d’informations sur la durée de prescription (indiquée sur l’ordonnance et donc saisie) et la posologie quotidienne. Les diagnostics et un certain nombre de facteurs de 33
risque (codés par les médecins prescripteurs) sont également accessibles. Les données de la RAMQ peuvent être croisées avec des données d’hospitalisation (système MED-ECHO, géré par le Ministère de la Santé), ce qui permet de compléter les informations mises à disposition. La recherche sur les données et le comportement de prescription est encouragée par divers programmes et appels d’offre.
La RAMQ travaille en partenariat étroit avec l’INESSS (Institut National d’Excellence en Santé et en Service Sociaux), créé le 19 janvier 2011 dont la mission est d’optimiser les ressources en santé et d’évaluer les rapports avantages/coûts des différentes stratégies. Cette volonté d’ouverture de l’Assurance Maladie québécoise explique les nombreuses communications et publications scientifiques émanant de cette base.
- British Columbia/Colombie Britannique
En plus d’une base de données comparable { celle de la RAMQ et de plusieurs autres sources de données (ex : registres), cet état (4,4 millions d’habitants) a développé le réseau PHARMANET (géré par le Ministère de la Santé et le College of Pharmacists, assez semblable à notre Ordre des Pharmaciens) qui agrège les données issues de l’ensemble des délivrances de produits de santé par les pharmacies de Colombie Britannique (47 millions de délivrances en 2007) ; chaque patient a accès { l’ensemble des données le concernant. Ce réseau complète les données des autres bases et a permis la mise en place d’un système de détection et de quantification des interactions médicamenteuses. Comme pour les autres états du Canada, l’ensemble des données de ces diverses bases sont accessibles aux chercheurs publics et privés, y compris étrangers.
3.2.4. Etats-Unis
Les Etats Unis ont très tôt développé une politique d’ouverture scientifique des nombreuses sources de données enregistrées existant sur leur territoire et conçu des outils performants pour croiser les informations de différentes origines. Le programme Mini-Sentinel, même s’il sort du champ premier du présent rapport du fait qu’il est centré sur la pharmacovigilance, en est un parfait exemple. Ce programme, en cours de développement par la Food and Drug Administration (FDA), croise les données 2000-2011 de différentes sources et totalise un suivi de plus de 300 millions de personnes-années, 2,4 milliards de consultations, 2,9 milliards de prescriptions et délivrances de médicaments et 38 millions d’hospitalisations.
Hormis le minimum garanti aux personnes défavorisées et sans ressources (programmes MEDICAID et MEDICARE, dont les bases de données, de très grande taille, sont très sollicitées en pharmaco-épidémiologie2), le principe du remboursement des soins aux Etats-Unis est celui d’un contrat librement passé entre un individu et le système d’assurance privé (Health Maintenance Organization, HMO) de son choix. Ces HMOs se sont généralement développées sur une base géographique (par exemple, un Etat) ou corporatiste (ex. : profession) et offrent des prestations « à la carte ». A titre
2 Le programme MEDICAID couvre environ 50 millions de personnes. 34
d’exemples, citons :
- Le Kaiser Permanente
Fondé en 1945 par H.J. Kaiser et basé à Oakland en Californie, il est la plus grande organisation de gestion intégrée de soins (integrated managed care consortium) des Etats-Unis. Il opère dans 9 états même si 77 % des 8,9 millions d’affiliés résident en Californie. Avec un budget annuel de 48 milliards de dollars et 167 000 employés, il gère les activités de 146 000 médecins, de 611 cabinets médicaux et de 37 centres médicaux et hôpitaux. La base du Kaiser qui rassemble toutes les données de santé de ces quelques 9 millions d’assurés est une source inestimable, notamment pour la pharmaco-épidémiologie, accessible aux chercheurs extérieurs comme la quasi-totalité des bases anglo-saxonnes. Cette volonté de ne pas se limiter à la gestion administrative et médico-économique a été tôt affirmée par la création d’un département de recherche (Division of Research). De fait, en 2009, on dénombrait environ 300 études menées sur la base du Kaiser.
- Le Group Health Cooperative (GHC) of Puget Sound
Fondée en 1947, elle gère les dépenses de santé d’environ 450 000 personnes dans l’Etat de Washington (environ 13 % de la population du Western Washington). Il est intéressant de noter que sur la plupart des paramètres (âge, sexe, ethnie, niveau d’éducation, revenu annuel) cette population est assez représentative de l’ensemble de l’Etat et relativement peu éloignée de celle des Etats-Unis. Dès 1983, le GHC s’est doté d’une structure d’évaluation scientifique de l’utilisation des médicaments ainsi que de leurs effets indésirables et de leur efficacité en pratique réelle. Le Center for Health Studies (CHS, { l’activité particulièrement forte aux plans méthodologique et de la production scientifique) s’est ainsi développé sur la base notamment d’une collaboration avec l’Université de Washington, la Kaiser Permanente Northwest et le Fred Hudson Cancer Research Center. Les données de la base, accessibles aux chercheurs, concernent, depuis le début, les remboursements de médicaments (prescrits ou non) et, depuis 1984, les consultations de praticiens généralistes ou spécialistes, l’ensemble des données d’hospitalisation (depuis 1972), des examens de laboratoires et d’imagerie (depuis 1986). La conservation des données concernant cette cohorte dynamique permet de disposer d’informations sur quelques 2 millions de sujets, avec une possibilité de remonter jusqu’en 1980. Les éventuelles limites de ce programme sont communes à beaucoup de bases de ce type, notamment :
la relative faible taille de la population suivie (un peu plus faible que celle de l’EGB) qui exclut pratiquement la possibilité d’évaluer, voire de détecter, des effets indésirables rares, notamment pour les produits les moins utilisés,
l’absence d’information sur certains facteurs de risque (par exemple, alcool et tabac),
35
la représentativité non garantie des populations (du fait du choix du système d’assurance souvent fait selon des critères socio-économiques) avec, notamment, une sous-représentation des sujets défavorisés et âgés,
l’impossibilité d’évaluer les médicaments, notamment les plus récents, ne faisant pas partie des prestations remboursées par le programme,
l’existence d’un certain nombre d’erreurs de codage ou d’ « ambiguïtés » pouvant être dans certains cas problématiques en cas d’impossibilité de retour au prescripteur ou au patient,
la difficulté de reconstituer un suivi prolongé dans un pays caractérisé par une forte mobilité géographique.
Le Puget Sound représente cependant un outil de grand intérêt, né de la volonté d’assureurs privés de collaborer avec des scientifiques pour mener des études et recherches qui dépassent le strict cadre de la gestion des soins. De fait, Puget Sound, et d’une manière générale les HMOs américaines, ont permis la réalisation d’un grand nombre d’études d’utilisation et d’impact des médicaments et ont été { l’origine d’alertes sanitaires (la mise en évidence du risque cardiovasculaire des anti-inflammatoires de la famille des coxibs en est l’un des nombreux exemples).
Malgré la politique d’ouverture donnant, depuis 6 ans, beaucoup plus facilement accès aux données des bases de l’Assurance Maladie (mise à disposition facilitée de l’échantillon EGB, possibilité, sous certaines conditions, d’accéder aux données du SNIIRAM, etc.), la France reste encore très en retard, par rapport aux pays d’Europe du Nord et d’Amérique du Nord, vis-à-vis du croisement des sources de données (absence de base de données renseignant sur les motifs d’usage et les principales caractéristiques permettant de juger du bien-fondé d’une prescription) et, surtout, du partenariat avec le monde de la recherche. Ceci est préoccupant du fait du rôle d’explorateurs d’hypothèses et de lanceurs d’alerte que peut jouer le vaste réseau français des équipes de recherche en pharmaco-épidémiologie et santé publique.
Pour mieux explorer la réalité de la prescription et de l’usage hors recommandations, il est indispensable de disposer d’informations actuellement non représentées dans les données du SNIIRAM. Ceci impose (1) la mise en place d’une plateforme, intégrant les informations provenant de différentes sources, inspirée des réalisations étrangères les plus abouties, et (2) le soutien d’expériences novatrices en ce domaine.
4. UNE FORMATION DES PROFESSIONNELS DE SANTE CLAIREMENT INSUFFISANTE
Il serait hasardeux d’affirmer que la forte prévalence du mésusage observée en France découle avant tout et, a fortiori uniquement, d’une formation insuffisante des professionnels de santé { la prescription et { l’utilisation rationnelle des médicaments. Pour autant, de nombreuses études ont démontré le rôle prépondérant des formations 36
initiales et continues dans le respect des bonnes pratiques, en particulier en matière de médicament.
Si la France fait figure de « pays de Cocagne » en matière de liberté de prescription et de prise en charge (la comparaison avec les HMO américaines est sur ce point édifiante), il convient de remarquer que nombre de facteurs pouvant expliquer un dérapage hors des recommandations sont communs aux principaux pays développés : les AMM sont aujourd’hui essentiellement européennes, le caractère imprécis de certains libellés de RCP (ouvrant la voie aux déviations sur le terrain) est le même que chez nos voisins ; les stratégies de marketing et de lobbying pharmaceutiques sont également de plus en plus unifiées. La faible culture de santé publique qui caractérise les pays du Sud, en particulier le nôtre, ne constitue pas non plus une explication suffisante : un pays comme l’Italie présente de meilleurs indicateurs à la fois sur les plans qualitatif et quantitatif : moyenne de 5 médicaments par ordonnance et de 39 conditionnements par habitant consommés par an contre, respectivement, 2 et 18 en Italie (Source : « Rapport » Rivasi, Rader, Even de juin 2013).
Il convient donc de rechercher des causes françaises à la situation particulière de notre pays. La première qui s’impose est celle des carences de la formation des professionnels de santé, ceci pour au moins deux raisons :
la corrélation entre qualité de la formation et celle de la prescription est attestée par de nombreux travaux,
la France est justement le pays cumulant de mauvais indicateurs en matière de prescription et l’un des plus faibles niveaux de formation sur ce plan.
4.1. Formation initiale
4.1.1. Etudes médicales
La situation française en ce domaine est pour le moins paradoxale :
1. Tous les rapports rédigés depuis 20 ans et s’étant intéressés { l’usage des médicaments en France ou aux risques qui peuvent leur être associés ont souligné l’insuffisance de la formation initiale des professionnels de santé français (particulièrement celle des médecins) en matière de médicament (Rapport Legrain, 1990 ; rapport Zarifian, 1996 ; rapport de l’OPEPS, 2006 ; et, en 2011, rapports de l’IGAS, de l ‘Assemblée Nationale et du Sénat sur le MEDIATOR). Ce constat fut également, en 2011, celui du Groupe de Travail n° 4 des Assises du Médicament (« Développer l’information sur les produits de santé à destination des professionnels de santé et du grand public », Thème 1) qui note, entre autres, dans sa synthèse : « La formation des professionnels de santé joue un rôle clef dans le système de sécurité sanitaire. Or, à l’heure actuelle, l’enseignement et l’évaluation des connaissances en matière de Pharmacologie apparaissent insuffisants ».
2. Une mesure, même d’envergure sur ce point est à la fois facile à prendre et pratiquement sans coût ajouté (le potentiel enseignant paraissant suffisant, même si des redéploiements de postes entre disciplines pourraient être nécessaires sur certains sites universitaires).
37
Ainsi, la France qui fait figure de mauvais élève européen en matière d’usage rationnel du médicament est aussi celui dont les études médicales préparent le moins à la formation à la prescription et à la gestion de la réponse thérapeutique aux médicaments ; ceci sur trois points : le nombre d’heures dévolues à ce sujet, le contenu des enseignements et, surtout, celui de sa répartition au cours du cursus des études.
Par exemple, une étude menée en 2006 auprès de 37 facultés de médecine françaises (P. Jaillon. Thérapie 2006; 61 (5) : 439-46) aboutissait à une moyenne de 67,6 heures de cours au total pour les 6 années de formation médicale avec une très grande dispersion selon les facultés (24 à 141 heures avec un total inférieur à 68 heures pour 59 % d’entre elles !). Cette moyenne était déjà très inférieure aux 120 heures recommandées par l’Association Européenne de Pharmacologie Médicale (S. Maxwell & T. Walley. Teaching safe and effective prescribing in UK medical schools: a core curriculum for tomorrow’s doctors. British Journal of Clinical Pharmacology 2003 ; 55 : 496-503). La situation n’a guère évolué au cours des dernières années et une enquête menée dans le cadre de la présente Mission montre que le nombre d’heures consacrées à l ‘enseignement du médicament et de son maniement s’est même sensiblement réduit sur plusieurs sites universitaires.
Ainsi et de façon peu compréhensible, le volume horaire dévolu au médicament 3 au cours de l’ensemble du cursus des études est souvent inférieur à celui de disciplines fondamentales comme la biochimie alors que la prescription est probablement l’acte le plus fréquent d’un futur praticien et donc celui auquel il devrait être le mieux préparé.
3 Programme qui devrait, en théorie, aborder l’ensemble des connaissances sur le médicament : notions fondamentales, mécanismes d’action, évaluation de l’efficacité et de l’intérêt thérapeutique, bases d’une prescription rationnelle, surveillance d’un traitement, gestion des effets indésirables de même que les principales classes de médicaments !
Si les comparaisons avec d’autres pays européens sont rendues difficiles par la grande variabilité de ce qui entre sous le vocable « formation au maniement des médicaments », déjà en 1990, la moyenne européenne, avec 124 heures, était supérieure d’un facteur 1,8 à celle observée en France (M. Orme Eur J Clin Pharmacol 1990 ; 38 : 101-5). Selon Simon Maxwell (Basic & Clinical Pharmacology & Toxicology. 2007 ; 101 : 395-400), cette moyenne était de 100 heures pour l’Italie et bien supérieure pour l’Allemagne pour laquelle on notait 4 { 5 heures par semaine en troisième année d’études, 2 à 3 heures par semaine en quatrième année ainsi que des cours et conférences sur la prescription en sixième année !
Pour la période actuelle, une enquête menée dans le cadre de cette Mission auprès de facultés de médecine de plusieurs pays d’Europe (France, Suède, Pays Bas, Royaume Uni, Italie, Espagne) confirme que le volume horaire consacré en France à la formation à la connaissance et à la prescription du médicament au cours du cursus médical est inférieur (1,5 à 4 fois) à celui de nos voisins qui, de plus, complètent souvent la formation théorique par des mises en situation préparant le futur médecin aux problèmes les plus fréquents qu’il aura { rencontrer au cours de sa pratique.
Ce sous-développement de la pharmacologie médicale est confirmé par une récente comparaison européenne (M. Orme & F. Sjoqvist. Clinical Pharmacology in European Health Care-outcome of a questionnaire study in 21 countries. Eur J Clin Pharmacol. 2013 ; 69 :1635-9) qui souligne 38
que la France est l’un des 3 pays européens dans lesquels la pharmacologie clinique n’est pas reconnue comme spécialité médicale et celui qui possède le plus faible taux d’enseignants dans cette matière : moins de 1 par million d’habitants contre 2 { 4 pour l’Autriche, l’Allemagne et le Portugal, 5 à 10 pour le Danemark, la Finlande, les Pays Bas, l’Espagne et la Suisse et plus de 10 pour la Norvège et la Suède.
Le pire reste cependant la répartition inadéquate des heures d’enseignement au cours des études, la partie principale (30 à 40 heures) se trouvant en première année (PACES, enseignement « de masse » du fait qu’il se situe avant le concours d’entrée dans les études) { un stade très précoce où l’étudiant n’a pas encore abordé les pathologies, ce qui exclut un enseignement fondé sur des mises en situation pratique.
L’Arrêté du 8 avril 2013 (« relatif au régime des études en vue du premier cycle et du deuxième cycle des études médicales ») a, salutairement, introduit dans la réforme des objectifs pédagogiques des premier et second cycles des études médicales une unité d’enseignement (UE 10) relative au « bon usage du médicament et des thérapeutiques non médicamenteuses » comportant 9 objectifs dont certains sont particulièrement pertinents (notamment l’objectif 320 : « analyser et utiliser les résultats des études cliniques dans la perspective du bon usage – analyse critique, recherche clinique et niveau de preuve »). Malheureusement, une enquête menée par le Collège National de Pharmacologie Médicale montre que dans plusieurs facultés, l’introduction de ce module ne s’est pas traduite par une augmentation du volume horaire global dévolu au médicament : tout ou partie des heures de l’UE 10 étant retranchées de celles du programme antérieur. La raison semble en être le fait que les facultés de médecine ont été poussées à devenir des « machines » { préparer les étudiants { l’Examen Classant National (ECN) de fin d’études : les objectifs de l’UE 10 étant très peu ou pas représentés dans ces épreuves, leur enseignement, dans un volume horaire contraint, est souvent jugé « inutile », tant par les enseignants que par les étudiants.
Il paraît crucial, en accord avec les recommandations des différents rapports de ces vingt dernières années et celles des Assises du Médicament d’imposer une augmentation significative du volume horaire global dévolu au médicament au cours des études médicales (la recommandation européenne de 120 heures paraissant un minimum) et, surtout, sa répartition rationnelle au cours du cursus. Cet enseignement doit comprendre ou être complété par des mises en situation pratique illustrant les bonnes et mauvaises prescriptions, et leurs conséquences aux plans individuel et populationnel. Ces problématiques devront être prises en compte dans les épreuves de l’Examen Classant National de fin d’études.
4.1.2. Etudes de Pharmacie
Le rôle du pharmacien (tant en officine qu’{ l’hôpital) est stratégique en matière de respect des règles de bon usage ; d’autant que du fait du monopole pharmaceutique, et contrairement à nombre de pays, son rôle de conseil et d’éducation sanitaire est préservé pour les médicaments accessibles sans prescription. 39
En formation initiale, il convient de remarquer (enquête menée auprès de plusieurs facultés de pharmacie françaises dans le cadre de la Mission) la quasi–absence de formation aux aspects « médicaments et santé publique » (bases de la pharmaco-épidémiologie, évaluation de l’impact en santé publique, pharmacovigilance, etc.). Par exemple, aucun des étudiants en fin d’études des Facultés de Tours et de Bordeaux que nous avons interrogés n’avait entendu seulement parler de la pharmaco-épidémiologie au cours de leur cursus. Cette formation, restée dans son ensemble très fondamentale, centrée sur la pharmacie « classique », contraste avec celle, beaucoup plus moderne et intégrée au niveau santé publique, dispensée dans les pays d’Europe ou d’Amérique du Nord. La comparaison est par exemple sévère avec le Québec : les études à la Faculté de Pharmacie de Montréal sont organisées selon 3 axes de programme :
Cibles thérapeutiques et pharmacothérapie,
Formulation et analyse des médicaments,
Médicament et santé des populations.
Pour enseigner ce dernier axe, on ne compte pas moins de 11 professeurs temps plein (pharmaco-épidémiologie, sociologie, économie de la santé, santé publique, statistiques, etc.) !
Comme pour les études médicales, un fossé considérable sépare la France des principaux pays développés. Au vu des enjeux et des conséquences de cette quasi-impasse sur l’un des aspects les plus fondamentaux du médicament, imposer une réforme des programmes de formation est une priorité.
4.2. Formation continue des professionnels de santé : une quête d’un mieux jamais aboutie
Les mauvais indicateurs de la France en matière de prescription et d’usage rationnel alimentent depuis 20 ans débats et polémiques sur la formation continue de professionnels de santé, notamment des médecins, jugée à chaque crise secouant le pays, insuffisante, peu suivie, inadaptée, contrôlée par l’industrie pharmaceutique, etc. Le problème est réel : la formation initiale, insuffisante, ne pouvant procurer les bases indispensables, le rôle de la formation continue est crucial, d’autant plus que dans le domaine du médicament les connaissances doivent en permanence être actualisées (nouvelles molécules, réévaluation de l’efficacité et des risques, etc.).
La mise en place en 2009 (article 59 de la Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009) du Développement Professionnel Continu (DPC) et de « l’obligation de formation » pour l’ensemble des professionnels de santé constitue une avancée majeure. Le déploiement du dispositif se heurte à plusieurs obstacles sérieux dont les deux plus importants semblent être celui du financement et celui des méthodes.
Pour le premier, il est apparu au cours des auditions qu’une partie notable des ressources prélevées (en particulier celles provenant du relèvement de 1 à 1,6 % de la taxe sur le chiffre d’affaire des laboratoires pharmaceutiques) n’avaient pas été, de fait, 40
affectée au programme, ce qui est contradictoire avec l’objectif de priorité stratégique affiché et de nature à complexifier encore les rapports entre les différentes parties prenantes (syndicats de professionnels de santé, Assurance Maladie, industrie pharmaceutique). Il est crucial que ce problème soit réglé avec transparence et sérénité pour ne pas davantage obérer l’avenir. Comme le mentionne la synthèse du Groupe de Travail n° 4 des Assises du Médicament, actuellement seuls 20 à 25 % des médecins libéraux se forment à raison de deux journées par an et le budget du DPC réellement affecté { la formation reste inférieur { celui consacré en France par l’industrie pharmaceutique pour ses propres formations de médecins prescripteurs, ce qui n’était pas l’objectif visé.
Concernant les objectifs pédagogiques, il conviendrait, à nouveau en accord avec les recommandations du Groupe n° 4 des Assises du Médicament, et au moins pour la formation continue médicale, qu’une priorité soit donnée aux situations pour lesquelles les « dérapages » de prescriptions, tant au plan qualitatif que quantitatif (en plus ou en moins), les plus massifs et les plus porteurs de conséquences sanitaires et économiques sont observés. Ces dernières pourraient être hiérarchisées par le Comité d’Orientation Stratégique dont il sera fait état dans les recommandations du présent rapport.
Sur le plan des méthodes, en dehors des actions et des enseignements « de terrain », la mise en place d’une plateforme interactive de type e.learning/e.teaching, financée via le fond affecté au DPC, nous paraît absolument prioritaire. En effet, cet outil accessible, flexible et modulaire, paraît le seul susceptible de remplir de manière optimale les missions dévolues au DPC et de répondre à nombre de critiques formulées à l‘encontre du dispositif actuel :
il est susceptible d’offrir, par un menu d’entrée, un vaste choix de programmes de formation adaptable { l’ensemble des professionnels de santé,
il garantit la qualité de l’information et des supports utilisés, ceux-ci étant préparés et optimisés en amont de manière consensuelle par un collège d’experts et validés dans leur intégralité,
contrairement { ce qui est observé { l’heure actuelle, les messages délivrés sont les mêmes pour tous les professionnels se connectant pour une séance ou programme de formation,
le professionnel peut librement choisir les créneaux de formation,
le système permet par des liens de connexions l’accès { une documentation complémentaire riche,
il permet de toucher les professionnels les plus éloignés des centres stratégiques qui sont souvent les moins bien formés (effet pervers du choix d’installation en fonction du classement { l’Examen Classant National),
l’interactivité du système permet une validation homogène et robuste des formations suivies,
le coût de mise en place, de fonctionnement et d’actualisation d’un système de ce type est nettement inférieur à celui du nombre équivalent de séances de formation présentielles. Pour conserver l’interactivité entre praticiens, le système peut cependant être utilisé en groupe de formation.
41
Le contenu de la plateforme devrait être orienté en fonction des priorités évoquées au paragraphe précédent et construit et validé par une large collaboration d’experts sous la coordination d’experts « transversaux » (pharmacologues cliniciens, thérapeutes).
Un appel d’offre pourrait d’ores et déj{ être lancé, des plateformes de ce type ayant été développées, certaines paraissant particulièrement adaptées et performantes.
Le faible niveau de pénétration de la formation continue (moins d’un médecin sur 4) et les contenus non toujours hiérarchisés en fonction de priorités sanitaires et économiques sont certainement des facteurs importants de prescription et d’usage inappropriés. Il est prioritaire de respecter les engagements en matière de financement du DPC et de mettre en place une plateforme de formation interactive accessible en permanence à tous les professionnels de santé.
5. UNE INFORMATION MORCELEE, INCOMPLETE ET SOUVENT PEU ACCESSIBLE
5.1. Professionnels de santé
Jusqu’{ une date récente, la seule source d’information pour la majorité des professionnels de santé était la visite médicale organisée par les laboratoires pharmaceutiques pour promouvoir les spécialités qu’ils estimaient stratégiques.
La « visite » représente encore le vecteur d’information le plus important du fait du retard de mise en place de dispositifs alternatifs comme le DPC. Elle est aujourd’hui mieux encadrée (charte de la visite médicale) et peut être l’objet d’actions contractualisées avec les autorités sanitaires. En effet, malgré les dérapages du passé, parfois encore observés, il convient de ne pas diaboliser ce réseau d’intervention constitué de professionnels bien formés connaissant particulièrement bien le terrain. Il pourrait être très utilement mis { contribution, dans le cadre d’un contrat firmes/autorités sanitaires, pour corriger certaines situations de mauvais usage particulièrement critiques.
- La nécessité d’un portail d’information dédié
S’il est un consensus parmi l’ensemble des personnes interrogées dans le cadre de la Mission, c’est bien celui du manque patent d’un site unique et ergonomique grâce auquel tout professionnel de santé pourrait avoir accès de manière rapide aux informations concernant le médicament et auquel il se connecterait aussi naturellement qu’au site d’un journal numérique ou d’un moteur de recherche. Même s’il convient de saluer le rôle très important joué par une revue comme Prescrire (34 000 abonnés en 2012, la majorité étant maintenant des médecins), accéder à une information ou à une recommandation impose une recherche sur plusieurs sites (ANSM, HAS, etc.). De plus, 42
même si plusieurs de ces recommandations sont d’une grande qualité et objectivité, elles sont loin de couvrir l’ensemble du champ « critique », c’est { dire celui des maladies les plus fréquemment rencontrées en pratique de soins primaires ou des prescriptions identifiées comme particulièrement problématiques. C’est notamment le cas, déj{ évoqué, des statines pour lesquelles une recommandation claire et fondée sur les dernières données serait plus que bienvenue avec un accès direct à un algorithme adapté du heartscore (http://www.heartscore.org/Pages/welcome.asp). permettant d’estimer le risque de mortalité cardiovasculaire dans les 10 ans d’un patient et donc de savoir s’il est susceptible de bénéficier d’une prescription de statine en prévention primaire.
Il faut également remarquer que, contrairement à nombre de pays étrangers, le praticien français ne dispose pas d’une source unique d’information sur l’ensemble des médicaments commercialisés en France. Par exemple, le Vidal « papier », traditionnel outil de base de la prescription médicale est loin de fournir cette information du fait que les monographies qui le constituent sont payantes pour les firmes pharmaceutiques, ce qui pousse certaines à ne faire figurer que celles qui leur paraissent être les plus efficientes. Ces monographies sont, de plus, la reproduction fidèle du résumé des caractéristiques du produit (RCP) dont le libellé, avant tout réglementaire, est souvent peu adapté à la pratique réelle. Il existe bien un « Répertoire des Médicaments » sur le site de l’ANSM mais sa consultation est pour l’instant particulièrement peu ergonomique ; pour certaines spécialités, l’application renvoie même à des rubriques rédigées en anglais sur le site de l’Agence Européenne du Médicament (EMA). La mise à disposition récente et gratuite pour l’ensemble des médecins libéraux, du performant Vidal.fr (base d’information numérique devant à court terme remplacer la version papier) constitue une avancée réelle mais :
cette interface mériterait d’intégrer des informations et commentaires supplémentaires,
elle devrait pouvoir être chaînée avec les logiciels d’aide { la prescription et { la dispensation,
cette mise à disposition devrait se faire via le site d’information intégré mentionné plus haut.
Pour rassurer sur la faisabilité technique d’une telle interface intégrée, notons qu’au Royaume Uni, le site du NICE (National Institute for health and Care Excellence) fournit au praticien un grand nombre d’informations utiles si ce n’est indispensables : nouveaux médicaments, alertes, rappel des bonnes pratiques de prescription, recommandations pour un grand nombre de classes de médicaments ou de pathologies. Il donne de plus un accès direct au très complet dictionnaire anglais des médicaments (British National Formulary). (voir : www.nice.org à la rubrique « Medicines and prescribing support from NICE »).
Ce portail unique, rassemblant toutes les sources et liens d’information utiles au professionnel dans sa pratique quotidienne pourrait utilement intégrer une interface ergonomique permettant la déclaration, simplifiée mais informative, des effets indésirables observés ainsi que la transmission vers les centres régionaux de pharmacovigilance de demandes d’information en ce domaine. 43
- Logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation
Ces logiciels constituent à la fois un outil particulièrement stratégique dans la prévention du mésusage et un marché en pleine expansion (une trentaine de logiciels ayant été identifiée). Suite aux recommandations des Assises du Médicament, ces logiciels sont en cours de certification par la Haute Autorité de Santé. Une inquiétude partagée avec nombre de personnes auditionnées durant la Mission concerne la validité et l’harmonisation de leur contenu et les erreurs de comportement et d’interprétation (soit par défaut, soit par excès) qu’ils pourraient dans certains cas induire. Se pose en effet le problème complexe de la hiérarchisation des informations et des mises en garde (une interaction théorique entre deux médicaments, sans implication clinique démontrée, ne devant pas apparaître sur le même plan qu’une erreur potentiellement létale).
Il convient également que l’information délivrée soit une adaptation aux contraintes du soin primaire intégrant les données actualisées concernant des problèmes majeurs comme la prescription des anti-inflammatoires non stéroïdiens chez les sujets âgés (éviter les molécules à risque cardiovasculaire et à risque digestif élevés) ou celle des benzodiazépines (éviter les molécules à longue demi-vie d’élimination). Il paraît indispensable que ce contenu soit régulièrement revalidé, au moins en ce qui concerne les principaux problèmes rencontrés en pratique et les classes de médicaments touchant les populations les plus vastes (prévention cardiovasculaire, diabète, contraception, psychotropes, vaccins, antibiotiques, etc.).
Se pose enfin le problème de l’articulation/interaction de ces logiciels avec le portail d’information dédié qui constitue l’une des recommandations prioritaires de ce rapport ; c’est ce site qui devrait constituer la référence, en permanence actualisée pour le professionnel de santé : l’utilisation d’un logiciel d’aide { la prescription ou { la dispensation ne devant en aucun cas être vécue comme auto-suffisante dispensant de la consultation du site. Il est souhaitable qu’un groupe de travail étudie les possibilités de liens et d’interaction entre ces deux outils.
Une recommandation prioritaire est la mise { disposition rapide d’un portail d’information unique, complet et ergonomique, rassemblant toutes les données dont un professionnel de santé peut avoir besoin dans sa pratique quotidienne : informations nouvelles, alertes, répertoire complet et commenté des médicaments, ensemble des recommandations de bonne pratique qui devraient couvrir le champ des situations les plus souvent rencontrées en soins primaires et de celles étant les plus génératrices de mauvais usage.
A l’instar de celui du NICE, ce site, couplé au site dédié à la formation continue évoqué plus haut, devrait fournir un accès direct à un répertoire complet et interactif des spécialités pharmaceutiques commercialisées en France complétant, par des informations adéquates, celles figurant dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). 44
Un groupe de travail pluridisciplinaire devrait (1) valider l’exhaustivité et l’adéquation du contenu délivré par les logiciels d’aide { la prescription et à la dispensation (en cours de certification par la HAS), au moins pour les classes de médicaments les plus prescrites et celles { l’origine des déviations d’usage les plus patentes, et (2) étudier la possibilité de liens et d’interaction avec le portail d’information unique évoqué ci-dessus.
Il n’est pas du ressort de cette mission de statuer sur la mise en oeuvre pratique d’un tel dispositif (localisation du site, financement, etc.) mais d’évoquer la possibilité de partenariats public/privé en ce domaine pour intégrer, { l’instar de l’expérience anglaise, des solutions performantes existant déjà et de rappeler l’urgence de la mise en place d’un tel dispositif d’information et l’importance des coûts qu’il pourrait contribuer à éviter.
5.2. Informer, former le « grand public »
Depuis une vingtaine d’années, le public (non seulement les patients mais leur entourage) est devenu un acteur incontournable de toute intervention en faveur du « bon usage ». Ceci tient à des raisons évidentes : désacralisation du savoir médical, accès { une information d’ampleur considérable via internet, développement d’associations de patients et d’usagers très actives, etc.
En dehors de campagnes ciblées sur un problème (dont l’exemple le plus abouti est la campagne « les antibiotiques, c’est pas automatique ! »), il paraît fondamental de tenter de restaurer l’image, actuellement particulièrement dégradée en France, du médicament et de son environnement réglementaire auprès du grand public. Comme rappelé en 1.3.2. , la médiatisation des crises ayant secoué l’hexagone depuis 15 ans a créé une situation de défiance globale, de perte des vérités fondamentales, voire même de fantasmes dont il ne faut pas sous-estimer les conséquences potentielles comme on a pu le voir dans l’affaire de la vaccination contre l’hépatite B : une large part de la population vivant la vaccination comme un risque non justifié imposé par des lobbies alors qu’elle était peu de temps auparavant l’exemple même de l’acte civique sanitaire.
Restaurer la confiance de la population sera indiscutablement plus long que l’amélioration des pratiques de prescription, il s’agit pourtant d’un objectif tout aussi prioritaire. Les vecteurs de communication sont pluriels et complémentaires :
campagnes dans les médias du type de celle de fin 2011 début 2012 (« le médicament n’est pas un produit de consommation comme les autres »), trop tôt interrompue et, de ce fait, de portée limitée,
partenariat avec les grands médias,
brochures d’informations { disposition dans les cabinets médicaux et les officines,
rôle fondamental de quelques heures d’enseignement en collège et lycée dans le cadre d’un programme d’éducation pour la santé (enseigné par les professeurs de
45
Sciences de la Vie et de la Terre ou des intervenants extérieurs) sur le médicament, son histoire, son apport en santé publique, les risques personnels et collectifs que peut entraîner un usage inapproprié.
6. SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
6.1. Synthèse du rapport
Par une carence surprenante au vu de l’enjeu, aucune étude ou programme n’a depuis plus de 20 ans permis d’estimer la proportion ou le nombre des prescriptions non conformes et l’ampleur de leurs conséquences néfastes, tant au plan clinique, sanitaire et économique. Une étude de ce type devrait, de manière prioritaire, faire l’objet d’un appel d’offre spécifique.
Les données rassemblées durant la Mission permettent néanmoins d’avancer que :
la France est l’un des pays développés ayant le plus fort taux de consommation de médicaments par habitant et celui dans lequel les prescriptions non conformes (qu’il s’agisse des recommandations de AMM ou des données actualisées de la science) semblent le plus fréquentes, si ce n’est banalisées,
les conséquences de cette situation, tant du fait de maladies et complications non traitées ou non prévenues que de la iatrogénie inutilement induite, constituent un fardeau considérable, d’ampleur comparable aux grands fléaux sanitaires qui touchent notre pays. Les surcoûts induits (qui se chiffrent en milliards d’euros par an et se cumulent depuis de nombreuses années) sont, dans un système aux ressources contraintes, non justifiables.
Au cours des auditions, de nombreuses solutions ont été évoquées (comme, par exemple, rendre opposables un certain nombre de recommandations) ; beaucoup n’ont pas été retenues.
Pour des raisons d’efficacité politique, nous avons en effet tenu { écarter d’emblée :
tout ce qui (comme la création d’une Agence ou d’un Observatoire du bon usage) complexifierait encore un système sanitaire souffrant déj{ d’inflation,
la multiplication de recommandations dont efficacité sur les comportements de prescription et d’usage est, a priori et surtout sur le long terme, limitée (priorisation des médicaments génériques, prescription en dénominations communes internationales, etc.).
Il nous a paru bien préférable et plus efficace, dans un premier temps, d’agir sur deux leviers qui constituent des préalables essentiels :
la création, indispensable, d’une structure organisant et facilitant l’accès, pour les autorités sanitaires et les chercheurs (dont le rôle d’appui méthodologique et de lanceurs d’alerte est essentiel), aux différentes sources de données en santé pertinentes en ce domaine,
46
une meilleure formation et information des professionnels de santé et du grand public, bien mal préparés en France aux principes de base de la bonne prescription et du bon usage des produits de santé.
Le premier levier repose sur un principe indiscutable : on ne peut mener une politique en matière d’usage non conforme ni mettre en place des actions visant à le prévenir sans disposer de données et de statistiques précises à ce sujet.
La justification du second levier est tout aussi évidente : la France est un pays qui cumule, par rapport à ses voisins, de mauvais indicateurs tant pour l’usage approprié des médicaments que pour la formation et l’information des professionnels de santé en ce domaine. De plus, une action à ce niveau, dont l’efficacité et l’efficience ne sont plus { démontrer, est simple à mettre en oeuvre. Enfin, dans tout programme d’intervention la formation et l’éducation doivent précéder la coercition et, { défaut, l’accompagner.
6.2. Recommandations
Recommandation n° 1 : créer une structure d’interface organisant et facilitant l’accès aux différentes sources de données existant en France.
La situation actuelle
Pour organiser l’accès aux données du SNIIRAM-PMSI à des chercheurs publics ou privés et créer une structure publique d’une part capable de mettre { disposition des chercheurs les données du SNIIRAM-PMSI, une fois l’autorisation obtenue, et d’autre part de conduire elle-même des études, la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé prévoyait la création d’un Groupement d’Intérêt Public (GIP) associant principalement la CNAMTS et l’ANSM, ainsi que dans une moindre mesure l’InVS.
A noter qu’{ l’heure actuelle la fonction d’autorisation d’accès est jouée par l’Institut des Données de Santé (IDS), l’accès aux données (SNIIRAM-PMSI ou EGB) est organisé par la CNAMTS et des études peuvent être conduites par la CNAMTS. A l’heure actuelle, l’InVS et, très récemment (arrêté du 19 juillet 2013), l’ANSM, qui s’est dotée d’un pôle « épidémiologie des produits de santé », ont, réglementairement, d’ores et déj{ accès aux données du SNIIRAM-PMSI.
Quelle structure proposer ?
L’existence d’une structure combinant (1) les tâches de mise à disposition des données et de conseil aux utilisateurs et (2) une réelle capacité d’analyse est indispensable pour garantir une bonne connaissance des données et de leur limites, toutes deux absolument nécessaires aux deux fonctions.
Epidémiologie, pharmaco-épidémiologie, statistique, informatique, médecine et pharmacie représentent les disciplines qui doivent être représentées au sein de la structure, tant pour bâtir les systèmes informatiques sécurisés permettant l’accès aux données dans les conditions de sécurité indispensables pour des données de santé 47
(selon le modèle de centre d’accès sécurisé distant, CASD, mis en place par l’INSEE) que pour aider les utilisateurs et être capable de conduire elle-même la surveillance de l’utilisation des produits de santé et la réalisation d’études ad-hoc.
Un Comité Scientifique indépendant (pharmacologie, épidémiologie, santé publique, statistique, informatique, « personnalités éclairées », etc.) sera chargé de juger les demandes d’accès ; il pourra ou non être hébergé par le même organisme. Ce point relève de la mission confiée à Pierre-Louis Bras, en parallèle de la mission qui nous a été confiée.
Le programme de travail de la structure devrait être défini, au minimum sur une base annuelle, par un Comité d’Orientation Stratégique (COS) dans lequel seraient représentés les différents partenaires (CNAMTS, ANSM, DSS, InVS, DGS, DREES, DGOS, HAS, ATIH, AVIESAN, représentants des usagers).
Le programme de travail s’articulerait sur 3 axes :
un travail de fond défini par le COS centré en bonne part sur les grandes classes de médicaments (celles touchant les populations les plus nombreuses, a fortiori en relative bonne santé). Il est en effet illusoire de « tout » vouloir surveiller « au fil de l’eau »,
la réponse aux saisines des autorités et agences partenaires,
la réponse aux demandes de chercheurs extérieurs dès lors qu’elles ont été validées par le Comité Scientifique.
La structure devra avoir accès { l’ensemble des données nécessaires, pas seulement celles du SNIIRAM, en fonction des questions posées et disposer d’un fond d’intervention mobilisable pour accéder { ces données si nécessaire. Il faut envisager la possibilité de contrats spécifiques avec les équipes de recherche reconnues dans ce domaine, sur le modèle de ce que fait le NICE, que ce soit pour associer les chercheurs à des études conduites par la structure ou pour leur en confier la réalisation. Enfin, des appels d’offres sont nécessaires pour soutenir des projets, tels PROSPERE ou BRIDGE, visant à compléter les données du SNIIRAM-PMSI par les données issues des logiciels de gestion des cabinets médicaux, ou des expérimentations d’enrichissement des données du SNIIRAM, comme, par exemple, par le codage des diagnostics.
La structure, dirigée par un Directeur de haut niveau (PhD senior, de bonne à forte visibilité internationale), ne doit pas être sous-dimensionnée et, compte-tenu des compétences nécessaires, des recrutements spécifiques devront être réalisés. Dans un premier temps, une structure d’environ 20 personnes (5 personnes pour l’extraction/chaînage et 15 personnes pour la conception des protocoles, l’interprétation des données et la réalisation d’études) est nécessaire avec une compétence de niveau Master 2 ou doctoral (PhD). On peut donc estimer son coût annuel de fonctionnement { 2 millions d’euros plus un fond d’intervention mobilisable d’au moins 1 million d’euros dans le cas de sous-traitance.
La question de la localisation de cette structure est délicate, il s’agit de ne pas 48
« complexifier » un système déjà morcelé et, pour être en adéquation avec les conclusions de la mission IGAS sur les agences sanitaires, il conviendrait que la structure soit rattachée, sans en dépendre hiérarchiquement, à une agence ou institut existant.
Le rattachement le plus logique est l’ANSM :
l’ANSM a la compétence pour les AMM,
elle a un pouvoir de décision réglementaire ; ses décisions devant s’appuyer sur des données précises,
elle est la seule à avoir un champ de compétence exclusivement « produits de santé »,
elle gère en première ligne les crises touchant les produits de santé et a, de fait, la mission de les prévenir dans la mesure du possible,
elle a la responsabilité du contrôle de la publicité,
elle gère le réseau de pharmacovigilance (la récente directive européenne a inclus le mésusage dans la définition des déclarations de pharmacovigilance),
elle est déjà en partenariat conventionné avec la CNAMTS,
elle a également un projet de partenariat conventionné avec la cohorte Constances,
elle a l’expérience des appels { projets dans le domaine.
Les limites concernent « l’instabilité organisationnelle » actuelle et transitoire de l’ANSM et surtout le fait que cette dernière pourrait se trouver en « conflit d’intérêt » vis-à-vis de certaines de ses décisions antérieures d’où l’importance de séparer le rattachement géographique et administratif de la dépendance hiérarchique, la structure répondant sur ce dernier plan au COS.
Recommandation n° 2 : créer une dynamique de recherche autour de la pharmaco-épidémiologie et susciter le développement de projets visant à documenter l’usage des produits de santé.
Malgré leurs intérêts respectifs, aucune source de données française ne répond aujourd’hui { l’ensemble des objectifs requis en pharmaco-épidémiologie pour évaluer l’usage, le respect des recommandations et l’impact en santé des médicaments commercialisés. Par exemple, l’Echantillon Généraliste des Bénéficiaires (EGB) est limité en taille dès lors que l’on s’intéresse { un médicament utilisé par moins de 2 à 5 % de la population française; de plus, l’absence de codage des diagnostics et des principaux facteurs de risque interdit une étude fine de la conformité de l’usage.
Afin de suivre la dynamique internationale et de combler le retard de la France en ce domaine, il est important de susciter, par appel à projets et soutien ciblé aux équipes de recherche, des initiatives visant à mieux documenter l’usage des produits de santé en conditions réelles et leur impact en population. Un projet prioritaire reste le développement d’une base de données de type EGB regroupant, ainsi que le recommandait le rapport sur la Pharmaco-épidémiologie de 2006 (voir : Références en 7), une population représentative de 3 à 6 millions de personnes et intégrant (soit par saisie directe, soit par croisement) les diagnostics et motifs de prescription ainsi que les principaux facteurs de risque associés. 49
Recommandation n° 3 : anticiper les effets des décisions administratives sur les reports de prescription non justifiés.
L’analyse des principales situations de prescription inappropriée, { l’origine de coûts et d’une iatrogénie évitable importants, montrent que nombre d’entre elles ont été progressivement créées par l’arrivée d’une nouvelle molécule ou, au contraire, un retrait du marché ou un déremboursement, partiel ou total. Ces effets doivent systématiquement être anticipés au moment des décisions administratives concernées et leurs conséquences prévenues par une information adéquate des professionnels de santé (voir Recommandation n° 6), l’impact de ces décisions étant mesuré par un programme de surveillance ad-hoc tel qu’évoqué dans la Recommandation n° 1.
Pour les déremboursements partiels ou totaux, l’avis de la Commission de la Transparence devrait systématiquement être accompagné d’une information aux prescripteurs ne se limitant pas aux raisons du déremboursement mais indiquant l’attitude thérapeutique { privilégier et les alternatives de remplacement s’il y a lieu.
Recommandation n° 4 : refonder la formation sur le médicament aux cours des études de santé.
Comparée aux autres pays développés, en particulier européens, la formation aux principes de base qui fondent la prescription et l’usage rationnels des produits de santé apparaît, en France, particulièrement insuffisante et peu adaptée : quasiment inexistante au cours des études de pharmacie et nettement inférieure à la recommandation européenne pour les études médicales. Pour ces dernières, cette formation (qui devrait comprendre au moins 120 heures et intégrer des considérations pharmaco-épidémiologiques et médico-économiques), doit être déplacée à un stade du cursus auquel les étudiants ont déjà acquis une connaissance minimale des pathologies pouvant justifier une prescription4.
4 L’analyse et les propositions sont détaillées en 4.1.1
Les problématiques de la prescription rationnelle doivent faire partie des prérequis à valider lors de l’Examen Classant National (ECN) de fin d’études médicales.
Recommandation n° 5 : moderniser et adapter la formation continue des professionnels de santé en priorisant un site d’autoformation dédié.
Aujourd’hui trop peu suivie, la formation continue « obligatoire » des professionnels de santé n’atteint pas son but (moins d’un médecin sur 4 remplissant cette obligation) ; le dispositif du DPC touchant moins de professionnels que les formations organisées par les laboratoires pharmaceutiques. Son contenu n’est pas toujours priorisé en fonction de 50
l’importance des problèmes de mauvais usage rencontrés en pratique. Les messages délivrés pour un même thème varient de plus selon les sites de formation.
S’iI est urgent d’affecter au dispositif du DPC l’intégralité des ressources financières dont il devrait disposer, il est par ailleurs indispensable que le fond DPC finance la mise en place et le fonctionnement d’une plateforme nationale d’autoformation continue et de validation des acquis, reposant sur les méthodes les plus modernes du e.learning et du e.teaching5 et accessible { l’ensemble des professionnels de santé via le portail d’information de la Recommandation n° 6.
5 L’analyse et les propositions sont détaillées en 4.2
6 L’analyse et les propositions sont détaillées en 5.1
Recommandation n° 6 : créer et assurer le fonctionnement et la mise à jour permanente d’un portail d’information unique servant de référence aux professionnels de santé.
Une information adaptée aux soins primaires, en permanence actualisée et d’accès facilité, est un prérequis indispensable à la prévention du mauvais usage. Cette condition est aujourd’hui loin d’être remplie : l’information disponible est souvent incomplète, morcelée sur plusieurs sites, et souvent non priorisée en fonction de l’importance et de la réalité des problèmes rencontrés en pratique.
Il est donc prioritaire qu’un portail unique dédié (couplé au site de formation continue de la Recommandation n° 4) soit, à bref délai, rendu opérationnel. Ce portail regrouperait l’ensemble des recommandations de bonne pratique (complétées en fonction de l’impératif rappelé ci-dessus), toutes les informations et alertes sanitaires et devrait intégrer, { l’instar du NICE britannique, un répertoire exhaustif, simple à consulter et informatif de l’ensemble des produits de santé commercialisés en France.6
Ce site pourrait également servir d’interface pour la déclaration des effets indésirables des médicaments et les demandes d’informations en ce domaine.
Les logiciels d’aide { la prescription et { la dispensation, en cours de certification par la HAS, devraient voir leur contenu validé par un groupe de travail pluridisciplinaire, au moins pour les informations touchant les situations les plus souvent rencontrées en soins primaires et celles { l’origine des déviations de prescription et d’usage les plus fréquentes. Ce groupe de travail devrait également formuler des recommandations sur l’interfaçage entre ces logiciels et le portail d’information unique qui doit constituer et rester la référence pour le professionnel de santé.
Recommandation n° 7 : restaurer la confiance du public.
Pour prévenir les effets délétères de la perte de confiance dans les institutions et dans le médicament en général induite par la successions de crises et affaires qui, depuis 15 ans, ont secoué notre pays et fait perdre ses repères à sa population, il est indispensable 51
qu’un programme de formation (en collège et lycée) et d’information du public sur les effets des médicaments et leur apport en santé publique soit entrepris. L’action vers le public, en partenariat avec des professionnels de la santé et de la communication et coordonnée par un comité de pilotage inter-institutionnel, devrait être diversifiée (campagnes dans les médias, brochures d’informations disponibles dans les officines et les cabinets médicaux, etc.).
7. REFERENCES DES RAPPORTS CONSULTES
- Bernard Bégaud et Dominique Costagliola. Rapport (au Directeur Général de la Santé et au Directeur Général de l’AFSSAPS) sur : « La pharmaco-épidémiologie en France. Evaluation des médicaments après leur mise sur le marché. Etat des lieux et propositions ». Janvier 2006.
- Assises du Médicament. Rapport de synthèse des Groupes de Travail 1 à 4. Paris, juin 2011.
- Rapport de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé (OPEPS) : « Le bon usage des médicaments psychotropes ». N° 3187 (Assemblée Nationale) et N°422 (Sénat). Juin 2006.
- Marcel Legrain. Rapport du groupe de réflexion sur l’utilisation des hypnotiques et tranquilisants en France. Paris : Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (SNIP), 1990.
- Edouard Zarifian. Rapport de la Mission Générale concernant la prescription et l’usage des médicaments psychotropes en France. Paris : Odile Jacob, 1996.
- Rapport sur la pharmacovigilance et la gouvernance de la chaîne du médicament. Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), juin 2011.
- Rapport n° 3552. Commission des Affaires Sociales. Mission « Le MEDIATOR et la pharmacovigilance ». Assemblée Nationale, juin 2011.
- Rapport n° 675. Mission commune d’information : « MEDIATOR, évaluation et contrôle des médicaments ». Sénat, 28 juin 2011. 52
ANNEXE 1
Principaux acronymes et abréviations utilisés dans ce rapport
ALD Affection de Longue Durée
AMM Autorisation de Mise sur le Marché
ARS Agence Régionale de Santé
ATIH Agence Technique d’Information sur l’Hospitalisation
BCDSP Boston Collaborative Drug Surveillance Program
CASD Centre d’Accès Sécurisé Distant
CCAM Classification Commune des Actes Médicaux
CEPS Comité Economique des Produits de Santé
CES Centre d’Examen de Santé
CIM 10 10ème Edition de la Classification Internationale des Maladies
CMU Couverture Médicale Universelle
CNAMTS Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés
CNIL Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
CNRS Centre National de la Recherche Scientifique
CPRD Clinical Practice Research Datalink
CRPV Centre Régional de Pharmacovigilance
CSP Catégorie Socio-Professionnelle
DA Disease Analyzer
DDD Defined Daily Dose (dose quotidienne standard)
DGS Direction Générale de la Santé
DGOS Direction Générale de l’Offre de Soins
DP Dossier Pharmaceutique
DPC Développement Professionnel Continu
DREES Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques
EGB Echantillon Généraliste de Bénéficiaires
EMA European Medicines Agency (anciennement : EMEA European Medicines Evaluation Agency)
EPPM Etude Permanente de la Prescription Médicale
FDA Food and Drug Administration
GHC Group Health Cooperative of Puget Sound
GIS Groupement d’Intérêt Scientifique
GPRD General Practice Research Database
HAS Haute Autorité de Santé
HCAM Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance Maladie
HMO Health Maintenance Organization
ICD International Classification of Diseases (en français : CIM)
IDS Institut des Données de Santé
IGAS Inspection Générale des Affaires Sociales
INCa Institut National du Cancer
INESSS Institut National d’Excellence en Santé et en Service Sociaux (Canada)
INSERM Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
InVS Institut de Veille Sanitaire
IRDES Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé
LEEM Les Entreprises du Médicament
LPD Longitudinal Patient Database 53
MCA Medicines Control Agency
MEMO Medicines Monitoring Unit
MGEN Mutuelle Nationale de l’Education Nationale
MHRA Medicines and Healthcare products Regulatory Agency
MSA Mutualité Sociale Agricole
NHS National Health System
NICE National Institute for health and Care Excellence
NIHR National Institute for Health Research
NIR Numéro d’identification personnel
ODB Ontario Drug Benefit Program
OMEDIT Observatoire des Médicaments, des Dispositifs Médicaux et des Innovations Thérapeutiques
OMS Organisation Mondiale de la Santé
ONS Office of National Statistics
OPEPS Office Parlementaire d’Evaluation des politiques de Santé
PEM Prescription Event Monitoring
PMDA Pharmaceutical and Medical Devices Agency
RAMQ Régie de l’Assurance Maladie du Québec
RCP Résumé des Caractéristiques du Produit
RSI Régime Social des Indépendants
SNIIRAM Système National d’Information Inter-Régimes de l’Assurance Maladie
UNPS Union Nationale de Professions de Santé 54
ANNEXE 2
Lettres de mission 55 56 57