Estimation de l’impact
épidémiologique
des niveaux de
couverture vaccinale insuffisants
en France
Daniel Lévy-Bruhl
Institut de Veille sanitaire
L’auteur déclare l’absence de lien d’intérêt |
La couverture
vaccinale est insuffisante pour de nombreux vaccins en France. Nous avons
estimé, à partir des données épidémiologiques disponibles, le nombre de cas, de
décès ou d’hospitalisations qui sont survenus alors qu’ils auraient pu être
évités par l’atteinte des niveaux de couverture vaccinale escomptés. La
mortalité non évitée est surtout importante pour la grippe. Cependant, des
hépatites B fulminantes et des décès dus à la coqueluche ou à une infection
invasive bactérienne surviennent également chaque année chez des sujets qui
auraient dû être protégés par la vaccination. L’épidémie de rougeole qui a sévi
en France entre 2008 et 2012 et qui a occasionné un nombre important de formes
graves témoigne également des conséquences des niveaux insuffisants de
couverture vaccinale.
Introduction
La couverture
vaccinale en France présente un bilan contrasté. Pour certaines vaccinations, en
particulier celles du jeune nourrisson, la couverture vaccinale est très élevée
et l’impact épidémiologique obtenu conforme aux objectifs de santé publique
[1]. Cela est particulièrement le cas des vaccinations contre la diphtérie et
la poliomyélite, maladies qui ont été éliminées en France. Le tétanos ne touche
plus que des personnes âgées qui n’ont pas effectué de rappel vaccinal depuis
plusieurs décennies. La persistance de la coqueluche n’est pas liée à un défaut
de couverture vaccinale mais à une durée de protection insuffisante conférée
par les vaccins actuellement disponibles, ce qui constitue un obstacle à
l’élimination de la maladie. Cependant, la couverture vaccinale pour de
nombreuses maladies reste insuffisante, induisant une morbidité et une
mortalité persistantes. Nous avons estimé le poids résiduel de ces maladies qui
aurait pu être évitées si les niveaux de couverture vaccinale souhaités avaient
été atteints.
Certaines maladies
ont été exclues du champ de ces travaux : les oreillons, en l’absence de données fiables
d’incidence et du caractère exceptionnellement sévère de la maladie ; les
méningites tuberculeuses de l’enfant, car le suivi renforcé de la surveillance
de cette pathologie mis en œuvre à la suite de l’abrogation vaccinale n’a pas
mis en évidence d’augmentation de leur incidence, malgré une couverture
vaccinale insuffisante des enfants ciblés par le BCG hors Ile-de-France [2],
les pathologies induites par les HPV car, même si les niveaux de couverture
vaccinale des jeunes filles pour cette vaccination restent très insuffisants,
il n’est pas possible à ce jour d’estimer l’impact épidémiologique de la non
vaccination, de par le délai important entre la vaccination réalisée à
l’adolescence et la survenue des formes sévères des pathologies liées aux HPV
(lésions précancéreuses de haut grade et cancer du col de l’utérus).
Méthode
Il n’a pas été
possible d’appliquer une méthodologie standardisée pour les différentes
vaccinations étudiées. L’analyse effectuée dépend des caractéristiques de la maladie étudiée
et de celles du vaccin ainsi que de l’histoire de la mise en œuvre de cette
vaccination en France et des modalités de la surveillance épidémiologique
spécifique de la maladie. Les modalités d’analyse pour les différentes
pathologies étudiées sont les suivantes:
Tétanos
L’analyse
a porté sur la période 2004 à 2013. Tous les cas résiduels de tétanos notifiés
par la déclaration obligatoire (DO) ont été considérés comme évitables par un
meilleur respect du calendrier vaccinal. En effet, l’ensemble de la population est ciblée par
la vaccination dont l’efficacité est proche de 100 %. L'exhaustivité
de la DO a été approchée par confrontation du nombre de décès connus par la DO
et du nombre de certificats de décès ayant pour cause le tétanos. Cette
approche, appliquée sur les années 2004-2011, a permis d’estimer l’exhaustivité
de la DO à 74 %.
Coqueluche
L’analyse a été
effectuée à partir des données du réseau Renacoq de surveillance de la
coqueluche de l’enfant vu à l’hôpital [3]. Elle a été effectuée séparément pour 2
populations de nourrissons : les enfants de 3 mois et plus pour lesquels la
vaccination protège directement de la maladie, et les enfants de 0-2 mois pour
lesquels la protection repose sur la vaccination de l'entourage (stratégie du
cocooning). L’analyse a porté sur la période 1996-2012 pour les enfants de 3
mois et 2004-12 pour les enfants de 0-2 mois, la stratégie du cocooning ayant
été instaurée en 2004. Les estimations effectuées à partir des données issues
de Renacoq ont été extrapolées à la l'ensemble de la France métropolitaine, sur
la base d’une couverture par Renacoq des hôpitaux susceptibles d’accueillir des
cas de coqueluche estimée à partir des données du PMSI à 34 %.
Pour
les nourrissons âgés de 3 mois et plus, les cas de coqueluche survenant chez
des sujets insuffisamment vaccinés pour leur âge recensés par Renacoq ont été
considérés comme évitables par un meilleur respect du calendrier vaccinal. Sur la base
d’une étude réalisée sur les données Renacoq, nous avons estimé que les bébés
âgés de 3 mois, qui auraient dû recevoir la 1re dose, auraient bénéficié d’une
protection de 50 % [4] et qu'à l'âge de 4 mois, ils auraient dû recevoir les
deux premières doses et bénéficier d’une protection de 70 %. La protection
conférée par les 3 doses qu’auraient dû recevoir les enfants de 5 mois ou plus
était, selon nous, de 100 % (moins de 1 % des cas de coqueluche identifiés par
le Réseau Renacoq avaient reçu 3 doses).
Pour
les nourrissons âgés de moins de 3 mois, nous avons estimé le nombre de cas qui
auraient pu être évités par une meilleure couverture vaccinale de l'entourage
familial.
L’analyse a porté sur les seuls cas contaminés par l'entourage familial,
considérés comme ceux pouvant être évités par la stratégie du cocooning, dont
l’efficacité a été estimée à 50 %, sur la base d’une récente publication [5].
Nous avons calculé le nombre de cas évitables si la couverture avait été de
75 % pour l’ensemble des membres de la famille. Deux hypothèses ont été
faites pour estimer le nombre de cas de coqueluche contaminés par un membre de
l’entourage familial. Dans l’hypothèse basse, seuls les cas pour lesquels la
fiche de recueil Renacoq mentionnait un contaminateur familial ont été pris en
compte. Dans l’hypothèse haute, il a été considéré que la part des
contaminateurs familiaux dans les fiches où la recherche de cas dans l’entourage
n’avait pas été faite était similaire à celle calculée lorsque cette recherche
avait été faite. Les taux de létalité ont été estimés à partir des données
Renacoq (2,4 % avant 3 mois, 0,5 % entre 3 et 5 mois).
Méningites à haemophilus influenzae b
Nous
avons recensé les cas d’infections invasives à Hib identifiés par le CNR
Haemophilus durant la période 1999 à 2014 (à l’exception de l’année 2008, en
l’absence de données) chez les enfants de moins de 5 ans, en âge d’être
vaccinés, non ou insuffisamment vaccinés. Nous avons considéré que ces cas ne
seraient pas survenus si ces enfants
avaient été correctement vaccinés.
Hépatite B
L’analyse
a porté sur le nombre d’hépatite B aiguës et d’hépatite B fulminantes non
évitées durant la période 2006 à 2014. Nous avons utilisé les données de la DO
de l’hépatite B aiguë mise en place en 2003 en France. Les cas qui auraient dû
être évités par la vaccination sont ceux survenus chez des sujets présentant au
moins une indication vaccinale et qui avaient reçu moins de 2 doses de vaccin.
Nous avons estimé que la protection vaccinale avec 2 doses ou plus était de 90
% chez l’adolescent ou l’adulte à risque. Nous avons utilisé une estimation
moyenne du taux d’exhaustivité de la DO de 18 %, sur la base des résultats
publiés [6,7]. Nous avons appliqué une proportion de formes symptomatiques
parmi les infections de 18 %, sur la base de l’application d’un modèle
anglais [8].
Méningites à pneumocoque
L’analyse
a porté sur le nombre de cas de méningite à pneumocoque non évitées chez les
enfants de moins de 2 ans entre 2003 (année de l’introduction de la
vaccination) et 2007 (à partir de 2008, la couverture vaccinale du nourrisson a
atteint 94 %). Le calcul a consisté à appliquer chaque année deux taux à la
fraction des enfants non vaccinés qui auraient pu l’être successivement :
le taux d’incidence des méningites à pneumocoque observé chez les enfants
vaccinés et celui observé chez les enfants non vaccinés. La différence entre
ces 2 résultats correspond au bénéfice additionnel attendu d’une meilleure
couverture vaccinale. Le calcul a été fait sous 2 hypothèses de niveaux de
couverture vaccinale qui auraient dû être atteints : 95% dès 2003 et une augmentation entre 2003 plus rapide
que celle observée. Les données d’incidence des méningites à pneumocoque chez
les enfants de moins de deux ans en France proviennent du réseau de
laboratoires Epibac [9]. Les proportions relatives de cas survenus chez des enfants vaccinés et
non vaccinés ont été estimées à partir des données de l’Observatoire des
méningites bactériennes de l’enfant de l’association ACTIV-GPIP [10]. La
proportion de décès parmi les cas (10%) et le taux à de séquelles (30%) ont été
estimés à partir de données de la littérature [11-12].
Infections invasives à méningocoque C
La
vaccination contre les infections à méningocoque C (IIM C) a été recommandée en
2010 à l’ensemble des sujets de 1 à 24 ans. La protection des nourrissons de
moins de 1 an était espérée par effet indirect, grâce à l’immunité de groupe
induite par une couverture vaccinale élevée dans la tranche d’âge des 1-24 ans.
Les niveaux de couverture très insuffisants obtenus n’ont pas permis
d’atteindre l’objectif de réduction de l’incidence chez les nourrissons, même
si un certain niveau de protection indirecte a été probablement obtenu.
L’analyse
a porté sur le nombre de cas d’infections invasives (méningites et septicémies)
non évitées durant la période 2011 à 2013. Nous avons estimé dans un premier
temps à partir des données de la DO, ce qu’aurait été l’épidémiologie des IIM C
sans vaccination entre 2011 et 2013. Cette estimation a été réalisée selon 2
scénarios, selon que l’on fait ou non l’hypothèse que les nourrissons de moins
de 1 an ont bénéficié d’une protection indirecte par immunité de groupe. Pour estimer
le nombre de cas total et par âge qui seraient survenus en l’absence de toute
activité de vaccination, nous avons considéré que la proportion de cas d’IIM C
au-delà de 1 an et la distribution par âge des cas auraient été identiques à
celles observées durant les 3 années précédant l’introduction du vaccin.
A
partir des estimations du nombre de cas qui seraient survenus sans vaccination,
le nombre de cas qui auraient été observés entre 2011 et 2013 a été estimé
selon deux scénarios de couverture vaccinale. Dans le scénario 1, idéal, la
couverture vaccinale aurait atteint, dès 2011, 85% chez l’ensemble des 1-24
ans. Dans le scénario 2, plus réaliste, la couverture vaccinale aurait
progressivement augmenté depuis l’introduction de la vaccination pour atteindre
85% chez les 1-14 ans et 50% chez les 15-24 ans en 5 ans, c’est-à-dire en 2014.
L’effet indirect a été introduit dans chaque scénario chez les non vaccinés
dans les groupes d’âges ciblés (réduction égale au produit de la couverture
vaccinale obtenue chaque année dans la même tranche d‘âge par l’efficacité
vaccinale, estimée à 94%) et pour les groupes d’âges non ciblés, dès que la
couverture vaccinale atteignait 50% (réduction égale au produit de la
couverture vaccinale chez les 1-24 ans obtenue chaque année par l’efficacité
vaccinale). Les proportions de décès utilisés proviennent de la DO [13].
Rougeole et rubéole
Pour la rougeole et
la rubéole, maladies pour lesquelles l’élimination aurait dû être atteinte,
l’ensemble des cas résiduels, y compris chez les sujets non ciblés par la
vaccination, ont été considérés comme évitables. En effet ces derniers sujets
avaient vocation à être protégés indirectement par l’immunité de groupe.
Pour
la rougeole,
l’analyse a porté sur la période 2008 à 2014, au cours de laquelle a sévi
une épidémie. Le nombre de cas de rougeole et de complications sont issus
des données de la DO. Une étude récente, réalisée en collaboration avec
l’Etablissement français du Sang, a permis d’estimer à 55 % l’exhaustivité de
la DO chez les jeunes adultes de 18 à 32 ans dans l’inter-région Sud-Est. En
l’absence de données concernant l’exhaustivité dans les autres tranches d’âge
et dans les autres régions, nous avons appliqué cette valeur à l’ensemble des
cas. Nous n’avons pas appliqué ce facteur correctif aux données concernant les
complications et les décès, considérant que ces cas avaient été mieux notifiés
que les cas bénins. Nous avons utilisé la base du PMSI pour évaluer le nombre
d’hospitalisations liées à la rougeole durant cette période.
Pour la rubéole, nous avons utilisé les données issues du
réseau Renarub de surveillance des infections maternelles rubéoleuses durant la
grossesse [14]. L’analyse
a porté sur le nombre d’infections rubéoleuses durant la grossesse et de
rubéole congénitale malformative survenues durant la période 2004 à 2014.
Grippe
L’estimation
a porté sur le nombre de décès liés à la grippe qui auraient pu être évités par
l’atteinte de l’objectif de couverture vaccinale de 75 % chez les sujets âgés
de 65 ans et plus. L’analyse a porté sur la période 2000-01 à 2010-11, à
l’exception de la saison pandémique 2009-10. Les calculs ont été faits
séparément pour les sujets de 65-79 ans et ceux de 80 ans et plus.
La
méthode de calcul a fait l’objet d’une publication récente dans Vaccine [15]. En résumé,
elle a consisté à estimer dans un premier temps, à partir des décès observés,
de l’estimation de l'efficacité du vaccin contre la mortalité et des données de
couverture vaccinale, ce qu’aurait été la mortalité en l’absence de
vaccination. En effet, une formule mathématique permet de lier entre eux ces 4
paramètres. A partir de l’estimation du nombre de décès qui seraient survenus
en l’absence de vaccination, il est possible d’estimer le nombre de décès
évités pour différents niveaux de couverture vaccinale. En soustrayant
l’estimation du nombre de décès évités si la couverture vaccinale était de 75%
à l’estimation obtenue pour les niveaux de couverture vaccinale observés, nous
avons obtenu le nombre de décès évitables mais non évités chez des personnes de
65 ans et plus. Nous avons utilisé comme estimation de l’efficacité de la
vaccination contre la grippe dans la prévention de la mortalité les résultats
d’une étude américaine qui a utilisé une méthode innovante permettant de
réduire de manière importante les biais habituels des études observationnelles
d’efficacité vaccinale. L’estimation de l’efficacité de la vaccination contre
la grippe dans la prévention de la mortalité toutes causes dans cette étude est
de 4,6 % [16]. Les données de mortalité
sont issues du CépiDC et les données de couverture vaccinale proviennent
principalement de la Cnam-TS.
Pour les
différentes pathologies étudiées, lorsque la maladie peut entrainer une
hospitalisation, nous avons estimé le nombre de journées d’hospitalisation non
évitées, en multipliant le nombre de cas hospitalisés par la durée moyenne de
séjour calculée à partir de la base du PMSI. Les résultats sont
les suivants :
Tétanos
Entre
2004 et 2013, 111 cas de tétanos ont été déclarés, dont 83 % âgés de 70 ans et
plus et 29 de ces cas, soit 26 %, sont décédés. Si l’on corrige pour le défaut
d’exhaustivité, on peut ainsi estimer que 150 cas de tétanos et 39 décès sont
survenus, tous évitables par une meilleure application de la politique des
rappels, que ce soit en vaccination de routine ou à l’occasion d’une plaie. Ce
sont donc en moyenne 15 cas et 4 décès qui surviennent chaque année et qui
auraient pu être évités par un meilleur respect du calendrier vaccinal.
Coqueluche
Entre
2004 et 2012, dans l’hypothèse basse, 429 cas auraient pu être évités chez des
nourrissons âgés de moins de 3 mois par une meilleure couverture vaccinale du
cocooning (75%), soit en moyenne 48 par an. Dans l’hypothèse haute, ces
chiffres seraient respectivement de 617 et 69, soit 10 à 15 décès de
nourrissons de moins de 3 mois sur l’ensemble de la période. Entre 1996 et
2012, nous avons estimé que 1050 cas de coqueluche auraient pu être évités chez
des enfants de 3 mois et plus, parmi les 1560 cas survenus chez des
enfants non à jour de leur vaccination, soit 62 cas par an. Ceci correspond à 8
décès de nourrissons âgés de 3 à 5 mois sur l’ensemble de la période
Haemophilus influenzae b
Entre
1999 et 2014, 43 infections invasives dont 37 méningites ont été identifiées
chez des nourrissons non vaccinés (29) ou non à jour de leur vaccination (14),
soit une moyenne de près de 3 cas par an. Parmi ces 43 cas, 35 étaient âgés de
moins de 2 ans et 8 entre 2 et 5 ans.
Hépatite B
Parmi
les 969 cas notifiés entre 2006 et 2013, 489 sont survenus chez des sujets pour
lesquels la fiche de DO mentionnait au moins une indication vaccinale et
n’ayant pas reçu au moins deux doses de vaccin. Selon la part des cas sans
données sur les antécédents vaccinaux qui étaient vaccinés, le nombre de cas
d’hépatite B aiguës notifiés chez des sujets non vaccinés bien que répondant à
une indication vaccinale est compris entre 414 et 489. En prenant en compte la
sous-notification, ce serait entre 2300 et 2700 cas d’hépatite B
aiguës qui seraient survenus entre 2006 et 2013 chez des sujets non vaccinés
bien que ciblés par les recommandations vaccinales dont, entre 2070
et 2445 cas d’hépatite B aiguë chez des sujets qui auraient pu être
protégés par la vaccination. Par ailleurs, à partir des mêmes données de DO, on
peut estimer que 11500 et 13585 infections asymptomatiques sont survenues
durant la période 2006-2013. Si ces infections n’exposent pas au risque
d’hépatite B aiguës fulminantes, elles exposent, comme les infections aiguës
symptomatiques, à un risque de complication à terme de l’infection (cirrhose et
cancer primitif du foie), si elles deviennent chroniques et en l’absence de
traitement. En moyenne, chaque année, ce sont donc entre 260 et 300 infections
aiguës symptomatiques qui auraient pu être évitées en respectant les
indications vaccinales, et entre 1440 et 1700 infections. Les données de la DO
font état par ailleurs de 14 hépatites B aiguës fulminante survenues chez les
408 sujets à risque non vaccinés, entre 2006 et 2013. Par ailleurs 5 cas sont
survenus chez des sujets à risque au statut vaccinal inconnu et un cas chez un
sujet pour lequel l’indication vaccinale n’est pas documentée. Le nombre
d’hépatites B fulminantes qui auraient dû être évitées se situe donc entre 14
et 20, dans l’hypothèse où toutes les hépatites B fulminantes ont fait l’objet
d’une fiche de DO, soit 2 à 3 par an.
Pneumocoque
Le
nombre de cas non évités par une couverture vaccinale insuffisante varie entre
45 et 121 pour la période 2003 à 2007 selon le scénario de couverture vaccinale
considéré, soit une moyenne de 9 à 24 cas par an. Sur les 5 années, ceci
correspond à environ 5 à 12 décès de
nourrissons et 14 à 36 enfants atteints de séquelles à long terme non évités.
Infections invasives à méningocoque C
Les
résultats de la simulation montre que ,pour la période 2011-2013, le nombre de
cas tous âges confondus qui seraient survenus en l’absence de vaccination
aurait été de 586 sous l’hypothèse d’une immunité de groupe induite chez le
nourrisson de moins d’un an, et 457 en l’absence d’immunité de groupe. Le
nombre de cas non évités en raison d’une couverture vaccinale insuffisante par
rapport à la situation de référence (niveaux de couverture vaccinale actuels)
varie entre 96 et 306 pour la période 2011 à 2013 selon le scénario de
couverture vaccinale et les hypothèses d’immunité de groupe, soit une moyenne
de 32 à 102 cas par an. Sur les 3 années, ceci correspond à environ 11à 45
décès parmi lesquels entre 2 à 4 chez des nourrissons de moins d’1 an.
Rougeole
Entre
2008 et 2014, 23 600 cas de rougeole ont été déclarés en France, dont 82 %
faisaient partie de la population ciblée par la vaccination et 18 % auraient dû
bénéficier d’une protection indirecte grâce à l’immunité de groupe. En prenant
en compte la sous-déclaration, on peut estimer à 43 000 le nombre de cas de
rougeole survenus depuis 2008 et potentiellement évitables par la vaccination.
Près de 1 500 cas déclarés ont présenté une pneumopathie grave, 34 une
complication neurologique (31 encéphalites, 1 myélite, 2 Guillain-Barré) et 10
sont décédés. Ces derniers chiffres, non corrigés pour la sous-notification,
représentent une estimation minimale de la morbidité sévère et de la létalité
liées à la rougeole depuis 2008 qui auraient dû être évités si l’objectif
d’élimination de la rougeole avait été atteint. 6655 hospitalisations
liées à la rougeole ont été identifiées par le PMSI et 5308 par la DO,
confirmant l’exhaustivité élevée de la DO pour les cas les plus graves.
Rubéole
De
2004 à 2013, 84 infections rubéoleuses maternelles certaines ou probables ont
été recensées en France. Elles ont été à l’origine de 27 infections
congénitales dont 10 rubéoles malformatives (9 naissances et 1 interruption
médicale de grossesse). Si l’on exclut les cas survenus chez des femmes nées
hors de France, en l’absence de données sur leur âge à l’arrivée en France, ce
sont au minimum 58 infections rubéoleuses maternelles certaines ou probables,
20 infections congénitales dont 6 rubéoles malformatives (5 naissances et 1 IMG)
qui auraient été évitées si le calendrier vaccinal avait été respecté.
Grippe
Sur
la période 2000-01 à 2008-09, 3280 et 350 décès supplémentaires auraient été
évités respectivement chez les sujets de 65 à 79 ans et les sujets âgés de 80
ans et plus, si la couverture vaccinale avait été de 75 % au lieu de 60 à 63 %.
Ceci correspond à respectivement 328 cas et 35 décès en moyenne chaque année,
dans chacune des deux tranches d’âges considérées. Le faible nombre de décès
additionnels potentiellement évitables au-delà de 80 ans reflète la couverture
vaccinale proche de 75 % dans cette tranche d’âge, au moins jusqu’en 2009.
Discussion
Au total, nos
analyses confirment la survenue de formes sévères de maladies évitables par la
vaccination liées à une couverture vaccinale insuffisante, pour toutes les
maladies étudiées. La mortalité non
évitée est surtout importante pour la grippe, estimée à environ 350 décès par
an. Cependant, plusieurs hépatites B fulminantes surviennent chaque année chez
des sujets non vaccinés bien que couverts par les indications vaccinales. Entre
5 et 20 décès dus à la coqueluche ou à une infection invasive bactérienne
surviennent également chaque année chez des enfants qui auraient dû être
protégés par la vaccination. Il s’agit principalement d’infections invasives à
méningocoque C, pathologie pour laquelle la couverture vaccinale est très
insuffisante et ne permet pas de protéger les nourrissons par l’immunité de
groupe. Enfin, la persistance d’infections rubéoleuses durant la grossesse, et
surtout l’ampleur de l’épidémie de rougeole qui a sévi en France entre 2008 et
2012 et provoqué un nombre important de formes graves (plus de 1000 pneumonies
hospitalisées et de 30 encéphalites), sont la conséquence d’une couverture
insuffisante de la vaccination en routine des nourrissons et du rattrapage
vaccinal des grands enfants, des adolescents et des jeunes adultes avec le
vaccin triple rougeole-oreillons-rubéole.
Nous n’avons pas estimé le fardeau global en additionnant les résultats
obtenus pour les différentes maladies. En effet, il n’est pas pertinent, par
exemple, d’additionner les décès liés à la grippe survenant chez des sujets
très âgés à l’état de santé précaire avec les décès liés à une méningite
bactérienne frappant des enfants en pleine santé. L’indicateur valable pour un
tel calcul aurait été les années de vie perdues ajustées pour la qualité liées
aux différentes pathologies étudiées. Cependant, cet indicateur n’est pas
disponible pour certaines des maladies étudiées.
Le niveau d’incertitude
qui entoure ces estimations est variable d’une maladie à l’autre. Celles fondées sur les données de la
déclaration obligatoire, corrigées par l’estimation du taux de
sous-notification (tétanos, rougeole, hépatite B) ou sur des réseaux de surveillance
volontaires pour lesquels la couverture et l’exhaustivité sont connus (haemophilus inflenzae b, coqueluche chez
les enfants de 3 mois et plus) paraissent fiables. Pour la rubéole, une
sous-estimation du nombre réel des infections maternelles, et donc du nombre de
cas non évités, est probable au sein du réseau Rénarub, essentiellement par défaut de diagnostic chez
la femme enceinte, les infections rubéoleuses étant fréquemment asymptomatiques
ou atypiques. Pour la coqueluche, les infections invasives à pneumocoque ou à
méningocoque ainsi que la grippe, les estimations sont à considérer avec
prudence, dans la mesure où le calcul fait intervenir certains paramètres mal
connus (efficacité de la stratégie de vaccination de l’entourage pour la
coqueluche et de la vaccination grippe pour éviter un décès ; incidence
des infections invasives à méningocoque qui aurait été observée en l’absence de
vaccination, risque de méningite à pneumocoque d’un enfant non vacciné…).
Malgré cette réserve, nous pensons avoir raisonnablement estimé l’impact des
niveaux de couverture insuffisants en France et tous ces drames évitables par
la simple application du calendrier vaccinal devrait convaincre les
professionnels de santé et le grand public de
la nécessité d’améliorer la couverture vaccinale.
Je
tiens à remercier l’ensemble des épidémiologistes qui ont contribué à générer
ces estimations : Denise Antona, Emmanuel Belchior, Isabelle Bonmarin,
Cécile Brouard, Laure Fontenau, Scarlett Georges, Jean-Paul Guthmann, Christine
Larsen, Agnès Lepoutre et Isabelle Parent du Chatelet ainsi que les assistants
d’études épidémiologiques : Catherine Maine, Edith Laurent et Yann
Savitch, qui nous permettent de disposer des bases de données de surveillance
nécessaires à ces analyses. Merci également à Mireille Allemand, assistante de
l’unité Vaccination, pour son soutien continu.
Références
[1]
http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Couverture-vaccinale/Donnees
[2] Van Bui T, Lévy-Bruhl D, Che D, Antoine D, Jarlier V, Robert J.
Impact of the BCG vaccination policy on tuberculous meningitis in children
under 6 years in metropolitan France between 2000 and 2011. Euro Surveill
2015;20(11):pii=21064
[3] Tubiana S, Belchior E, Guillot S, Guiso N,
Lévy-Bruhl D; Renacoq Participants. Monitoring the Impact of Vaccination on
Pertussis in Infants Using an Active Hospital-Based Pediatric Surveillance
Network: Results from Seventeen Years' Experience, 1996-2012, France. Pediatr
Infect Dis J. 2015;34(8):814-20
[4] Briand V, Bonmarin I, Levy-Bruhl D. Study of the risk factors for
severe childhood pertussis based on hospital surveillance data. Vaccine
2007;25(41):7224-32.
[5] Quinn H, Snelling T, Habig A, Chiu C, Spokes P, McIntyre P. Parental
Tdap Boosters and Infant Pertussis: A Case-Control Study. Pediatrics
2014;134 (4) :713-20
[6] Brouard C, Bousquet V, Léon L,
Pioche C, Lot F, Semaille C, Larsen L. Incidence de l’hépatite B aiguë
symptomatique en France en 2010, enquête LaboHep 2010. Bull Epidémiol Hebd
2013;19:210-213
[7] Antona D, Letort MJ, Le Strat Y,
Pioche C, Delarocque-Astagneau E, Lévy-Bruhl D. Surveillance des hépatites B
aiguës par la déclaration obligatoire, France, 2004-2006. Bull Epidemiol Hebd 2007 ;51-52: 425-8.
[8] Hahne S, Ramsay M, Balogun K, Edmunds WJ, Mortimer,P.
Incidence and routes of transmission of hepatitis B virus in England and Wales,
1995–2000: implications for immunisation policy. Journal of clinical virology
2014; 29(4):211-20
[9] Lepoutre A, Varon E, Georges S, Dorleans F, Janoir
C, Gutmann L, Lévy-Bruhl D, The Microbiologists of the Epibac, Réseau des
Observatoires Régionaux du Pneumocoque (ORP). Impact of the pneumococcal
conjugate vaccines on invasive pneumococcal disease in France, 2001-2012.
Vaccine 2015;33(2):359-66.
[10] Levy C, Varon E, Bingen E, Lecuyer A, Boucherat M, Cohen R.
PneumococcaL meningitis in french children before and after the introduction of
pneumococcal conjugate vaccine. Pediatr Infect Dis J 2011;30(2):168-70
[11] Olivier C, Bègue P, Cohen R, Floret
D pour le GPIP. Méningites à pneumocoque de l'enfant - Résultats d'une enquête
nationale 1993-1995. Bull Epidémiol
Hebd 2000; 16:67-69
[12] Bingen E, Levy C, De la Roque F, Boucherat M, Aujard Y, Cohen R.
[Pneumococcal meningitis in France: age and medical risk factors in children]. Arch Pediatr
2005; 12(7):1187-1189.
[13] Barret AS, Deghmane AE, Lepoutre A,
Fonteneau L, Maine C, Taha MK, Parent du Chatelet I. Les infections
invasives à méningocoques en France en 2012 : principales caractéristiques
épidémiologiques.
Bull Epidemiol Hebd 2014;1-2:25-31.
[15] Bonmarin I, Belchior E, Lévy-Bruhl D. Impact of influenza
vaccination on mortality in the French elderly population during the 2000-2009
period. Vaccine 2015; 33(9):1099-101
[16] Fireman B, Lee J, Lewis N, Bembom O, van der Laan M, Baxter R.
Influenza vaccination and mortality: differentiating vaccine effects from bias.
Am J Epidemiol 2009;170(5):650-6.
Maladie
|
Période
|
Population
|
Source
|
Résultats
|
||||||
Période
|
Moyenne annuelle
|
|||||||||
Cas
|
Complications
|
Journées
hôpital
|
Cas
|
Complications
|
Journées
hôpital
|
|||||
Tétanos
|
2004-2013
|
Tout âge
|
DO
|
150
|
39 décès
|
6915
|
15
|
4 décès
|
692
|
|
Coqueluche
|
2004-2012
|
Nourrissons
< 3 mois |
Renacoq
|
429 à 617
|
10 à 15 décès
|
3561 à 5121
|
48 à 69
|
1 à 2 décès
|
396 à 569
|
|
1996-2012
|
Nourrissons
3 à 5 mois |
1050
|
8 décès
|
7770
|
62
|
<1 décès
|
457
|
|||
Infections invasives à Hib
|
1999-2014
(-2008)
|
Nourrissons
|
CNR
|
43
|
1 à 2 décès
|
593
|
2 à 3
|
NA
|
40
|
|
Hépatite B
|
2006-2013
|
Tout âge
|
DO
|
2070 à 2445
|
14 à 20
hépatites
fulminantes |
146 à 208
pour hépatites fulminantes |
260 à 300
|
2 à 3
hépatites
fulminantes |
18 à 26
pour hépatites fulminantes |
|
Méningites à
pneumocoque |
2003-2007
|
Nourrisson
|
EPIBAC
|
45 à 121
|
5 à 12 décès
14 à 36 séquelles |
860 à 2311
|
9 à 21
|
1 à 2 décès
3 à 7 séquelles |
172 à 462
|
|
Infections invasives à méningocoque
|
2011-2013
|
Tout âge
|
DO
|
96 à 306
|
11 à 45 décès
|
883 à 2815
|
32 à 102
|
4 à 15 décès
|
294 à 938
|
|
Rougeole
|
2008-2014
|
Tout âge
|
DO
PMSI |
43000
|
> 1500
pneumopathies
34 complications neurologiques 10 décès 6655 hospital. |
23700
|
Flambée
épidémique
|
|||
Rubéole
|
2004-2013
|
Femmes
enceintes
et nouveau-nés |
Renarub
|
≥ 58
infections durant grossesse
|
≥ 20 infections
congénitales |
NA
|
≥ 6
infections
durant grossesse |
≥ 2
infections congénitales |
NA
|
|
Grippe
|
2001-02 à
2010-11
(- 2009-10)
|
65 -79 ans
80 ans et plus
|
Cepi-DC
|
NA
|
3280 décès
350 décès
|
NA
|
NA
|
328 décès
35 décès
|
NA
|
|
Textes de l'ensemble des interventions
Président de l’académie nationale de médecine
Discours de Mme Marisol Touraine, le 2 février 2016
Madame Marisol
Touraine ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des
femmes a ouvert la séance thématique consacrée aux vaccinations, le
mardi 2 février. Dans son allocution, elle a clairement indiqué son
désir de mettre en place en 2016 une série d’actions dont on attend une
amélioration de la couverture vaccinale en France.
Accueil de Madame Marisol Touraine, ministre de la santé
Madame la Ministre,
Votre venue en ce jour dans notre
Académie porte un symbole fort et nous honore. L’Académie de médecine
fut instituée en 1820 « pour répondre aux demandes du gouvernement sur
tout ce qui intéresse la santé publique et s’occuper de tous les objets
d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès des
différentes branches de l’art de guérir ». Ces termes qui nous
définissent et qui sont repris dans nos récents statuts de 2013
expliquent l’importance de votre présence aujourd’hui en cette enceinte.
Mais le symbole se renforce encore par le thème de cette séance et
celui de votre action : la vaccination. Vous avez résolument porté cette
question au niveau national et vous voici dans cette académie dont une
des missions historiques est la vaccination. Que de moments importants
se déroulèrent ici, depuis la vaccination antivariolique pratiquée
longtemps en ces lieux jusqu’aux discussions sur le vaccin BCG ou sur la
vaccination antipoliomyélitique, sous cette coupole.
C’est avec un grand intérêt et avec
plaisir, Madame, que mes confrères et moi nous vous accueillons et que
nous sommes à l’écoute de vos propos.
Pierre BéguéPrésident de l’académie nationale de médecine
Et si l'on arrêtait de vacciner! Intervention Pr
François Bricaire
L’hésitation vaccinale: une perspective
psychosociologique Intervention Jocelyn RAUDE*
LES ADJUVANTS VACCINAUX Rapport, 26 juin 2012
Pierre Bégué, Marc Girard, Hervé Bazin,
Jean-François Bach. Commission VII (maladies infectieuses et médecine
tropicale)
PHARMACOVIGILANCE DES VACCINS EN FRANCE
Intervention Jean-Louis MONTASTRUC Chef du service de pharmacologie médicale et
clinique du CHU de Toulouse
Estimation de l’impact épidémiologiquedes niveaux
de couverture vaccinale insuffisants en France Intervention Daniel Lévy-Bruhl Institut de Veille
sanitaire