Aux termes de l’accord signé entre les
syndicats de médecins libéraux et l’Assurance maladie, les patients ne paieront pas moins chers,
ils ne connaitront pas plus qu’auparavant
le montant de leur consultation et seront remboursés en fonction de leurs
cotisations volontaires par un assureur complémentaire comme avant.
Pour autant, les paradoxes
surgissent à chaque ligne de l’accord :
Paradoxe d’un accord négocié pied à pied par un Directeur de l’Assurance-maladie
nommé par le précédent gouvernement pour tenir une promesse électorale de François
Hollande. Alors que ce Directeur a porté avec conviction et efficacité une
politique de libéralisme, réduisant les remboursements et augmentant les inégalités
de santé, la presse le qualifie, à bon escient au vu des événements, de vice-ministre
de la santé.
Paradoxe d’un accord censé encadrer les dépassements voir même les plafonner,
qui au contraire donne comme objectif validé par tous les acteurs, à
tous les médecins spécialistes d’augmenter leurs tarifs à 150% au-dessus
des tarifs de l’Assurance maladie. Or 50% des médecins spécialistes ne
pratiquaient pas de dépassements de tarifs.
Paradoxe d’un accord qui devait encadrer les dépassements et qui en lieu et
place d’un plafond des dépassements, met en place un plancher pour les
tarifs, sans processus réellement opérationnel, pour limiter les abus tant
les exceptions sont nombreuses et les contrôles inapplicables.
Paradoxe d’un accord qui a été précédé de dénonciations médiatiques des dépassements
exorbitants d’une minorité de médecins, notamment hospitaliers, et qui
encourage désormais ces dérives. Parmi les critères de l’accord permettant d’échapper
à tout plafonnement, nous voyons revenir la « notoriété », garantie de dépassements
à 6 ou 7 fois les tarifs de l’Assurance maladie pour certains praticiens des
CHU parisiens.
Paradoxe d’un accord qui devait en priorité résoudre la question épineuse des dépassements
du secteur chirurgical, et qui n’est pas signé par l’acteur essentiel Le
Bloc, syndicat qui représente plus
des deux tiers des Anesthésistes, Obstétriciens, Chirurgiens.
Paradoxe d’un accord qui n’a pas abordé une seule fois le sujet majeur de l’origine
des dépassements tarifaires du secteur chirurgical. Cette origine
est pourtant connue : l’attribution des moyens financiers disponibles depuis
des décennies à certaines spécialités contre d’autres -le secteur chirurgical
ou la médecine générale-. Certains actes chirurgicaux voient leurs tarifs bloqués
depuis vingt ans, du fait de ce retard tarifaire organisé. Confortant
cette situation, le syndicat historique des médecins a introduit dans l’accord
une disposition qui renforce ce mécanisme de mise à l’écart des spécialités perdantes,
chirurgie et médecine générale : l’acte majoré de consultation des médecins spécialistes
à 46 euros est désormais autorisé trois fois par an au lieu de deux fois pour
chaque malade. Encore une fois un groupe favorisé contre les autres.
Paradoxe d’un accord où l’on demande à l’Assurance maladie et au syndicat
historique qui ont créé la situation actuelle de porter désormais une politique
de correction et de rééquilibrage des déséquilibres qu’ils ont eux-mêmes conçus
entre spécialités médicales.
Paradoxe d’un accord qui accroît le différentiel entre les médecins spécialistes
et les médecins généralistes alors que la puissance publique entend
promouvoir la médecine générale et les soins de premier recours. Une nouvelle
fois, nous voyons des augmentations immédiates pour les médecins spécialistes
et l’annonce de futures mesures financières pour les médecins généralistes.
Mesures pour 2013 ou 2015 selon les déclarations, ce flou en dit long sur le peu
d’estime pour les généralistes et ne peut que renforcer la crise démographique
et les déserts médicaux.
Paradoxe d’un accord défendu bruyamment par le syndicat des médecins généralistes
créé pour défendre l’accès aux soins et les tarifs opposables. Par son accord
enthousiaste, il légitime contre son acte fondateur la généralisation des dépassements
de tarifs pour la promesse d’un plat de lentilles. Gageons que le réveil
sera douloureux et les lentilles amères.
Paradoxe enfin des complémentaires santé pétitionnant contre les taxes et qui
retrouvent subitement une enveloppe financière pour rembourser une partie des
tarifs opposables. Cette rupture profonde des positionnements respectifs de
l’Assurance maladie solidaire et des assureurs complémentaires santé est
obtenue au détour d’un avenant conventionnel sans réflexions ou débats sur les
conséquences envisageables et surtout sans vote parlementaire. Alors que
l’objectif revendiqué des assureurs complémentaires santé est de conventionner
les médecins et les professionnels de santé pour peser sur les prix, les
syndicats, fascinés par l’enveloppe financière annoncée, se félicitent de cette
évolution. Il ne manque que le champagne et beaucoup, beaucoup d’aspirine pour
la gueule de bois qui suivra au réveil.
Seul Christian Saout et les associations de patients ont émis des réserves
sur cet accord entre l’Assurance maladie et les syndicats de médecins. Au vu du
résultat, chacun comprend pourquoi les patients et leurs représentants ne sont
pas associés aux négociations conventionnelles qui les concernent pourtant
au premier chef.