Nora ANSELL-SALLES

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vendredi 28 juin 2013

Coût des médicaments en France : la réponse au Leem


 
Paris, le 27 juin 2013

 

A la suite de la conférence de presse sur le coût des médicaments donnée le 24 juin par Michèle Rivasi (députée européenne), Serge Rader (pharmacien lanceur d'alerte) et Philippe Even (président de l'institut Necker), le Leem, qui fédère les entreprises du médicament présentes en France, a dénoncé "catégoriquement l'orientation, le contenu et les conclusions" du rapport présenté.

 

Pour les trois protagonistes à l'origine de la dénonciation de la gabegie qui sévit dans le secteur, il est important de rappeler au Leem qu'il faut prendre en compte la totalité des chiffres disponibles pour être exhaustif et fiable. Ainsi nous atteignons 35,6 Md€ en additionnant les 26,7 Md€ des médicaments de ville aux 6,3 Md€ de l'hôpital. Ce qui fait 33 Md€ auxquels il faut ajouter les 2,6 Md€ de LPP (liste des produits et prestations remboursables, dispositifs médicaux, tels aliments de nutrition, pansements, contention, incontinence, aérosols, kits de lecture, orthèses, fauteuils, prothèses…). A noter que ne rentrent pas en ligne de compte les 3 Md€ d’OTC, c’est-à-dire les médicaments conseils non remboursés (ce qui porterait le chiffre à 38,6 Md€).

 

Le Leem annonce 22,9Md€ pour l'assurance maladie, régime général. C'est très exactement 22,84 Md€ en 2011 et 22,66 Md€  en 2012 pour les médicaments de ville. A cela, il faut y ajouter la part des mutuelles et les restes à charge des assurés. Nous sommes donc bien en présence d'une baisse inédite de -0,8% en France, contre - 9,07% en Italie en 2012 et - 8,56% en 2011 pour les médicaments de ville.

 

 Le Leem indique donc un chiffre de 27 Md€ au total, mais en prix industriel : 19 Md€ en ville hors LPP, à l'Hôpital 6 Md€, et 2 pour l’automédication. C'est donc exact mais il faut garder à l'esprit que les organismes sociaux remboursent un PRIX VIGNETTE TVA 2,1% et non un prix industriel, soit: Médicaments de ville = 26,752 TTC pris en charge par les organismes sociaux = 26,2 HT auxquels on soustrait 7 Mds de coût distributeurs (1,5 grossistes + 5,5 pharmaciens ; LPP compris). Résultat = 19,2 Md€.

 

Si l'on sort du cadre des médicaments stricto sensu, en ajoutant les LPP -dispositifs médicaux- le chiffre monte de 2,6 Md€ prix public, avec une TVA à 19,6.

 

Il est également fait mention d'un important réseau de distribution, grossistes et pharmaciens qui représente un coût de 7 Md€, soit:

7 sur (26,2 HT TVA 2,1% médocs de ville + 2,176 HT TVA 19,6% de LPP/ DP) soit 7 sur 28,376 soit 24,67% du prix du médicament . La TVA mixte représente 3,33%. Reste 72%. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France annonce même 73% !

 

Quant aux prétendues études indépendantes et financées par l'industrie, nous accordons à ces dernières peu de crédit. La preuve en est, toutes les différences de prix de l'étude concernant les produits majeurs sont là pour le démontrer.

 

Les baisses annoncées par le Leem sont dérisoires: quand toute l'Europe est au pied de l'Everest, le Leem se situe au sommet et ce ne sont pas les quelques tentatives de glissements qui lui permettront de rejoindre les autres pays, d'autant plus que les baisses successives des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ne se sont jamais concrétisées car la sortie des faux nouveaux médicaments chers les ont toujours compensées.

 

En ce qui concerne les médicaments génériques, les allégations du Leem sont inexactes. L'étude publiée montre clairement deux douzaines d'exemples importants qui viennent les contredire. Aujourd'hui, il apparaît nettement que des pays comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas pratiquent des prix beaucoup plus abordables pour les citoyens. En comparaison des autres pays, les baisses françaises sont ridicules. Nous rappelons pour illustrer ce propos que le médicament antiagrégant Clopidogrel (5 millions boites/an) est passé de 26,09€ à 24,00€ TVA 2,1% le 1er Avril dernier contre 16€ TVA 10% en Italie ; l’antihypertenseur Amlodipine (3,75 millions boites/an), passée de 8,65€ à 7,67€ soit encore 2,3 fois plus chère qu’en Italie qui en utilise 5,5 fois plus. L’antithrombotique Lovenox 4000 (6inj) qui est passé de 43,25€ à 41,31€ TVA 2,1% pour 2,2 millions boites/an, contre 32,70€ TVA 10% en Italie, etc....

 

Le Leem annonce également 250 M€ d'économie pour l'assurance maladie (pour 6 Md€ de chiffre d'affaire génériques), soit 4% de baisse. Cela ne suffit pas à ramener les prix dans la moyenne européenne.

 

Pour le médicament générique, il faut garder à l'esprit que le pharmacien bénéficie de 17% de remise du prix industriel en plus, ceci afin de l'inciter à substituer le médicament princeps par le générique. C'est le seul encouragement dont il bénéficie, sinon il verrait encore baisser sa marge en substituant.

 

Comme il existe de nombreux génériqueurs sur le marché, nous avons pu noter des dérapages de ces remises qui ont été fixées à 17% : les surplus ont été remplacés par des remises arrières sous forme de contrats de collaborations. D'où l'anomalie de fonctionnement actuelle : un tiers de la marge du pharmacien est constituée par l’activité génériques (17% du CA total officine); en cause l’effondrement de sa marge sur les médicaments hors génériques au profit de l’industrie. Alors que la difficulté à génériquer a été levée par l’obligation du Tiers Payant contre générique prise Mi-2012 qui a porté la substitution à 84% du répertoire.

Cependant, les médecins prescrivent encore beaucoup trop hors répertoire, c'est à dire les médicaments de marque et récents. D'où l'insuffisance de prescription des génériques, deux fois moins en volume que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne.

 

D'autre part, il n'y a pas en France de diminution des volumes à cause des grands conditionnements trimestriels en progression constante (15,7% des boites en 2012). Partout en Europe, le volume augmente même si faiblement mais la dépense diminue par un strict encadrement des prix, sauf en France qui n’a pas encore commencer à réguler et qui en plus surconsomme.

 

L'étude CNAM mentionnée par le Leem ne porte que sur 8 classes thérapeutiques. Pourquoi la CNAM ne donne-t-elle pas les résultats globaux qui restent secrets?

 

La faible évolution de la dépense de médicaments en France citée est tout à fait récente mais elle part de très haut. Entre 2002 et 2010 = +4% en moyenne annuelle de la dépense pharmaceutique.

 

L'étude ESSEC également citée dans le communiqué du Leem ne doit selon nous pas être considérée comme indépendante, au vu des liens existants entre l'Essec et le Leem (financement de colloques, formation des grands cadres commerciaux). Comment y accorder de la crédibilité lorsque l'on sait que rien que pour les antidiabétiques récents en comprimés à 44€ la boite ou injectables à 110€ la boite, les dépenses ont explosé à 378M€ quand ses voisins utilisent la Metformine à 2€ la boite?

 

En conclusion, le Leem utilise toujours les mêmes arguments fallacieux et trompeurs, qui ne peuvent suffire à rassurer une population inquiète sur le niveau de dépenses que l'on connait aujourd'hui, et sur son accès aux soins malgré sa participation financière en évolution constante.

Michèle Rivasi, Serge Rader et Philippe Even



 
 



lundi 27 mai 2013

Evaluation de l'efficience : les antihypertenseurs sont-ils équivalents au regard de leur efficacité et de leur coût ?


 

 

Dans le cadre de sa contribution à la régulation par la qualité et l'efficience, la HAS mène des travaux d'évaluation médico-économique. Dans cette logique, la HAS a procédé à l'évaluation des différentes classes d'antihypertenseurs en s'appuyant notamment sur un modèle médico-économique innovant. L'évaluation menée par la HAS a révélé des disparités de prix non justifiées entre les différents traitements au regard de leurs bénéfices cliniques. A partir de cette expertise, la HAS aujourd'hui fournit aux décideurs des éléments pour conduire une harmonisation  du prix des différents traitements.

 

L'hypertension artérielle (HTA)* est un facteur de risque d'accidents cardiovasculaires et d'accidents vasculaires cérébraux. Elle concerne plus de 14 millions d'adultes en France avec 1,2 million de nouveaux cas par an. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, l'HTA aurait été responsable de 18% des décès dans les pays riches en 2004 et de 45% des décès d'origine cardiovasculaire. Il existe des traitements médicamenteux et non médicamenteux pour éviter ces événements. Le coût pour l'Assurance maladie des traitements médicamenteux de l'HTA a été estimé à plus de 2 milliards d'euros par an en France.

 

A la demande du Ministère de la santé, la Haute Autorité de Santé (HAS) a été chargée d'examiner les stratégies thérapeutiques médicamenteuses les plus efficientes dans la prise en charge de l'hypertension artérielle (HTA). Dans la suite des évaluations menées depuis 2008 comme la réévaluation des stents ou l'évaluation des statines, la HAS a mené une évaluation médico-économique, comparant les 5 principales classes d'antihypertenseurs sur le critère de l'efficience, qui met en regard des dimensions cliniques (efficacité, tolérance et persistance**) et des dimensions économiques (coûts du traitement médicamenteux et de la prise en charge des événements associés notamment cérébro et cardiovasculaires).

 

Les 5 classes médicamenteuses évaluées sont celles qui ont démontré leur efficacité en termes de morbi-mortalité cérébro et cardiovasculaire :

 

 

· les diurétiques thiazidiques (DIUth),

· les bêtabloquants (BB),

· les inhibiteurs calciques (ICa),

· les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC),