Nora ANSELL-SALLES

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vendredi 21 février 2014

[nile_] Pression positive : à qui profite l’arrêt ?

L’arrêt du Conseil d’Etat du 14 février 2014 suspendant en référé un arrêté qui conditionnait le remboursement d’une technique à son utilisation au long cours par les malades est « comme un coup de tonnerre dans un ciel serein ». A juste titre les observateurs peuvent être interloqués.

La France, à la différence d’autres pays européens, avait fait le choix de la qualité et de l’efficience. En acceptant de rembourser une prestation au long cours, pour un coût non négligeable de 20€ par semaine (soit plus de 1000€ en année pleine), le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) avait privilégié l’engagement et la rémunération de professionnel pour un meilleur service aux malades. Qu’était-il demandé en retour ? Une utilisation effective de ces dispositifs.

 

L’Allemagne et l’Espagne ont une démarche différente, basée sur une politique de bas-coût. En confiant le marché au moins-offrant, ces pays ont tiré les prestations vers le bas. Au bilan, à 7€ par semaine, les malades allemands et espagnols ne bénéficient plus d’aucun service de la part des prestataires,  le matériel mis à disposition prend une voie rapide vers l’obsolescence et le résultat sanitaire est catastrophique.

En France, qu’était-il attendu en retour ? Simplement une utilisation effective des appareillages. Il était convenu qu’au bout de 8 mois sans utilisation, les prestations ne seraient plus prises en charge. Les malades et leurs médecins avaient bien évidemment la possibilité de rencontrer leur médecin-conseil à l’Assurance Maladie, dans les cas qui auraient pu donner lieu au maintien des remboursements.

 

Le système, pour le citoyen respectueux de l’argent collectif qu’il contribue, par son travail, à mettre à disposition de la solidarité nationale, était frappé de bon sens et d’équité : l’état de santé de certains patients pris en charge contre l’assurance que ces services soient effectivement utilisés.

Las, les sophistes en ont décidés autrement : car ce n’est pas tant la proposition qui a été contestée, que l’outil utilisé pour surveiller l’utilisation effective de ces appareils : la télé-observance. Voilà bien Big Brother dans les familles ! Utiliser les outils modernes, sans contrainte supplémentaire pour les malades (tout est automatique) pour veiller à l’utilisation correcte d’une prestation mise à disposition et prise en charge par la solidarité nationale, voilà bien le péché mortel !

 

Le plus troublant dans cette histoire, c’est que l’arrêté suspendu est effectif depuis… octobre 2013. Bon nombre d’appareillages ont été équipés qui ont nécessité des investissements, de l’innovation et donné lieu à des créations d’emplois. Les discussions d’ailleurs, avec les industriels, ne dataient pas d’hier, mais de 2011. Le système avait été amendé deux fois sur le plan réglementaire et une étude réalisée auprès des malades montrent qu’ils plébiscitent celui-ci à… plus de 90%*. Actuellement près de la moitié des malades en bénéficient.

 

Au moment où l’Etat cherche à réduire les déficits publics, voilà un arrêt qui aboutit à un triple impact négatif :

§  c’est un bel encouragement à un dévoiement d’argent collectif : en ces temps de disettes budgétaires, il profiterait mieux aux malades qui ont des difficultés d’accès aux soins. Ils sont nombreux

§  c’est un coup de frein brutal à tout ce qui relève de la télémédecine et de la télésurveillance des malades : ce sujet hautement innovant et profitable pour les personnes trouve déjà de grandes difficultés dans son financement

§  c’est une perte en ligne d’investissements et la fragilisation d’emplois : et ce n’est pas le moment.

 

* sondage commandé par la Fédération des Prestataires de Santé à Domicile (FEPSAD): 1000 patients interrogés par Opinion Way en janvier 2014, à partir d'une base de 10 000 patients :

§  92 % se disent satisfaits par la prise en charge à domicile incluant le télésuivi

§  88 % trouvent acceptable le conditionnement du remboursement à l'observance

 

vendredi 11 octobre 2013

Salles de consommation à moindre risque :


Le Conseil d’Etat recommande d’inscrire le dispositif dans la loi

Dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017, porté par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et adopté le 19 septembre dernier, le gouvernement a confirmé sa volonté d’accompagner l’expérimentation d’un nouveau dispositif de réduction des risques auxquels s’exposent les toxicomanes :  les « salles de consommation à moindre risque». Ce sont des espaces supervisés par des professionnels permettant d’assurer un cadre d’usage sécurisé aux usagers de drogues injectables dans des conditions d’hygiène évitant les risques infectieux.

De tels espaces ont été ouverts dans plusieurs pays étrangers ; ces expériences ont montré que ces accueils permettent aux usagers de recevoir conseils et aides spécifiques, induisant une diminution des comportements à risque et des overdoses mortelles. Ont également été mis en évidence une réduction de l’usage de drogues en public et des nuisances associées.

C’est pourquoi, le gouvernement a souhaité apporter son soutien au projet d’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque à Paris, impliquant associations de patients et professionnels de santé. Un décret devant permettre ce type d’expérimentation a été préparé à cette fin et soumis pour avis au Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat a procédé à l’examen de ce projet le 8 octobre dernier et a recommandé au gouvernement d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique. Le gouvernement va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif.

mardi 6 novembre 2012

Hypertension artérielle sévère : retour dans la liste des ALD !


Depuis le décret du 24 juin 2011, l’hypertension artérielle sévère (HTA sévère) n’ouvre plus droit à une prise en charge à 100% au titre d’une affection de longue durée (ALD), au motif qu’elle ne serait non plus une pathologie avérée mais un simple « facteur de risque ». Le CISS, la FNATH et l’Alliance du cœur avaient alors décidé de saisir le Conseil d’Etat, qui vient de rendre sa décision (communiquée à la presse avant même de la transmettre aux trois associations !).

 

Dans le cadre de leur recours, les trois associations faisaient notamment valoir que :

 

§  une telle décision ne peut être prise sans consultation des instances démocratiques ;

§  selon les sociétés savantes, l’HTA sévère présente aussi les caractéristiques d’une maladie ;

§  la suppression d’une ALD est de nature à alourdir le reste-à-charge des malades et constitue de ce fait une violation des exigences constitutionnelles (protection de la santé).

 

Le Conseil d’Etat rejette la requête mais apporte des éléments d’éclairage nécessaire pour l’avenir, et doit entraîner une réaction du Gouvernement.

 

Quels enseignements tirer de ce jugement ?

 

§  L’argumentation du Conseil d’Etat ne porte pas sur le fait que l’HTA sévère soit une maladie ou un facteur de risque, mais uniquement sur le bien fondé du décret au regard de l’accès aux soins : a contrario, le Conseil d’Etat juge donc que la sortie de l’HTA sévère sur ce motif était infondée.

§  En estimant que les pouvoirs publics pouvaient se passer de la consultation de la Conférence nationale de Santé et du Haut Conseil de Santé publique, le Conseil d’Etat reconnaît les impasses de la démocratie sanitaire.

§  L’arrêt du Conseil d’Etat donne un cadre pour tout retrait d’une maladie de la liste des ALD : veiller à la cohérence d’ensemble des ALD, prendre en compte la nature et la gravité de l’affection et les thérapies disponibles, ainsi que le coût global du traitement eu égard à l’objectif d’équilibre financier de la sécurité sociale.

 

Et maintenant, où allons-nous ?

 

§  Les associations ne peuvent accepter que la définition de la liste des ALD soit subordonnée à l’équilibre financier de la sécurité sociale et donc à des considérations économiques et conjoncturelles. La liste des ALD ne peut dépendre du déficit de l’Assurance maladie, alors que de multiples sources d’économies restent possibles. La crise économique ne peut justifier que l’on sanctionne les personnes malades en minorant leur prise en charge par l’Assurance maladie.

§  La ministre a confié qu’elle entendait conforter la démocratie sanitaire : la question d’une véritable consultation démocratique devra y être traitée. Ainsi, la Conférence nationale de Santé devrait être obligatoirement saisie au même titre que la Caisse nationale d’Assurance Maladie.

§  Même si les associations sont déboutées, le contenu de l’arrêt invite à ce que l’HTA sévère soit réintégrée dans la liste des ALD par la nouvelle ministre des Affaires sociales et de la Santé. Nos associations demandent ainsi au Gouvernement de réintégrer l’HTA sévère à la liste des ALD

§  Enfin, cinq ans après l’avis de la Haute Autorité de Santé rendu en décembre 2007 et réclamant la nécessité d’une politique publique cohérente en matière d’ALD, les associations réclament un traitement global de la question.

 

 

 

Après l’arrêt du Conseil d’Etat, la stratégie nationale de santé, appelée de ses vœux par le Premier ministre dans son discours de politique générale le 2 juillet dernier, n’en a que plus d’actualité. Nous attendons toujours de pouvoir contribuer à sa définition !