Nora ANSELL-SALLES

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vendredi 25 octobre 2013

Libres propos signés François Besnier Pdt de l'Association Prader Willi


Affaire Loquet :

Adultes sans solution à situations sans solutions ?

 

L’action en justice menée par l’UNAPEI pour faire appliquer les droits d’une personne handicapée, porteuse du syndrome de Prader-Willi (SPW), a été largement commentée dans les médias. La justice avait ordonné à l’État de trouver une place à cette personne dans un centre spécialisé. Le ministère de la santé interjette un appel de cette décision puis se rétracte en fin de journée.

Cette action a attiré l’attention du grand public sur un problème réel. De trop nombreux adultes, porteurs de handicaps complexes avec, en particulier, des troubles du comportement, ne trouvent pas de structures médico-sociales pour les accueillir. Ils vivent chez leurs parents, dans des situations souvent dramatiques. C’est le cas d’Amélie et son cas n’est pas isolé. Une enquête menée en 2011 par l’association Prader-Willi France (PWF) montrait que 60% des adultes étaient hébergés dans leurs familles et souvent sans activité journalière extérieure.

 

Un secteur médico-social souvent inadapté

Pourquoi ces situations sont-elles si nombreuses ? Il n’y a pas assez de places proposées, c’est vrai, mais il manque surtout des solutions adaptées à ces cas complexes. Celles proposées par le secteur médico-social sont encore trop rigides, manquent de la souplesse nécessaire et de moyens pour s’adapter aux personnes. Dans la situation économique actuelle de notre pays, on ne peut espérer la création d’un grand nombre de nouvelles places. Il faut donc faire mieux, à partir des moyens existants.

Dans le cas du SPW, les refus ou les échecs de prise en charge sont très souvent liés à une méconnaissance des spécificités du syndrome. Celui-ci met en échec les réponses éducatives ou organisationnelles habituelles. Les situations de crise conduisant à des hospitalisations provoquent des ruptures souvent irréversibles des parcours de vie.

 

Le risque de la judiciarisation : l’exclusion des personnes malades

Les recours en justice, s’ils devaient se multiplier ne feront pas progresser vers des solutions durables. Ils risquent d’induire une judiciarisation néfaste à la construction de vraies solutions. Celle-ci a un effet pervers : les structures, déjà peu nombreuses, risquent par peur de la sanction judiciaire, de fermer la porte à la prise en charge de nos enfants. Une stigmatisation de plus, en réaction à la peur.

Le cas d’Amélie illustre parfaitement la spirale perverse de la judiciarisation. L’État interjetant appel aurait laissé la famille dans le désarroi et entraîné une procédure juridique, bataille longue et coûteuse.

La lenteur des réponses aux demandes des familles n’est pas acceptable, tout comme l’absence de réponse coordonnée des acteurs concernés, pour proposer des aides et accompagner la famille dans la recherche de solutions pérennes. On ne peut se contenter de l’affirmation des droits des personnes handicapées sans que soient mises en place les solutions permettant de les respecter.

Pour sortir de cette spirale, l’association Prader-Willi France a donc décidé de saisir le Défenseur des Droits.

 

La co-construction est la solution

Les solutions seront issues d’une collaboration des établissements médico-sociaux et du secteur médical. La création des centres de référence (dans le cadre du Plan « Maladies Rares ») a permis des avancées remarquables dans le parcours de soins. Mais il manque aux sites du Centre de référence des professionnels de coordination sur l’aspect psychiatrique et social permettant de faire le lien avec les établissements de soins psychiatriques et le monde médicosocial. Le réseau de centres de compétences associés, couvrant l’ensemble du territoire, doit constituer un élément essentiel d’un accompagnement adapté. Il faut mettre en place les solutions d’accueil  temporaire (les séjours de répits) essentielles pour construire ou revoir les projets de vie et permettre aux personnes concernées et à leurs familles de souffler un peu (des initiatives de ce type vont se concrétiser dans le cadre du plan obésité). Il faut également s’appuyer en particulier sur l’expérience acquise par des établissements sanitaires comme l’hôpital Marin de Hendaye, qui accueille depuis plus de 13 ans des adultes pour des séjours temporaires. Des demandes ont été faites pour augmenter le nombre de places offertes par cet établissement, demandes sans réponse à ce jour.

Il convient de s’appuyer sur les établissements médico-sociaux (IME, ESAT, foyers d’hébergements, foyers de vie, etc.) qui accueillent nos enfants et s’efforcent de construire des solutions adaptées. Ils disposent d’une réelle expertise qu’il faut faire connaître et partager. Encore faudrait-il qu’ils aient tous un minimum de moyens pour accomplir cette tâche.

 

Associer tous les acteurs à la prise en charge

Les associations de familles enfin, par leur connaissance acquise quotidiennement sont aussi des acteurs essentiels dans ce travail. Les ARS (Agences Régionales de Santé) et les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) doivent s’impliquer fortement dans cette démarche et impulser le travail commun, la mise en place de solutions cohérentes dans les régions et sur l’ensemble du territoire. Elles doivent aider à diffuser l’information et à former les intervenants.

Le problème est complexe et il n’existe pas de solution miracle. Les différents acteurs impliqués doivent travailler ensemble. Oui, il faut donner plus de moyens aux structures qui proposent déjà des solutions, oui, il faut assouplir les réglementations, s’inscrire dans une logique de continuité des parcours de soin et de vie.

La co-construction des solutions ne doit pas être simplement un slogan, un affichage, mais une réelle pratique de terrain. C’est ce à quoi nous travaillons depuis des années, pour des solutions durables, duplicables et consensuelles.

 

Un groupe de travail avec tous les acteurs

C’est pourquoi nous demandons au Ministère de la Santé la création urgente d’un groupe de travail comportant les représentants de l’État, des acteurs du secteur médico-social et des représentants des familles. Il aurait pour mission de proposer, dans un délai assez court, des recommandations portant sur l’évolution des procédures d’examen des dossiers et de la réglementation, l’extension des solutions de répit et la coordination des parcours.

François Besnier Président de l’association Prader Willi France

En savoir plus : leplus.nouvelobs.com/contribution/9