Nora ANSELL-SALLES

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mardi 21 janvier 2014

Actes du 11e Colloque professionnel Ipse – 22 novembre 2013



Intervention de Serge Brichet

Président de la Mgefi

11e Colloque professionnel Ipse – 22 novembre 2013

« Généralisation de la complémentaire santé : quelle nouvelle définition des rôles pour la sécurité sociale et les complémentaires »

 

 

Je voudrais dans un premier temps formuler un certain nombre de remarques préalables, notamment suite au discours de Monsieur Chadelat qui a taclé les assureurs complémentaires, dont je fais partie en tant que mutuelle.

Il convient de noter que les assureurs mutualistes complémentaires, que nous représentons ici, sont des assureurs paradoxaux, dans la mesure où plutôt que de défendre leur pré carré et leurs chiffres d’affaires, ils se battent d’abord et avant tout pour la défense du régime obligatoire. Dans le même temps, nous sommes des assureurs complémentaires pragmatiques qui avons bien conscience que le régime obligatoire ne suffit pas pour accéder aux soins de qualité ; de ce fait, il nous faut proposer une couverture complémentaire digne de ce nom.

Par ailleurs, nous estimons à la Mgefi et à la MFP que la généralisation introduite par l’ANI a été faite dans le mauvais sens : il aurait d’abord fallu définir le contenu du contrat solidaire et responsable avant d’envisager une généralisation - qui n’en est pas une d’ailleurs et qui va surtout transférer partiellement des contrats individuels vers des contrats collectifs.

Un des problèmes qui se pose derrière est qu’il restera toujours sur la route des catégories de la populations qui ne seront jamais aidés fiscalement pour accéder à une couverture complémentaire : les étudiants, les chômeurs, les retraités… et j’ajouterai même modestement les fonctionnaires. Aujourd’hui, 50% de la population, qui comme toute la population doit disposer d’une complémentaire pour accéder à des soins de qualité, ne bénéficie d’aucune incitation fiscale pour pouvoir accéder à cette couverture complémentaire santé. Je connais personnellement dans la fiscalité un certain nombre de dispositifs pour « aider à », mais quel dispositif existe-t-il aujourd’hui pour aider à quelque chose d’aussi essentiel que la complémentaire santé, en tout cas pour la moitié de la population de ce pays ?

 

Concernant l’articulation régime obligatoire et régimes complémentaires, je dirais qu’elle est indispensable, à condition que celle-ci ne soit pas un contrat léonin, c'est-à-dire qu’il ‘y ait pas un acteur qui impose à un autre ce qu’il ne veut pas prendre en charge. De notre point de vue, s’il y a une articulation, une coopération, un partenariat – on met le mot que l’on veut – il faut que cette articulation se définisse d’abord et avant tout dans une logique de prise en charge de la santé plus que les soins, c'est-à-dire en amont, pendant et en aval du risque. Un partenariat intelligent entre régime obligatoire et régime complémentaire consiste à expertiser et financer ensemble autant des démarches de préventions que des démarches de soins et des démarches plus lourdes lorsqu’on est dans l’accompagnement de la santé, notamment en fin de vie.

Je comprends bien que l’on se place ici sur un débat essentiellement sur la santé. Mais si l’on veut faire bénéficier à nos concitoyens d’une bonne couverture sociale, nous devons aussi opter pour une une définition de la santé dans sa conception la plus large : nous devons y inclure non seulement le soin, mais aussi la prévention et les risques lourds. Les textes de loi jamais aboutis sur la prise en charge de la perte d’autonomie doivent nous rappeler aussi à cette réalité. Il y a un lien très étroit entre soins, santé, prise en charge de la perte d’autonomie, et c’est bien une réflexion globale sur ces questions qu’appelle de ses vœux la MFP.

 


En tant que mutuelle de fonctionnaires, il me tient à cœur de souligner que les fonctionnaires ne sont en aucun cas des privilégiés en matière de prise charge de soins et de santé. Peut être le sont-il en matière de stabilité de l’emploi, c’est un autre débat, mais certainement pas en matière de soins : ils sont comme tous les assurés sociaux de ce pays. L’employeur qu’est l’Etat n’aide en aucun cas à assurer cette protection et la plupart des fonctionnaires se retrouvent ainsi avec des couvertures facultatives, dont ils organisent eux même les solidarités.

Les questions que j’aimerais poser au travers de ce constat et de l’accord sur la généralisation : quels sont les risques aujourd’hui pour cette population de fonctionnaires? L’ANI représente pour nous un risque de siphonage de nos populations au travers les contrats collectifs et familiaux. Il y a aujourd’hui des fonctionnaires qui organisent librement leur protection et leur solidarité dans un cadre facultatif et qui peuvent être captés par un contrat collectif et familial. A un moment toutefois, la question des ruptures des contrats doit être posée. Que se passe-t-il quand un fonctionnaire est conjoint d’un salarié du privé bénéficiant d’un contrat collectifs – que je ne conteste pas –, que le contrat collectif s’arrête et que le fonctionnaire a été attiré par des dispositifs qui aujourd’hui risquent d’être redoutables pour des mutuelles de fonctionnaires si l’on n’est pas protégés ? Les solidarités ne se décrètent pas, elles s’organisent et se financent.

Quand Monsieur Chadelat se demande quand les complémentaires maladie vont enfin être utiles efficaces et responsables, je pense que nous avons en effet des leçons à apprendre et des actions à mener ; mais l’assurance maladie obligatoire se doit aussi d’être efficace, responsable et utile. Quand l’AMO cessera-t-elle de prendre en charge des médicaments qui ne sont pas utiles sans imposer pour autant aux complémentaires santé de prendre le relais ? La Mgefi a pour sa part décidé d’être responsable en ne prenant pas en charge les médicaments qui ne sont pas utiles.

Enfin, j’aimerais souligner que nous risquons d’entrer dans une grave crise sociale supplémentaire si nous ne prenons pas soins d’organiser une solidarité entre les générations, de l’actif vers le retraité, mais également une solidarité vers les plus jeunes populations. Il nous faut aujourd’hui inverser la solidarité intergénérationnelle ou bien la situation risque de devenir très difficile dans notre pays.


Télécharger le PDF du 11e Colloque Professionnel Ipse :  http://www.euroipse.org/11e-colloque-professionnel-ipse/