Paris, le 27 juin 2013
A la suite de la conférence de presse sur le coût des médicaments
donnée le 24 juin par Michèle Rivasi (députée européenne), Serge Rader
(pharmacien lanceur d'alerte) et Philippe Even (président de l'institut Necker),
le Leem, qui fédère les entreprises du médicament présentes en France, a dénoncé
"catégoriquement l'orientation, le contenu et les conclusions"
du rapport présenté.
Pour les trois protagonistes à l'origine de la dénonciation
de la gabegie qui sévit dans le secteur, il est important de rappeler au Leem
qu'il faut prendre en compte la totalité des chiffres disponibles pour être
exhaustif et fiable. Ainsi nous atteignons 35,6 Md€ en additionnant les 26,7 Md€
des médicaments de ville aux 6,3 Md€ de l'hôpital. Ce qui fait 33 Md€ auxquels
il faut ajouter les 2,6 Md€ de LPP (liste des produits et prestations
remboursables, dispositifs médicaux, tels aliments de nutrition, pansements,
contention, incontinence, aérosols, kits de lecture, orthèses, fauteuils, prothèses…).
A noter que ne rentrent pas en ligne de compte les 3 Md€ d’OTC, c’est-à-dire
les médicaments conseils non remboursés (ce qui porterait le chiffre à 38,6 Md€).
Le Leem annonce 22,9Md€ pour l'assurance maladie, régime général.
C'est très exactement 22,84 Md€ en 2011 et 22,66 Md€ en 2012 pour les médicaments de ville. A
cela, il faut y ajouter la part des mutuelles et les restes à charge des assurés.
Nous sommes donc bien en présence d'une baisse inédite de -0,8% en France,
contre - 9,07% en Italie en 2012 et - 8,56% en 2011 pour les médicaments de
ville.
Le Leem indique donc
un chiffre de 27 Md€ au total, mais en prix industriel : 19 Md€ en ville
hors LPP, à l'Hôpital 6 Md€, et 2 pour l’automédication. C'est donc exact mais
il faut garder à l'esprit que les organismes sociaux remboursent un PRIX
VIGNETTE TVA 2,1% et non un prix industriel, soit: Médicaments de ville =
26,752 TTC pris en charge par les organismes sociaux = 26,2 HT auxquels on
soustrait 7 Mds de coût distributeurs (1,5 grossistes + 5,5 pharmaciens ; LPP
compris). Résultat = 19,2 Md€.
Si l'on sort du cadre des médicaments stricto sensu, en
ajoutant les LPP -dispositifs médicaux- le chiffre monte de 2,6 Md€ prix
public, avec une TVA à 19,6.
Il est également fait mention d'un important réseau de
distribution, grossistes et pharmaciens qui représente un coût de 7 Md€, soit:
7 sur (26,2 HT TVA 2,1% médocs de ville + 2,176 HT TVA
19,6% de LPP/ DP) soit 7 sur 28,376 soit 24,67% du prix du médicament . La TVA
mixte représente 3,33%. Reste 72%. La Fédération des syndicats pharmaceutiques
de France annonce même 73% !
Quant aux prétendues études indépendantes et financées par
l'industrie, nous accordons à ces dernières peu de crédit. La preuve en est,
toutes les différences de prix de l'étude concernant les produits majeurs sont
là pour le démontrer.
Les baisses annoncées par le
Leem sont dérisoires: quand toute
l'Europe est au pied de l'Everest, le Leem se situe au sommet et ce ne sont pas
les quelques tentatives de glissements qui lui permettront de rejoindre les
autres pays, d'autant plus que les baisses successives des projets de loi de
financement de la sécurité sociale (PLFSS) ne se sont jamais concrétisées car
la sortie des faux nouveaux médicaments chers les ont toujours compensées.
En ce qui concerne les médicaments génériques, les allégations
du Leem sont inexactes. L'étude
publiée montre clairement deux douzaines d'exemples importants qui
viennent les contredire. Aujourd'hui, il apparaît nettement que des pays comme
la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas pratiquent des prix beaucoup plus abordables
pour les citoyens. En comparaison des autres pays, les baisses françaises sont
ridicules. Nous rappelons pour illustrer ce propos que le médicament antiagrégant
Clopidogrel (5 millions boites/an) est passé de 26,09€ à 24,00€ TVA 2,1% le 1er
Avril dernier contre 16€ TVA 10% en Italie ; l’antihypertenseur Amlodipine
(3,75 millions boites/an), passée de 8,65€ à 7,67€ soit encore 2,3 fois plus chère
qu’en Italie qui en utilise 5,5 fois plus. L’antithrombotique Lovenox 4000
(6inj) qui est passé de 43,25€ à 41,31€ TVA 2,1% pour 2,2 millions boites/an,
contre 32,70€ TVA 10% en Italie, etc....
Le Leem annonce également 250 M€ d'économie pour
l'assurance maladie (pour 6 Md€ de chiffre d'affaire génériques), soit 4% de
baisse. Cela ne suffit pas à ramener les prix dans la moyenne européenne.
Pour le médicament générique, il faut garder à l'esprit que
le pharmacien bénéficie de 17% de remise du prix industriel en plus, ceci afin
de l'inciter à substituer le médicament princeps par le générique. C'est le
seul encouragement dont il bénéficie, sinon il verrait encore baisser sa marge
en substituant.
Comme il existe de nombreux génériqueurs sur le marché,
nous avons pu noter des dérapages de ces remises qui ont été fixées à 17% : les
surplus ont été remplacés par des remises arrières sous forme de contrats de
collaborations. D'où l'anomalie de fonctionnement actuelle : un tiers de la
marge du pharmacien est constituée par l’activité génériques (17% du CA total
officine); en cause l’effondrement de sa marge sur les médicaments hors génériques
au profit de l’industrie. Alors que la difficulté à génériquer a été levée par
l’obligation du Tiers Payant contre générique prise Mi-2012 qui a porté la
substitution à 84% du répertoire.
Cependant, les médecins prescrivent encore beaucoup trop
hors répertoire, c'est à dire les médicaments de marque et récents. D'où
l'insuffisance de prescription des génériques, deux fois moins en volume que l’Allemagne
ou la Grande-Bretagne.
D'autre part, il n'y a pas en France de diminution des
volumes à cause des grands conditionnements trimestriels en progression
constante (15,7% des boites en 2012). Partout en Europe, le volume augmente
même si faiblement mais la dépense diminue par un strict encadrement des prix,
sauf en France qui n’a pas encore commencer à réguler et qui en plus
surconsomme.
L'étude CNAM mentionnée par le Leem ne porte que sur 8
classes thérapeutiques. Pourquoi la CNAM ne donne-t-elle pas les résultats
globaux qui restent secrets?
La faible évolution de la dépense de médicaments en France
citée est tout à fait récente mais elle part de très haut. Entre 2002 et 2010 =
+4% en moyenne annuelle de la dépense pharmaceutique.
L'étude ESSEC également citée dans le communiqué du Leem ne
doit selon nous pas être considérée comme indépendante, au vu des liens
existants entre l'Essec et le Leem (financement de colloques, formation des
grands cadres commerciaux). Comment y accorder de la crédibilité lorsque l'on
sait que rien que pour les antidiabétiques récents en comprimés à 44€ la boite
ou injectables à 110€ la boite, les dépenses ont explosé à 378M€ quand ses
voisins utilisent la Metformine à 2€ la boite?
En conclusion, le Leem utilise toujours les mêmes arguments
fallacieux et trompeurs, qui ne peuvent suffire à rassurer une population inquiète
sur le niveau de dépenses que l'on connait aujourd'hui, et sur son accès aux
soins malgré sa participation financière en évolution constante.
Michèle Rivasi, Serge Rader et Philippe Even