La prise en
charge a-t-elle progressé ?
L'Académie
rappelle qu'elle s'est prononcée sous différentes formes, à plusieurs reprises,
depuis le rapport du groupe d'experts
réunis en 2000 par la secrétaire d’Etat à la Santé et aux Handicapés pour
évaluer l’impact des violences sur la santé physique et mentale des femmes
victimes et présenter des propositions susceptibles d’améliorer l’information
et la formation du corps médical (1).
Elle a ainsi pris successivement position en 2002 (3, 4) ,
2003 (2), 2010 (5), et dernièrement, les 2 et 3 septembre 2013, à l'occasion du Colloque sur « violences faites aux
femmes : soins aux victimes, prise en charge des auteurs » organisé
à l'Académie, en présence de la Ministre des droits des femmes.
L'Académie
a recommandé que soient prises les mesures suivantes :
·
assurer
d'abord une meilleure connaissance des violences familiales, en recensant et en
publiant chaque année le nombre d’homicides et d’assassinats dus aux violences
conjugales ;
·
saisir
l'occasion de la grossesse pour les mettre en évidence ;
·
assurer
la mise à l’abri des femmes victimes, afin d’éviter que les maris extrêmement
agressifs ne les retrouvent et ne les tuent ;
·
installer
des lieux d’écoute et de prise en charge des hommes violents ;
·
organiser
à l’échelon local des rencontres interdisciplinaires entre médecins,
magistrats, policiers et travailleurs sociaux ;
·
renforcer
la formation initiale et continue de tous les médecins et les inciter à dépister les violences au moindre
soupçon ;
·
organiser
une prévention dès l'école primaire et le collège.
La plupart de ces recommandations ont à ce jour été
suivies d'effet, et l'Académie se réjouit qu'elles soient désormais mises en
œuvre par des mesures concrètes et efficaces :
·
La connaissance du phénomène est nettement
meilleure: la
délégation d'aide aux victimes du Ministère de l'intérieur (DAV) publie chaque
année depuis 2006 une étude nationale des décès au sein du couple recensant,
sur tout le territoire, les assassinats, les meurtres, les violences suivies de
mort sans intention de la donner, commis par l’un des deux partenaires, quel
que soit son statut : conjoint, concubin, « pacsé », y compris
les « ex » qui sont les plus dangereux;
·
la
législation a été considérablement améliorée : depuis 2004, huit nouvelles lois et de nombreuses
circulaires ont été adoptées et/ou complétées afin de protéger les femmes,
d'éloigner les hommes violents et de les soigner ;
·
de
nouveaux dispositifs d'information et de protection des femmes sont
apparus ou ont été perfectionnés ;
·
les professionnels qui appliquent les lois (justice, gendarmerie,
police ) ont modifié leur comportement ;
·
la prise en charge des agresseurs est désormais mieux assurée ;
·
une consultation au quatrième mois de grossesse a été créée.
Toutefois, les médecins, pris
entre le respect de la vie privée, le secret professionnel et le devoir de
porter secours, restent réticents. La création de plusieurs diplômes
d'université(DU) sur le sujet, l'ajout d'un item intitulé « violences
sexuelles » dans le programme de l'épreuve nationale classante prévu en
2016, et l'insertion du sujet dans le programme d'étude des sages femmes
devraient pallier cette faille du système.
Par ailleurs, une prévention dès l'école primaire serait souhaitable, mais s'avère délicate à organiser. En effet, si la création expérimentale d'un programme intitulé « ABCD de l'égalité », destiné à transmettre dès le plus jeune âge « une culture de l'égalité et du respect entre les filles et les garçons », est une heureuse initiative a priori, on peut émettre des réserves sur son origine et sur la manière dont ce programme sera appliqué, se limitant effectivement à promouvoir le respect et l'égalité des chances entre les filles et les garçons ou suggérant plus ou moins insidieusement l'absence de toute différence entre les deux sexes.
Enfin, l'Académie ne peut que regretter la persistance du phénomène entretenue, entre autres, par le climat de violence que secrète notre société, le délitement de la famille, le nombre croissant de séparations et de divorces, le chômage.
Bibliographie
1-HENRION R.- Les femmes victimes de violences conjugales, le rôle des professionnels de santé. La documentation française. Paris, 2001
2- Information, 17 juin 2003 : « Mutilations génitales féminines,mariages forcés et grossesse précoce » Bull.Acad.Natl Med, 2003, 187, 1051-1066 http://www.academie-medecine.fr/publication100035081/
3- Séance thématique. Les violences familiales. Bull. Acad. Natle Med, 2002, 186, 935-938 et 1001-1002, séance du 4 juin 2002 http://www.academie-medecine.fr/publication100034942/
4- Communiqué, 19 novembre 2002 : « Les violences familiales. » Recommandations Bull. Acad. Natle Med, 2002, 186, 75-84-186 http://www.academie-medecine.fr/publication100034983/
5- « Violences conjugales : soigner les auteurs pour sauver les victimes » . Bull.Acad.Natle Med. 2010, 194, 1519-1523, séance du 23 novembre 2010 http://www.academie-medecine.fr/publication100036226/