Nora ANSELL-SALLES

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jeudi 30 mai 2024

« L’affaire Laurent Gbagbo m’est restée en travers…» Yves Thréard

🎧 Intervention de Yves Thréard 

Lors d’un débat sur : « Les poursuites éventuelles de la CPI contre les dirigeants du HAMAS et le premier ministre israélien » Yves Thréard,  chroniqueur de LCI a déclaré que la "CPI  était à géométrie  variable" et d'illustrer son propos par le cas de Laurent  Gbagbo qui lui est "resté en travers" dans la mesure où, selon lui, son cas ne relevait pas de la CPI soulignant au passage qu'il a d'ailleurs été relaxé. 

La rédaction  de "Mine d'Infos" a communiqué  le passage  concerné  à  Me Sylvain Tapi, avocat de l'ancien président de Côte d’Ivoire et à son fils aîné, Michel Gbagbo  député de Côte d’Ivoire les invitant à réagir aux propos  d'un journaliste que l'on ne peut soupçonner de "bienveillance" envers l'ancien président  de Côte d’Ivoire. 

Le vent serait-il en train  de tourner ?


Abidjan  le 30 mai 2024

« L’affaire Laurent Gbagbo m’est restée en travers…Laurent Gbagbo a été mis en taule pendant des années avant d’être complètement relaxé alors qu’il n’avait pas à relevé de la Cour Pénale Internationale (CPI) qui n’a d’ailleurs pas trouvé les moyens de le condamner. La CPI est à géométrie variable » , dixit monsieur Yves Thréard, [Directeur adjoint et éditorialiste au Figaro, chroniqueur à LCI, Public Sénat, LPC et C dans l’air...]
le mardi 21 mai 2024 sur la chaîne de télévision LCI lors d’un débat sur le thème : « Les poursuites éventuelles de la CPI contre les dirigeants du HAMAS et le premier ministre israélien ».

Cette déclaration « Urbi » et « Orbi » de monsieur Yves Thréard appelle nos observations, notamment sur la prétendue inéligibilité aux prochaines élections présidentielles d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire du président Laurent Gbagbo. Pour celui qui sait la position de monsieur Thréard et de son journal, proches de la droite française de Nicolas Sarkozy qui n’a jamais porté le président Laurent Gbagbo dans son cœur, cette déclaration a de quoi surprendre.  On se souviendra entre autres pour s’en convaincre de son fameux « Laurent Gbagbo face à lui-même » publié le 19/12/2010 à 18:23  (https://www.lefigaro.fr/blogs/threard/2010/12/laurent-gbagbo-face-a-lui-meme.html).

Monsieur Thréard reconnaît-il aujourd’hui, non seulement l’innocence du président Laurent Gbagbo dans la crise dite post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, mais admet-il, in fine, que la CPI a jugé le président Laurent Gbagbo parce qu’il n’était pas à la tête d’un État puissant et qu’elle agirait de manière orientée selon les circonstances ?

Cette position courageuse d’aujourd’hui de monsieur Thréard devrait l’amener, lui et tous ceux qui ont écrit et pensé, quelque peu naïvement ou de mauvaise foi, que le président Laurent Gbagbo avait commis les pires crimes en Côte d’Ivoire, à reprendre leurs plumes pour déconstruire ce qu’ils ont construit. Ils devraient en toute logique soutenir, sans faiblesse aucune, qu’il ne saurait y avoir d’obstacle à l’éligibilité du président Laurent Gbagbo aux élections présidentielles de 2025. Et balayer du revers de leur main médiatique cette condamnation du président Laurent Gbagbo suite à un pseudo-casse de la BECEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) dont il se serait rendu coupable; les faits n’ayant même pas été reconnus par la CPI comme une infraction pénale.

Monsieur Yves Thréard mérite néanmoins encouragement dans sa nouvelle posture. En l’engageant, il tente un retour à la vérité des faits. Et puisqu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, il devrait poursuivre : expliquer et soutenir partout, là où c’est nécessaire, que le président Laurent Gbagbo est éligible aux élections présidentielles ivoiriennes d’octobre 2025. Et ce sera justice !


Me Sylvain TAPI
Avocat du président Laurent GBAGBO
&
Honorable Michel GBAGBO
Député de la Nation à l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire


Propos recueillis par  Nora  Ansell-Salles 




lundi 25 décembre 2023

🟥 EXCUSIF: LA VÉRITÉ SUR LES ÉLECTIONS EN CÔTE D’IVOIRE...


On observe une grande tolérance, et souvent une grande 
méconnaissance, de la part des observateurs étrangers quant à la validité des « élections » en Afrique subsaharienne, particulièrement en Côte d'Ivoire. 
C'est pourtant l'étude minutieuse de ces processus qui détermine la nature des régimes et devrait fonder les alliances à établir pour assurer à terme la 
démocratie et non son contraire..
 🎬 VidéoTiktok


La Côte d'Ivoire est un cas bien particulier : on y dénombre environ 23% 
d’étrangers, ce qui parfois ne favorise pas une démocratie apaisée. Leur coexistence avec les Ivoiriens, résiliente dans la quotidienneté, découle historiquement de la volonté de Félix Houphouët-Boigny, le « père fondateur », de faire des différentes communautés présentes sur le sol ivoirien une « poussière d’ethnies » parfaitement maillée.

Cependant, en réponse aux « Chartes du Nord », documents propagandistes et apocryphes attribués à certains intellectuels issus du nord 
en 1989 et 1991, puis réactualisés en 2002 (et qui ne sont pas sans rappeler la « charte Hutu »), la politique de 
« l'ivoirité » du PDCI-RDA, appuyant dès 1994 une vision suprématiste du pouvoir en faveur d’un sud animiste et chrétien, a fragilisé cette harmonie. Après la guerre civile internationalisée 
de 2010-2011, suivie d’une politique de réconciliation indécise, l’approche dite du 
« rattrapage ethnique » d’Alassane Ouattara, l’actuel président, a 
utilisé le même type de ressorts identitaires en faveur cette fois des 
populations musulmanes issues du Nord. Celui-ci n’a cependant, jamais de 
façon explicite, inscrit ce lexème comme fondement d’une 
« idéologie politique ». 

Sur le plan économique, la monnaie du pays est le Franc CFA. Là s’arrête la ressemblances avec les ex-colonies francophones. Car le pays, premier exportateur mondial de cacao et de noix de cajou, enregistre une 
croissance moyenne du PIB réel de 8,2 % sur la période 2012-2019. En 2022, malgré des tourbillons militaro-politiques tant mondiaux que sous-régionaux, cette croissance s’est maintenue à 6,7 %, avec 5.2% de taux d’inflation.

L’ambiance qui environne la dynamique économie libérale ivoirienne 
dégage cependant un venteux parfum de corruption : souventes fois en effet demeurent impunis des 
« spécialistes en intermédiation » ou d’indélicats agents étatiques. Et si d’importantes réformes ont vu le jour (réduction des délais de paiement des créances de l’État, création d’une Plateforme 
nationale du Système de Détection et de Prévention des Actes de Corruption 
et Infractions assimilées, le SPACIA.CI, création d’un Tribunal du 
commerce, d’un ministère de la Promotion de la Bonne Gouvernance et de 
la Lutte contre
la Corruption…), force est de constater une certaine inefficacité de ces structures. 

Inscrites dans un pseudo conformisme aux dispositions internationales, 
elles n’aboutissent trop souvent qu’à prolonger la corruption dans un dédale de procédures administratives additionnelles. La pensée du « père fondateur » selon laquelle « On ne regarde pas dans la bouche de celui qui 
grille les arachides » a ainsi conservé toute sa vigueur dans les habitus du pays, 38e pays le plus corrompu d'Afrique en 2022, selon l’Indice de 
Perception de la Corruption (IPC) de Transparency International. Et 159° 
selon son Indice de Développement Humain (IDH). 

Comme nous le confirmait un ministre en exercice : 
« La démocratie serait un luxe pour l’Afrique. » Et la corruption, au contraire, son élément de stabilité? Sur le plan politique justement, aucun incident de forte intensité ne s’est plus produit depuis une décennie, les scories de la guerre civile étant 
suffisamment catalyseurs. Sauf en 2020, où briguant un troisième mandat 
présidentiel très discutable, Alassane Ouattara, répondant aux violentes manifestations, conduit une répression occasionnant un peu plus d’une cinquantaine de morts civils. Il est important de souligner que la tragédie en question n’est pas mentionnée dans le Rapport annuel 2021 des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire. 

Le Gouvernement ivoirien a quelques difficultés avec les libertés civiles. En témoignent les dernières élections locales et nationales 
organisées en septembre 2023 : l’opulente « vague orange » constatée, 
trahit, pour l’observateur « d’en bas », une problématique de légitimité. 

Dans une véritable démocratie, il est pratiquement impossible qu'un seul parti politique remporte près de 90% des voix à chaque élection. Un tel scénario indiquerait généralement un manque de pluralisme politique, ce qui est contraire aux principes démocratiques de libre choix et de concurrence 
équitable. Cependant, il existe des exceptions notables, comme en Corée du Nord, où un seul parti domine largement le paysage politique. Néanmoins,
la situation en Corée du Nord est généralement considérée comme une 
anomalie plutôt que comme la norme dans le monde entier.

Même en Finlande, où vivent les « personnes les plus heureuses du 
monde », on ne peut observer dans une démocratie libérale de tels plébiscites. Ce recul démocratique est assumé et non condamné par la 
« communauté internationale », comme l’étaient en leur temps les partis uniques. 

Dans un même mouvement, on peut dire qu'il existe unecontinuité 
structurée dans la défense d'un parti unique au nom de la lutte contre le communisme et l'acceptation d'une absence de démocratie en raison d'une recherche de stabilité. En effet, dans les deux cas, les libertés sont bafouées, le fruit de la croissance est inégalement réparti, la corruption est une 
institution de la gouvernance et l'exploitation ignominieuse des êtres 
humains se poursuit. Cette situation entraîne une diminution constante des libertés et une augmentation du risque de violences. Ainsi, malgré les différences apparentes, ces deux situations partagent une structure commune basée sur la restriction des libertés individuelles et la perpétuation de l'inégalité.

La démocratie est fondée sur le pluralisme politique et la liberté de 
choix, qui sont tous deux compromis dans un système à parti unique. On a ainsi simplement remplacé depuis 1990 le Parti unique par un quasi parti unique aujourd’hui en Côte d’Ivoire. De plus, bien que la stabilité puisse être une préoccupation légitime, il est important de noter que la stabilité obtenue 
au détriment des libertés fondamentales peut conduire à des tensions sociales et politiques. Ainsi, il y a un paradoxe à soutenir un régime autocratique au nom de la stabilité et des libertés, paradoxe qui souligne la complexité et les défis inhérents à la gouvernance politique.

Si on comprend qu’un tel soutien décidé au ommet d’États commerçants provient du statut de stabilité conféré au pays dans la sous-région, le classement des pays africains les plus démocratiques établi par Economist Intelligence Unit (EIU) qui positionne la Côte d’Ivoire comme 
« régime hybride », à mi-chemin entre une démocratie « imparfaite » et un régime autoritaire, doit aussi attirer l’attention. Comme cela aurait dû être le cas pour les situations du Mali, du Burkina-Faso, de la Guinée et du Niger. 

L’indépendance de la justice en Côte d’Ivoire est d’ailleurs un sujet 
d’intérêt. L’indépendance du pouvoir judiciaires dans les affaires pénales ordinaires et les affaires civiles est assurée par la Constitution ivoirienne, 
mais les magistrats ont-ils réellement le moyen d’éviter la séduction 
perverse de l’argent et le diktat de l’exécutif ? On se rappellera comment le
Conseil Constitutionnel, assimilant une modification constitutionnelle 
survenue en 2016 à la création d’une nouvelle Loi fondamentale, permettait à Alassane Ouattara de demander un troisième mandat en 2021, après deux mandats consécutifs. Et un quatrième mandat en 2025, tout comme 
l’indéboulonnable Poutine ? Le Président sortant remportera au premier tour ce « premier mandat de la Troisième République », avec 95 % des voix...

De manière plus générale, la progression sociale verticale des cadres de justice s’accommode trop souvent de tensions propres à un système 
judiciaire qui ne soutient plus l’inamovibilité du magistrat du siège, accentue la tutelle exercée par la chancellerie sur le Procureur Général et le Procureur de la République et engendre une division de la classe politique sur la perception de son intégrité.

La CEI, Commission Electorale 
« Indépendante », organe des élections, présente également un inventaire peu élogieux de ses activités. 

En septembre 2023, le calendrier politique de l’exécutif ivoirien l’a 
amené à coupler élections locales et élections sénatoriales nationales. Afin 
de renforcer sa main mise sur le Sénat, cet exécutif va user de deux leviers : 
la dissolution du Gouvernement juste avant l’élection sénatoriale, puis la 
nomination de Madame Kandia Camara, Député, Maire et tout juste ex-
Ministre, comme sénateur – un tiers des Sénateurs étant nommé par le Président de la République -, enfin l’élection de cette dernière comme 
présidente du Sénat. 

La question soulevée est celle-ci : la CEI pouvait-elle organiser les élections sénatoriales en ce moment ? En principe non. Ces élections 
sénatoriales se sont en effet tenues à cette date uniquement du fait du prince, alors même que les conseillers municipaux et régionaux nouvellement élus 
(et chargés en principe d’élire les candidats aux sénatoriales) n’avaient point encore effectué leur entrée en fonction. Quelle aura alors été la légitimité de ces grands électeurs, et partant, de celle des membres élus du Sénat ?

Une nouvelle question émerge : Mme le Député Kandia Camara 
pouvait-elle être nommée Sénateur ? En théorie la réponse est négative. En 
effet, celle-ci détient un mandat de député, suspendu en raison de 
l’incompatibilité avec sa fonction de membre du gouvernement. Elle est 
aujourd’hui nommée Sénateur, une autre fonction incompatible avec son poste de Député, une personne ne pouvant en même temps siéger dans les deux Chambres. Institution bruyamment silencieuse, la CEI a vu Mme Kandia détenir désormais deux mandats parlementaires, exerçant par elle-même celui de Présidente du Sénat, et via son suppléant, celui de Député. Il 
aurait fallu à cette dernière formellement démissionner au préalable de son 
poste de Député. Ainsi, en 1980, Monsieur Philippe Grégoire Yacé 
démissionnait de l’Assemblée nationale, avant d’être nommé Président du Conseil Economique et Social (CES) par Félix Houphouët Boigny. Mme 
Kandia, par sa position, attire donc le regard sur une double violation de la constitution : d’abord un exercice incompatible de deux mandats 
parlementaires. Et de surcroit la continuation par un tiers d’un mandat de député éteint, puisque l’arrivée au Sénat équivaut de fait à une démission de 
l’Assemblée nationale. 

L’exécutif dispose de moyens opérationnels considérables dans ce 
système où le pouvoir est concentré. De fait, malgré des irrégularités 
persistantes et décriées de toutes parts, la CEI a entériné les résultats des élections municipales du 2 septembre 2023 remportées par le RHDP, parti au pouvoir. 

En Côte d'Ivoire, une élection libre, démocratique, inclusive et pacifique se caractérise en résumé par les éléments suivants : des obstacles au vote, des actes de violence et de fraude, l'incapacité pour les candidats ou leurs 
représentants d'accéder à certains centres ou bureaux de vote, des attaques perpétrées par des voyous, l'expulsion d'électeurs des centres de vote, des intimidations, l'enrôlement et le vote de demandeurs non-inscrits, la falsification des listes électorales, l'absence d'affichage des listes électorales, le déplacement d'électeurs, la destruction de procès-verbaux, le non-respect 
des heures d'ouverture et de fermeture des bureaux de vote, et la compilation des résultats en l'absence des représentants de l'opposition.

S’il existe plusieurs techniques qui peuvent être utilisées pour truquer une élection, la plupart figurent dans cette nomenclature, ce qui permet d’interroger la légitimité du processus démocratique ivoirien. 

La majorité des conflits politiques en Afrique débutent comme 
affrontements post-électoraux avant de devenir tribaux/religieux (le 25 août 
2020 par exemple, des manifestations ont dégénéré en violences 
interethniques, pendant trois jours, faisant six morts, une centaine de blessés et 1.500 déplacés, au cours des manifestations contre le troisième mandat 
d’Alassane Ouattara). On est donc surpris par la difficulté à appréhender la notion d’État démocratique chez maints dirigeants africains.

Il y a, en Occident, ceux qui prétendent que la démocratie serait un luxe en Afrique et que l’on devrait se contenter de dictateurs corrompus sous contrôle. Contre ceux-là je prétends que le temps passé en débats 
démocratiques est davantage prometteur que celui dédié à la reconstruction après-coup de pays déchirés par des guerres atroces.

Et je rappelle la fragilité de leur approche. Les exaltations flatteuses de 
populations en faveur de certains putschistes et les énoncés subits de 
ressentiments à l’encontre de partenaires traditionnels de l’Afrique, 
démontrent le risque de fragmentation rapide de ces pays en cas de crise 
institutionnelle inattendue.

Pourquoi donc ne pas voir la démocratie comme une qualité ? Pourquoi ne pas recommander une approche innovante ? On pourrait commencer, 
simplement, par favoriser le développement d’une réelle société civile, à la 
manière du Sénégal, par renforcer l’État de droit, confondre les trafiquants 
de drogue et combattre l’enrichissement illégal, la mauvaise gouvernance et le déni de liberté. La démocratie nous paraît être une des conditions 
atmosphériques objectives pour la continuité des pays africains et leur 
intégration au monde moderne. 

Propos recueillis par Nora Ansell-Salles  auprès de  Michel Gbagbo

🔎ZOOM SUR
Michel GBAGBO

Michel GBAGBO, Maitre de Conférences en Psychopathologie, Université FHB de Côte d’Ivoire, Député à 
l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire (PPA-CI)

vendredi 4 août 2023

Henri Konan Bédié dans le regard de Alafe Wakili




Un grand merci  à  mon confrère Alafé  Wakili pour ce témoignage livré aux lecteurs de "Mine  d'Infos".
Bien confraternelement.
Nora Ansell-Salles

 
À la suite du père fondateur de la Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny, la scène politique ivoirienne est occupée depuis les années 1990 par des figures fortes comme Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara. Le premier cité a rendu l’âme le 1er août 2023, à l’âge de 89 ans.

En 1993, Henri Konan Bédié, comme le prévoit la constitution, succède au Père de la nation, décédé le 7 décembre 1993.  En 1995, Henri Konan Bédié est élu président de la République. Le règne de Bédié ne sera pas un long fleuve tranquille. Il sera victime d’un coup d’État avec à sa tête le Général Robert GuéÏ, en décembre 1999. Durant sa magistrature, je n’avais pas eu l’opportunité de rencontres directes avec le Président Bédié, dont j’ai couvert la campagne présidentielle en 1995. Ce qui m’a donné l’opportunité de faire pratiquement le tour de la Côte d’Ivoire et de connaître le pays. À la suite de la caravane pour la réconciliation nationale lancée par Alpha Blondy sous son parrainage, la même année.

En 2000, après le coup d’État, je me trouve à Paris en France avec feu Tapé  Koulou Laurent et Clément Yao, qui était mon adjoint au journal « Le National ». Nous sommes logés dans un hôtel au 163, rue de La Croix Nivert. Nous avons un premier rendez-vous avec Bédié, au déjà célèbre 2 rue Beethoven. Au cours de ce séjour, avant que je ne rentre au pays, nous avons une deuxième rencontre avec le Président Bédié.

Je suis rentré au pays quelques jours après. Clément Yao est resté en France. Quant à Tapé Koulou, il estimait qu’il serait plus utile en Côte d’Ivoire. Alors il rentra. Le député Oula Privat était en France à cette même période. Il nous rejoindra dans le même hôtel.

Nous étions alors coachés par feu Jhon Kwabena. Proche Bédéiste jusqu’à sa mort, Jhon Kwabena sera enterré à Daoukro comme signe de son attachement à l’ex-président de la République. Il me reste en mémoire beaucoup de souvenirs de cette époque. Quelques-uns sont relatés dans mon livre « Notre histoire avec Laurent Gbagbo », paru à l’Harmattan.

De retour en Côte d’Ivoire, j’ai gardé un contact direct avec le Président Bédié. La crise dans le pays à partir de 2002, avec la rébellion, va compliquer les choses pour tout le monde. Cependant mon houphouëtisme assumé et revendiqué me conduira à ne jamais me tenir loin du Pdci et du Président Bédié, même si je n’ai jamais été un familier de l’homme qui m’avait fait acheter et offrir des livres, alors qu’il était en exil.

Ma dernière rencontre avec le président Bédié sera un rendez-vous pour lui présenter des vœux, à l’initiative de Djénébou Zongo il y’a quelques années. Outre Ben Soumahoro et Tapé Koulou Laurent, deux autres acteurs et facilitateurs de ma relation avec le président Bédié sont également morts, Sékou Sangaré et Pierre Debrouchard. Les personnes encore en vie, je ne les cite pas. Tout comme je ne souhaite pas évoquer le rôle tenu à mon niveau, lors la crise du CONSEIL NATIONAL DE TRANSITION (CNT).  La tension entre l’opposition et le gouvernement baissera en ampleur à partir de la rencontre entre Ouattara et Bédié à l’Hôtel du Golf. Sans oublier le voyage du Président Bédié au Ghana.

Le Sphinx part avec beaucoup de secrets et de témoignages, comme de nombreux acteurs publics et politiques africains, peu enclins à écrire leurs mémoires.

Alafe Wakili


Propos recueillis  par  Nora  Ansell-Salles auprès  de Alafe Wakili

lundi 19 juin 2023

🟥 EXCLUSIF : Interview de Michel GBAGBO 🟥

Né le 24 septembre 1969 à Lyon, Universitaire et écrivain, député de Yopougon depuis mars 2021. Michel Koudou Gbagbo est aujourd'hui candidat aux municipales de Yopougon de septembre prochain.  Maître de Conférences en psychopathologie sociale à la faculté de criminologie de l’Université Félix-Houphouët Boigny d'Abidjan, auteur de nombreux ouvrages  parmi lesquels des recueils de poèmes, fervent militant politique, Michel Gbagbo est un homme aux multiples facettes... Mais qui est vraiment Michel Gbagbo... 


🎙NORA ANSELL-SALLES 
Bonjour Michel Gbagbo, bon nombre de lecteurs de "Mine d'infos" 
ont découvert votre existence, lors de votre arrestation. Ils ont été émus par la vidéo Bouteille à la mer lancée par votre mère à l’occasion de votre anniversaire durant votre détention. Les différentes actions spontanées réclamant votre libération ont maintenu les projecteurs sur votre sort... Nos lecteurs francophones (majoritaires aux États-Unis) suivent votre parcours et celui de votre père depuis de nombreuses années. Ils n'ignorent rien de votre métamorphose depuis votre libération. Mais si l'homme public est connu, on connaît très peu l'homme privé...


👉Si vous deviez faire votre auto portrait... que diriez-vous de vous ?

MICHEL GBAGBO :
La constance dans le respect de certaines valeurs. Et l’humilité au service du combat républicain ! Il faut être discret sans s'effacer.  Il faut être présent à la bonne adresse sans se renier et c'est mon combat de tous les jours !


👉Votre mère Jacqueline est française, votre père Laurent Gbagbo est ivoirien, vous avez vécu en France dans votre jeunesse, vous vivez depuis plusieurs années en Côte d’Ivoire...  Vous sentez-vous aujourd'hui plus Ivoirien que Français ?

MICHEL GBAGBO :
Je suis Français et Ivoirien, je me sens autant Ivoirien que Français. Il ne faut pas renier une partie de soi-même ! Et je prône l’égalité entre Occidentaux et Africains noirs ! Cependant, mon ancrage politique est davantage situé ici, en Côte d’Ivoire, qu’en France, où je n’exerce aucune responsabilité politique.
👉Quand avez-vous écrit votre 1er poème, vous souvenez-vous de son thème ?

MICHEL GBAGBO :
Cela se situe dans les années 1982-1983. J’en ai oublié le titre. Il débutait ainsi : « C’était pour lui un paradis… ». Il traitait avec nostalgie de mon départ de la Côte d’Ivoire pour la France afin d’y rejoindre ma mère et mon père parti, lui, en exil, un an plus tôt. Je devais avoir entre 12 et 13 ans.


👉A quand remonte votre 1er acte militant ?

MICHEL GBAGBO :
On pourrait peut-être appeler cela un acte syndical. J’ai participé dans les années 1985-86 (au moment de la cohabitation entre Chirac et Mitterrand) aux manifestations des élèves et étudiants. Un fait qui est resté gravé dans mon esprit à cette occasion fut le décès du jeune Malik Oussékine du fait des violences policières.
J’ai enrichi cette expérience par un engagement politique précoce à la fois dans des organisations politiques françaises de gauche et dans le MIDD (Mouvement Ivoirien pour les Droits Démocratiques), qu’on peut considérer comme l’ancêtre du FPI (le Front Populaire Ivoirien).
Tout cela, c’était avant de rentrer en Côte d’Ivoire dans les années 1987-1988.


👉Et votre 1er combat personnel ?

MICHEL GBAGBO :
Mon premier combat personnel – personnel au sens d’un engagement fort susceptible de modifier le cours de mon existence - remonte, en Côte d’Ivoire, aux ‘’années 1990’’. Cette époque a vu la participation – au péril de leur vie - de nombreux jeunes Ivoiriens à l’avènement de la FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire) et au mouvement de démocratisation politique conduit par Laurent Gbagbo et le FPI (Front Populaire Ivoirien). Ma première incarcération pour raison politique remonte à 1992.


👉A quelle carrière vous destiniez-vous à 18 ans ?

MICHEL GBAGBO : 
J’ai eu un bac G2 (Comptabilité). Mais j’étais personnellement davantage attiré par les Sciences humaines et l’enseignement. Alors, entre des études supérieures techniques et de Sciences sociales, notamment en psychologie, c’est finalement cette dernière filière qui m’a ouvert les bras à l’Université. Je peux donc dire que j’ai mené les études que je souhaitais et exercé, au final, le métier de mon choix. 


👉A quelle époque et dans quelle circonstance la politique a-t-elle croisé votre route ?

MICHEL GBAGBO :
Au lycée puis à l’Université, je n’ai pas connu de chemin parallèle à la politique ; celle-ci a été très tôt présente dans mon existence. Il y a là peut-être une forme de déterminisme assumé, mon environnement ayant dû précocement exercer une pression morale sur moi. D’où mes choix, mon engagement. Je fus en effet un adolescent politisé, issu de milieux intellectuels au cœur de la contestation du Parti unique et de la dictature.


👉Par quel chemin détourné, ou pas, devient-on député ?

MICHEL GBAGBO :
Psychologiquement, je pense être devenu député par vocation de service ; car je suis venu à la politique par vocation de service. De manière plus concrète, j’aime à dire que chacun doit ‘’cultiver son jardin’’ ; autrement dit qu’il n’y a pas de parcours politique sans encrage local, sans base.  La mienne, c’est ce que j’appelle la ‘’ville‘’ de Yopougon. Il s’agit en réalité d’un quartier populaire d’Abidjan mais vaste et peuplé comme une véritable ville. C’est là que je milite et là naturellement que mon Parti m’a désigné, avec d’autres, et en alliance avec le PDCI-RDA (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire - Rassemblement Démocratique Africain) pour compétir contre la mouvance présidentielle aux législatives en mars 2021. Nous avons remporté cette première élection. Et nous avons maintenant, nous l’opposition, le regard tourné vers les élections municipales de septembre 2023. Le véritable chemin, selon moi, c’est celui de la présence continue sur le terrain.


👉Lorsque vos parents ont divorcé, vous êtes resté avec votre mère en France. Puis vous avez décidé de rejoindre votre père en Côte d’Ivoire où votre père est devenu président... Vous doutiez-vous à cette époque à quel point son accession à l'élection suprême allait changer votre vie ?

MICHEL GBAGBO :
Toute mon école primaire, je l’ai faite en Côte d’Ivoire, aux côtés de mon père, séparé depuis longtemps de ma mère. Mon départ en France et mon retour en Côte d’Ivoire correspondent, peu ou prou, à sa période d’exil en France (de 1982 aux années 1988-1989).   
Cela dit, son accession à la magistrature suprême n’a pas bouleversé mon existence, sauf à me faire bénéficier assez vite d’un certain confort.  De façon ramassée, je me doutais un peu que les choses ne seraient plus comme avant. Puisque j’allais accéder à un autre statut, celui que les auteurs appellent par dérision celui du ‘’fils de Président’’. Heureusement, l’éducation que j’ai reçue m’a permis de garder la tête froide.  Et j’ai pu continuer ma vie en vue d’atteindre mes objectifs personnels par le travail.
Cette accession a par contre souvent modifié, et je le regrette, le regard de certains vieux amis dont les attentes personnelles ont pu être déçues par mon manque d’engouement pour certaines pratiques ; moralement, il y a des choses que je ne sais pas faire.
Mon père, lui, fidèle à ses valeurs d’abnégation au travail, a, à cette époque, insisté, allant même jusqu’à en parler avec mon épouse, pour que je soutienne ma thèse de doctorat, thèse qu’il percevait comme le résultat de mon propre combat intellectuel. Il voulait – et je l’en remercierai toujours - que je sois ce que je suis. Que je me réalise.


👉A quel moment, et dans quelle circonstance, avez-vous réalisé les conséquences du poids de votre patronyme sur votre vie ?

MICHEL GBAGBO :
A de nombreux moments. Parfois cocasses. Comme sur mon passeport diplomatique où à la rubrique profession il était mentionné : ‘’fils du Président de la République’’. Puis plus tard ‘’Fils de l’ex-Président de la République’’.
Plus généralement, de nombreuses marques d’affection ou de désapprobation à mon endroit peuvent être comprises comme l’expression détournée de sentiments positifs ou négatifs à l’endroit d’un Laurent Gbagbo au nom parfois trop grand.  Il y a de cela quelques jours d’ailleurs, un homme ne me disait-il pas, paraphrasant la Bible : ‘’Qui a vu le fils a vu le Père’’ ? Ce nom, je le porte avec fierté et m’efforce de le garder sans tâche.
Pour répondre avec plus de précision encore, je pourrais vous évoquer deux évènements. 
Le premier est celui de ma première arrestation en 1992 pour ‘’flagrant délit de trouble à l’ordre public et destruction de biens d’autrui’’ alors même que j’étais simplement allé m’enquérir de l’état de santé de mon père détenu dans un camp de gendarmerie.
Le second se situe en 2011 où de la prison, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire, j’entends à la radio le premier ministre, alors en conférence de presse, justifier mon incarcération par le fait que je sois le fils du Président Laurent Gbagbo et que l’on m'ait trouvé à ses côtés !


👉Fervent défenseur de la liberté, on vous dépeint comme un homme ayant des valeurs intrinsèques, défendant "bec et ongles" les principes de solidarité, de démocratie, d’alternance…

MICHEL GBAGBO :
Ce n’est pas forcement de moi seul que vous parlez là. En effet, chaque Parti, comme vous le savez, a des principes fondateurs. Les nôtres sont la démocratie, le socialisme, la souveraineté, le panafricanisme ; la solidarité entre camarades et entre citoyens du monde est une valeur presque naturelle chez nous, une attitude qui nous rassemble. Il est vrai que les contours idéologiques de notre nouveau Parti, le PPA-CI, peuvent paraître flous pour certains. Mais reste que la démocratie ou la lutte pour la démocratie est inscrite à son fronton. Le pouvoir doit être celui du peuple et non d’une caste. Il doit s’appuyer, y compris dans son contrôle, sur des Institutions fortes, et non exprimer la seule volonté d’un tyran ou d’un groupe de nervis à sa solde.

👉Vous définissez-vous comme un défenseur de la justice sociale, de l'indépendance économique de la Côte d’Ivoire ?

MICHEL GBAGBO :
Pas seulement de la Côte d’Ivoire. En effet, nous nous adressons à l’ensemble des Africains, y compris du Nord, en leur disant, comme Thomas Sankara, Kouamé N’Nkrumah,  Gamal Abdel Nasser, Nelson Mandela, Patrice Lumumba, que tout est possible, que tout est toujours possible comme en témoignent la vie et les hauts faits de ces personnes. Et qu’en matière de justice sociale, d’indépendance économique, l’Afrique, encore aujourd’hui, dispose de ressources susceptibles de profiter à la communauté pourvu que des dirigeants imprégnés du sens de l’État et de la volonté de servir prennent les mesures appropriées et s’émancipent de leur tendance à la rapine. De façon plus précise, à notre Congrès constitutif, Laurent Gbagbo indiquait une piste de solution pour réaliser cette indépendance : le panafricanisme, autrement dit le rassemblement de nos nombreux micro-états en de vastes ensembles intégrés capables de mesures politiques et économiques courageuses et cohérentes.
👉Et au sujet de la justice sociale ?

MICHEL GBAGBO :
Eh bien, selon moi, la première des justices sociales serait que soit fondé un État démocratique dont les décisions reflèteraient la volonté des peuples. Dans cet État à bâtir en Côte d’Ivoire, et dans d’autres pays africains, il faudrait que la propriété privée, les opinions personnelles ainsi que les droits civiques soient inaliénables. L’alternance pacifique au pouvoir m’apparait être une norme fondamentale si l’on veut que le pouvoir qu’exerce l’ÉTAT émane du peuple dans sa diversité et que la violence soit bannie de l’arène politique. Quant à la justice sociale, au sens où on l’entend d’ordinaire, c’est-à-dire fondée sur l’égalité des droits pour tous et de la possibilité égale de bénéficier des fruits de la croissance, elle est inscrite dans notre ADN. Nous sommes innovateurs en la matière puisque par exemple l’école gratuite et laïque, l’assurance maladie universelle, la libéralisation de la filière agricole, la décentralisation, sont de nous. Ces projets phares de Laurent Gbagbo sont malheureusement aujourd’hui noyés dans de l’incertitude.


👉 On dit de vous que vous êtes très intelligent, communiquant hors pair, charismatique sous une apparence trop ou faussement modeste... effacé malgré un caractère volontaire … De même, les vieux amis de votre père se méfient de votre soudaine appétence pour la politique... se plaisent à dire que votre parcours est pâle (à âge égal) comparé au sien... la jeune garde jalouse votre influence auprès de votre père et la confiance qu'il vous accorderait... On vous soupçonne d'avoir pris goût à la politique... et d’avoir désormais des ambitions politiques dépassant le poste de député/maire... Bref, vous faites peur. Vous reconnaissez-vous dans ce portrait ?

MICHEL GBAGBO :
Si on prend en compte certaines réserves, je me reconnais dans certains traits précis. Notamment en ce qui concerne mon ‘’appétence’’, comme vous dites, pour la solidarité, la justice sociale, la démocratie, la souveraineté. Je l’ai d’ailleurs indiqué un peu plus haut. Par contre, et que cela soit en bien ou en mal, je m’efforce de ne pas commenter certaines appréciations sur ma personne. Je laisse courir … Cela se sait, mes ambitions politiques demeurent assez mesurées. J’ai depuis longtemps exprimé mon intention de me mettre au service de la commune de Yopougon. Je dispose d’un programme bien structuré, ambitieux, et d’une équipe motivée et compétente, capable d’apporter un mieux-être aux populations qui y vivent. Je n’ai jamais encore exprimé d’autre ambition. Il y a déjà beaucoup à faire en matière de voirie, de salubrité, d’emploi, de formation professionnelle, d’autonomisation de la femme et de lutte contre la drogue et l’insécurité dans ma chère circonscription.


👉On vous reproche de ne pas parler Béthé...

MICHEL GBAGBO :
La question de la langue vernaculaire est plus large. Je n’ai pas eu l’opportunité de faire l’apprentissage du Béthé à mon jeune âge. D’ailleurs, nombreux sont les enfants de la nouvelle génération dont les parents, habitants de la ville, parlent de moins en moins leur langue maternelle à leurs enfants. Hélas. Que deviendront ces langues dans un siècle ? Il me parait important que leur enseignement soit institué à l’école, et que soit créé un Institut spécial des langues ivoiriennes destiné aux adultes, comme moi désireux de s’imprégner encore plus de leur patrimoine culturel local. Au plan politique, je n’ai heureusement pas à pâtir de cette situation, mon électorat étant urbain et assez diversifié. 


👉Quelles sont vos ambitions et projets pour la Côte d’Ivoire d'ici 5 ans ?

MICHEL GBAGBO :
Comme dans le sport, mon crédo est d’avancer match après match. Une fois élus, mon équipe et moi ne ménagerons pas nos forces afin de répondre au mieux aux préoccupations réelles de nos mandants. Comme il s’agira certainement d’une coalition, nos Partis verront par la suite le format à adopter pour les futures joutes électorales. A la question de savoir si j’envisagerai de me représenter dans cinq ans, quel que soit le score obtenu aux municipales de septembre 2023, je répondrai le moment venu.


👉Vous avez déclaré dans une interview que certains, lorsqu'ils vous voyaient, voyaient un petit bout de Laurent Gbagbo. Qu'en est-il aujourd'hui... Quelle est la part de GBAGBO en vous ?

MICHEL GBAGBO :
Tous les jeunes Ivoiriens d’ici et de la diaspora, tous les Africains, qui rencontrent les idées et le combat du Président Laurent Gbagbo pour la souveraineté de l’Afrique, ont du Laurent Gbagbo en eux. Cette question dépasse donc le cadre biologique. Elle relève d’une problématique politique. Le bombardement de sa résidence afin d’y installer son rival, ami de la FrançAfrique, son procès historique à la CPI aux Pays-Bas, dont il est revenu vainqueur, lui ont valu une aura jamais égalée en Afrique, sinon par Nelson Mandela. Des millions d’âmes ont été impactées par son leadership et sa vision précoce pour une Afrique souveraine. Ce sont ces millions d’âmes-là qui sont ses ‘’traces’’. Car la victoire psychologique qu’il a remportée, restera longtemps encore gravée dans l’Histoire. En ce sens, nous sommes nombreux à avoir, selon votre expression, ‘’un bout de Laurent Gbagbo’’ en nous. Car en l’espèce, c’est l’engagement politique qui crée le lien de famille.


👉Certains disent que vous ressemblez plus par votre physique et vos pauses photographiques à Gandhi qu'à votre père.

MICHEL GBAGBO :
Il ne suffit pas de posséder des traits de ressemblances avec certains personnages célèbres pour en être l’incarnation. Combien de Johny Halliday, d’Elvis Presley ou de Michael Jackson n’aurions-nous pas sinon ! J’essaie plutôt d’apprendre à travers l’expérience des autres. De m’enrichir de leur enseignement. De capter ce qui en eux me parait bon. Je pense au plus profond de moi que les actes doivent être motivés par des valeurs, surtout quand l’on se veut au service de la communauté. Comme député aujourd’hui, et peut être comme maire demain, comme enseignant, ou simplement comme homme, j’essaie de nuire le moins possible à mon semblable, de bannir la vénalité, et de mettre la solidarité et la tolérance au-devant de tout. Et c’est heureux que ces valeurs rencontrent celles du Président Laurent Gbagbo. Vous savez, ‘’l’’être humain est la plus précieuse des richesses’’. Penser ainsi, c’est exprimer selon moi une envie de dignité pour les autres, et pour soi-même. 


👉 Il n'y a pas qu'une vie dans la vie... A quoi pensez-vous en vous rasant le matin ?

MICHEL GBAGBO :
En tant qu’enseignant, quand je me rase le matin, je pense au savoir que je vais dispenser. C’est ma contribution quotidienne à l’effort de développement de ce pays. Le faire et bien le faire. Le travail est le meilleur moyen, selon moi, de servir sa foi. Après je pense aux pauvres, aux sans-abris, aux démunis. Et plus globalement, au scandale que constituent nos États, assis sur des richesses inestimables, quand périssent ses populations. La vénalité et la méchanceté des hommes me surprennent encore aujourd’hui, malgré l’âge. Mais je ne désespère pas. Je continue à vouloir contribuer, aussi modestement soit-il, à faire avancer les choses.


👉Vos diverses activités [enseignement/écriture politique] vous laissent – elles du temps pour continuer d'écrire ?

MICHEL GBAGBO :
Je reconnais que j’écris moins souvent qu’avant ; mais j’écris quand même car l’écriture reste pour moi une passion et un exercice intellectuel dont je ne peux me passer. Je dirais que j’écris plus pour moi-même maintenant qu’en vue d’une éventuelle publication. Mais cela viendra. 


👉Et la vie privée dans tout cela ?

MICHEL GBAGBO :
La vie privée est indissoluble de ma vie tout court. Mes enfants, mon épouse, sont en vérité le fondement de mon existence. Malgré toutes mes occupations, je parviens toujours à trouver du temps pour ma famille et certains loisirs partagés.
👉L'homme que vous êtes aujourd'hui a-t-il réalisé ses rêves d'enfant ?

MICHEL GBAGBO :
Quelques-uns, et pas tous évidemment. Je suis sur le chemin et j’apprécie ce qui a été déjà fait et je travaillerai à réaliser ce qui reste à faire. Au-delà cependant de cette ‘’comptabilité’’ des échelons que l’on peut gravir un temps, de ce que l’on peut gagner puis perdre, je me rends compte, aujourd’hui, que ce sont les enseignements qui constituent la véritable richesse et le véritable gain de l’existence. En ce sens, on ne finit jamais de vivre sa vie, on ne peut que l’améliorer. Ou s’en accommoder de mieux en mieux. Si vous me demandiez quel projet j’ai en réserve, je vous répondrai par contre que j’ai une espérance : ma plus grande espérance aujourd’hui serait que mes enfants trouvent le bonheur. Cela me donnerait, je pense, un sentiment de complétude.


👉Si vous aviez la possibilité de faire vous-même les questions/réponses laquelle vous seriez-vous posée et quelle réponse y auriez-vous apportée ?

MICHEL GBAGBO :
Ma question : Que faut-il pour un monde sans conflit ?
Ma réponse : L’ Amour, car seul l’amour entre les hommes permet la tolérance, l’égalité de tous et la paix. Je suis un homme simple vous savez. Mais un homme qui aime la vérité, et qui aime écouter, entendre. Il est vrai que notre monde est plein de conflictualités. Mais si chacun accepte ce que l’autre a à dire, dans la dignité, la tolérance, un mot important, et la justice évidemment, je pense que notre monde serait meilleur. 
Michel Gbagbo
dans le regard de 
Martin  Ziguélé

"Qui a vu le fils a vu le Père" c'est ainsi que je peux parler de ce que m'inspire Michel Gbagbo, le fils de mon aîné politique et idéologique. Il y'a des hommes qui sont comme cette pleine lune qui illumine le ciel en pleine nuit.  Elle permet de voir l'essentiel et d'avancer, et ne se préoccupe guère du superfétatoire. Michel Gbagbo est assurément mur et dense. Il reflète l'image d'un homme certes jeune encore mais qui a été affermi par les blessures et autres accidents de la vie politique en Afrique. Tenir à son idéal politique de manière constante et sur deux générations en Afrique est un parcours singulier. Nous avons connu le père, nous avons plaisir à connaître le fils dont la fermeté des convictions politiques démocratiques sont clairement exprimées.

Le parcours politique qu'il commence également par la base, escalier après escalier, est également la marque de l'apport de cette culture française qu'il assume, et qui veut que tout politique ait un ancrage local.

Le parcours politique qu'il commence également par la base, escalier après escalier, est également la marque de l'apport de cette culture française qu'il assume, et qui veut que tout politique ait un ancrage local".

Martin Ziguele 
Député et ancien Premier ministre de la RCA 
Président du MLPC

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🫠Bien cordialement  Nora  ANSELL-SALLES  Rédacteur  en  chef  du Blog et des Veilles  "Mine  d'Infos "

Propos recueillis  par  Nora  Ansell-Salles auprès  de Michel Gbagbo et  Martin  Ziguélé