A l’origine
La
Mutualité est une spécificité française, quasi unique au monde. C’est une noble
initiative, précurseur historique de notre sécurité sociale, facteur essentiel
de cohésion sociale. Ses principes fondateurs - aujourd’hui dévoyés - sont :
- la gouvernance par les adhérents
sur la base «un homme, une voix,»
- une cotisation identique pour
tous assortie de prestations identiques pour chaque adhérent.
La Sécurité Sociale
(issue des travaux du CNR de 1945) existe au travers de son principe fondateur
qui exige des cotisations obligatoires proportionnelles aux revenus et des
prestations identiques pour tous sur tout le territoire. Ce principe est constitutif
de la société française et constitue un des droits essentiels de la population.
Nous touchons là au fondement même de notre démocratie.
La Mutualité est devenue
au fil du temps, le complément naturel, indispensable et idéal du régime
obligatoire, qu’il s’agisse de compléter les remboursements de la sécurité
sociale, ou de développer le champ extraordinaire de la prévention aujourd’hui
en friche, qui a besoin de pionniers pour se structurer et contribuer à
améliorer la santé de la population.
De nombreux dirigeants
mutualistes (à l’ancienne…), respectueux de la démocratie interne, économes de
l’argent des cotisants, pionniers des interventions dans la prévention méritent
le respect de tous. Ils sont toutefois peu à peu remplacés par des entrepreneurs-gestionnaires
qui appellent ouvertement au regroupement des mutuelles en entités financières,
inscrits au code de l’assurance ou au code de la mutualité selon leurs intérêts.
Et aujourd’hui ?
On a récemment entendu la déclaration
péremptoire d’un responsable de la Mutualité: «C’est
nous qui payons les vitrines », allusion pleine de subtilité aux opticiens,
pharmaciens, biologistes, audioprothésistes, etc. Il ne peut pourtant lui avoir
échappé que tous payent leur outil de travail avec leur activité professionnelle
quotidienne et des relations commerciales transparentes.
On peut remettre en cause cet état
de fait et ouvrir un débat légitime. Avant de se lancer dans cette bataille, il
est sans doute préférable d’avoir veillé à avoir balayé devant sa porte. Car la
question se pose du côté des Mutuelles également: qui paye les vitrines des
Mutuelles? Qui assume les coûts de gestion pharaoniques des mutuelles? Qui les
décide? Qui paie les coûts d’acquisition des contrats?
Le principe fondateur mutualiste
«un adhérent, une voix» pourrait laisser penser que les plus de trente millions
d’adhérents revendiqués ont voté les investissements décidés et autres dépenses
de prestige. Ah vraiment?
Bien sûr que non et pourtant.
Chaque cotisant (sans le savoir) paie. La transparence en prend un coup car c’est
le SEUL secteur dans notre pays où celui qui paie, le cotisant, n’a pas le
droit de savoir où va son argent.
Les hauts dirigeants mutualistes
ont pour leur part obtenu dès les premiers pas du nouveau gouvernement le
report sine die de la transparence sur les coûts de gestion des
mutuelles.
Ce report a été justifié au nom
de la transparence. Belle ironie de l’histoire.
Quoi qu’il en soit, le récent
rapport de l’OCDE sur les coûts de gestion des assurances santé en Europe
explique sans doute cette soudaine timidité des mutuelles françaises à présenter
leurs comptes à leurs cotisants.
L’assurance santé est un des
rares secteurs où les coûts de gestion ne sont pas réglementés. Certaines
mutuelles arrivent à 18 et même plus de 20% de frais de gestion. A titre de
comparaison, la moyenne des frais de gestion des régimes obligatoires et complémentaires
en France se situe à 7% (contre 3% pour le groupe des pays OCDE aux
prestations comparables).
Les députés et sénateurs, toujours
prompts à dérembourser les malades ou à se saisir des plus petites recettes
fiscales, peuvent-ils raisonnablement continuer à se désintéresser des coûts
de gestion des complémentaires santé? Ont-ils vraiment conscience que le surcoût
des frais de gestion des complémentaires santé représente au total plus que le
déficit de l’Assurance Maladie?
Et les coûts d’acquisition?
Les mutuelles santé sont d’abord
et avant tout des entreprises privées qui se livrent à une concurrence effrénée
pour attirer de nouveaux clients à grands coups de publicité et de remise des
premiers mois de cotisations.
Une fois encore, ces «coûts d’acquisition»
sont payés par les cotisants sans qu’ils l’aient jamais décidé ni même sans le
savoir lors la signature du contrat d’adhésion.
Pour faire bonne mesure, la
Mutualité entretient des centres de santé et d’optique
notamment. Dans la mesure où ils ne paient pas d’impôts, ils représentent une
concurrence pour le moins déloyale pour le voisin privé qui déplore des charges
25% plus importantes ne serait-ce que par le fait qu’il paie, lui, ses impôts.
Les impôts ne sont pas la seule source d’inégalité puisque les centres de santé
mutualistes en cessation de paiement se sont généreusement vu octroyer 3,5
millions d’euros par le Président de la République à l’occasion de son passage à
Nice.
Ajoutons, pour faire bonne
mesure, l’extrême discrétion des hauts dirigeants mutualistes, toujours prompts
à dénoncer les rémunérations des médecins, sur leurs propres rémunérations et
train de vie. Là aussi l’opacité fait loi.
Contre la PPL 296
Dans ce contexte, l’adoption à
marche forcée de la Proposition de loi n°296 inscrite en moins de temps qu’il
ne faut pour le dire à l’ordre du jour des deux assemblées (quand de très
nombreux textes attendent depuis des années qu’on leur trouve une place à l’agenda),
constitue une entorse à la démocratie.
Pour signer la pétition contre la PPL 296 : www.soinscoordonnes.eu/petition/php
Ce texte est également paru sur
le blog www.martialolivierkoehret.net
C’est évidemment sans noter le conflit
d’intérêt manifeste que représente la défense de ce texte par une députée
anciennement employée de la Mutualité et d’autres députés qui lui sont liés de
près ou de loin.
Cette Proposition de loi bouleverse
les équilibres de notre société toute entière. Elle vient transformer en
quelques lignes notre système de santé sans aucun débat public et annihile les
droits fondamentaux de la population.
Confier le champ ambulatoire de
la santé au conventionnement individuel par une Proposition de loi, qui plus
est, adoptée en catimini, à des groupes financiers aux coûts de gestion
opaques et disproportionnés qui ne paient pas d’impôts et qui se
livrent à une guerre commerciale de centaines de millions d’euros pour
trouver des clients, est une hérésie.
Nous ne baisserons pas les bras
et appelons à la mobilisation de tous les citoyens.
Nous appelons aussi à rouvrir
le débat sur notre système de santé qui ne répond plus aux besoins des malades.
Nous y défendrons pour notre part l’accès aux soins de proximité pour tous et
sur tout le territoire, l’indépendance professionnelle, le respect du principe
d’égalité devant l’impôt et la participation active des patients et leurs représentants.
Ce débat s’impose. Il devra faire l’effort d’inviter
la totalité des intervenants et défenseurs d’idées et de principes pour ne pas
se contenter d’entendre les éternels briscards avec lesquels on a l’habitude de
parler. Cela nous promet de riches et passionnantes heures d’échanges qui ne
pourront manquer d’aboutir à la sécurisation et la refonte de notre pacte
social, sanitaire et républicain.