M. Edouard Couty a présenté devant les trois groupes ayant
participé aux discussions du pacte de confiance pour l’hôpital ses pré-conclusions,
qui pourront être affinées ou modifiées une fois reçues les dernières
contributions des participants.
En préambule il a
déclaré que ces pré-conclusions constituaient une « révision en profondeur de
la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) » de juillet 2009. Au
cours de la discussion, il a ajouté que, selon lui, la politique de santé doit
relever de la compétence nationale.
Il constate que l’hôpital
a été soumis à des réformes sans cap, a perdu ses repères et le sens de sa
mission. Il se trouve face à une absence de perspectives autre qu’une politique
technocratique de maîtrise des dépenses.
M. E. Couty a
souligné aussi que l’hôpital est créateur de croissance.
Voici ses
principales propositions :
1. Il s’agit de rétablir
le service public hospitalier (SPH), aboli par la loi HPST, qui ne définissait
que des missions de service public. Ce SPH doit s’inscrire dans un service
public territorial de santé pour prendre en compte le parcours des patients. L’accès
aux soins doit être organisé selon un système gradué. Le CHU, dont le rôle est
régional et inter-régional, doit entretenir des liens avec les autres hôpitaux,
y compris pour les missions d’enseignement et de recherche. Les praticiens
hospitaliers assurant ces deux dernières missions doivent bénéficier de
valences d’enseignement et de recherche.
La psychiatrie
doit s’organiser à partir d’un secteur rénové, en lien avec les autres
partenaires. Il faut des dispositions législatives particulières sur l’organisation
de la santé mentale.
2. Le financement
ne doit plus viser au 100% tarification à l’activité (T2A), mais reposer sur
une partie de financement T2A et une partie d’allocation forfaitaire dans une
proportion à définir (50/50, 60/40 ont été cités). Le financement doit reconnaître
tous les professionnels et toutes les activités. Il doit accompagner la
politique territoriale selon une logique de complémentarité et non de
concurrence. La T2A doit prendre en compte la qualité et la pertinence des
soins plutôt que leur quantité. Les tarifs ne doivent plus être un instrument
de régulation. Il faut respecter le calendrier budgétaire pour que le budget
soit connu en début d’année et avoir une vision pluriannuelle, conformément aux
conclusions du rapport sénatorial Le Men et Milon (MECCS). Il faut revoir le
système du financement des investissements. Un observatoire indépendant devrait
être créé pour suivre les réformes du financement hospitalier.
3. L’hôpital n’est
ni une entreprise ni une administration classique. Actuellement, ce sont des établissements
publics d’Etat. Ils devraient être des établissements publics territoriaux de
santé.
La gouvernance
doit être modifiée. Le conseil de surveillance pourrait être remplacé par un
conseil d’établissement, organe de délibération notamment sur la politique
financière, avec une fonction de vigilance sur la politique de l’établissement
et doté des moyens pour assumer cette fonction de vigilance (comité d’audit,
conseils extérieurs). Il aurait aussi un rôle d’arbitrage de premier niveau. Il
faut revoir la composition de ce conseil, notamment en rappelant le rôle des élus
locaux.
L’exécutif aurait à
sa tête le directeur. Il ne s’agirait plus d’un directoire mais d’un conseil de
direction, fortement médicalisé. Le directeur, le président de la CME et le
directeur des soins en choisiraient les autres membres.
Il convient de rétablir
les instances délibératives dans leurs prérogatives (Commission médicale d’établissement
– CME, le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT,
le Comité technique d’établissement – CTE, la Commission des soins infirmiers,
rééducation et médico-technique – CSIRMT).
Les usagers
seraient représentés au sein d’un comité des usagers, en remplacement de la
Commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en
charge, dont il garderait les attributions. Il serait aussi informé des avis
rendus par les différentes instances et aurait un pouvoir d’alerte à l’égard du
directeur ou du conseil d’établissement.
Les internes et
assistants devraient être mieux représentés au sein de la CME, dont la
composition doit donner lieu à concertation.
Le CHSCT devrait
comporter deux sections, une pour le personnel médical et une pour le personnel
non médical, avec possibilité de sessions plénières. Les représentants médicaux
seraient désignés pour partie par la CME et pour partie par les syndicats représentatifs
selon un processus électoral à définir.
L’organisation
interne ne doit pas répondre à un modèle unique. Il faut laisser une liberté d’organisation
aux établissements : en pôles, départements ou fédérations, constitués à partir
d’un projet médical. Il faut respecter une cohérence médico-économique et déconcentrer
la gestion. La taille de ces structures doit être adaptée à la logique qui prévaut
à leur constitution.
Pour la prise en
charge des patients et pour l’enseignement, la structure la plus reconnue est
le « service », mot qu’il ne faut pas avoir peur de prononcer. Sa constitution
est organisée à partir d’une discipline et du travail en équipe. Il faut
autoriser des expérimentations et faire confiance aux professionnels.
Le management doit
être participatif et une charte des managers (administratifs et médicaux) doit être
élaborée et figurer dans le règlement intérieur des établissements. Il faut
aussi assurer la sincérité de la présentation des informations, notamment
comptables.
Disposer d’un système
d’information performant est une priorité.
Il faut reconnaître
le rôle et les fonctions des cadres.
Le président de la
CME doit être responsabilisé dans le management, notamment concernant les
contrats de pôles/départements/fédérations, et les nominations de responsables
médicaux à la tête de ces structures et des services. Cette nomination doit se
faire conjointement avec le directeur, lequel a le dernier mot en cas de désaccord.
Elles se font pour une durée déterminée à partir d’une liste d’aptitude établie
par la CME. Le président de la CME doit être aussi responsabilisé en matière de
dialogue social, notamment à l’égard des PH.
4. Dans ses
relations avec les pouvoirs publics, l’hôpital ne doit plus être soumis à des
injonctions contradictoires. Il faut favoriser les initiatives des acteurs de
terrain. Il faut donner aux hôpitaux une visibilité pluri-annuelle et respecter
le calendrier budgétaire. Les contrats de retour à l’équilibre financier ne
peuvent pas être l’alpha et l’oméga de la politique contractuelle entre établissements
et ARS. Il faut laisser s’organiser les coopérations à l’initiative des acteurs
et ne les imposer qu’en cas de nécessité. Les autorisations d’activités doivent
s’inscrire dans la logique du parcours de soins et de l’organisation
territoriale. Il convient de préciser la nature des relations entre directeurs
d’établissements et directeurs généraux d’ARS. Le plan régional de santé doit s’articuler
avec le schéma de cohérence territoriale. Il faut redonner plus de rôle aux élus,
notamment au niveau des ARS.
Dans la
discussion, E. Couty a dit qu’il faudrait envisager une réflexion particulière
pour l’organisation et le fonctionnement de l’Assistance publique – hôpitaux de
Paris.
Globalement, ces
propositions ont été bien accueillies. Le rapport définitif sera rédigé d’ici
la fin du mois de janvier. Nous saurons en février ce que la ministre des
Affaires sociales et de la Santé en aura retenu.
Bernard Granger.