A l’occasion de la
Journée mondiale de prévention du suicide, Marisol Touraine, ministre des
Affaires sociales et de la Santé, installera ce mardi 10 septembre, l’Observatoire
national du suicide.
Créé auprès de la ministre des Affaires sociales et de la
Santé, l’Observatoire national du suicide réunit les représentants des sept
ministères concernés*, des acteurs
institutionnels (opérateurs de l’Etat et caisses d’assurance maladie), des
parlementaires, ainsi que des chercheurs, des professionnels de santé de
diverses disciplines, des personnalités qualifiées et des représentants d’associations.
L’Observatoire national du suicide a pour mission d’améliorer
la connaissance des mécanismes conduisant aux suicides et de mieux coordonner
et exploiter les différentes données existantes. Il devra également évaluer les
politiques publiques de lutte contre le suicide, et produire des
recommandations, particulièrement dans le champ de la prévention.
L’Observatoire se réunira deux fois par an. En parallèle,
des groupes thématiques travailleront plus spécifiquement dans les domaines de
la recherche et de la prévention.
L’Observatoire national du suicide établira un rapport annuel, qui s’attachera
à établir chaque année un focus thématique.
DISCOURS DE MARISOL TOURAINE
Mesdames et Messieurs les
parlementaires,
Monsieur
le Directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques,
Mesdames
et Messieurs,
Le suicide concerne
chacun d’entre nous, il concerne la société tout entière. Il est un appel au secours, il
s’impose parfois comme l’ultime recours pour des personnes seules, des jeunes
en détresse ou des âgés malades.
Le suicide peut
survenir partout : dans
nos centres ville, nos quartiers et nos campagnes, dans nos entreprises et nos
maisons de retraite. Il est un acte
intime qui frappe tous les milieux sociaux, sans exception.
Toutefois, nous
partageons tous ici une conviction : le suicide, bien qu’intimement
individuel, peut être combattu collectivement. Sa prévention ne peut pas, et ne
doit pas, rester confidentielle.
Aujourd’hui, la
réalité du suicide est encore mal connue. Elle reste un sujet tabou, un sujet dont on ose
peu parler.
Nous
disposons d’innombrables informations sur le suicide. Mais toutes ces données sont mal coordonnées. Nos
connaissances sur les tentatives de suicide restent trop faibles et mal
documentées. Si nous voulons prévenir et agir en amont, il est indispensable de
mieux analyser les comportements qui devraient nous alerter, notamment chez les
jeunes ou les personnes âgées.
C’est
la raison pour laquelle j’ai annoncé, en février dernier, au Conseil
économique, social et environnemental (CESE), la création d’un Observatoire national du suicide, suivant en cela l’une
de ses préconisations.
Je tiens à rassurer
les sceptiques :
mieux connaître ne sera pas un prétexte pour ne pas agir.
Au contraire, décider
de mieux repérer, de mieux alerter et de mieux prévenir, c’est ne pas céder à la
fatalité.
I/ C’est
rappeler que le suicide est d’abord et avant tout un enjeu de santé publique.
En
France, toutes les 50 minutes, une personne se suicide. Chaque année, près de 11 000 de nos concitoyens mettent fin à leurs jours. 11 000 morts
par an : c’est trois fois plus que les accidents de la route ! Il
faut aussi redire sans cesse que le suicide est la première cause de décès chez
les 25-34 ans et la 2ème chez les jeunes de 15-24 ans.
Dans
le même temps, 220 000 tentatives
de suicide sont recensées tous les ans, conduisant à une prise en charge dans
nos services d’urgence. La moitié d’entre elles débouche sur une hospitalisation.
Au cours de ces 25
dernières années, des progrès ont été réalisés grâce à la mobilisation de
tous : le taux de suicide a baissé de 20%. Toutefois, il a diminué trois
fois moins vite que l’ensemble des morts violentes. Certaines tranches d’âges
sont même confrontées à une hausse du taux de suicide : c’est le cas des
45-54 ans. Les personnes âgées sont
aussi particulièrement touchées : un tiers de celles et ceux qui se
suicident a plus de 60 ans. La radicalité de leur geste est souvent le fruit
d’une extrême solitude.
S’il
n’est pas une fatalité, si les pouvoirs publics ont les moyens de le combattre,
c’est parce que le suicide n’est pas seulement la conséquence d’un choix
individuel : il est d’abord un fait social. Et existe-t-il un signe plus fort que les inégalités face au suicide pour
attester de cette réalité ? Ces inégalités, le rapport du Conseil
Economique, Social et Environnemental les a de nouveau montrées.
D’abord,
les comportements entre les hommes et
les femmes diffèrent : les premiers sont trois fois plus nombreux à se
donner la mort, lorsque les secondes effectuent deux fois plus de tentatives.
Dans
le même temps, les disparités sociales
sont choquantes : les ouvriers sont trois fois plus touchés que les
cadres. Celles et ceux qui sont frappés par l’isolement, par la précarité, par
le chômage, par le mal-être au travail ou par des ruptures de vie en sont les
premières victimes.
Par
ailleurs, les minorités sexuelles sont
surexposées, et en particulier les plus jeunes, qui doivent souvent affronter
des discriminations importantes au moment de l’adolescence. L’homophobie tue, n’ayons pas peur des mots.
Le lieu de vie,
enfin, semble déterminant.
On observe en effet des disparités flagrantes entre les régions : les taux
les plus élevés concernent la Bretagne et la Basse-Normandie. La France est
enfin bien plus touchée que ses voisins européens.
II/ Le suicide
n’est pas une fatalité. Nous avons donc la responsabilité et le devoir de nous
mobiliser pour agir.
Le
travail des professionnels et des associations montre chaque jour que nous ne
sommes pas impuissants face au suicide.
De nombreuses
initiatives se sont avérées efficaces : je sais d’ailleurs que certaines
personnes présentes dans cette salle aujourd’hui se sont personnellement
engagées sur ce sujet. Plusieurs
des dispositifs que vous avez déployés ont fait la preuve de leur efficacité
pour prévenir le suicide. Au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Lille,
par exemple, certaines expérimentations visent à maintenir un lien fort avec
les personnes après leur sortie de l’hôpital : et les résultats sont là,
puisque les récidives ont été réduites de manière significative.
Néanmoins, il est
encore essentiel de mieux comprendre le suicide. Les statistiques sont là, mais elles
ne suffisent pas pour améliorer nos politiques de dépistage. Par ailleurs, l’évaluation
de nos politiques publiques demeure relativement pauvre.
III/ Le
lancement de l’observatoire national du suicide marque donc une étape
importante.
Ce
combat est un enjeu de santé publique. Mais il doit mobiliser beaucoup plus
largement. Il requiert que nous soyons
collectivement engagés. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que la
composition de cet observatoire soit plurielle.
Les
associations, d’abord, seront au premier plan. Celles qui représentent les usagers du système de
santé, les proches des personnes malades et les associations d’écoute et de
prévention du suicide mettront au service de tous leur expérience de terrain. Leur
capacité à se mobiliser au plus près de nos concitoyens et à être à l’écoute
des personnes vulnérables sera décisive.
Les
professionnels de santé occuperont aussi une place déterminante. Des psychiatres, des médecins
légistes, des urgentistes, des médecins généralistes, des médecins du travail
et des médecins scolaires permettront tous d’apporter une expertise médicale à
la compréhension du suicide.
Des
chercheurs, notamment des sociologues, des spécialistes du suicide et des
parlementaires
seront également étroitement associés.
Par
ailleurs, les pouvoirs publics joueront pleinement leur rôle. La question du suicide doit être
appréhendée dans toutes ses composantes. Elle doit faire intervenir l’Education
nationale, le ministère de la justice, celui du travail, celui de
l’Enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de l’intérieur et celui
de l’agriculture. Au total, sept ministères seront représentés au sein de
l’observatoire, ainsi que des agences régionales de santé (ARS), des opérateurs
et des caisses d’assurance maladie.
Enfin, je tiens à
remercier la Direction de
la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), à laquelle l’observatoire national du suicide sera
rattaché. C’est la mission première de la DREES que de doter l’Etat d’une
meilleure capacité d’observation, d’expertise et d’évaluation. Je sais ainsi
pouvoir compter sur elle, et sur l’engagement de ses agents, pour aider les
pouvoirs publics à appréhender le suicide dans toute sa complexité.
Je sais
également que les sollicitations ont été nombreuses pour participer aux travaux
de l’observatoire. Et je m’en réjouis, car elles illustrent la
nécessité de franchir une nouvelle étape dans la compréhension du suicide.
Chacun pourra ainsi contribuer aux travaux par le biais de groupes de travail.
IV/ La
responsabilité de l’Observatoire national du suicide sera grande.
Ses
membres auront pour mission de mieux coordonner les informations existantes, de
mieux repérer et de mieux alerter.
Ils
auront la charge d’adresser des recommandations aux décideurs publics.
L’observatoire produira un rapport annuel, en développant
à chaque fois plus particulièrement une thématique spécifique. Les modalités de
son travail seront rapidement précisées et des groupes seront constitués pour
avancer, notamment, dans le domaine de la recherche et dans celui de la
prévention.
Plusieurs
axes thématiques pourront être développés : je pense, par exemple,
au suicide des personnes âgées, qui fait l’objet de travaux conduits par
Michèle DELAUNAY. Sur ce sujet, nous savons qu’il
y a urgence ! Nous
avons donc la responsabilité de trouver rapidement des solutions.
Mesdames
et Messieurs,
En matière de
suicide, nous ne sommes pas condamnés à l’inaction.
Vous pouvez être
certains de ma détermination sans faille pour conduire ce combat. La mise en place de l’Observatoire
national du suicide s’accompagnera d’une politique volontariste en la matière. Nous
n’avons d’ailleurs pas attendu et des mesures ont d’ores et déjà été mises en
œuvre : j’ai à l’esprit les actions à destination des jeunes et de leurs
parents, la prévention du suicide en ligne ou le renforcement de la formation
des professionnels au contact des personnes vulnérables.
Tout
ne reposera donc pas sur l’Observatoire national du suicide : mais il sera un outil indispensable pour
mieux connaître, mieux prévenir et conduire plus efficacement notre combat
contre le suicide.
Je
vous remercie.