Seul le prononcé fait foi.
Mesdames
et messieurs,
Je
tiens à vous remercier de votre présence et d’avoir accepté mon invitation. Cette
conférence est l’occasion de faire un point détaillé sur la pilule. J’ai
souhaité que soient présents, à mes côtés, Jean-Yves Grall, directeur général
de la santé, Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence Nationale de
Sécurité du Médicament et des Produits de Santé et Jean Luc Harousseau,
président du collège de la Haute Autorité de Santé. Nous répondrons ensemble à
toutes vos questions.
Comme ministre des affaires
sociales et de la santé, je mesure bien évidement les attentes des Français en matière de
sécurité des médicaments. Permettez
moi de vous dire, non pas comme ministre, mais comme mère de trois enfants dont
deux jeunes femmes, que je mesure aussi les interrogations légitimes de nos
concitoyens et de nos concitoyennes sur l’usage des pilules de 3ème
et 4ème génération. Je comprends donc particulièrement la douleur
des familles et de leurs proches, confrontés à un incident grave lié à la prise
de la pilule. Je veux leur dire mon soutien dans l’épreuve qu’ils
traversent et je vais d’ailleurs les recevoir très prochainement.
Je voudrais commencer par un
bref point sur la situation qui nous réunit aujourd’hui.
Les pilules sont sur le marché
depuis plus de 25 ans. En 2007, la
Haute Autorité de Santé a rendu un avis qui concluait que « les contraceptifs oraux de 3ème génération sont des
traitements de deuxième intention ». Certaines d’entre elles sont
remboursables depuis 2009.
Je voudrais tout d’abord revenir
sur la décision que j’ai prise de dérembourser la pilule de troisième
génération. Ce déremboursement n’a pas été
et n’est en aucun cas une réponse à un risque sanitaire.
En septembre dernier, il
s’agissait de donner suite à l’avis de la Haute Autorité de Santé qui
considérait, je cite, que « le service médical rendu par ces
spécialités doit être qualifié d’insuffisant pour une prise en charge par la
solidarité nationale ».
J’ai donc pris cette décision de
déremboursement à compter du 30 septembre 2013. Il s’agissait pour moi de laisser
une période d’adaptation aux femmes, afin qu’elles puissent, avec leur médecin,
et au moment du renouvellement de leur prescription, choisir un autre mode de
contraception.
Par ailleurs, indépendamment de
l’avis de l’HAS et de la décision de déremboursement induite par cet avis et
compte tenu des risques connus attachés à ces médicaments, j’ai souhaité un
renforcement de l’information des médecins et des utilisatrices.
J’ai, pour la même raison, saisi en décembre dernier l’Agence
Nationale de Sécurité du Médicament pour qu’elle réévalue le bénéfice/risque de
ces pilules de 3ème et 4ème génération : cette réévaluation pourra
aboutir, le cas échéant, à la modification des autorisations de mise sur
le marché.
J’ai estimé que l’information avait
été largement diffusée, j’ai donc pris dernièrement la décision d’avancer le
déremboursement au 31 mars prochain, que
j’ai fait connaître dans un communiqué le 2 janvier dernier.
Je veux aujourd’hui apporter les réponses aux questions que se posent
des millions de Françaises et de Français sur l’usage des pilules de 3ème
et 4ème génération.
La première des questions à se poser est simple : ces pilules
sont-elles dangereuses ?
Je veux rappeler une évidence : les pilules
sont des médicaments.
Un
médicament n’est pas un produit de consommation comme les autres : il
présente des bénéfices mais aussi des effets indésirables, mentionnés
d’ailleurs dans les notices figurant dans les boites.
Les bénéfices, tout le monde les connait : la pilule
représente un moyen contraceptif efficace
et je veux rappeler qu’il n’y a pas de
différence d’efficacité entre les différentes générations de pilule.
Les complications
vasculaires des pilules sont connues depuis leur mise sur le marché et il
appartient aux médecins de rechercher, lors de la consultation, les facteurs de
risque comme des problèmes vasculaires préexistants, le tabagisme, les contre
indications, et les besoins de surveillance particulière.
Le rôle du médecin, c’est donc d’être au plus près du patient : la
bonne contraception, pour la bonne personne, au bon moment. Je rappelle, parce qu’on a parfois tendance à l’oublier en France, que
la pilule n’est pas le seul contraceptif efficace et que d’autres dispositifs
existent et pourraient être plus largement prescrits, comme c’est le cas dans
d’autres pays.
Le rôle des pouvoirs publics, c’est d’informer, d’apporter toutes les
garanties de sécurité à nos concitoyens et de s’assurer que les médicaments soient
utilisés à bon escient. Mon objectif est clair : les femmes doivent avoir
confiance dans la contraception et dans le moyen contraceptif qu’elles
utilisent.
A l’automne dernier, j’ai demandé
à la HAS d’évaluer la place des pilules
de 3ème et 4ème génération et notamment le profil des
femmes pour lesquelles elles seraient utiles.
Sans attendre cette évaluation, j’ai dès aujourd’hui souhaité aller plus
loin.
-
En premier lieu, je demande à
l’ANSM de saisir les instances
européennes pour que les indications des autorisations de mise sur le marché
(AMM) soient révisées dans un sens restrictif.
-
En deuxième lieu, je l’ai
chargée de mettre en place un dispositif
qui permettra en France de limiter la prescription de ces pilules, aux seules
situations dans lesquelles elles sont médicalement requises, en associant tous
les professionnels de santé. Je le répète, chaque femme doit pouvoir
bénéficier de la contraception qui lui est adaptée. L’usage des pilules de 3ème
et 4ème génération doit être l’exception, et non pas la règle.
-
Enfin, nous devons tout mettre en œuvre pour
améliorer la pharmacovigilance. En premier lieu, je souhaite qu’une étude rétrospective
pharmaco-épidémiologique soit réalisée pour évaluer le nombre de complications
vasculaires chez les femmes sous contraceptif oral. Je rappelle que les
déclarations de complications vasculaires par les professionnels de santé sont
obligatoires. J’ai demandé à l’ANSM de renforcer le suivi de la
pharmacovigilance et de publier les données correspondantes. Au-delà, je suis
consciente de la nécessité de développer des moyens pertinents pour analyser
en continu les comportements collectifs de prescription. Il ne
s’agit pas de remettre en cause la liberté de prescription de chaque médecin
pris individuellement, mais d’analyser le bon usage des prescriptions. Je
demande donc à la Direction Générale de la Santé d’ouvrir ce chantier en
concertation étroite avec les médecins et leurs représentants.
La deuxième question que se posent les Français : pourquoi ne pas
simplement les interdire ?
Je rappelle que les pilules de 3ème et 4ème
génération sont autorisées dans tous les pays. Les récentes études internationales n’ont pas changé les indications et
aucune demande de retrait n’a été formulée. Je constate que, comme en France,
les agences publiques de certains pays ont choisi de renforcer l’information
sur les sur-risques liés à la prise de ces contraceptifs oraux et c’est don c
la même démarche que celle qui est engagée ici.
Par ailleurs, il faut redire que
certaines femmes ne supportent pas
physiquement les pilules de 1ère et 2ème génération.
Pour elles, il est donc nécessaire d’utiliser d’autres moyens contraceptifs, parmi
lesquels peuvent figurer des pilules de 3ème et 4ème
génération. Mais je le rappelle : contraception ne veut pas dire pilule,
il existe d’autres moyens. Toutefois, ces dernières sont des traitements de
deuxième intention et doivent toujours faire l’objet d’une vérification
d’éventuelles contre-indications : cette indication doit absolument être
appliquée.
Les Françaises ont également raison de s’interroger sur la réaction à
avoir dans le cas où elles utiliseraient une pilule 3ème ou 4ème
génération.
Ca a l’air tout bête mais elles
ne le savent pas nécessairement et l’information ne leur a pas forcément été
donnée. D’abord, il faut que les femmes sachent quelle génération de pilule elles utilisent. Pour répondre à cette
exigence d’information, la liste de
l’ensemble des pilules disponibles sur le marché français, classée par type de
génération, est déjà en accès libre sur le site internet santé du ministère des
affaires sociales et de la santé, de la HAS et l’ANSM. Surtout, les femmes
ne doivent pas hésiter à demander conseil à leur pharmacien.
Ensuite, s’il s’agit d’une
pilule de 3ème ou de 4ème génération, il n’y a pas lieu de céder à un quelconque
affolement.
Il faut revoir, avec le médecin
traitant à l’occasion d’une consultation, ou bien avec une sage femme ou dans
un centre de planning familial, le choix
du moyen de contraception adapté à sa situation personnelle.
La question de la confiance de
nos concitoyens dans la contraception est un enjeu majeur de santé publique. Le débat qui nous rassemble aujourd’hui et
qui occupe l’opinion publique à juste titre ne doit en aucun cas jeter le
discrédit sur les méthodes contraceptives.
Je veux rappeler que la pilule
est avant tout ce qui permet à des millions de femmes d’exercer librement leur
droit à la contraception. C’est
un facteur d’autonomie, de liberté et d’émancipation. Ce droit a été acquis de
haute lutte, contre tous les conservatismes, il y a 45 ans (loi Neuwirth du 28
décembre 1967) et j’y suis, comme toutes les femmes, particulièrement attachée.
Il représente une avancée essentielle pour l’émancipation des femmes, mais
aussi pour la société tout entière.
Cet attachement justifie à lui
seul, depuis mon entrée au gouvernement, les actions que j’ai conduites pour
rendre pleinement effectif l’accès à ce droit fondamental. Pour cela, il était nécessaire de lever
certaines barrières.
Je
pense en particulier aux barrières financières et au coût de la contraception. Nous
avons donc instauré la gratuité des moyens contraceptifs prévus au
remboursement pour les jeunes filles de 15 à 18 ans.
Tout sera mis en œuvre pour éviter que les inquiétudes actuelles ne se
traduisent pas une diminution de la contraception et par une augmentation du
nombre de grossesses non désirées. Je serai très vigilante sur ce
point et suivrai l’évolution de ces pratiques.
Mesdames, Messieurs, c’est un
débat très sensible, il faut y répondre avec détermination et sans affolement
parce que rien ne serait pire que de voir des femmes renoncer à toute
contraception. J’invite donc les femmes à rencontrer leurs médecins afin qu’ils
répondent à toutes leurs questions.
Je vous remercie.