Affaire Loquet :
Adultes sans solution à situations sans solutions ?
L’action en justice menée par l’UNAPEI pour faire appliquer
les droits d’une personne handicapée, porteuse du syndrome de Prader-Willi
(SPW), a été largement commentée dans les médias. La justice avait ordonné à
l’État de trouver une place à cette personne dans un centre spécialisé. Le
ministère de la santé interjette un appel de cette décision puis se rétracte en
fin de journée.
Cette action a attiré l’attention du grand public sur un problème
réel. De trop nombreux adultes, porteurs de handicaps complexes avec, en
particulier, des troubles du comportement, ne trouvent pas de structures
médico-sociales pour les accueillir. Ils vivent chez leurs parents, dans des
situations souvent dramatiques. C’est le cas d’Amélie et son cas n’est pas
isolé. Une enquête menée en 2011 par l’association Prader-Willi France (PWF) montrait
que 60% des adultes étaient hébergés dans leurs familles et souvent sans
activité journalière extérieure.
Un secteur médico-social souvent inadapté
Pourquoi ces situations sont-elles si
nombreuses ? Il n’y a pas assez de places proposées, c’est vrai, mais il
manque surtout des solutions adaptées à ces cas complexes. Celles proposées par
le secteur médico-social sont encore trop rigides, manquent de la souplesse
nécessaire et de moyens pour s’adapter aux personnes. Dans la situation
économique actuelle de notre pays, on ne peut espérer la création d’un grand
nombre de nouvelles places. Il faut donc faire mieux, à partir des moyens
existants.
Dans le cas du SPW, les refus ou les échecs de
prise en charge sont très souvent liés à une méconnaissance des spécificités du
syndrome. Celui-ci met en échec les réponses éducatives ou organisationnelles
habituelles. Les situations de crise conduisant à des hospitalisations provoquent
des ruptures souvent irréversibles des parcours de vie.
Le risque de la judiciarisation : l’exclusion des personnes malades
Les recours en justice, s’ils devaient se
multiplier ne feront pas progresser vers des solutions durables. Ils risquent
d’induire une judiciarisation néfaste à la construction de vraies solutions.
Celle-ci a un effet pervers : les structures, déjà peu nombreuses,
risquent par peur de la sanction judiciaire, de fermer la porte à la prise en
charge de nos enfants. Une stigmatisation de plus, en réaction à la peur.
Le cas d’Amélie illustre parfaitement la
spirale perverse de la judiciarisation. L’État interjetant appel aurait laissé
la famille dans le désarroi et entraîné une procédure juridique, bataille
longue et coûteuse.
La lenteur des réponses aux demandes des
familles n’est pas acceptable, tout comme l’absence de réponse coordonnée des
acteurs concernés, pour proposer des aides et accompagner la famille dans la
recherche de solutions pérennes. On ne peut se contenter de l’affirmation des
droits des personnes handicapées sans que soient mises en place les solutions
permettant de les respecter.
Pour sortir de cette spirale, l’association
Prader-Willi France a donc décidé de saisir le Défenseur des Droits.
La co-construction est la solution
Les solutions seront issues d’une collaboration
des établissements médico-sociaux et du secteur médical. La création des
centres de référence (dans le cadre du Plan « Maladies Rares ») a
permis des avancées remarquables dans le parcours de soins. Mais il manque aux
sites du Centre de référence des professionnels de coordination sur l’aspect
psychiatrique et social permettant de faire le lien avec les établissements de
soins psychiatriques et le monde médicosocial. Le réseau de centres de
compétences associés, couvrant l’ensemble du territoire, doit constituer un
élément essentiel d’un accompagnement adapté. Il faut mettre en place les solutions
d’accueil temporaire (les séjours de
répits) essentielles pour construire ou revoir les projets de vie et permettre
aux personnes concernées et à leurs familles de souffler un peu (des
initiatives de ce type vont se concrétiser dans le cadre du plan obésité). Il
faut également s’appuyer en particulier sur l’expérience acquise par des
établissements sanitaires comme l’hôpital Marin de Hendaye, qui accueille
depuis plus de 13 ans des adultes pour des séjours temporaires. Des demandes
ont été faites pour augmenter le nombre de places offertes par cet
établissement, demandes sans réponse à ce jour.
Il convient de s’appuyer sur les établissements
médico-sociaux (IME, ESAT, foyers d’hébergements, foyers de vie, etc.) qui
accueillent nos enfants et s’efforcent de construire des solutions adaptées.
Ils disposent d’une réelle expertise qu’il faut faire connaître et partager. Encore
faudrait-il qu’ils aient tous un minimum de moyens pour accomplir cette tâche.
Associer tous les acteurs à la prise en charge
Les associations de familles enfin, par leur
connaissance acquise quotidiennement sont aussi des acteurs essentiels dans ce
travail. Les ARS (Agences Régionales de Santé) et les MDPH (Maisons
Départementales des Personnes Handicapées) doivent s’impliquer fortement dans
cette démarche et impulser le travail commun, la mise en place de solutions
cohérentes dans les régions et sur l’ensemble du territoire. Elles doivent aider
à diffuser l’information et à former les intervenants.
Le problème est complexe et il n’existe pas de
solution miracle. Les différents acteurs impliqués doivent travailler ensemble.
Oui, il faut donner plus de moyens aux structures qui proposent déjà des
solutions, oui, il faut assouplir les réglementations, s’inscrire dans une
logique de continuité des parcours de soin et de vie.
La co-construction des solutions ne doit pas
être simplement un slogan, un affichage, mais une réelle pratique de terrain. C’est
ce à quoi nous travaillons depuis des années, pour des solutions durables,
duplicables et consensuelles.
Un groupe de travail avec tous les acteurs
C’est pourquoi nous demandons au Ministère de la Santé la
création urgente d’un groupe de travail comportant les représentants de l’État,
des acteurs du secteur médico-social et des représentants des familles. Il
aurait pour mission de proposer, dans un délai assez court, des recommandations
portant sur l’évolution des procédures d’examen des dossiers et de la
réglementation, l’extension des solutions de répit et la coordination des
parcours.
François Besnier Président de l’association Prader Willi France
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