Un chiffre résume à
lui seul la volonté radicale des usagers de voir définitivement résolue la
question des dépassements d’honoraires : 80%[1]
des Français ne trouvent pas « normal » que les médecins en facturent.
Une exigence d’en
finir avec les dépassements d’honoraires qui se confirme au travers de toutes
les attentes qu’ils expriment, souvent en décalage voire en en opposition avec
l’accord conclu le 23 octobre dernier :
- Plus des 2/3 des Français jugent «
abusifs » tout dépassement supérieur à 50% du tarif de la sécurité sociale… alors que l’accord ne permet même pas d’inscrire
fermement le seuil de 150 % comme un critère suffisant pour la qualification d’excessif.
- 86 % des Français attendent une sanction des médecins
pratiquant des dépassements abusifs… alors que la
complexité de la procédure prévue ne permettra pas davantage d’aboutir à des
sanctions effectives que les dispositifs précédemment existants, cela d’autant
plus qu’elle repose pour être engagée sur la définition d’un seuil particulièrement
complexe à cerner.
- Plus de 65% des Français sont
conscients que le maintien d’un secteur 2 ne permettra pas une lutte efficace
contre les dépassements d’honoraires… or l’accord n’envisage
aucunement la disparition de ce secteur d’activité autorisant la liberté
tarifaire, le seuil minimum des médecins dont on espère qu’il rejoigne le
nouveau « contrat d’accès aux soins » ayant même été abaissé de 1/2 à 1/3 au
cours de la négociation.
- 61% des Français sont opposés à ce
que les assureurs complémentaires, privés ou mutualistes, participent à la
revalorisation des honoraires des médecins en secteur 1… pourtant l’accord ouvre la voie à un basculement de fond
dans l’équilibre de notre régime de prise en charge des soins en disposant que
les organismes complémentaires s’engagent au « financement de tarifs
opposables réévalués » et cela « au-delà des sommes naturellement appelées
par le mécanisme du ticket modérateur ». Bref, de notre point de vue, une
façon détournée d’augmenter le ticket modérateur, c’est-à-dire le recul de la Sécurité
sociale… Le comble dans une négociation qui portait à l’origine sur la
diminution des dépassements d’honoraires pour contenir les restes à charge des
usagers !
Une disposition nouvelle trouve
grâce à leurs yeux : l’interdiction des dépassements d’honoraires pour les bénéficiaires
de l’ACS, puisque les
autres motifs d’interdiction existaient déjà avant l’accord (CMU-C et
situations d’urgence). On reste dans la même logique que celle qui prévaut
depuis 1981 : seules les personnes disposant des ressources les plus faibles
peuvent échapper aux dépassements, au risque de se voir opposer des refus des
soins.
Une responsabilité lourde de
conséquences pour le gouvernement
Les Français ne sont pas convaincus que les dépassements d’honoraires,
enjeu essentiel pour l’accès aux soins, sont sous contrôle. Et le gouvernement
serait majoritairement tenu pour responsable d’un échec en la matière, par 67%
des Français, ainsi que les syndicats de médecins en second par 49% d’entre
eux.
Un avertissement pour l’exécutif puisque plus de 3 Français
sur 4 déclarent que l’efficacité de la lutte contre les dépassements d’honoraires
(76%), tout comme la capacité à préserver un système solidaire (78%), seront
des critères qu’ils prendront en compte pour apprécier l’action du gouvernement.
Le mode de rémunération : au
croisement des enjeux sur les dépassements et la démographie médicale
Sans être experts en santé, les quelque 30% de Français
confrontés à la difficulté de trouver un médecin près de chez eux ne s’y
trompent pas lorsque, parmi eux, 68% déclarent que les difficultés liées à la répartition
des médecins sur le territoire devraient être abordées conjointement à celles
des dépassements d’honoraires.
Un lien entre ces deux problématiques qui transparaît également
dans les résultats de l’enquête menée cette année par les représentants en
Caisses Primaire d’Assurance Maladie du CISS, de la FNATH et de l’UNAF. A
partir de l’analyse des éléments adressés par 42 CPAM, il ressort notamment que
la part de médecins spécialistes en secteur 2 est souvent plus élevée dans les
départements caractérisés par une forte densité médicale (à Paris où plus de
50% des médecins spécialistes exercent en secteur 2, dans les Alpes-Maritimes
plus de 40% ou dans le Val-de-Marne avec plus de 35%) ; alors qu’elle est plus
faible dans les territoires présentant des carences en offre de soins de ville
(l’Ariège où moins de 5% des spécialistes exercent en secteur 2, l’Aveyron
autour de 5%, la Creuse moins de 10%).
Un lien intuitif entre ces deux enjeux de l’accès aux soins, souligné de longue date par les associations d’usagers… et qui alimente notre revendication de voir la rémunération de la médecine de ville basculer majoritairement sur un mode forfaitaire.
Les Français sont contre les dépassements
d’honoraires : pour en finir, changeons les modes de rémunération
___________________
[1] Sondage Viavoice pour le CISS, interviews réalisées par
téléphone les 22 et 23 octobre 2012 auprès d’un échantillon de 1004 personnes,
représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Recevoir les résultats du sondage : communication@leciss.org