Après une décennie d’expérimentations et de créations artistiques étonnantes, Laurent Le Bon, directeur du Centre Pompidou-Metz est aux commandes de cette nouvelle édition. Sa proposition s’appuie sur un parcours inédit : une ligne serpentine traversant Paris d’Ouest en Est, de la colline de Chaillot à Ivry-sur-Seine.
Une déambulation fluide et sereine le long de la Seine dont les berges sont exceptionnellement rendues piétonnes. Une invitation à explorer l’architecture de la ville dans toute sa complexité contemporaine, où le public pourra profiter pour la première fois, de l’ouverture exceptionnelle de Belvédères, postes d’observations sur la ville d’ordinaire inaccessibles au public, révélant des points de vue inédits sur Paris et la Seine.
À l’image des différentes sources qui alimentent le fleuve, des artistes de toutes générations, confirmés ou émergents, et de toutes nationalités, résidant pour la plupart d’entre eux dans le Grand Paris – en hommage au cosmopolitisme parisien – nourrissent notre imaginaire.
Du détournement poétique à l’activisme dérangeant, chacun joue sa propre partition de l’espace urbain. La compagnie Décor Sonore cultive un jardin musical dans l’université Pierre et Marie Curie à Jussieu, Jacqueline Dauriac transforme en volutes de couleur les vaporeuses fumées de l’usine du centre multifilières d’Ivry-Paris XIII. Aux Halles, les Frères Ripoulain accrochent aux grues du chantier en cours des véhicules et matériaux lourds et réalisent à la manière de Calder un mobile monumental, tandis qu’Adalberto Mecarelli fait monter une demi-lune géométrique sur le toit de l’église de Saint-Eustache. Place de la Concorde, Julio Le Parc revêt d’un habit de lumière l’emblématique Obélisque ; sur le sol de la mairie du 4e, Michel Blazy déverse une épaisse mousse blanche et crémeuse, allégorie des abus de notre société de consommation.
Sur la Seine, la déambulation aléatoire de l’oeuvre pyrotechnique du Groupe F illumine au fil de l’eau les paysages qu’elle explore ; sur les bateaux-mouches, les platines de mixage de Tarek Atoui s’emballent et improvisent sur fond de derbouka ; le long des rives, une sélection de mots choisis par ORLAN et disséqués en direct sur France Culture par son comité scientifique sont projetés, interpellant les promeneurs invités à réagir sur les réseaux sociaux.
Le long des berges sur plusieurs kilomètres, « Paris à l’infini (la danse) » de Julie Desprairies, telle l’épine dorsale de Nuit Blanche, rend un vibrant hommage aux forces vives de la ville. Des agents volontaires de la Ville de Paris dansent à intervalles réguliers une portion de paysage, interprétant les monuments, les bâtiments et les paysages urbains selon leur propre chorégraphie. Dans cette danse nocturne, Nuit Blanche déroule au fil de la nuit son ruban de bitume où œuvres et performances se succèdent à un rythme effréné jusqu’au bout de la nuit, à l’instar de l’horloge cinématographique de Christian Marclay, « The Clock », projetée au Théâtre National de Chaillot, exploration de la nature illusoire du temps.
Temps forts de cette nouvelle édition, la Nuit des Savoirs et de nombreux événements ponctuent le parcours et rythment Nuit Blanche. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Woody Allen, la notion de Blanc, le néon ou l’année 1979, une série de conférences/performances y répond ! C’est la Nuit des Savoirs programmée le long du parcours, qui prolonge par le temps de la parole l’espace de l’art.
Concerts, performances musicales, dansées et vidéo viennent également rythmer Nuit Blanche : le pupitre enchanté d’Emma Dusong dans la bibliothèque de l’École d’architecture Paris-Val-de-Seine transformée en salle de classe, interroge nos rêves de savoir face à l’autorité. À la Gare d’Austerlitz, trois projets sont en partance pour des expériences intenses : les vidéos et live post-apocalyptiques de Tania Mouraud, l’installation vidéo de Camille Henrot libérant de ses chaînes le mythe de Frankenstein et le concert envoûtant de Chapelier Fou qui ôtant son couvre-chef, dévoile un délicat univers électro lyrique.
En résonance avec ces artistes, Nuit Blanche met en lumière un patrimoine récent et les lieux qui font le Paris d’aujourd’hui. De plain-pied, elle invite à conquérir l’espace public, à franchir les portes des bâtiments contemporains, à découvrir les chefs-d’oeuvre du patrimoine industriel, à prendre d’assaut les ascenseurs des tours universitaires. Du ciel, elle nous donne à contempler la beauté de la ville et de la Seine à travers les Belvédères.
Le promeneur pourra sentir l’âme de certaines institutions en pénétrant dans la salle hypostyledu Conseil économique, social et environnemental, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ou dans la bibliothèque d’étude de la Bibliothèque nationale de France.
Plus insolites, d’autres sites ouvriront leurs portes : la culée du Pont Alexandre III qui accueille l’installation vidéo de Pierre Leguillon, sorte d’anti-méthode Ludovico destinée à nous laver de toutes les pollutions visuelles, ou la Halle Freyssinet qui abrite l’installation mécanique ultrasophistiquée de Malachi Farrell. Et si Laurent Grasso met « Du soleil dans la nuit » en illuminant le toit de la Samaritaine de cet oxymore, c’est bien pour nous faire porter un regard neuf sur ce qui nous est donné à voir chaque jour !
Contemporaine, éclectique, scientifique et festive, Nuit Blanche 2012, qui accueille également près d’une centaine de projets associés, s’annonce des plus foisonnantes, avec un parti-pris pour l’intradisciplinarité. Dans le sillon de la danse, installations, concerts, conférences, performances et vidéos, décrivent un mouvement perpétuel : Paris à l’infini, ad libitum...