Nora ANSELL-SALLES

mercredi 3 mai 2023

Interview exclusive de Patrick Baudouin Président de la Ligue française des Droits de Homme


Créée en 1898 à l'occasion de l'affaire Dreyfus, la LDH a pour objectif de défendre toute personne ou groupe de personnes victimes d'injustice ou d'atteintes à leurs droits. Elle veut aussi promouvoir la citoyenneté politique, sociale et environnementale ainsi que garantir l'exercice entier de la démocratie.

Né le 29 octobre 1947 à PARAME (Ile et Vilaine), Patrick  Baudouin est président la Ligue des droits de l'homme depuis  Juin 2022.

Avocat spécialiste de la justice pénale internationale  élu président de la Ligue des droits de l’homme, lors du congrès de  Marseille, Patrick Baudouin 

est également président d'honneur de la Fédération internationale des droits humains (FIDH) et ex-membre de la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH).

Mais qui est vraiment Patrick Baudouin...

 

Bonjour Patrick  Baudouin, les lecteurs de "Mine d'infos"  vous connaissent en tant que président de la Ligue des droits de l'homme. Les juristes  comme avocat pénaliste et les militants des droits de l'homme suivent  votre  parcours  depuis des années... Bref l'homme public est plus connu que l'homme privé...  


- Pouvez-vous faire votre auto portrait?

Je suis à la fois réservé et passionné. J’ai beaucoup de pudeur au regard de ma vie privée, mais me sens plutôt à l’aise pour m’exprimer dans la vie publique.


- Vous souvenez-vous  de votre 1er acte militant ?

Le soutien au sein de mon lycée à la cause de l’indépendance algérienne.


- Votre 1er combat personnel ? 

Le mouvement de mai 1968 alors que j’étais étudiant à Sciences Po Paris.


- A quelle carrière  vous destiniez-vous à l'adolescence ?

Déjà une envie d’exercer la profession d’avocat.


- A quelle époque et dans quelle circonstance  la cause des droits de l'homme a-t-elle croisé votre route ?

Ma première collaboration en tant qu’avocat a été durant trois années au cabinet d’Henri Leclerc, Michel Blum et Daniel Jacoby, trois avocats eux-mêmes engagés en faveur des droits de l’homme et je suis devenu l’un des plus jeunes membres en 1974 du Comité central de la LDH.


- Par quel chemin  détourné,  ou pas, devient-on président  de la Ligue des droits de l'homme ?

Depuis les années 1970 j’ai milité au sein de la LDH et ai surtout exercé une activité importante au sein de la FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme) dont j’ai assumé la présidence pendant six années, avant plus tard et récemment de prendre assez naturellement la présidence de la LDH.


Malik Salemkour,  Marie-Christine Vergia, Henri Leclerc, Patrick Baudouin membres  du  bureau  national  de la LDH.

- Vous doutiez-vous,  lorsque vous avez succédé à  Malik Salemkour , de l'ampleur de la tâche à  laquelle  vous alliez devoir faire face? 

Certes, je savais par expérience antérieure que la tache serait lourde d’autant plus que je continue d’exercer ma profession d’avocat, mais j’avoue que je ne mesurais tout de même pas son ampleur qui m’absorbe quasiment à temps complet depuis quelque temps.


- Fervant défenseur des droits  de l'Homme, on vous dépeint comme un homme de valeurs, défendant  "bec et ongles" ses  principes et ses convictions. On dit de vous  que vous avez un  caractère  bien trempé...vous reconnaissez-vous dans ce portrait ?

Je me reconnais en effet pleinement dans ce portrait y compris dans la mention de mon caractère qui comporte ses avantages et ses inconvénients.


- Quels sont vos projets pour la Ligue des droits de l'homme?

Maintenir et développer la force de cette organisation qui me parait représenter un « monument » essentiel dans la vie démocratique du pays.


- Il n'y a pas qu'une vie  dans la vie... A quoi pensez-vous  en vous rasant  le matin? 

A tout ce qui m’attend dans la journée, s’agissant d’un moment de calme et de réflexion essentiel.


- La présidence de la Ligue et vos autres engagements vous laissent-ils du temps pour une vie privée?

Assez difficilement même si je parviens à en préserver une petite partie et à réserver un peu de temps pour des loisirs privilégiés (lecture, cinéma, opéra, sport).


- L'homme  que vous êtes aujourd'hui a-t-il réalisé ses rêves  d'enfant ?

Certainement pas tous : je rêvais d’être footballeur professionnel et n’en ai jamais eu le talent. Pour le surplus, je suis assez fier d’avoir eu une ligne rectiligne dans mes convictions.


- Si vous aviez la possibilité de faire vous-même les questions/réponses laquelle vous seriez-vous posée et quelle réponse y auriez-vous apportée?

MA QUESTION: 

En quoi croyez-vous ? 

MA RÉPONSE:

En la tolérance et l’égalité de tous les êtres humains.



Malik Salemkour
Président d’honneur de la LDH nous parle de Patrick Baudouin son successeur à  la présidence  de la Ligue des  droits  de  l'homme. 

 « Il est des parcours de vie qui forcent le respect. Celui de Patrick en est un d’évidence, avec une humilité et une pudeur qui en donnent plus d'éclats. Comme Daniel Mayer, Michel Tubiana ou encore Henri Leclerc, il fait partie de ces avocats de la LDH qui incarnent la puissance de l'humanisme et de l'universalité des droits. Avec constance et détermination, il porte et défend l’idéal posé par la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 afin qu’au-delà des beaux discours, elle soit traduite en actes partout dans le monde, et bien sûr aussi en France. 


Je reste impressionné par son engagement militant qu’il mène parallèlement à son activité professionnelle et je sais combien ce bénévolat est lourd dans un environnement où l’essentiel des acteurs sont des professionnels permanents. Mais prime son attachement aux valeurs auxquelles ils croient. Il n’a pas eu peur de mouiller la chemise, d'aller sur le terrain dans des pays en guerre ou sous régime totalitaire, avec de nombreuses missions d’enquête de la FIDH en Afrique, au Maghreb, au Moyen Orient ou encore en Asie. A chaque fois, il a le même souci de la justice et de la vérité, refusant l’impunité des puissants, l’arbitraire et la raison d’Etat. Il aide ainsi à éveiller les consciences, à alerter l’opinion publique et à alimenter dès que possible, des actions judiciaires notamment auprès de la cour pénal international dont il est un fervent défenseur. Sa présidence de la FIDH a été remarquable, y nouant des amitiés indéfectibles avec des combattants pour les libertés sur tous les continents. Il a su lui donner une visibilité accrue autour d’une expertise mondialement reconnue.

Une de ses principales qualités est sa capacité à être toujours très pédagogique sans tomber dans un verbiage de spécialiste. Avec sa voix posée, il sait prendre le temps de décrire en mots simples et précis des faits complexes, à présenter de manière compréhensible par toutes et tous, le sens d’une action ou d’un recours juridique. A la fin de mon mandat en 2022, son accession à la présidence s’est naturellement imposée. Nous fréquentant de longue date, nous avons appris à mieux nous connaitre en préparant cette succession et d’une connivence idéologique, d’un attachement commun à la LDH, une solide amitié s’est nouée.

Patrick a su rapidement prendre la suite en animant l’équipe de direction avec rondeur et volonté d'une Ligue au coeur de la défense des droits et libertés. La charge pour notre association généraliste était déjà pesante dans un contexte général de régressions des droits, d’injustice et d’inégalités sociales, de tensions et de répressions policières, de restrictions des libertés fondamentales. Les menaces et attaques malveillantes contre la LDH portées début avril de manière inédite par Gérard Darmanin, puis la Première ministre l’ont placé en pleine lumière. Chacune et chacun ont pu ainsi le découvrir et apprécier ses talents. Il est intervenu comme Président avec mesure et précision pour écarter toutes ces accusations infondées et confirmer l’indépendance et le sérieux de la LDH. Avec Patrick, la Ligue reste bien la même, fidèle à son histoire, dans son rôle permanent de contre-pouvoir, de défense constante de l’état de droit, d’une justice équitable et d’acteur sans complaisance contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les discriminations». 







Propos recueillis  par  Nora  Ansell-Salles  auprès  de Patrick  Baudouin,  président de la LDH et Malik  Salemkour Président d’honneur de la LDH.

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