- Jérôme Saddier bonjour, si vous deviez retracer votre parcours en quelques lignes, quelles étapes retiendriez-vous ?
La ligne rouge de mon parcours est celle de l’engagement. J’ai toujours cherché à me rendre utile, à le faire avec une volonté d’améliorer les choses et d’agir concrètement. Cela s’est traduit, avec plus ou moins de satisfactions, tout d’abord dans le monde des collectivités territoriales comme collaborateur d’élu, dirigeant et élu local moi-même, puis comme collaborateur de plusieurs ministres avec la découverte du sens de l’Etat, ensuite brièvement comme diplomate auprès des Nations-Unies, plus longuement comme directeur général d’organismes mutualistes et même consultant, et à présent, qui l’eut cru, comme président du Groupe Crédit Coopératif.
- Quel regard portez-vous sur la France d'aujourd'hui ?
C’est un regard ambivalent. D’une part, notre pays regorge de dynamisme, d’initiatives, de porteurs de projets dans bien des domaines, mais l’on en parle peu. D’autre part, nos concitoyens sont nombreux à souffrir du creusement des inégalités, des souffrances au travail, du désintérêt pour certains territoires, de l’abandon de certaines ambitions économiques et sociales. Notre peuple est certes parfois difficile à gouverner, mais il est d’abord en demande d’une vision politique collective qui a du mal à s’affirmer tant les enjeux paraissent contradictoires et les moyens de l’action publique souvent dérisoire. Notre démocratie a besoin de beaucoup d’espoir, d’imaginaire, et de volonté pour redevenir ce qu’elle doit être.
- Quelle place et quel rôle pour le Crédit coopératif dans le monde d'aujourd'hui... et de demain ?
Le Crédit Coopératif est depuis des dizaines d’années un défricheur dans le monde de la finance. « Banquier des utopies concrètes », il essaie de tenir son rang dans un environnement concurrentiel, technologique et réglementaire toujours plus exigeant. Ses idées et ses réalisations pionnières dans les domaines de la finance solidaire et de partage, de l’investissement socialement responsable, de la transition écologique, deviennent à la mode. Tant mieux, nous ne pouvons rien changer seuls. Mais nous agissons au nom d’une certaine vision du monde, appuyés sur la vitalité des principes coopératifs, et ceci ne peut se résumer à une mode : c’est un changement de modèle qui est nécessaire, dans l’intérêt de tous et de notre environnement.
- En tant que président de "Avise" & "Ess France", quelles sont vos réflexions sur l'Ess... et quelle est votre approche des choses dans le contexte actuel ?
L’ESS, qui est une réalité profonde dans notre pays, et même dans notre contrat social républicain, demeure méconnue des pouvoirs publics en dépit de progrès notables. Elle est même peu comprise du grand public, car ses réalisations ont souvent intégré la vie quotidienne. C’est tant mieux à certains égards, mais il est dommage que nous ne parvenions pas à mieux expliquer en quoi notre façon « d’entreprendre autrement », c’est-à-dire collectivement, patiemment et sans recherche de lucrativité excessive, est des plus modernes. D’ailleurs, les jeunes ne s’y trompent pas, qui s’engagent désormais plus spontanément via l’entrepreneuriat social et environnemental plutôt que dans des formes plus classiques. Ils le font avec la volonté d’agir concrètement, en cohérence avec leurs valeurs.
- Il n'y a pas qu'une vie dans la vie... Avez-vous une passion ?
Pas qu’une et c’est bien mon problème… par goût, par choix, par ma trajectoire professionnelle et de vie, je cultive l’éclectisme. Je ne vis pas sans livres, je ne rêve pas sans musique ni cinéma, je ne vibre pas sans rugby. Mais les plus importants pour moi sont ceux qui le savent : ma famille et mes amis.
Propos recueillis par Nora Ansell-Salles
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