Nora ANSELL-SALLES

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jeudi 11 octobre 2012

Dépistage néonatal de la surdité, la SFORL met en garde


 

l’absence d’organisation nationale nuit à la prise en charge des troubles de l’audition
et des maladies rares associées

 

 

 La surdité est une pathologie fréquente, qui concerne 1 enfant sur 1 000 à la naissance (lire le tableau Epidémiologie des différents types de surdité). Si de nombreux pays ont organisé le dépistage néonatal des troubles de l’audition, la France est longtemps restée en marge, affichant un taux de détection de ces troubles de l’ordre de 25 %, contre, par exemple, 98 % au Danemark (lire l’encadré : Le dépistage néonatal de la surdité, le retard français).

 

 Le 23 avril 2012, un arrêté1 faisant suite à la loi votée en décembre 2010, a rendu obligatoire le dépistage de la surdité néonatale permanente. Cet arrêté précise que le programme doit être « mis en oeuvre par les agences régionales de santé conformément à un cahier des charges national établi par arrêté des ministres chargés de la santé et de la protection sociale » (article 4).

 

 La rédaction du cahier des charges devrait associer professionnels de la santé, représentants de toutes les associations de patients, quelle que soit leur position sur le dépistage néonatal, et les instances chargées de la mise en oeuvre du programme.

En l’attente de la rédaction du cahier des charges, le dépistage n’est toujours pas organisé dans les maternités, à l’échelle de tout le territoire2 : elle dépend des initiatives ponctuelles de certains établissements ou encore des centres experts vers lesquels les pédiatres orientent les parents, avec deux conséquences :

 

Ø La mise à mal de l’égalité d’accès aux soins, chère à la Ministre Marisol Touraine ;

Ø L’engorgement des centres experts qui ont du mal à faire face à la demande consécutive à la publication de l’arrêté du 23 avril 2012.

 

 

 1http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025794966&dateTexte=&categorieLien=id

2 Des régions comme la Haute-Normandie, la Basse-Normandie, la région Champagne-Ardenne et l’Alsace ont ainsi bénéficié de programmes pilotes de dépistages systématiques.  

 

Le professeur Françoise Denoyelle (service d’ORL pédiatrique de l’hôpital Trousseau, Paris) alerte : «Avec la publication de l’arrêté, le dépistage néonatal de la surdité est devenu obligatoire. Mais comme rien n’est organisé à l’échelle nationale dans les maternités, les pédiatres adressent les enfants aux centres experts qui sont débordés. Nous ne pouvons pas assumer le dépistage pour les 800 000 naissances annuelles ».

Et si les centres sont débordés, c’est que les enjeux du dépistage néonatal de la surdité sont importants :

 

 

Ø En effet, l’acquisition du langage se joue durant les deux premières années de l’enfant. A cet âge, c’est en entendant sa famille et son entourage lui parler que l’enfant commence son apprentissage de la langue maternelle. Et s’il n’entend pas, il ne parlera pas. S’il entend mal, la qualité de son langage s’en trouvera affectée. Ces difficultés retentissent directement sur ses capacités à communiquer et à s’intégrer en collectivité, avec parfois pour conséquences, des troubles psychologiques importants, préjudiciables à son développement et à l’équilibre de toute la famille. Mais en l’absence de dépistage, la surdité est difficile à détecter, car les enfants sourds babillent comme les autres, et réagissent aux vibrations provoquées par les bruits forts (porte qui claque).

 

 

ØPar ailleurs, dans près d’un tiers de cas, la surdité est associée à d’autres troubles qu’elle permet d’identifier : contamination intra-utérine au cytomégalovirus (à l’origine de 10 à 15 % des surdités profondes), troubles de l’équilibre, maladie rare à l’origine d’anomalies du coeur, des yeux ou de la thyroïde, dont les conséquences peuvent être très graves si elles ne sont pas détectées. Le dépistage néonatal de la surdité et le bilan précoce évaluant les causes de celle-ci permettent aussi de repérer ces maladies et de les prendre en charge. Son intérêt dépasse donc les seuls bénéfices en termes d’audition.

 

Le dépistage néonatal de la surdité est inclus dans un dispositif global qui met l’accent sur l’accompagnement et l’information des familles : ce sont elles qui décident de la prise en charge des troubles de l’audition. De fait, le dépistage de la surdité n’aboutit pas nécessairement à la mise en œuvre d’une réhabilitation auditive, si tel n’est pas le souhait de la famille.

 

Concrètement, comment le dépistage se passe-t-il ?

Le dépistage consiste en un test d’audition objectif, automatisé, indolore et non-opérateur dépendant, reposant sur deux examens :

 

ØLa mesure du potentiel auditif évoqué, c’est-à-dire l’enregistrement, grâce à des électrodes, des réactions du tronc cérébral aux sons ;

 

ØLa mesure des otoémissions acoustiques, c’est-à-dire du bruit provoqué par les contractions des cellules de l’oreille interne, qui témoignent de l’audition.

 

Dans 98 à 99 cas sur 100, la réponse au test est normale. Dans 1 à 2 cas sur 100, elle évoque la possibilité d’une surdité, mais celle-ci peut être transitoire, l’audition du nouveau-né se trouvant parfois affectée par la persistance de liquide amniotique dans le conduit auditif.

Les parents sont donc informés qu’il n’est pas possible de conclure au vu de ces premiers tests, et on leur propose de réaliser des tests auditifs complémentaires après 2 ou 3 semaines.

Les seconds tests permettent de confirmer la surdité dans 1 cas sur 10.

Dans ce cas :

 

Øun bilan complet est réalisé, afin de comprendre l’origine de la surdité, et de détecter d’éventuels troubles ou anomalies associées ;

 

 

Øune prise en charge globale de la famille est organisée : durant plusieurs semaines, médecins, psychologues, orthophonistes, psychomotriciens3, infirmières, accompagnent les parents, le temps nécessaire à l’acceptation du diagnostic et à l’information sur tous les modes de communication possibles (langage des signes compris), comme sur les possibilités de réhabilitation de l’audition.

 

Epidémiologie des différents types de surdité

 

Surdité moyenne
Surdité sévère
Surdité profonde à totale
Déficit de 40 à 70 décibels (dB)
Déficit de 70 à 90 (dB)
Déficit supérieur à 90 (dB)
40 % des enfants dépistés
20 % des enfants dépistés
40 % des enfants dépistés
L’enfant est capable d’entendre une voix de forte intensité.
Ses difficultés d’audition ralentissent l’acquisition du langage.
L’enfant entend quelques bruits mais ne distingue pas la voix humaine.
Seuls les bruits très intenses sont entendus : à titre d’exemple, un marteau-piqueur correspond à l’émission de 100 dB.
L'enfant n'a aucune perception de la voix et aucune idée de la parole.

 

Au terme de cette première étape, la plupart des parents choisissent de s’engager dans une réhabilitation de l’audition. L’enfant est alors appareillé, dans un premier temps.

Dans un second temps, en cas de surdité sévère ou profonde, et si les parents souhaitent s’engager dans un projet d’acquisition du langage oral, il pourra être envisagé de réaliser un implant qui, accompagné d’un suivi orthophonique adapté, optimisera les chances de développement d’un langage oral de qualité.

3Les psychomotriciens sont impliqués dans la gestion des troubles de l’équilibre parfois associés à la surdité.  

Selon un consensus international, la prise en charge de la surdité durant les deux premières années de la vie chez un enfant qui ne comporte pas de troubles ou de handicaps associés, permet l’intégration de l’enfant dans un milieu scolaire ordinaire à l’entrée en cours préparatoire.

 

Le dépistage néonatal de la surdité Le retard français

Ainsi, en 2011 …

 

Ø 10 pays européens disposaient d’une loi rendant obligatoire le dépistage néonatal de la surdité.

Ø 16 pays disposaient de fortes recommandations en faveur du dépistage.

Ø Dans 13 pays, la couverture du dépistage était de l’ordre de 90 %.

 

Au Danemark, la surdité permanente néonatale est dépistée dans 98 % des cas quelques jours après la naissance (contre 25 % en France). C’est également le cas depuis plus de dix ans, en Suisse, en Belgique, en Grande-Bretagne, au Canada, et dans une majorité d’états des Etats-Unis.