Nora ANSELL-SALLES

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samedi 2 octobre 2021

C'est à lire : la leçon de résilience délivrée par Claude Emmanuel Triomphe blessé à la Bonne Bière

Claude Emmanuel Triomphe blessé à la  Bonne Bière, prêt à pardonné, a donné à la barre le 30 septembre dernier une formidable leçon de résilience.

"Je pense qu'on peut toujours pardonner mais c'est un processus long.
C'est pour ça que je suis prêt à aller leur parler, même en taule s'il le faut".


Témoignage de

Claude Emmanuel Triomphe

 Tout d’abord je voudrais dire qu’il y a encore quelques mois, ce procès m’indifférait. Je ne voyais pas ce qu’il pourrait m’apporter, encore moins réparer. Pour moi, pour toutes celles et ceux qui sont morts, ont souffert ou souffrent encore. Je ne voyais pas non plus ce qu’il allait pouvoir révéler ou en quoi je pourrai contribuer: j’ai déjà l’impression de savoir presque tout sur ce qui s’est passé, la préparation, l’exécution, en France, en Belgique, en Syrie et ailleurs. Me constituer partie civile ne me paraissait pas non plus évident. A quoi bon ?

Et puis j’ai changé d’avis. Surtout par solidarité avec toutes les personnes touchées, blessées, tuées. Ne pas être avec elles, détourner mes oreilles, mes yeux me semblait égoïste, limite odieux alors que j’étais moi aussi concerné. Nous ne nous connaissons pas pour la grande majorité mais, pour autant, notre destin a depuis ce fameux 13 novembre quelque chose de commun, de lié. C’est donc à cause de cela et parce que nous ne sommes pas qu’une somme d’individus, parce que sans justice il n’y pas de société, parce que sans justice c’est uniquement la loi du plus fort, que je suis là et que j’ai décidé de témoigner. 

Je pense d’abord à Chris, mon compagnon d’infortune, rencontré quelques minutes avant ce soir-là et à qui j’ai proposé d’aller prendre un verre à la Bonne Bière. Je voulais échapper au bruit de la place de la République, prendre le temps de causer dans un endroit tranquille. Lorsque nous sommes arrivés, le serveur m’a demandé :  « intérieur ou extérieur ? ». Comme il faisait assez doux, je lui ai dit extérieur puis, sans savoir pourquoi, je me suis ravisé pour l’intérieur. J’ai repensé mille fois à ce geste inconscient. Qui nous a sans doute permis de sauver notre peau. On nous passé la carte et on venait de se décider. Mais avant de pouvoir commander, les tirs ont soudainement éclaté. Je n’ai rien vu, seulement entendu, le bruit des balles, des cris, du verre brisé. 

Tout de suite j’ai pensé à me protéger et me suis vite réfugié derrière un fauteuil. Ma tête avait déjà compris qu’il s’agissait d’un attentat, je sentais depuis plusieurs mois sans savoir bien sûr, que les choses n’avaient pas pris fin avec Charlie. J’imaginais qu’un jour on tuerait, on mitraillerait en masse dans une gare, un aéroport, un marché. Mais pas un café. Et encore moins un endroit que je pourrai fréquenter.

J’ai senti quelque chose me toucher la jambe, mais cela semblait léger. J’étais allongé sur le sol. Attendant que les tirs cessent. J’ai entendu « ils reviennent » et puis peu de temps après, plus rien… De temps en temps des cris mais surtout un grand silence. Je me suis rendu compte alors que mon pantalon était mouillé, bientôt trempé. Et réalisé que c’était avec mon sang. Qui coulait abondamment. Puis la douleur s’est mise à monter. Dans la jambe, la hanche, le pied. C’est à partir de là seulement que je me suis inquiété. Et je me suis mis à dire, à crier comme certains me l'ont dit plus tard, « je veux vivre ». Pour me signaler aux secours mais qui n’étaient toujours pas arrivés.

Au bout de quelques temps, j’ai vu se pencher au-dessus de moi une femme habillée en blanc. Elle m’a regardé, examiné, parlé. Elle voyait que je saignais et a commencé à me poser un garrot, aidée par un autre client, Mathieu, dont j’ai fait la connaissance bien plus tard.. J‘ai  aussi réalisé que j’avais toujours mon portable et qu’il fallait que je prévienne quelqu'un.  Pas mes parents parce qu’ils étaient bien trop âgés et auraient paniqué. Il me fallait quelqu'un qui n’habite pas loin. J’ai alors pensé à Cécile, une amie proche et qui comme moi n’habitait pas très loin de République. Je l’ai appelé sans pouvoir vraiment lui expliquer ce qui s'était passé, juste que j'étais blessé et que j'étais dans un café. La dame en blanc, j’ai appris des mois après qu’elle s’appelait Giovanna et qu’elle était médecin, cliente comme moi du café, a pris le relais et lui a expliqué.

Pendant ce temps-là, toujours pas de secours, ni police, ni pompiers. Ça m‘a paru long. Et puis j’ai senti mes forces m’abandonner et la douleur qui devenait vraiment brûlante. Je me suis vu mourir. J’ai été révolté bien plus qu’apeuré. J’ai trouvé ça injuste, je n’avais pas choisi ce moment-là.  Et c’est là qu’ils sont enfin arrivés, je les ai entendus parler, dire pour ce qui me concernait qq chose comme "pas très grave". J’ai pensé qu’iIs allaient m’oublier, ou tarder. Mais très vite ils se sont approchés. Je me rappelle leur avoir donné 20 fois, 100 fois mon nom, prénom, date de naissance. Je ne comprenais pas cette répétition et ses raisons. Ils prenaient aussi mes constantes et j’ai compris à leurs commentaires qu’elles n’étaient pas bonnes. Malgré leurs efforts et l’oxygène qui je crois m’a été donné, je me suis alors senti glisser, comme sur un toboggan qui m’appelait. Inconsciemment j’ai compris qu’il fallait que je résiste à cette tentation de la glissade. Et me suis cramponné à la vie.

Pendant ce temps Cécile est arrivée. Elle m’a vu, parlé, pu me tenir un peu la main, découvrir l’horreur que moi je ne voyais pas, allongé dans l’obscurité. Puis on m’a emmené, on lui a refusé de m’accompagner, sans lui dire où j’allais.

Arrivé aux urgences, j’ai vu des tas de gens affairés. J’ai compris assez vite que j’étais à St Antoine. Puis on m’a transfusé. J’avais perdu près de deux litres de sang. Et une fois la transfusion passée, j’ai pensé que j’allais m’en tirer. Je ne savais pourtant encore rien de précis de mes blessures, de leur nombre, de leur gravité. J’avais très soif, n'ayant pu boire quoi que ce soit au café. De plus en plus soif. Je suppliais qu'on me donne à boire mais Ariel, l’infirmier qui veillait sur moi, m’expliqua qu’on ne pouvait pas, qu’on allait m’opérer. Seul soulagement, un gant mouillé pour m’humecter. Mais ça ne changeait rien et ce dont je me souviens c’est qu’à un moment j’ai mangé les peaux de ma bouche.

Plusieurs médecins se sont relayés surtout pour m’expliquer qu’ils étaient en train de voir quand et dans quel ordre m’opérer. Pendant ce temps-là, un policier est passé et m’a confisqué mon portable, m’occupant du reste du monde. J’ai pu grâce à Ariel retrouver le numéro de téléphone de Cécile et de ma sœur pour leur expliquer où j’étais, ce que je devenais et leur demander de prévenir mes parents et quelques amis en minimisant le plus possible la gravité de mon état pour qu’ils ne paniquent pas. Après plusieurs heures, où pour essayer de m’occuper j’essayais de faire l’analyse de ce que faisaient les gens en blanc, en bleu, en vert, on m’a emmené dans une drôle de chambre. Je me souviens d’avoir très vite, et, ça peut paraître incroyable, bien dormi.

Quelques heures après, on m'a annoncé que j'allais à Tenon pour une opération digestive : c’est là que j’ai appris qu’une balle m’avait brûlé l’intestin et qu’il fallait m’en couper une partie. Entre le transport, l’arrivée, l’accueil par le chirurgien, le passage au bloc tout est allé très vite. Lors du réveil, je me suis retrouvé dans une chambre où l’on m’a posé toutes sortes de tuyaux, pour respirer, boire, manger et uriné. J’ y ai passé moins de deux jours avant qu’on me ramène à St Antoine, pour une seconde opération, cette fois orthopédique. Je savais juste qu’une autre balle avait traversé la hanche et s’était arrêtée à quelques millimètres de la vessie. Nouveau bloc, nouveau réveil, cette fois beaucoup plus pénible et des douleurs terribles, avec en plus le sentiment d’être entravé : les médecins m’avaient posé une sorte d’attelle à la jambe droite pour l’empêcher de bouger. J’ai supplié qu’on me l’enlève tant elle était insupportable et promis de ne pas bouger. Et ils ont cédé. C’est là aussi qu’on m’a annoncé que j’en avais pour au moins  6 semaines d’immobilisation totale ! Et qu’on ne pouvait pas me dire si un jour je pourrai remarcher.

Dans les jours qui ont suivi, j’ai commencé à remonter petit à petit la pente, mon moral soutenu par les très nombreuses visites familiales et amicales. Il a fallu que j’accepte qu’on vienne me nettoyer régulièrement. Cela n’a pas été facile même si le personnel le faisait avec beaucoup d’humanité. Pourtant au bout de 10 jours, mon état a recommencé à se détériorer : mal à respirer, douleurs ventrales. Les soignants avaient l’air de trouver cela normal et ne faisaient rien de spécial. Puis une Elisabeth, amie d’enfance anesthésiste, m’a rendu visite. Elle est rentrée dans ma chambre, m'a parlé puis est ressortie très vite. Avant de revenir un quart d’heure plus tard avec toute l’équipe médicale. A partir de là tout s’est enchaîné : des brancardiers m’ont emmené en courant au scanner avant de me transporter dans une pièce très spéciale, pleine d’appareils, de lumières de toutes les couleurs, je me suis cru dans un vaisseau spatial. J’y ai passé près de 36h avant de me trouver en soins intensifs. Personne ne m ‘a dit ce qui s’était passé et comme au bout de 48h à peine je me suis senti beaucoup mieux je ne me suis pas trop posé de questions. il a fallu qu’Elisabeth revienne me voir à Percy, fin janvier ou début février, pour m’apprendre la vérité : j’avais fait une embolie pulmonaire et c’est elle qui l’avait décelée. J’ai compris que j’avais failli y passer une seconde fois. A la mi-décembre, mes soins étaient devenus routiniers, j’ai été hospitalisé à domicile chez Sylvie et Dominique, des amis qui se sont pliés en quatre pour moi. Je ne saurais jamais assez  les en remercier. Au bout de deux semaines, j’ai été transporté à Percy pour commencer une rééducation qui a duré près de 3 mois.  Je me souviens avoir pleuré le jour où j’ai pu commencer à remarcher. Il m’a fallu encore 8 mois de convalescence pour reprendre une vie professionnelle. Et une rencontre qui m’a permis d’entrer alors au service du haut-commissaire à l’engagement civique. Il devait monter une réserve civique et citoyenne, puisque selon le président de la République de l'époque, la réponse à ces chocs ne pouvait pas être seulement sécuritaire, elle devait être aussi citoyenne. Ça m'a tout de suite parlé;  je suis fier d'avoir contribué à ce qui a depuis pris le nom de #Jeveuxaider et qui a pu prouver son utilité avec la crise sanitaire.

Aujourd’hui je vis, j’ai quitté Paris. Mes blessures et mes handicaps sont devenus définitifs ; il m'a fallu du temps pour l’intégrer, pour l’accepter. Mais en dépit de tout cela,  je suis un homme debout, heureux, serein même si parfois fragile. Marseille, me fait du bien et j’y consacre une partie de ma vie à travailler, avec les jeunes  des quartiers, avec des personnes défavorisées, à une vie meilleure, à leur permettre d’exprimer ce qu’ils ont à dire, à se trouver un avenir, en dépit de tous les blocages dus à leur situation, à leur condition.  En un mot à être citoyen. Je ne voudrais pas que mes mésaventures n’aient servi à rien.

Je voudrais pour terminer m’adresser aux accusés. Je vous parle sans haine. Je n’en ai d’ailleurs jamais ressenti à votre égard, pas plus maintenant que tout au long de ces 6 ans. J’ai lu aussi que certains d’entre vous, notamment vous M. Abdeslam,  étiez désireux de dialoguer. Je veux donc vous parler parce que, de mon côté, et malgré tout ce que j’ai pu endurer, je vous vois d’abord comme des êtres humains. Des personnes qui au-delà des actes et des crimes qui vous sont imputés et reprochés, ont forcément une tête, un cœur, des sentiments, des sensations, des émotions.

Souvent je me suis demandé, pourquoi avez-vous fait ce que vous avez fait ? A Paris et parfois ailleurs ? Qu’est ce qui s’est passé pour qu’un jour vous vous disiez je vais tuer ou aider à tuer ? J’ai  connu dans ma vie des gens qui étaient prêts à faire des trucs incroyables au nom d’une idée, d’une croyance, des gens qui pensaient qu'au nom de cela on pouvait tout casser. Que la recherche de vérité, de pureté pouvait tout justifier. J’en ai connu d’autres à qui la vie n’avait pas fait de cadeau, une famille qui n’en était pas une, de petits boulots sans fin ou pas de boulot du tout, des problèmes pour tout et qui cherchaient n’importe quoi pour en sortir, se faire un nom, se faire, du moins le croyaient-ils, plaisir.  Est-ce que c’est cela qui s’est passé pour vous? Qui vous a animé ?

Quand j’entends certaines de vos déclarations, je suis plus que gêné. J’ai l’impression de justifications venues parfois tardivement. Censées vous expliquer, vous protéger. Et je me dis : Y croyez-vous vous -mêmes ? Est-ce qu’un jour vous sortirez de ces mots qui ne sont que des mots ? Est-ce qu’un jour vous nous parlerez vraiment de vous, de ce qui s’est passé, de ce qui vous a poussé J’ai lu aussi que vous n’aviez contre nous, contre moi,  rien de personnel. Mais si, bien sûr ! D’ailleurs vous avez dit M. Abdeslam que vous ne vouliez tuer que des mécréants : j’en suis un !  Que vous avez voulu vous venger d’un pays, d’une société mais ce sont des gens, des personnes,  des humains comme vous, comme nous, comme moi qui ont été tués, blessés, handicapés. Nous ne sommes  pas, je ne suis pas un numéro et vous n'êtes pas des robots ! Vous ne pouvez vraiment pas faire comme si on n’existait pas.

J’ai lu que vous vouliez venger ce qu’aurait fait la France, l’Occident en Lybie, en Syrie, en Irak, voir même en Afghanistan. Mais quel que soit ce que l’on peut reprocher à mon pays, et je suis le premier à discuter de nombre de ses interventions, de ses alliances plus que douteuses notamment au Moyen Orient, comment avez-vous pu penser que la mort de centaines de gens ici allait compenser celles qui ont eu lieu là-bas ? La vengeance c’est qq chose d’infernal dont personne ne sort gagnant en général. Vous pensez vraiment qu’on vit mieux en Syrie, en Irak, en Lybie aujourd’hui ? Vous pensez vraiment que nos pays ont appris de leurs erreurs ? Qu’ils vont les réparer ? Je vois moi plutôt l’état du monde empirer et malheureusement je crois aussi que vous y avez contribué.

C’est de tout cela que j’aimerais un jour vous entendre parler, au-delà de vos déclarations de principe. Je me doute aussi que ce n’est pas forcément devant ce tribunal que vous allez le faire. Que ce n’est pas ici le lieu du dialogue idéal. Mais sachez une chose, c’est que si vous êtes prêt à dialoguer, et j'espère à regretter, je suis prêt pour ce qui me concerne à pardonner. Ce pardon, encore faut-il le demander. Il n’a rien d’automatique et il a quelque chose de très exigeant. Des deux côtés. Pour vous, mais aussi pour moi. J’aimerais que vous y réfléchissiez. Au-delà ce  qui peut se passer ici, devant la justice.

Certains d’entre vous seront vraisemblablement condamnés. Cela ne m’apaisera pas. Ne me réparera pas. Ne me rendra ni mon pied, ni mon intestin. Mais cela ne m'empêchera pas un jour, si vous le désirez, et en prison s’il le faut, d’aller vous parler. Encore faut-il que vous le vouliez. Que vous ayez le courage d’être un homme et d’arrêter de vous retrancher derrière Dieu.

Je ne peux pas terminer sans penser à toutes celles et tous ceux qui m’ont accompagné, soigné, durant ce long parcours hospitalier et jusqu’à aujourd’hui, médecins, infirmières et infirmiers, aide soignantes, psys et kinés, et bien sûr famille, amis et collègues : je n’ai pas assez de mots pour leur dire merci.

 

lundi 17 novembre 2014

ASTREES lance son nouveau site : http://www.astrees.org/

Mise en ligne du nouveau site d'ASTREES  http://www.astrees.org/
ASTREES propose aux diverses parties prenantes (entreprises, partenaires sociaux, experts et cabinets R.H., organismes de protection sociale), une réflexion collaborative et des activités pour anticiper et innover sur les thèmes du travail et de l'emploi en France et en Europe.
Vous pouvez visiter le site, le commenter, le relayer... Il contient déjà beaucoup de documents et de productions d'ASTREES, et ce n'est qu'un début !
Si vous êtes intéressés, ASTREES anime aussi un compte Twitter @astreesLab, une page Facebook ASTREES  et une page Linkedin.
En savoir plus :
Claude Emmanuel TRIOMPHE, Anne-Marie BJORNSON-LANGEN
10, rue Saint Nicolas 75012 - PARIS Tél. +33 (0) 1 43 46 28 28  www.astrees.org

dimanche 19 mai 2013

EXPRESSION AU TRAVAIL : La MGEFI témoigne de son expérience‏


Comme annoncé lors de son 1er colloque le 26 avril dernier à l’Assemblée nationale, qui a été un vrai succès, l’association ASTREES LAB organise un « second cycle » le 13 juin 2013.

Au programme 3 groupes de travail sur :

«Faits communautaires et modèles d’intégration dans l’entreprise »
« L’engagement social des jeunes »
« Restructurations, gestion des transitions et mobilités professionnelles »
 
ASTREES LAB retour sur une double vocation
En premier lieu, le Lab est un lieu d'échange sur les pratiques des adhérents, éclairés par des éléments de veille et de capitalisation d'expériences à l'échelle nationale et européenne. Il permet aux participants de développer une vision réflexive de leurs propres approches et pratiques, d'enrichir leur regard par la confrontation de points de vue sur des objets communs. 
En outre, ASTREES LAB a vocation à faire émerger des idées, des propositions (expérimentations, principes d'action) qui puissent être concrètement appropriées par les adhérents dans leurs pratiques professionnelles.

L’expression au travail : la MGEFI communique sur son expérience
Extrait du compte-rendu du débat portant sur "l’expression au travail", incluant la contribution de la MGEFI, représentée à la 1ère table ronde par son directeur général Antoine CATINCHI. La MGEFI participera également aux travaux du 13 juin prochain.

MINE D'INFOS: Coup de projecteur sur la participation MGEFI au d...


"L’expression directe des salariés au travail" et "L'entreprise étendue" vidéos présentées le 26 avril 2013 :
Extrait vidéo de l’interview d’Antoine CATINCHI:

 
Pour recevoir la synthèse de l'ensemble des travaux du 26 avril 2013, ou pour toute autre information sur les modalités de participation au second Lab contacter :
Claude Emmanuel TRIOMPHE
ASTREES
 
Association Travail, Emploi, Europe, Société
10 rue St Nicolas
F - 75012 PARIS
ce.triomphe@astrees.org
Tel : + 33 (0)1 43 46 28 28
 
Contact presse MGEFI :
Nora ANSELL-SALLES
nansellsalles@mgefi.fr /06 70 74 15 42
 

jeudi 16 mai 2013

Coup de projecteur sur la participation MGEFI au débat ASTREES LAB du 26 avril 2013 à l’Assemblée nationale

ASTREES remercie vivement tous ses adhérents pour avoir suscité et développé cette démarche du Lab sur l’expression de tous au travail.

 

Un merci tout particulier à :

 

AG2R La Mondiale; Mgefi; La Poste; Unedic; Sextant; Technologia; CFDT; CGT; et UNSA qui ont beaucoup contribué aux travaux.

 

 

Expression directe au travail, le retour ?

 

MGEFI, des groupes d’expression pour réussir la fusion

 

La MGEFI, mutuelle générale de l’économie, des finances et de l’industrie, est née au 1er janvier 2008 du rassemblement de 7 mutuelles de fonctionnaires rattachées au ministère des finances (impôts, trésor, douanes, INSEE…). Elle couvre aujourd’hui près de 400 000 adhérents.

 

La « fusion » des services et réseaux des mutuelles a été réalisée en apportant un soin particulier aux conditions d’intégration des 280 personnes concernées par cette opération : mise en place très rapidement d’un nouveau statut du personnel négocié et signé avec les OS, développement d’un important programme de formation professionnelle, particulièrement destiné aux managers pour accompagner les restructurations mises en œuvre, actions de sensibilisation au changement…Parmi les mesures qui figurent dans le statut du personnel, a été introduit un article (complété par une annexe) sur le « droit d’expression des collaborateurs ». Ce dispositif, sans être lié précisément à l’opération d’accompagnement de la fusion (puisque pérenne), a été considéré comme précieux dans une période inévitablement traumatisante pour les salariés et dont la direction savait qu’elle ne capterait pas la parole dans les seules instances représentatives du personnel.

 

L’idée a été de mettre en place sur le temps de travail, deux fois par an, des réunions de 10 à 15 personnes, en dehors de la présence de l’encadrement, pour évoquer les problèmes professionnels rencontrés au quotidien, pour les porter ensuite collectivement à la direction qui dispose d’un mois pour répondre aux observations, propositions faites par les collaborateurs. Les thématiques évoquées concernent l’organisation du travail, les circuits, les outils, et conduisent à l’énoncé d’observations, de demandes, de modifications et de propositions. Tous les sujets évoqués qui ressortent d’autres instances (syndicats, IRP…) leur sont transmis pour être repris dans ce cadre.

Ce dispositif « d’expression directe », globalement bien adopté par les collaborateurs, est important pour la direction, utile à la fois en ce qu’il permet de mobiliser chacun sur l’amélioration de l’organisation du travail, mais aussi car il contribue à détecter des situations de malaise qui ne seraient « remontées » ni par la hiérarchie, ni par les représentants du personnel. Plus de cinq ans après sa mise en œuvre, et même s’il fait l’objet de réflexions en interne pour le faire évoluer, ce dispositif reste une réalisation emblématique de l’approche de la gestion sociale à la MGEFI.

 

 

Expression de tous au travail : des trajectoires variées

 

Quels éléments de contexte favorisent l’émergence d’un besoin d’organiser l’expression directe des salariés ? Les expériences et échanges tenus au sein du Lab révèlent une pluralité et une combinaison de facteurs.

 

Un même point de départ : des réorganisations

 

Le déclencheur le plus visible tient aux processus de restructuration traversés par les organisations :

 

Au sein d’AG2R La Mondiale, la démarche de sollicitation des salariés s’inscrit à la suite du processus de fusion entre AG2R et La Mondiale

 

- A La Poste, ouverture à la concurrence et impact des nouvelles technologies génèrent des changements profonds affectant les activités de l’entreprise et donc de ses salariés

 

- La création de la MGEFI en 2008 est la résultante d’une fusion entre sept mutuelles du Ministère des finances et prend place dans le contexte, nouveau, d’une mise en concurrence avec d’autres acteurs de la protection sociale

 

- Chez Renault, dans le contexte économique difficile qui caractérise l’industrie automobile, on retrouve des modifications profondes de l’organisation du travail et de la GRH: lean manufacturing, individualisation des rémunérations, intensification du travail…

 

- Au sein de SFR, c'est à un processus d’externalisation de grande ampleur que nous assistons en 2007

 

- Le « public » n'est pas épargné, comme le montre la création en 2008 de la DGFIP, issue d'une fusion entre la DGI et la DGCP

 

- Chez Alcatel-Lucent, après de multiples opérations de fusions, acquisitions et autres ventes, le sentiment de perte de repères vécu par les salariés du groupe était important. Les besoins de recomposer des liens et un sentiment d’appartenance sont apparus à la fois comme nécessaires et difficiles au regard de l’éclatement géographique des salariés du groupe.

 

- A l'UNEDIC, la mise en place d'un réseau social interne fait suite à la fusion ANPE / ASSEDIC.

 

S’y ajoutent mal-être au travail et limites des dispositifs existants

 

Autre élément de contexte fondateur, celui de la souffrance au travail, qu’elle trouve à s’exprimer brutalement aux yeux de tous, ou qu’elle soit redoutée. Obligeant alors, dans un contexte de fort écho médiatique et politique (plan d’urgence gouvernemental sur le stress), les acteurs à agir (Renault, La Poste) ou les incitant à prévenir (AG2R La Mondiale).

 

Réorganisations profondes et permanentes des organisations et souffrance exprimée ici et là par les personnes révèlent aussi combien le travail est devenu complexe, de par sa dématérialisation, de par sa fragmentation, de par sa nature de plus en plus difficile à apprécier. Si le travail concret change profondément sans que l’on puisse le voir, le saisir, que l’on soit une direction d’entreprise ou un représentant des salariés, comment faire alors pour lui redonner un sens synonyme d’efficacité collective ?

 

Une réponse simple a priori, car d’ores et déjà organisée, serait de miser sur les mécanismes de représentation collective et leurs acteurs : organisations syndicales et IRP. Cette simplicité apparente est pourtant trompeuse. La faible syndicalisation et l'éloignement progressif des représentants des questions du travail furent ainsi largement relayés par les organisations membres du Lab : revendications sur l’emploi et les salaires conduisant à oublier progressivement ce qui fait le travail concret, absence de lien réel entre les salariés et les organisations même lorsqu’elles sont implantées. Certains syndicalistes ont aussi évoqué l'institutionnalisation des formes de représentation. Le tout entraînant de fait une prise de distance avec les questions, problèmes et difficultés des salariés au quotidien.

 

Une seconde réponse possible résiderait dans la mobilisation des outils managériaux déjà en place depuis longtemps et fondés sur l’expression individuelle des salariés : enquêtes de climat social et entretiens individuels notamment. Mais là encore, ces outils sont apparus comme très limités dans leur capacité à appréhender les activités concrètes de travail. En somme, les dispositifs a priori « naturels » pour recueillir et porter la parole des salariés, au travers de processus empruntant à la démocratie représentative ou à la gestion des ressources humaines, ne permettent pas de lever le voile sur ce qui fait le travail concret.

 

Les enjeux diffèrent selon les entreprises

 

C’est donc la convergence entre plusieurs éléments de contexte qui peut justifier de solliciter directement les salariés et donc d’en appeler à leur expression directe. Néanmoins, les finalités assignées aux différentes initiatives présentées au sein du Lab apparaissent comme très variées d'un cas à l'autre.

 

Dans le cas de la MGEFI, la construction d'un dispositif d'expression directe répond à une stratégie globale d'amélioration des process professionnels qui implique notamment, pour ses initiateurs, de permettre l'expression des insatisfactions des salariés. Chez AG2R La Mondiale, la démarche s'inscrit dans une stratégie d'anticipation des conséquences négatives potentielles (sur le stress des salariés) du processus de fusion. A l’Unedic, il s’agit de se repositionner et de se décloisonner après la constitution de Pôle Emploi. A la Poste, au contraire, le recueil de la parole est l'un des outils utilisés pour réagir à un contexte social très difficile, en bref pour mieux accompagner les changements affectant l'entreprise et ses salariés. Chez SFR, le blog mis en place par l'intersyndicale en situation de crise doit permettre avant tout de communiquer vers les salariés, ouvrant dans le même temps des possibilités d'expression directe de ces derniers.

 

Parler de quoi ? Ca dépend !

 

Y’a-t-il spécialisation des sujets selon que l’expression est individuelle ou collective ? Au regard des initiatives présentées, il apparaît que les directions prédéfinissent des ensembles de sujets à traiter par l’expression collective. Ainsi, l’exploitation des données récoltées par AG2R La Mondiale a orienté le travail de définition des plans d’action selon quatre axes: sentiment d’appartenance, pratiques managériales, conditions de travail, risques psycho-sociaux. A La Poste les six thèmes proposés au dialogue local englobaient en outre le contenu du travail, les évolutions professionnelles, la gestion du changement et les relations au sein des établissements. Les réseaux sociaux d’Alcatel et de l’Unedic sont eux très généralistes, sans sujet défini a priori, celui d’Alcatel se caractérisant entre autres par un grand nombre de communautés de métiers ou bien par l’implication dans un projet commun. Quant aux pratiques de la MGEFI ou d’AG2R La Mondiale on voit combien le champ des conditions de travail choisi au départ a pu s’élargir en direction des questions d’organisation, de process ou d’exercice des métiers.

 

Il faut cependant observer qu’au-delà des finalités distinctes des initiatives, le sens donné par les acteurs à la faculté d'expression directe des salariés n’est pas nécessairement prédéterminé. S’il apparait clairement dès l’origine dans les exemples de la MGEFI ou de la CGT Renault - amélioration de l'efficacité de l'organisation dans le premier cas et réinvestissement de la parole des salariés dans le dialogue social en entreprise dans le second - l'exemple du blog SFR lancé en 2007 montre une expression des salariés davantage induite par l'outil mobilisé dans un contexte de tension sociale extrême que découlant d'un objectif clairement déterminé.

 

 

L’affinement du sens prêté à l'expression directe peut être progressif : ainsi chez AG2R La Mondiale, c'est une enquête visant à mieux appréhender le climat social qui permet aux acteurs de prendre conscience de l'intérêt à instituer des espaces de dialogue « métiers » pérennes. L’objectif de départ est ainsi appelé à être dépassé.

 

Bref, il ne suffit pas d'éprouver le besoin de faire parler les salariés pour définir une stratégie de valorisation de la parole des collaborateurs ou collègues, pourtant nécessaire pour répondre à la lancinante question : parler mais pour quoi faire ? Une stratégie en la matière, nos exemples le montrent, n'est jamais donnée une fois pour toutes. Elle dépend d'un contexte mais aussi de la capacité des acteurs à construire et développer en continu une initiative, c'est à dire à définir et faire évoluer des objectifs et des moyens.

 

S’exprimer c’est bien, écouter et restituer c’est mieux !

 

Dans toutes les expériences présentées, la question de ce que l’on fait de la parole des salariés s’est posée et ce, quel que soit l’acteur qui initie une démarche de recueil de l’expression, direction ou organisation(s) syndicale(s). Les termes de départ semblent néanmoins différer dans l'un ou l'autre cas.

 

Pour les directions, il s’agit de démontrer aux salariés que leur parole est utile, qu’il ne s’agit pas d’une démarche participative en trompe l’oeil : la déception et la frustration des salariés seraient ainsi facteurs de démobilisation des troupes là où les évolutions des métiers et organisations en appellent toujours davantage à la motivation des personnes. L’enjeu est ainsi très palpable à La Poste où l’envergure du dispositif mis en place (12000 réunions, 125000 collaborateurs entendus) a fait naître de fortes attentes auprès des salariés.

 

Pour les organisations syndicales, l’enjeu est à deux niveaux. Il s’agit d’une part de renforcer la démocratie représentative et donc pouvoir alimenter par l’expression directe le travail de représentation. Et de l’autre, de définir grâce à l’expression les moyens de faire advenir des changements concrets dans les organisations du travail et même, bien au-delà, dans les stratégies des entreprises et organisations.

 

Les enjeux identifiés sont toujours porteurs de défis pour qui veut y répondre. A ce niveau, bien évidemment, la taille de l’entreprise ou encore le degré d'implantation de l'organisation syndicale jouent un rôle non négligeable, ne serait-ce que pour organiser la remontée de la parole à différents niveaux de l’entreprise. Ce que l’on fait à la MGEFI est difficilement transposable à la Poste où la difficulté principale était de faire remonter l’information. La matière locale a pu dans ce groupe remonter grâce aux managers locaux. 20 millions d’euros ont été investis auprès des entités locales afin d’organiser cette collecte et remontée d’informations. A cet égard, prendre en compte la parole a parfois un coût financier non négligeable.

 

 
Extrait vidéo de l’interview d’Antoine Catinchi Directeur général de la MGEFI projetée lors du 1er cycle  d’ASTEES LAB le 26 avril dernier. http://www.youtube.com/watch?v=KPxynkEYzTk
 

 

Les outils de la parole

De ces enjeux résultent des tentatives d’outillage pour y faire face :

 

- Restitutions et association des salariés à la mise en place de plans d’actions chez AG2R

 

- Construction de la démarche syndicale auprès de la direction à partir de la parole des salariés chez la CGT Renault

 

- Organisation de la remontée des informations issues du dialogue local par grands thèmes et sous forme de recommandations à La Poste

 

- Organisation d’une réponse systématique de la direction générale aux observations et propositions des groupes salariés à la MGEFI

 

- Recueil et transcription de la parole des salariés, organisation d'un temps de réponse limité à la charge de l'administration (1 mois) et une fois la réponse donnée, d'un deuxième rendez-vous afin de « faire le point » dans le cas de la DGFIP

 

- Possibilité ouverte aux salariés de contact direct par voie électronique avec le directeur général du groupe chez Alcatel Lucent

 

Quant aux suites données au recueil de la parole, elles nécessitent d’être pensées et organisées dès l’amont, c'est-à-dire avant le lancement de l’initiative, afin d’en exploiter au mieux les résultats attendus. Dans le cas de la MGEFI, la capacité à utiliser la parole est ainsi, en quelque sorte, garantie par l'objectif assigné aux groupes d'expression : ces derniers doivent permettre d'améliorer les processus de travail et donc de laisser émerger des améliorations possibles. Sur cette base, il est plus aisé pour la direction de donner suite aux travaux des groupes. Au sein de la CGT Renault, les « chantiers » menés localement et afférents à des situations de travail concrètes ont pu permettre, de manière comparable, d'atteindre des résultats tangibles en regard des conditions de travail au niveau local.

Si la question du retour vers les salariés est donc essentielle, l’expérience montre aussi que les constats issus de ces formes d’expression collective ne font pas toujours l’unanimité, ainsi que le montre le Grand dialogue à la Poste. La question des arbitrages doit-elle être alors renvoyée au management ? A la représentation du personnel ? A des processus délibératifs ultérieurs permettant à la fois apprentissage et appropriation ?

Les TIC, facteurs de renouvellement ?

L es expériences du Lab ont porté sur l’observation de nouvelles technologies ou de nouveaux réseaux entendus au sens suivant: les réseaux internes d’entreprise, et les blogs, élargis au microblogging, qui consiste dans la publication de messages courts éventuellement assortis de liens (Twitter). Toutes ces activités se situent dans la sphère professionnelle, et reposent sur la création de profils (individuels ou collectifs), sur la gestion de listes de contact (followers ou likers) et sur la mise en circulation de messages dans ces espaces. L’usage des TIC en matière d’expression renvoie à quatre grandes fonctions : l’information, la discussion, la collaboration, le pétition/revendication.

L’observation première porte sur la nouveauté supposée de ce qui s’y exprime : en fait, la portée des messages et les sujets abordés ne révèlent pas de caractère innovant même si l’outil est différent. Les dérapages sont rares, sauf dans le cas du blog créé dans la tourmente de l’annonce d’externalisations par la direction SFR. La modération des outils réseaux est à cet égard une condition à leur création et à des usages contenus.

 

La place du management est celle de l’initiateur d’une démarche (Alcatel-Lucent) ou au contraire celle du destinataire des messages de colère des salariés (SFR). L’élaboration et les choix stratégiques préalables aux mises en place d’outils, supposent un investissement qui, s’il manque, transforme un outil collectif en instruments de com’ (Unedic). A noter que l’investissement de la direction générale revêt sur ces sujets un caractère crucial. Chez Alcatel-Lucent, la mise en place du Réseau Social « ENGAGE », a d’ailleurs été précédée par la mise en circulation de l’adresse mail du DG accessible à l’ensemble des salariés, sans filtre, ou encore d’un système de notation (« j’aime »/« j’aime pas ») et de commentaires.

Le réseau social révèle la vraie organisation de l’entreprise, en particulier dans sa dimension collaborative. Tout d’un coup, des personnes clés de l’entreprise apparaissent au grand jour. Mieux, les liens non écrits dans l’organisation - sur l’organigramme : réalité théorique de l’entreprise - surgissent et passent par des individus. Le réseau social met l’organisation face à sa culture et ses responsabilités. Celles d’ouvrir pour bénéficier encore davantage du levier social – mais à un certain risque - ou au contraire de refermer sur ce qui apparaît comme une transgression. Au-delà de la problématique culturelle qui est un frein dans l’appropriation de ce type d’outil, la mise en place d’un réseau social d’entreprise nécessite un accompagnement et une véritable animation des usages. Il nécessite également du temps dans son déploiement ; la collaboration d’entreprise ne se décrète pas à travers un outil.

L’expression et les réseaux sociaux : bof, lol, ou bien …. ?

L a maîtrise de « la parole en réseau » par l’acteur managérial a provoqué des débats au sein du Lab Faut-il miser sur une parole spontanée ? Faut-il l’organiser ?

 

Or une organisation de la parole peut conduire à des malentendus : il s’agit ici de l’encadrer, de la canaliser mais aller au-delà ne rime à rien tant l’expression sur les réseaux ne peut être contrôlée. Les implications conjuguées des directions et des chefs d’unité sont donc nécessaires pour la réussite d’un réseau social : non pas tant par le caractère formel de cette implication mais parce qu’un tel support d’expression nécessite l’action de l’ensemble des parties prenantes d’une entreprise. A défaut, et le cas de la Factorie à l’Unedic est ici éclairant : un réseau social d’entreprise émanant d’une seule direction (DSI ou DirCom) semble condamné par sa volonté de « susciter la parole » sans plus de projet.

Outre la dimension « individuel/collectif », la dimension ludique et l’immédiateté jouent un rôle central : un réseau social qui ne réserve pas de surprise aux visiteurs, devient ringard dans ses usages, et peu suivi. On peut souligner à cet égard, l’importance de laisser libre cours à une instabilité des usages et des modes d’appropriation des réseaux sociaux. Les libertés d’expression sont la garantie même que l’outil ne devienne pas une coquille vide ; la condition de son utilité est précisément liée à la gestion de son imprévisibilité.

Ceci dit, l’expérience de modes d’expression au travail grâce à des réseaux sociaux ou des blogs internes, relève aujourd’hui de situations minoritaires : la méfiance à l’égard de l’outil, de ses usages et de la place des directions et des organisations syndicales, des salariés, dans leur diversité, reste la règle. Secondairement, la culture numérique semble peu adaptée à l’expression d’une souffrance souvent au centre des expériences étudiées, comme par une inadaptation à la gravité de celle-ci. La frilosité des directions à l’égard de ces espaces d’expression tient pour une large part à leur caractère incontrôlable.

Action syndicale et TIC

Cette peur est accentuée lorsqu’elles sont en période de profondes réorganisations, voire en situation de gestion de crise et qu’elles doivent réagir face à des modalités d’expression que pourraient initier alors des salariés organisés ou des organisations syndicales en intersyndicale, comme ce fut le cas chez SFR :

Une négociation de sortie de crise a pu avoir lieu, car la société Vivendi (siège de SFR) a été touchée au point faible par la presse et par les politiques : son image. La décision de la direction apparaissait à tous comme un « PSE déguisé » et les medias ont communiqué sur cette décision du groupe.

Pourtant l’implication des organisations syndicales dans ces réseaux semble encore faible. La très grande habileté à la préparation et à l’élaboration de réunions d’expression et de groupes ad hoc (Renault, la Poste) n’a pas été mise à profit du côté des réseaux sociaux. Les syndicats trouvent néanmoins dans ces supports, une écoute et un suivi non négligeables (sur Twitter, Facebook notamment).

Mais on reste là, dans une scission claire entre expression individuelle - les salariés s’expriment en leur nom – et expression collective – les syndicats font part de leurs positions, tracts, décisions, au niveau local, d’une entreprise ou d’un secteur.

La complémentarité ne fonctionne qu’au moment d’un déclenchement, comme pour le blog SFR en colère : les réseaux sociaux peuvent être ici à la fois ce qui donne du contenu à une action collective et ce qui reflète l’état social lors d’un conflit ou d’une situation de restructuration.

Les acteurs de l’entreprise face à l’expression

Une méfiance managériale en voie de dépassement ?

L es dispositifs d’expression directe interrogent à l’évidence les directions des entreprises. Chez beaucoup d’entre elles, c’est une grande méfiance qui domine, au moins au départ. Celle-ci est souvent liée à une illusion partagée, selon laquelle les salariés prendraient la parole sous forme de plaintes, de demandes nominatives, d’éléments peu constructifs ou difficilement gérables pour les directions. Or les expériences de prises de parole collectives et organisées, reflètent au contraire que « les salariés ne se sont pas exprimés pour se plaindre » (AG2R La Mondiale) ou que les 12 000 tables rondes de dialogue local ont été globalement très positives (La Poste). A la MGEFI la direction générale ne saurait plus se passer des groupes d’expression. Chez Alcatel « l’an dernier et avant les négociations salariales, le nouveau PDG n’a pas hésité à intervenir sur le réseau social pour annoncer au personnel l’absence d’augmentations salariales. Un nombre important de salariés a exposé en direct ses frustrations, voire son mécontentement. Et alors qu’il y avait des procédures prévues en cas de débordements, il n’y en a quasiment pas eu besoin ».

 

L’engagement des directions est également challengé lorsque les initiatives sont d’origine syndicale. Qu’il s’agisse de l’action engagée par la CGT chez Renault ou des espaces de dialogue revendiqués par la CFDT à la DGFIP, l’on constate combien a été grand le trouble du management, long le temps à y répondre positivement, lente enfin la mise en œuvre concrète.

Une affaire de DRH ?

Lorsque l’expression est initiée par le management, nos travaux montrent que trois catégories distinctes de fonctions de direction sont les plus impliquées :

 

La fonction RH au sein du groupe AG2R La Mondiale

- La direction de la communication au sein de l’UNEDIC et d’Alcatel-Lucent

- La direction générale à La Poste et à la MGEFI.

 

En effet, il apparait que la prise en compte effective de la parole suppose de trouver les moyens d'assurer la sensibilisation et l'implication d’une pluralité de fonctions au sein de l'organisation. La difficulté à cet égard est sans doute d’autant plus grande dès lors que la démarche se veut pérenne et non pas ponctuelle.

 

Dans cette perspective, c’est la capacité à garantir un large portage de la démarche au sein de l’organisation, bien au-delà des fonctions RH, qui s’avère essentiel.

L'efficacité opérationnelle de la démarche MGEFI tient ainsi notamment au portage et suivi directs de cette dernière par le directeur général de l'entité et à la suite, par la direction collégiale de l’organisation au plus haut niveau. Une observation générale similaire pourrait être faite dans le cas de La Poste. Dans les autres situations, au contraire, la difficulté à inclure et maintenir dans la « boucle » l'ensemble du comité de direction a pu être soulignée (AG2R La Mondiale, Unedic).

L'expression directe des salariés n'est donc pas qu'une affaire de RH, tant l'exercice est de nature à questionner les métiers de l'entreprise, mais aussi sa stratégie locale et globale. Ce n’est pas non plus, pour les mêmes raisons, une « simple » affaire de communication. Si les réseaux sociaux d'entreprise doivent permettre d'aller au-delà de la constitution ou reconstitution de communautés de professionnels, alors sans doute l'implication des fonctions RH dans la conception et le management de l'outil est nécessaire, au côté des DIRCOM ou DSI. L'exemple du réseau social « ENGAGE » au sein d'Alcatel-Lucent peut illustrer les interrogations à cet égard.

Les hiérarchies intermédiaires : à la fois exposées et négligées

U ne des questions posées dans les pratiques observées, est celle du mode d’association des hiérarchies intermédiaires dans l’organisation de l’expression au travail, et à la fonction dévolue à celles-ci. Parfois, l’encadrement ne fait pas toujours l’objet d’une réflexion particulière, comme l’illustre le cas de « la Factorie » à l’UNEDIC, le blog SFR voire la réorganisation des services publics (DGEFIP). Et puis, que devient-il après cette proposition d’une expression directe, initiée par le PDG d’Alcatel dans son « Ask me, Ben » où il invite chaque salarié à s’adresser à lui par messagerie interne, sans intermédiaire ?

L’agent de maitrise qui occupe la fonction de rappel à l’ordre sur les horaires, les rythmes et les temps de pause, comme dans nombre de sites Renault, verra ses prescriptions bousculées après consultation des travailleurs. Cette position en porte à faux nécessite une réflexion précise sur les conséquences de l’expression directe sur son rôle, sa place dans le collectif de travail, mais aussi sur son autorité, la légitimité de son action et de ses tâches et les difficultés de réalisation de ses tâches à son poste de travail.

La place des hiérarchies intermédiaires dans l’expression au travail constitue un élément clé de la réflexion sur la dynamique des processus. Aux côtés de la direction, le management intermédiaire peut contribuer à faire croire dans l’utilité de l’expression au travail : même s’il n’y a pas de sollicitation désintéressée de la parole au travail, c’est une pièce d’un processus complet, d’une politique d’entreprise qui vise « à reprendre les rênes », à « redonner la parole à ses salariés », « à restaurer la confiance », toutes expressions avancées dans un but hautement politique de « bon fonctionnement économique » (MGEFI). Une association des différents niveaux de management paraît pertinente à cet égard.

Associer l’encadrement : la diversité des méthodes

Faciliter l’expression dans des cadres formalisés suppose quelques conditions, une réflexion sur la démarche, incluant l’amont et l’aval du temps de l’expression. Elle engage des acteurs, sur lesquels repose la confiance du salarié dans le fait que ceux-ci « feront quelque chose » de cette parole. Et tout se passe comme si la garantie d’un recueil d’expression collectif, englobant les hiérarchies intermédiaires, tenait à la méthode retenue pour faciliter l’expression :

 

- le niveau de décision où les groupes d’expression ou enquêtes sont menés importe en ce qu’il engage de manière distincte, des directions centrales, des directions fonctionnelles, des responsables de site ou d’agence, des chefs d’équipe ou de projet (…) ; et parce que les difficultés, problèmes exprimés seront saisis par une grille d’interprétation associée comme à La Poste

 

- l’animation des réunions par un cadre d’un autre service a permis d’éviter mises en cause ou prises à parti de n+1, comme chez AG2R La Mondiale ; le manager local peut ainsi être associé à un processus de développement de l’expression des salariés, dès lors qu’on lui confie, comme le feront les équipes de La Poste, le compte rendu et la remontée d’informations issues des dires des salariés. Dans ces cas-là, la présence du manager peut nécessiter de séparer un chef d’unité de ses équipes, et de lui confier une autre équipe

- l’intégration de tous les métiers dans les groupes, comme chez Renault, où s’applique une non-distinction entre les métiers. Ingénieurs ou chefs de projet sont inclus dans les séminaires menés

 

Le cadre intermédiaire : acteur, animateur, parleur ou punching ball ?

L e responsable intermédiaire peut être méfiant à l’égard de la démarche ; son absence des groupes d’expression (ou formules similaires) peut faciliter la liberté de parole ou la modifier. Il peut être mis en difficulté, lorsque ce qui s’exprime porte sur des motifs d’insatisfaction mettant en difficulté les chefs d’équipe, les responsables directs / de proximité ? L’expression directe peut alors être perçue comme un mode d’évaluation de la relation de travail et des circuits de pouvoir et d’autorité qui la traverse. La MGEFI témoigne ainsi de la difficulté de faire du management intermédiaire un acteur : d’abord opposé ou méfiant, le management a ensuite trouvé dans des réunions créées ad hoc, un lieu d’échange approprié. Ce qui s’échange sera de l’ordre de l’inquiétude face à l’avenir (manque d’information sur les options stratégiques, existence de suppressions de postes…) davantage que sur les perspectives, enjeu de prise de parole des salariés.

D’autre part, la recherche de confidentialité de leurs propos peut constituer un obstacle à leur expression dans des configurations « plénières ». A ce titre, l’exemple des espaces de dialogue de la DGEFIP montre que s’il s’agit d’un public qui peut être rétif a priori sur ce type de démarche, nombre d’entre eux se sont engagés plus avant, moyennant la précaution de créer des groupes d’expression spécifiques aux cadres.

Enfin, il a été relevé que le sentiment d’hyper-responsabilisation des cadres (DGEFIP, MGEFI, La Poste) vis-à-vis du fonctionnement de leurs services pouvait être un obstacle à l’expression de problèmes qui s’y déroulent (organisation du travail, stress, etc.).

Accorder une place d’animateur ou de contributeur au cadre intermédiaire suppose des compétences et une formation à l’animation ou à la collecte de l’expression, que la Poste souligne. Mais donner la parole implique aussi des espaces, des procédures au plus près des lieux et gestes de travail, qui bouscule les liens et relations au travail, les routines : l’encadrement peut alors être solidaire des membres de son équipe, dans l’expression des difficultés, face à la pression du chiffre ou dans une situation de réorganisation : les restitutions orales se font ainsi dans le cas de l’enquête Ma vie au travail (AG2R) auprès de tous les collaborateurs et « ce sont de véritables moment de dialogue entre les équipes et leurs dirigeants ».

Syndicats et I.R.P. : la peur du contournement et de la concurrence

S i la prise en compte effective de la parole questionne les articulations entre les dispositifs d'expression et l'ensemble des acteurs de l'entreprise, la complémentarité entre outils d'expression directe et formes institutionnelles de représentation des salariés a été beaucoup questionnée au sein du Lab.

Qu’en est-il par exemple du risque de contournement des IRP lorsque l’expression directe est initiée par les directions d’entreprises ? Ce risque paraît faible au vu de la quasi-totalité de nos exemples qui montrent que les démarches d’expression ont été construites sur la base d’un dialogue voire d’une négociation en bonne et due forme, comme à la MGEFI ou au sein d’AG2R La Mondiale.

Certes le réseau social d’Alcatel a fait peu de place au syndicalisme lors de son lancement, alors que sa mise à l’ordre du jour des négociations montre le caractère stratégique de l’enjeu. Selon les cas, il est permis de s’interroger sur le fait de savoir s’il s’agit d’une démarche délibérée du management ou si cela relève, au moins lors du lancement, d’une indifférence ou d’un désintérêt syndical.

Les activités syndicales d’organisation de la revendication sont donc également concurrencées par ces interpellations directes et en temps réel. Le travail de représentation ne trouve plus sa place et l’expression collective génère un brouillage des frontières entre prises de parole individuelles et collectives. Le cas du blog SFR en colère est à cet égard. Relevant d’une initiative intersyndicale, il reflète une situation où salariés et représentants se sont sentis trahis par la décision d’externalisation des conseillers clientèle de 3 sites en France. Sans information-consultation, et bien qu’ayant signé un accord GPEC, les termes de l’équilibre social leur semblent rompus, et provoquent dans une forme de violence et de désordre, l’expression directe dans les pages du blog. Ces développements peu anticipés lors du lancement amènent aujourd’hui ses initiateurs à s’interroger avant relance d’une initiative de ce type, sans pour autant semble-t-il les conduire à y renoncer.

Des opportunités à saisir, des complémentarités à construire

Il apparaît au travers des pratiques examinées que la complémentarité se construit mais suppose également que les acteurs se mobilisent. La recherche action de la CGT Renault montre qu'il est possible de recueillir la parole pour nourrir le travail syndical de revendication, et ce à différents niveaux de l'entreprise. L'exercice est cependant et évidemment plus hasardeux dès lors qu'il s'agit d'élargir le cercle des acteurs à impacter (au-delà des seuls militants et élus d'une organisation), en particulier si le dispositif d'expression directe est initiée par une direction d'entreprise.

Ainsi, dans les exemples AG2R La Mondiale et MGEFI discutés au sein du Lab, la possibilité reconnue aux institutions représentatives du personnel et organisations syndicales d'avoir accès à la parole exprimée par les salariés ne s'accompagne pas nécessairement d'une véritable utilisation de cette dernière par les partenaires sociaux. Au sein de La Poste, il n’apparait pas que les comptes rendus des groupes « métiers » locaux aient été vraiment mobilisés par les organisations syndicales présentes au sein de la Commission du Grand Dialogue. Chez Alcatel Lucent ou à l’Unedic, rien n’indique que les organisations syndicales tentent de saisir les potentialités éventuellement ouvertes par le réseau social interne. Enfin, une complémentarité effective peut supposer que les initiateurs de l'expression directe soient réellement en mesure d'administrer l'outil de recueil mis en place : ainsi du blog SFR, dont les limites tiennent peut-être notamment à l'absence de moyens de modérer, et plus largement d'organiser l'expression directe.

Dialogue local, groupes d’expression et réseaux sociaux interrogent la place des IRP et des organisations syndicales : doivent-elles plutôt être « les garantes de l’expression des salariés plutôt que les simples porteurs selon l’expression d’un représentant de la CFDT ? De quelle manière peuvent-elles contribuer à faire émerger un point de vue représentatif d’un collectif de travail, à partir des prises de parole des salariés et travailleurs précaires, pris individuellement ?

Ceux qui parlent et les autres

A u travers des expériences disséquées au sein de Lab, l’articulation des prises de parole (individuelle, collective) suit quelques lignes de rupture que l’on peut identifier autour de 3 facteurs-clés :

 

Les situations et contexte de la prise de parole collective : l’état des relations sociales et la situation économique de l’entreprise considérée influence les modes d’expression ; la participation à des groupes d’expression chez Renault sera facilitée par la présence de tous les métiers

 

-La typologie de la population salariée : une population plus jeune ou majoritairement composée de non cadres, saisira plus facilement la création d’un canal d’expression nouveau (SFR en colère) ; une population de cadres, anglophones, facilitera le travail en mode projet sur le réseau social (Alcatel)

 

- Les formes de responsabilité qui, sans jouer un rôle déterminant, se posent néanmoins : les risques encourus par les salariés qui s’expriment au travail et sur ses conditions de travail sont perçus comme non négligeables, en particulier chez les cadres intermédiaires.

 

A noter que si les marges de liberté restent le propre de l’expression individuelle, les paroles peuvent dépasser les réalités, notamment lorsqu’elles sont anonymes. Peut-on considérer pour autant que les salariés en situation d’anonymat ont tendance à perdre le contrôle de la situation ? La réponse d’Alcatel est claire, la signature des messages implique une appropriation individuelle de l’outil Réseau social, évitant probablement les dérapages, générant une culture d’entreprise sous forme de brefs messages comme sur le compte Twitter des organisations syndicales Alcatel qui publient des « bye bye Ben », le jour de l’annonce de la démission du DG Ben Verwaayen il y a deux mois à peine.

Par contraste, l’on sait combien dans les groupes en général certains sont contributifs et d’autres moins, mais aussi combien que le secret ou la « clandestinité » de certaines pratiques ou conditions de travail est parfois recherchée. Force fut de constater que, concernant les exclus du dialogue social (notamment au regard de leurs statuts de travailleurs intérimaires, de salariés de TPE/PME), les témoignages apportés lors de nos séances n’ont porté que de manière très marginale sur leurs situations, et ce pour deux principales raisons.

Des démarches accessibles à tous ?

L es pratiques observées se déroulaient pour l’essentiel dans des entreprises de taille importante, où les acteurs et les institutions du dialogue social étaient en place. En outre elles étaient destinées aux salariés (ou suscités par eux comme dans le cas du blog SFR) et ne s’adressaient pas aux sous-traitants ou intérimaires travaillant pour ces entreprises ou administrations : qu’elles soient tournées a priori vers la prévention des risque psycho sociaux, à la contestation de plans d’externalisation (Blog SFR) ou ouverte à des objets d’expression plus larges comme l’organisation du travail (Renault, MGEFI), les cas discutés au Lab renvoyaient à des dispositifs d’expression destinés aux salariés « insiders » et n’étaient pas conçus pour capter (et encore moins retransmettre) la parole de ces catégories « exclues » des formes usuelles de dialogue social.

Un autre aspect de la question est celui des salariés demeurant « silencieux », quoiqu’ils aient les moyens de s’exprimer ou d’être représentés. On peut clairement parler de résultats quantitatifs positifs au regard des taux de réponse dont témoignent les enquêtes de l’AG2R La Mondiale (65 %), du niveau de participation aux groupes d’expression au sein de La Poste ou de la MGEFI (même s’il s’agit pour cette dernière d’une organisation de petite taille) ou encore de la fréquentation du réseau ENGAGE d’Alcatel-Lucent ou du blog SFR. Notons à cet égard que dans chacun de ces cas, la participation des salariés n’a pas été entravée pour des raisons matérielles ou méthodologiques :

 

la démarche d’enquête d’AG2R La Mondiale de par sa méthode et des moyens consacrés s’adressait à l’ensemble des salariés. Il en allait de même pour la démarche de dialogue local à la Poste

 

- la MGEFI étant une entité de 250 salariés, la représentativité des groupes d’expression était plus rapidement atteignable que dans des entreprises de plusieurs milliers de personnes.

 

- les outils TIC sont, par nature, sans limite d’usage, même si leur utilisation peut poser question.

 

Et les jeunes dans tout cela ?

 

Les résultats quantitatifs acquis sont de fait, un premier résultat de ces démarches d’expression. Répondent-ils pour autant à la question des différentiels existants entre catégories de salariés en matière d’expression ? Difficile bien entendu d’apporter des réponses univoques à cette question, d’autant que les restitution/évaluation de ces démarches n’ont pas toujours intégré cette analyse qualitative.

 

Concernant les jeunes, si le renouvellement générationnel des mécanismes de démocratie sociale en entreprise a été réaffirmé comme un enjeu par les différentes parties prenantes du Lab au cours de nos échanges, il est difficile, au regard des éléments recueillis de distinguer des effets lisibles en matière d’implication des jeunes. La plupart des démarches engagées ne ciblaient pas de population particulière et n’avaient pour objectif spécifique la participation des jeunes. L’utilisation des TIC - largement questionnée sous l’angle du renouvellement des participants à l’expression au travail - est difficile à interpréter : si les cas de SFR ou d’Alcatel montrent des utilisations de ces outils par les jeunes, il faut relever que cela correspond au moins en partie profil de la population salariée de ces entreprises. Difficile donc d’imputer à la nature de l’outil, le type de participant.

 

Une exception notable concerne la recherche action de la CGT au sein de Renault. Celle-ci a eu pour résultat une syndicalisation importante des jeunes salariés sollicités, ceux-ci ayant eu le sentiment d’être utiles et de contribuer à changer réellement les choses concernant l’organisation de leur travail. C’est ici l’effectivité des dispositifs d’expression qui détermine l’adhésion des jeunes à ces démarches et, au-delà aux organisations qui les portent.

  

NDLR : * La synthèse des débats du 26 avril 2013 est disponible sur simple demande auprès : ce.triomphe@astrees.org
 
 
 
En savoir plus:
MGEFI
www.mgefi.fr
www.astrees.org/astrees-lab_fr_02_art_319.html ASTREES LAB, astrées, association travail emploi europe société