Nora ANSELL-SALLES

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dimanche 4 juin 2023

Tribune : Chirurgie et proximité, DANGER !

Chirurgie et proximité, DANGER !  
Article de Guy Vallancien & Jacques Meurette * reproduit  avec  l'aimable autorisation  de Guy VALLANCIEN.


La croyance selon laquelle la proximité d’un établissement de santé participe toujours à la bonne qualité des soins offerts à la population locale tient de la pure incantation. Pour preuve, les résultats des études scientifiques concernant la chirurgie qui contredisent le slogan « proximité = qualité ». Les taux de survie et de complications sont en effet directement liés à l’expérience des équipes chirurgicales et les patients pris en charge dans des hôpitaux et cliniques à très faible débit opératoire sont nettement plus exposés aux risques de décès et de complications que ceux traités dans des établissements à forte activité chirurgicale situés plus à distance.
Si un décret de 2007 détermine le seuil minimal d’interventions chirurgicales (entre 20 et 30/an) pour être autorisé à opérer les malades atteints d’un cancer, son application laisse à désirer tant le sujet s’avère politiquement explosif pour les élus locaux. Véritable scandale passé sous silence alors que cinq études analysant les résultats des opérations d’ablation pour les cancers du sein, de l’ovaire, de l’estomac, de l’œsophage, du pancréas et de la prostate, pratiquées chez plus de 270.000 patients, montrent clairement que le risque de mourir dans les 30 jours post opératoires s’avère 2 à 3 fois plus élevé lorsqu’on est soigné par une équipe qui effectue peu d’actes. Concernant le cancer de la prostate on relève 97% de complications en plus, 567% de passages en réanimation et 308% de décès en plus dans les établissements à très faible débit opératoire (10 patients ou moins/an) par rapport à ceux qui opèrent reulièrement (plus de 50 patients/an), à âges et comorbidités identiques. La baisse de la survie des patientes issues de milieux défavorisés atteintes d’un cancer ovarien est aussi démontrée, alors que les femmes qui savent fuient l’hôpital de proximité pour aller se faire opérer là où les équipes sont rodées. En clair : Mieux vaut faire 150 kms pour sauver sa peau !  
Dès lors, concentrer la réalisation des actes chirurgicaux sur moins d’établissements s’impose comme un objectif prioritaire de bonne pratique afin d’assurer une véritable égalité des chances de guérir à la suite d’une opération. Les élus défilant avec leur écharpe tricolore dans les rues de la commune pour s’opposer au transfert du petit service de chirurgie insécure vers un centre expert se trompent de combat et leur refus expose gravement les personnes les plus âgées qui ne se déplacent pas facilement ainsi que les plus démunies qui ne sont pas informées.
En 2023, une centaine d’hôpitaux et de cliniques continuent à offrir une activité chirurgicale carcinologique minimale et dangereuse. Les autorités confrontées à la restructuration du paysage hospitalier en pleine crise doivent sans tarder établir une véritable graduation de l’offre de soins. Inutile de réclamer plus de lits, de personnels et d’argent. En conservant les bâtiments et leurs personnels, les hôpitaux et cliniques à trop faible activité chirurgicale se convertiront utilement en véritables Cités Santé capables d’assurer les soins courants programmés et immédiats, les petites urgences, des consultations de prévention et de réhabilitation. Dans ses nouvelles missions de proximité le petit hôpital reconverti abritera une pharmacie, des équipes de prévention et de réadaptation, des salles de sport et de réunion pour les associations de patients. Il accueillera les personnels du secteur médicosocial et un cabinet vétérinaire dans une politique de santé globale One Health, et surtout, il adressera les patients à opérer aux centres experts, moins nombreux, mieux armés, mais plus éloignés.
  Informées de ces résultats, les autorités sanitaires au plus haut niveau de l’Etat doivent agir sans délai pour garantir un égal accès à la qualité chirurgicale pour chaque habitant de France, en dépassant les résistances corporatistes médicales et politiciennes aux effets délétères pour les patients.

*Jacques Meurette membre de l’académie de chirurgie
Guy Vallancien membre de l’académie de médecine
Tribune les Echos 24/5/2023