đ„ QUESTION A JEAN-MARTIN COHEN SOLAL "Le systĂšme mutualiste est-il une chance pour l'avenir ?"
Pour le Dr Jean-Martin Cohen Solal le systĂšme mutualiste est une chance pour l'avenir. Il en nous en donne les raisons.
La SecrĂ©taire d'Ătat auprĂšs de la PremiĂšre ministre, chargĂ©e de l' Ăconomie Sociale et Solidaire et de la vie associative, vient de me charger dâune mission afin dâidentifier les freins et les obstacles que rencontrent les mutuelles pour lâexercice de leurs missions, leur dĂ©veloppement et lâĂ©largissement de leur champ dâactivitĂ© .
Si jâai acceptĂ© cette mission, dont les conclusions pourraient ,si nĂ©cessaire, se traduire dans une rĂ©forme de la loi sur lâESS votĂ©e en 2014 sur la proposition de Benoit Hamon c'est parce que je suis persuadĂ© que la mutualitĂ© est un modĂšle d'entreprendre spĂ©cifique qui, par sa lucrativitĂ© limitĂ©e, ses valeurs de libertĂ©, de responsabilitĂ© et de solidaritĂ©, a un rĂŽle majeur Ă jouer pour contribuer Ă relever les dĂ©fis de notre sociĂ©tĂ©.
La Mutualité est le plus ancien mouvement social, mouvement qui rencontre la confiance des français (toutes les études le montrent) et qui a toujours cherché à contribuer à la réduction des inégalités .
Dans le domaine de lâassurance santĂ© ou de biens, dans le domaine de lâoffre en santĂ© et en mĂ©dico-social social elle joue un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant et de proximitĂ©.
Elle emploie plus de 170 000 personnes en France, protĂšge la majoritĂ© des français en assurance santĂ© et dans de nombreux secteur de lâassurance de biens. Elle mobilise plusieurs dizaines de milliers de responsables Ă©lus, militants quotidiens du social et de la solidaritĂ©.
De tout temps la MutualitĂ© a Ă©tĂ©, tant en assurance quâen santĂ© ou dans le domaine social, un acteur dâinnovation notamment parce quâelle est animĂ©e par ses adhĂ©rents, ses sociĂ©taires qui expriment et mettent en Ćuvre leurs besoins et adaptent les services aux Ă©volutions sociĂ©tales. De mĂȘme il n'est pas Ă©tonnant que les mutuelles soient prĂ©curseurs dans la mise en Ćuvre, dans toutes leurs activitĂ©s, de la dĂ©marche RSE.
Le principe du mutualisme est simple et part dâun constat humaniste: les mutuelles ont dĂ©ployĂ© depuis leur crĂ©ation des mĂ©canismes de solidaritĂ© pour rĂ©pondre Ă des situations graves (problĂšmes de santĂ©, rupture dâemploiâŠ) ou apporter des services souvent onĂ©reux (soins hospitaliers, perte dâautonomie, prise en charge dans le cadre dâobsĂšquesâŠ). Les fondateurs du mutualisme ont fait le postulat que ces solidaritĂ©s ne peuvent sâexercer sans lien de lâindividu avec lâensemble de la communautĂ©. Ce lien entre tous les acteurs de la communautĂ© mutualiste est donc trĂšs fort et se traduit par des principes de gouvernance qui en font des points cardinaux de son modĂšle:
âą Le principe fondamental est celui de la « non lucrativitĂ© » des activitĂ©s de la mutuelle. Celle-ci ne rĂ©munĂšre pas dâactionnaires et ses Ă©ventuels excĂ©dents sont affectĂ©s aux obligations lĂ©gales de rĂ©serves ainsi quâaux actions en faveur de ses membres.
âą Pour ses activitĂ©s dâassurance, la mutuelle se diffĂ©rencie de ses concurrents privĂ©s lucratifs puisquâen cas de dissolution, lâexcĂ©dent est dĂ©volu Ă dâautres mutuelles ou Ă des entitĂ©s non-lucratives.
âą Lâadministrateur mutualiste est Ă©lu parmi les adhĂ©rents et sâimplique dans la structure au service de lâintĂ©rĂȘt de tous les membres.
⹠Alors que, dans une société de capitaux, le pouvoir vient directement des détenteurs majoritaires du capital, dans une mutuelle le pouvoir vient de la somme de tous les adhérents pris individuellement, selon le principe « une personne = une voix », véritable clef de voûte de la gouvernance mutualiste.
âąLâ AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale demeure le principal lieu dâexpression de la dĂ©mocratie en mutualitĂ© au cours de laquelle les adhĂ©rents fixent les orientations gĂ©nĂ©rales de lâactivitĂ© de la mutuelle, Ă©lisent les dirigeants qui seront chargĂ©s de les mettre en Ćuvre et sont informĂ©s de la maniĂšre dont ces derniers se sont acquittĂ©s de leurs mandats.
âąLâ administration de la mutuelle est confiĂ©e Ă une instance Ă©lue par les adhĂ©rents, le Conseil dâadministration. Chaque mutualiste a ainsi la possibilitĂ©, sâil le souhaite, de participer directement Ă la gestion de sa mutuelle. Cette organisation originale fait que le prĂ©sident dâune mutuelle, regroupant plusieurs millions dâadhĂ©rents et gĂ©rant quelques milliards dâeuros de cotisations, est avant tout un « militant ».
Le temps long dans lequel sâinscrivent les mutuelles est une grande chance. Elles ne dĂ©pendent pas des caprices des marchĂ©s financiers, nâont pas Ă rendre des comptes aux agences de notation et aux analystes financiers. Le temps long, câest la possibilitĂ© de travailler dans la sĂ©rĂ©nitĂ© pour construire de meilleures offres pour lâadhĂ©rent, le sociĂ©taire. Lâabsence dâactionnaires Ă rĂ©munĂ©rer permet aussi de se fixer des objectifs de profit raisonnables, mesurĂ©s, rĂ©alistes.
Les mutuelles peuvent entrer dans un nouvel Ăąge, Ă condition de saisir les opportunitĂ©s du siĂšcle qui sâouvre. Les demandes de biens et de services en santĂ© (notamment la prĂ©vention) , en social Ă©voluent fortement et rapidement. Les acteurs capitalistiques classiques ne peuvent ĂȘtre les seuls Ă y rĂ©pondre. On assiste Ă une crise de lĂ©gitimitĂ© et dâefficacitĂ© des acteurs publics. Lâespace naturel dâacteurs comme les mutuelles va ĂȘtre de plus en plus important. En outre, les valeurs de lâĂ©conomie collaborative, vĂ©hiculĂ©es par la rĂ©volution digitale, sont proches de celles du mouvement mutualiste.
Cependant les acteurs mutualistes rencontrent des freins et des obstacles de nature lĂ©gislative, rĂ©glementaire , fiscale, organisationnelle,.. pour exercer pleinement leurs missions, se dĂ©velopper, Ă©largir leur champ dâactivitĂ©, Souvent entre le secteur public et le secteur privĂ©, le secteur mutualiste est comme « oubliĂ© ».
Il est donc extrĂȘmement utile que lâon prenne le temps dâidentifier ces freins et obstacles et que lâon propose des leviers pour les lever. Mais aussi de repĂ©rer les initiatives mutualistes dans le domaine de lâassurance, de lâoffre de soins (au moment oĂč l'on se dĂ©bat face aux dĂ©serts mĂ©dicaux), de la prise en charge de la perte dâautonomie, de la mise en place dâune vraie politique de prĂ©vention... RepĂ©rer ces initiatives et innovations pour les faire mieux connaĂźtre et de les dupliquer.
Je vais donc, dâici la fin 2023, auditionner les responsables du monde mutualiste tant au niveau des principales organisations de mutuelles, des dirigeants, Ă©lus et administratifs des principaux acteurs du secteur, mais aussi les responsables politiques et administratifs des tutelles et ainsi que les autoritĂ©s de supervision. JâespĂšre que mon rapport apportera un Ă©clairage permettant aux mutuelles dâĂȘtre des acteurs inventifs et innovants afin de mette Ă disposition de leurs adhĂ©rents et sociĂ©taires, mais pas quâeux, des rĂ©ponses adaptĂ©es aux dĂ©fis sociaux et societaux dâaujourdâhui et de demain.
Dr Jean-Martin Cohen Solal
Propos recueillis par Nora Ansell-Salles auprÚs du Dr Jean-Martin Cohen Solal ancien Directeur Général de la Mutualité Française.
đŽBON A SAVOIR
Le blogpost & les veilles "Mine d'Infos" rallentissent le rythme de leurs publications durant les vacancesđ«
Bel été à tous
Bonjour Nora,
RĂ©pondreSupprimerMerci pour cet article. Je ne peux m'empĂȘcher de rĂ©agir succinctement.
Un rapport supplémentaire, un de plus. Quelle finalité ?
Vers une reconnaissance du monde mutualiste ? Refonder un modÚle de société ?
Quelle prétention de ma part !
Mais je le souhaite de tout cĆur car ce n'est pas ringard.
Et ça pourrait apporter des réponses aux besoins de notre société d'aujourd'hui.
La MutualitĂ© a Ă©tĂ© copiĂ©e dans son mieux par ses concurrents sans s'attacher aux mĂȘmes finalitĂ©s.
Effectivement, c'est une affaire de femmes et d'hommes militants bénévoles.
Au cours de ces derniÚres décennies, les acteurs étaient aussi issus du salariat du mouvement mutualiste.
De sorte que l'expression des militants bénévoles a été étouffée.
La Solidarité est une valeur sûre que l'on ne retrouve pas dans la charité.
Cette Solidarité veut aider en responsabilisant la personne soutenue et lui permettre de remettre le pied à l'étrier de la vie. Devenir, redevenir un individu à part entiÚre.
Aujourd'hui, les adhérents ne perçoivent plus la différence entre les assurances et mutuelles. La banalisation est là et la Mutualité, les mutuelles donnent l'impression de subir inexorablement cette situation.
Certains rapprochement de mutuelles, de complémentaires sont contre nature.
Les grands groupes mutualistes communiquent au regard de l'importance de leurs effectifs, au regard de leur puissance financiĂšre.
Ils communiquent comme nos concurrents avec lesquels nous n'avons Ă voir.
Il faut faire autrement. La confusion pour les adhérents est donc là aussi.
Les effectifs de la Mutualité se sont erodes depuis longtemps.
Sa qualité d'employeur attaquée aujourd'hui la fragilise encore plus dans son éthique et ses pratiques .
Elle ne semble pas avoir su anticiper son avenir.
La Mutualité a toujours compté sur ses troupes, a toujours communiqué dans son espace consanguin.
Un espace trÚs fragile. Elle n'a pas cherché à s'imposer comme un modÚle de société en dehors de ses sphÚres.
Comment fonctionner quand les mutuelles en AG ou en CongrÚs de la Mutualité prennent des décisions qu'elles n'appliquont pas à leur retour.
Dans les négociations de l'installation de l'ANI, les syndicats qui auraient dû soutenir le modÚle de solidarité, ont favorisé l'entrée des assurances ou des institutions de prévoyance dans les entreprises.
Voici quelques réactions rapides de ma part car je milite depuis environ 50 ans.
Heureusement que la Mgefi et la Masfip ont toujours les valeurs.
Mais en conclusion, le rapporteur devrai aussi se rapprocher des syndicats et de ceux qui ont fait la Mutualité au quotidien.
Bonne journée.
Bien amicalement.
Jean-Jacques Guichoux
https://www.google.com/url?rct=j&sa=t&url=https://www.miroirsocial.com/participatif/le-systeme-mutualiste-est-il-une-chance-pour-lavenir&ct=ga&cd=CAEYACoUMTM0OTQ2NjA0ODc0MjQxMDgyMTUyGjZlMmM1N2Y3ZDE1NWRiZDY6Y29tOmZyOlVT&usg=AOvVaw01KVKsDZhKj6hUq93bUdXg
RĂ©pondreSupprimerđ€ espĂ©rons que les intĂ©rĂȘts des mutuelles seront "Ă©coutĂ©s "entendus et "bien dĂ©fendus"...
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