MINE D'INFOS/ Actualités en libre partage. Ce blog vous offre outre des Infos: protection sociale, culture etc. des interviews esclusives [libre de droits sous réserve de sourcer le blog]. La créatrice du blog [ex. Chef de service MGEFI] passionnée d'Afrique & RS est journaliste membre du réseau mutualiste MutElles; SEE; & ADOM. ✍️Pour proposer un sujet à la rédaction merci d'écrire à sa rédactrice en chef Nora ANSELL-SALLES pressentinelle2@gmail.com /
vendredi 15 octobre 2021
Matinée Adom du 26 octobre 2021
L'expérience Adhérent, un véritable enjeux ? OUi, mais ....
mercredi 13 octobre 2021
Interview exclusive d' Étienne Caniard
Ex... Pdt de la FNMF, collège de la HAS, États Généraux de la santé, Droits des malades...
Les lecteurs de "Mine d'infos" connaissent et suivent le parcours d'Etienne Caniard depuis de nombreuses années...
Surnommé amicalement le "docteur Caniard" rappelons qu'il fût également entre autre : président de la MAI- Mutuelle des Agents des Impôts et de la Fondation de l'Avenir.
Cet amblématique
adhérent de la MGEFI- Mutuelle Générale de l'Économie des Finances et de l'Industrie... reste un passionné de santé, protection sociale, justice...
Avant tout la chance et les rencontres. Je n’ai jamais « programmé » un parcours, des opportunités se sont présentées et j’ai pu les saisir. Les rencontres ont joué un rôle important, beaucoup de ceux qui m’ont fait confiance sont devenus des complices, des amis. La qualité des relations humaines est essentielle. La déception est rarement au rendez-vous lorsque l’on fait confiance aux autres, c’est un « investissement » presque toujours gagnant! Derrière ces rencontres, ces opportunités, il existe bien sûr un fil rouge, la santé et l’envie d’apporter des solutions pour « corriger » les inégalités et les injustices. Je ne sais pas d’où vient cette attirance pour le domaine sanitaire et social mais j’ai toujours pensé que l’éducation et la santé étaient des enjeux importants parce que ce sont deux domaines cruciaux pour éviter que les inégalités se transmettent de génération en génération. J’aurai pu m’investir dans l’éducation, cela a été la santé. j’ai eu la chance de l’aborder sous des aspects très différents, la santé publique, le financement, l’organisation de l’offre, la qualité des soins, l’hôpital, les droits des malades, la recherche… mais toujours la santé et la solidarité, avec des points de vue différents et complémentaires qui m’ont permis de mieux appréhender la complexité et de bien connaître les différents acteurs. Et bien sûr la mutualité, toujours présente dans mon parcours, du début à la fin.
Je ne sais pas vraiment ce qu’est la fibre militante, j’ai simplement toujours voulu être utile et j’ai vite compris que l’on est toujours plus efficace collectivement qu’individuellement. Mon premier engagement a été à La Croix rouge, sur l’autoroute de l’ouest, comme secouriste, puis à l’école des impots à Clermont-Ferrand où j’ai découvert la mutualité … ensuite tout s’est enchaîné. J’ai des convictions et naturellement l’envie de les partager, de convaincre …
C’est très difficile de choisir parce que j’ai eu la chance d’avoir des responsabilités passionnantes. J’ai envie d’en citer trois: les Etats généraux de la santé et la loi sur les droits des malades avec B Kouchner, une aventure extraordinaire, la Haute Autorité de Santé, la période pendant laquelle j’ai découvert et appris le plus de choses et bien sûr la présidence de la mutualité française, comment ne pas être fier et heureux d’animer un tel mouvement!
Quelle est votre plus beau souvenir à :
👉la Fondation de l'Avenir
Les contacts avec les médecins et les chercheurs et particulièrement le moment privilégié des « trophées », occasion de rencontres entre tous les acteurs de la fondation et de prise de conscience de l’utilité de ce que nous avons crée en 1986
Les visites des réalisation de terrain et particulièrement celles qui touchent au handicap. Je pense notamment à Kerpape et à l’émotion que l’on ressent en découvrant un monde d’optimisme, d’innovation, de solidarité malgré la lourdeur des handicaps et des accidents de la vie.
Les premières réunions du collège sous la présidence de Laurent Degos, nous avions vraiment le sentiment que nous allions pouvoir faire bouger les lignes. Nous nous sentions investis d’une telle mission d’intérêt général que nos réflexes professionnels, nos préoccupations de boutiques disparaissaient derrière l’envie d’avancer, rien n’est plus enthousiasmant que la création d’une structure ambitieuse et transversale.
Les rapports que j’ai pu porter, parce que c’est une expérience extraordinaire que la recherche d’un accord le plus large possible sans tomber dans le consensus mou. Notamment le rapport sur tabac et alcool, sujet qui avait déja été traité sans pouvoir dégager des orientations structurantes. Nous avons eu la chance de pouvoir rallier l’ensemble des composantes, malgré un lobbying très fort des industriel de l’alcool, derrière une approche de réduction des risques qui était admise pour les drogues illicites, pas pour les drogues légales!
Bien sûr sinon cela voudrait dire que tout ce que je souhaitais faire a été réalisé … personne ne peut se vanter d’un tel bilan, loin de là! Les regrets sont l’occasion de réfléchir et de tirer des enseignements de ses échecs. Si je devais en citer un je retiendrais mon incapacité à convaincre les mutuelles de mettre en place des indicateurs de « service social rendu » sur le modèle du « service médical rendu » des médicaments. C’était à mes yeux un formidable outil d’amélioration des pratiques des mutuelles … et aussi l’occasion de démontrer notre contribution à l’intérêt général. Malheureusement une majorité de mutuelles a craint que cela ne mette en évidence nos faiblesses plus que nos forces, et cette idée ne s’est jamais concrétisé.
Il faut prendre du recul et arrêter de faire des comparaisons ponctuelles vraies à un moment donné, démenties quelques semaines plus tard. Le meilleur exemple est la politique zéro Covid suivie par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, considérée comme exemplaire il y a encore quelques mois et aujourd’hui mise à mal par le variant delta. Finalement il semble que le facteur le plus discriminant pour évaluer les différences entre nations soit moins les politiques suivies que le degré de confiance ou de défiance envers les autorités et donc d’adhésion ou d’acceptation des contraintes. De ce point de vue malheureusement la France n’est pas la mieux placée. Par contre la crise a fait apparaître la capacité des acteurs de terrain à s’adapter, à innover dès lors qu’ils disposent de marges de manœuvre. La crise a obligé à desserrer l’étau d’une règlementation parfois pesante, tatillonne, à faire confiance aux acteurs. Il ne faudrait pas que le retour à la normale nous conduise à l’oublier. L’Etat doit faire confiance aux acteurs, alléger la règlementation en amont et développer une évaluation ex post fondée sur les résultats.
Surtout de se placer dans le long terme pour essayer de se poser les bonnes questions. Il faut comprendre que les évolutions épidémiologique
C’est un exercice qui n’a pas de sens, nous n’agissons pas de la même façon à 20 ou 30 ans qu’à 60 ou 70 et rien n’est pire que de penser que l’on peut transmettre son expérience ou recommencer sa vie ce qui revient au même. Je pense plus aujourd'hui.
🎙Propos recueillis par Nora Ansell-Salles
📚C' EST À LIRE :
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📖 La construction d'une Europe dotée d'un socle des droits sociaux
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📖 Santé : je veux qu'on m'écoute ! Patients, soignants, citoyens, ouvrons le débat
Gaby Bonnand et Étienne Caniard
lundi 11 octobre 2021
PLFSS 2022 : un projet de loi de fin de mandat
Cette année encore, le PLFSS est très lourdement impacté par la pandémie. La Mutualité Française attend une concertation sur la mise en œuvre de la prise en charge de psychothérapies par la Sécurité sociale. Par ailleurs, la Mutualité Française regrette l’absence de financement pour le grand âge et l’autonomie.
Le PLFSS pour 2022 reste très marqué par la crise sanitaire et la mise en œuvre du Ségur de la santé. Les dépenses de santé continuent de croître pour l’ensemble des acteurs en France, et ce d’une manière exceptionnelle. A ce titre, l’ONDAM 2022 (hors covid) est à +3,8%, après un ONDAM 2021 (hors covid) à +6,6%.
L’évolution des dépenses de santé est marquée notamment par le rattrapage de soins et la mise en œuvre de la réforme du 100% santé. Pour l’ensemble des complémentaires santé, on constate sur le 1er semestre 2021 une hausse importante des prestations : +9% par rapport au 1er semestre 2019, soit 1,450 milliard d’€ en plus. Les prestations progressent très sensiblement en audiologie (+100% soit 277 millions d’€ de plus qu’au premier semestre 2019) et en dentaire (+45% soit 958 millions d’€ de plus qu’au 1er semestre 2019).
Un PLFSS qui améliore l’accès aux droits
Parmi les mesures de ce PLFSS, la Mutualité Française salue celles qui visent à améliorer l’accès aux droits et aux soins des assurés sociaux comme la prise en charge de la contraception des jeunes femmes jusqu’à 25 ans, l’indemnisation des victimes exposées aux pesticides, l’accès facilité à la filière visuelle pour les adultes de moins de 42 ans, ainsi que la simplification de l’accès à la complémentaire santé solidaire et l’entrée dans le droit commun de la télésurveillance.
Souhaitant prendre toute sa place en matière de copaiement des dépenses de santé et de gestion du risque de manière claire pour ses adhérents et les professionnels de santé, la Mutualité Française approuve également l’entrée dans le droit commun de la télésurveillance. « Il est temps d’en revenir à la complémentarité historique, robuste, entre la Sécurité sociale et les organismes complémentaires à laquelle les Françaises et les Français sont très attachés. Cette complémentarité est le ciment d’un système de protection sociale performant au bénéfice des assurés sociaux, qui leur permet d’avoir le reste à charge en santé qui est le plus faible d’Europe », rappelle Eric Chenut, président de la Mutualité Française.
Santé mentale : une absence de mesure et un manque de concertation
Très investie pour accompagner les évolutions dans ce secteur, la Mutualité Française avait accueilli favorablement les annonces du Président de la République lors des assises de la santé mentale, en particulier sur la prise en charge des consultations de psychologues. Or aucune mesure ne vient concrétiser ces annonces dans ce PLFSS.
Dès lors, la Mutualité Française attend des mesures dédiées à la prise en charge de la santé mentale. Elle attend également l’engagement d’une concertation de tous les acteurs sur le financement et la mise en œuvre de ces consultations.
« Si la proposition faite par le Président de la République va dans le bon sens, la question du tarif de la consultation est centrale, quand on sait que le prix moyen d’une consultation est de 55€. Mais pour bien calibrer cette mesure, la concertation avec l’ensemble des acteurs– professionnels de santé, assurance maladie et complémentaires santé – est nécessaire en amont puis dans la durée pour garantir la qualité des prestations et l’accès aux droits. C’est une condition nécessaire à la réussite d’une réforme à l’instar du 100% santé. En effet, cette réforme est un succès en dentaire et en audiologie comme en attestent les dépenses, plus importantes que les prévisions » explique Eric Chenut, président de la Mutualité Française.
Un rendez-vous manqué pour le grand-âge
La Mutualité Française regrette le manque d’ambition et le peu de mesures relatives à l’autonomie, tant sur le volet de l’âge que du handicap. Si certaines mesures constituent une avancée (tarif plancher de l’aide à domicile, la nouvelle mission des Ehpad pour être un centre ressource sur un territoire), elles restent largement insuffisantes pour accompagner une véritable transformation de l’offre, proposer une solution pérenne aux besoins des personnes et répondre à la nécessité absolue de baisser leur reste à charge. « Le PLFSS 2022 ne constitue pas une alternative efficace à la réforme tant attendue sur le Grand âge et l’Autonomie. La question du financement de la dépendance en particulier, reste entière » commente Eric Chenut, président de la Mutualité Française.
Enfin, la FNMF conteste la mesure d’alignement sur le régime privé de la fiscalité de la participation des employeurs publics à la complémentaire santé de leurs agents. En effet, cet article du projet de loi fait explicitement le choix en faveur de contrats obligatoires et préempte ainsi les discussions en cours entre les organisations syndicales et les employeurs publics.
Télécharger le communiqué de presse au format PDF
À propos de la Mutualité Française
Présidée par Éric Chenut, la Mutualité Française fédère la quasi-totalité des mutuelles en France. Elle représente 518 mutuelles dans toute leur diversité : des complémentaires santé qui remboursent les dépenses des patients, des mutuelles couvrant les risques de prévoyance et de retraite mais aussi des établissements hospitaliers, des services dédiés à la petite enfance et des crèches, des centres dentaires, des centres spécialisés en audition et optique, des structures et services tournés vers les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées.
Les mutuelles interviennent comme premier financeur des dépenses de santé après la Sécurité sociale. Avec leurs 2 800 services de soins et d’accompagnement, elles jouent un rôle majeur pour l’accès aux soins, dans les territoires, à un tarif maîtrisé. Elles sont aussi le 1er acteur privé de prévention santé avec plus de 8 000 actions déployées chaque année dans toutes les régions.
Plus d’un Français sur deux est protégé par une mutuelle, soit 35 millions de personnes.
Les mutuelles sont des sociétés de personnes à but non lucratif : elles ne versent pas de dividendes et l’intégralité de leurs bénéfices est investie en faveur de leurs adhérents. Régies par le code de la Mutualité, elles ne pratiquent pas la sélection des risques.
Présidées par des militants mutualistes élus, les mutuelles représentent également un mouvement social et démocratique, engagé en faveur de l’accès aux soins du plus grand nombre.
Maladie coeliaque : se faire diagnostiquer EN PHARMACIE
Mais, attention surtout à ne pas s’auto-diagnostiquer « intotérant au gluten » à tort, sur la foi de symptômes divers et/ou de troubles digestifs prolongés, voire par simple effet de « mode », et à se mettre
au régime sans gluten sans la moindre justification ! Or, il est possible de détecter les anticorps spécifiques de la maladie, les IgA anti-transglutaminase … A la condition expresse, justement, de ne
pas se faire tester après avoir supprimé le gluten de son alimentation, ce qui rend, en effet, les résultats faussement négatifs, au risque de passer à côté d’une MC.
DES TESTS EN PHARMACIE simples et fiables
Chargée de la communication
Académie nationale de Pharmacie
06 09 48 50 38
INTOLERANCE AU GLUTEN
Vrai / faux ?
En collaboration avec l’
2ème Grand débat avec le public de l’Académie nationale de Pharmacie
Mercredi 13 octobre 2021 / 14 h à 17 h
Salle Quinine, Faculté de Pharmacie de Paris, Université Paris Descartes 4 avenue de l’Observatoire Paris 75006
Entrée libre sur simple réservation http://pharmacie.
https://www.acadpharm.org/dos_
dimanche 10 octobre 2021
jeudi 7 octobre 2021
Grâce à Dieu...
#Procès13novembre
La rédaction de Mine d'infos recommande à tous ceux qui souhaitent suivre régulièrement ou ponctuellement le procès 👉 le compte de @GuillaumeAuda
Gd reporter de #France5 dont le LT numéroté est très bien fait.
mercredi 6 octobre 2021
AG FNMF 2021
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Sommet mondial de la santé mentale
Sommet mondial de la santé mentale « Mind Our Rights, Now ! » - 5 octobre 2021
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé,
Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies,
Madame la Directrice Générale de l’UNICEF,
Mesdames et Messieurs les responsables de toutes les institutions internationales représentées ici,
Votre Majesté, Madame la reine Mathilde de Belgique,
Votre Altesse royale, Madame la princesse Mabel van Oranje-Nassau, des Pays-Bas,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les professionnels, les experts, les représentants des institutions, des organisations non gouvernementales et de la société civile, des personnes concernées et des familles.
Chers amis,
Au nom de la France et du Président de la République Emmanuel Macron, je vous souhaite la bienvenue, ici à Paris, pour ces deux journées du 3ème sommet mondial sur la santé mentale. Je vous remercie de votre participation.
C’est une très grande fierté et une grande responsabilité pour la France, patrie des droits de l’Homme, d’organiser cette édition du sommet mondial dédiée aux droits en santé mentale : « Mind our rights now ! ».
C’est aussi un immense honneur pour moi, ministre des solidarités et de la santé, d’en ouvrir les travaux.
Ce sommet prend place dans un contexte particulier, qui justifie d’ailleurs des conditions d’organisation singulières, je veux bien entendu parler de la pandémie mondiale de la Covid, qui perdure et qui nous commande de ne pas baisser la garde. Elle nous a contraint à reporter d‘un an ce sommet prévu initialement en octobre dernier ; elle nous oblige aujourd’hui à tenir l’événement pour partie en visio-conférence. Nous aurions bien sûr préféré vous accueillir tous, mais cette crise nous apprend à nous adapter.
Mais dans le même temps, cette crise sanitaire souligne l’urgence et justifie plus encore l’opportunité de cet événement mondial sur la santé mentale.
La Covid en effet marque les corps, mais tout autant les esprits. Des expériences de vie diverses et éprouvantes ont créé de la souffrance psychique chez nombre de nos compatriotes.
C’est la confrontation soudaine avec la mort ; c’est l’angoisse de la maladie et de ses séquelles ; c’est l’incertitude de ses conséquences économiques, individuelles et collectives, et la peur de basculer dans la précarité ; c’est l’isolement social et la perte du lien avec les autres…
Les données recueillies en France tout au long de la crise nous montrent ainsi que près d’un quart des français déclarait un état dépressif fin avril dernier.
Si ce chiffre a légèrement diminué ces derniers mois, il reste élevé. Et les autres indicateurs qui pourraient signaler une amélioration ne marquent pas d’évolution significative : il en est ainsi de la satisfaction de vie, du maintien à un niveau élevé des états anxieux, des problèmes de sommeil, voire de la prégnance des pensées suicidaires.
Certes, la crise sanitaire ne nous a pas fait découvrir la santé mentale comme déterminant essentiel de la santé globale, pour l’individu comme pour la société. Certes le Gouvernement français n’a pas attendu la crise pour inscrire la santé mentale comme une priorité de sa politique de santé.
Mais de fait, la crise sanitaire a conduit à une prise de conscience encore plus unanimement partagée de l’importance de la santé mentale, et donc, de l’engagement collectif renforcé qu’elle exige.
Par ailleurs, si la crise a mis en évidence les failles et les limites de nos dispositifs de prise en charge de la santé mentale, elle a révélé aussi les formidables capacités d’engagement, de mobilisation et d’innovation de leurs acteurs – professionnels, institutionnels, usagers et aidants – pour conduire les évolutions nécessaires de nos réponses.
La pandémie a replacé la santé mondiale, et particulièrement pour la santé mentale, au coeur de nos priorités. Elle a occasionné une mobilisation inédite de nombreux pays.
Cette mobilisation pour la santé mentale qui se généralise et s’accélère au plan international, renforce la pertinence de la démarche engagée il y a trois ans par l’Alliance des défenseurs de la santé mentale et du bien-être.
Le sommet de Paris aujourd’hui prolonge le mouvement initié par les rencontres de Londres en 2018 et d’Amsterdam 2019.
Son ambition est d’être un nouveau jalon dans la prise en compte de la santé mentale, en contribuant au maintien dans le temps de cette mobilisation internationale au service des personnes en souffrance psychique.
En effet, nous sommes convaincus que cette dynamique internationale est un levier pour mobiliser les politiques nationales, mettre au point des réformes, les conduire et favoriser les investissements dont ce champ à besoin.
Le thème des droits en santé mentale retenu pour le sommet fait aussi pleinement écho à l’actualité : le respect des Droits fondamentaux dans les systèmes de prise en charge des personnes ayant un problème de santé mentale et/ou en situation de handicap psychique, est l’un des sujets cruciaux mis en lumière pendant la crise sanitaire.
La question des Droits en Santé mentale est en effet posée partout dans le monde aujourd’hui. Elle s’inscrit en cohérence avec de nombreux textes et programmes internationaux, tels que :
- Les résolutions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur la santé mentale et les droits de l’homme ;
- La Convention des Nations-Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées (CIDPH) ;
- Le programme QualityRights de l’OMS, outil d’accompagnement aux changements des pratiques dans les services de psychiatrie et santé mentale.
La dynamique internationale n’a jamais été aussi porteuse, au vu du nombre d’initiatives qui émergent et du nombre de voix qui s’élèvent pour témoigner et plaider en faveur d’un plus grand respect des Droits en santé mentale. Le sommet s’appuie sur cette mobilisation internationale.
Cette mobilisation de la France en faveur des droits s’inscrit dans une approche globale de notre politique de santé mentale dont je souhaite rappeler en quelques mots les enjeux et les lignes directrices, avant d’évoquer les objectifs que nous proposons d’assigner à ce sommet.
En France, les dépenses de santé mentale sont notre premier poste de dépenses de santé, avec plus de 23 Mds € ; 30 Md€ avec les aides indirectes et plus de 110Md€ pour le fardeau économique total des troubles psychiques.
Nous avons des professionnels, des équipes, des établissements et des services de grande qualité, pleinement investis, mais la crise Covid a souligné les efforts que nous avions encore à faire en matière de prévention, de lutte contre la stigmatisation de la maladie mentale et de développement des réponses ambulatoires.
C’est pour répondre à ces défis que le Gouvernement a engagé il y a trois ans une stratégie complète et cohérente, autour de trois priorités :
- promouvoir la santé mentale et prévenir la souffrance psychique ;
- garantir des parcours de soins de qualité, accessibles et coordonnés ;
- favoriser l’insertion sociale et la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique.
Cette feuille de route vise à dépasser une vision uniquement sanitaire, pour répondre à tous les besoins inhérents à la santé mentale.
Il y a quelques jours, cette ambition a été hautement réaffirmée par le Président Emmanuel Macron lui-même, en clôture des Assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie, qui rassemblaient tous les acteurs impliqués. Il a ainsi appelé à une mobilisation collective et annoncé un renforcement significatif de notre investissement en faveur de la santé mentale.
C’est donc dans ce contexte où la santé mentale est au coeur de nos préoccupations et de notre actualité, que prend place ce sommet. Nous comptons beaucoup sur la richesse de ses échanges et de ses conclusions, pour continuer à avancer, non pas en solitaires, mais bien en nous inscrivant dans ce mouvement d’ensemble qui porte la communauté internationale tout entière.
Après Londres 2018 et Amsterdam 2019, Paris doit être le sommet qui pérennise ce rendez-vous annuel. Ce rendez-vous représente en effet une interface tout à fait originale entre les grands textes internationaux, les acteurs de terrain et les décideurs politiques.
Ensuite, il s’agit de susciter l’adhésion du plus grand nombre de pays possible au projet d’un rendez-vous annuel pour des échanges internationaux, comme levier pour soutenir les pays dans leurs politiques nationales.
A cet effet, il me semble que ce sommet doit avoir une double ligne directrice :
- D’une part, illustrer et convaincre par ses travaux et ses échanges qu’il est possible, même pour des pays ne disposant pas encore des systèmes de santé les plus robustes, de garantir, par le respect des droits des personnes, un parcours de vie et de soins satisfaisant aux personnes ayant un problème de santé mentale ou en situation de handicap psychique ;
- D’autre part, consolider comme une vraie force motrice pour la communauté internationale et avec l’appui de l’OMS, le leadership des pays qui se sont particulièrement engagés en faveur de la santé mentale.
A ce titre, le prisme des Droits, fil conducteur de ce sommet, offre une perspective universelle et fédératrice, qui doit bénéficier à tous les acteurs.
Enfin, il s’agit, par quelques propositions concrètes à débattre, d’intensifier à l’issue de ce sommet, la structuration des échanges entre les professionnels, la société civile et les décideurs politiques, dans une approche réseau. L’inclusion ou le renforcement du volet « santé mentale » dans certaines actions internationales pourraient être recherchés. A cet égard, nous attendons des recommandations des groupes de travail de cet après midi et de demain matin.
Le programme qui vous est proposé pour ces deux jours entend répondre à ces objectifs.
Je tiens enfin à remercier tout particulièrement, toutes celles et ceux, institutions internationales, experts gouvernementaux, experts d’expérience et professionnels, français et étrangers qui se sont mobilisés depuis des mois pour faire de ce sommet un succès.
Ma participation à différents moments de ces deux jours, ainsi que celle de Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre en charge des personnes handicapées, témoignent de toute l’importance que nous accordons à l’événement. Nous serons très attentifs à ses conclusions.
Je souhaite pleine réussite à vos travaux.
Version pdf :
mardi 5 octobre 2021
Accompagner les femmes victimes de violences conjugales...
Pour l'annulation des sommets France-Afrique...
Martine Boudet coordinatrice de Résistances africaines à la domination néocoloniale (Le Croquant, 2021)[1]
Que l’équipe organisatrice de Montpellier, et spécialement Charlotte Géhin son animatrice, soit remerciée pour la remarquable préparation de cet événement, cela dans un climat rare de convivialité et d’efficacité conjuguées. C’est un exemple d’élaboration locale et autogérée.
Il s’agit bien d’un évènement qui réunit en ce jour trois anciens ministres de pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Mali, Togo), Clotilde Ohouochi, Aminata Dramane Traoré et Kako Nubukpo ainsi que des expert.es des problématiques néo et postcoloniales. A ce titre, et grâce également aux autres événements du contre-sommet (qui se tiendront du 7 au 9 octobre prochain)[2], le sommet officiel n’aura pas le monopole et l’honneur (seul) des « expertises » et des « préconisations» de qualité. L’avenir dira si la médiation d’intellectuel.les tel.les Achille Mbembe pour « réinventer la relation Afrique France » peut jouer un rôle pour réduire les clivages abyssaux existant entre ces deux mondes[3].
L’équipe de l’ouvrage Résistances africaines à la domination néocoloniale, publié aux éditions du Croquant en mars dernier, est reconnaissante également de la part belle faite à notre publication. Nous partageons les un.es et les autres l’idée que des évolutions à l’échelle des relations Afrique France ne pourront se faire valablement et durablement sans des élaborations mixtes, qui fassent intervenir des spécialistes du Sud et du Nord, des coopérations Sud-Sud, du panafricanisme et de l’altermondialisme. Gus Massiah, Jacques Berthelot, Saïd Bouamama, entre autres auteur.es présent.es ce jour, pourront compléter le propos sur ce sujet.
La photo de couverture du livre, qui est reprise sur l’affiche et les visuels du colloque, porte sur un groupe de femmes agricultrices du Nord Mali. Comme exemple des populations qui sont étrangères aux mécanismes de domination et qui promeuvent des formes de coopération locale et autogérée.
L’objectif partagé ici, entre les différentes équipes, est bien sûr de contribuer à desserrer l’étau d’une françafrique, d’un système néocolonial unique en son genre, qui asphyxie toujours davantage les peuples du Sud, sans apporter pour autant au peuple français le bien-être moral qu’il serait en droit d’attendre d’une coopération mutuellement profitable, équitable. C’est à l’étude des mécanismes financiers, militaires, diplomatiques, linguistico-culturels… de ce verrou, et d’alternatives réalisables que s’est attelée l’équipe de Résistances africaines. C’est la médiatisation de cet enjeu géo-politique, encore trop méconnu et occulté, auprès des mouvements sociaux, de candidat.es à des responsabilités politiques…que cette publication se donne pour objectif, entre autres publications de ce champ. Avec, en complément, le désamorçage de l’idéologie sécuritaire, source d’extrémisme nationaliste ainsi que d’autoritarisme et de xénophobie d’Etat. Le pari commencera à être gagné quand, en réponse aux thèses dangereuses sur « la guerre sans fin au terrorisme » et sur « le grand remplacement », seront mises sur la place publique les responsabilités de l’Etat français et de dictatures africaines complices, dans l’insécurité globale et ses suites en matière de migrations notamment, ce que subissent les peuples au quotidien.
Heureusement, notre tâche a été facilitée par l’actualité, surtout du côté du Sud, ponctuée qu’elle est de débats toujours plus intenses, cela sur ces deux problématiques en particulier: l’abolition du franc CFA et le départ des troupes françaises du Mali et du Sahel. Notre livre s’est fait l’écho de ces campagnes d’opinion et le colloque d’aujourd’hui apportera sans aucun doute une pierre significative au débat.
Bons débats et fructueux travaux !
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Table-ronde sur les réparations nécessaires en Afrique
Intervenante Clotilde Ohouochi, modératrice Martine Boudet
Questions
Madame Ohouochi, vous êtes historienne de formation, écrivaine et conférencière. Vous avez été ministre de la Solidarité, de la Santé, de la Sécurité sociale et des Handicapés en Côte d'Ivoire, d'octobre 2000 à décembre 2005 et ancienne conseillère spéciale près de la présidence de la République en charge de l’Assurance maladie (de 2006 à 2011).[1] Cela sous la présidence du socialiste Laurent Gbagbo, qui, pour rappel, était le leader du FPI/Front populaire ivoirien.
A ce titre, vous avez vécu de près la mobilisation démocratique dans votre pays et dans la région, ainsi que la crise politique qui a démarré avec le coup de force des rebelles du Nord avec l’aide d’alliés extérieurs (Burkina Faso, France) à partir du 19 septembre 2002, et qui a abouti à la partition du pays, et à une guerre civile de dix ans.
Pourriez-vous nous parler des conditions d’exercice des gouvernements de l’époque, des principaux mandats qui ont pu être mis en application (en matière de démocratie et de développement), des échecs, en somme de leur bilan politique?
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Dans ce contexte, quel a été votre mandat ministériel personnel ? Votre bilan concernant la réforme du système de protection sociale nous intéresse particulièrement. Vous avez publié un ouvrage, L'assurance maladie universelle (AMU) en Côte d'Ivoire - Enjeux, pertinence et stratégie de mise en œuvre (à L’harmattan en 2015).[2] Avec cette présentation par l’éditeur :
Le préambule de la Constitution de l'OMS affirme clairement que «La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain.» La Constitution ivoirienne d'août 2000 emboîte le pas à cette disposition pertinente de l'Organisation mondiale de la santé en stipulant : «L'Etat garantit à tous l'égal accès à la santé.» Le gouvernement de la Deuxième République, dès son avènement en octobre 2000, accède à cette exigence constitutionnelle par la mise en oeuvre, à partir d'octobre 2001, d'un projet d'assurance maladie obligatoire comme moyen d'accessibilité des populations à des soins de santé de qualité.
« Véritable innovation en Afrique subsaharienne, principalement en matière de mécanisme d'extension de la couverture santé, l'Assurance Maladie Universelle devient l'un des grands chantiers de la politique sociale du gouvernement. L'urgence en la matière est réelle et incompressible, d'autant que le paiement direct des soins de santé instauré par l'Initiative de Bamako produit des effets pervers, notamment l'exclusion et l'éloignement des populations, surtout les plus démunies, des structures de soins avec, à la clé, la dégradation des indicateurs socio-sanitaires.
L'Etat doit, par conséquent, créer des conditions idoines pour se substituer aux mécanismes traditionnels d'aide et de soutien, en inventant une politique de solidarité nationale ambitieuse, audacieuse, moderne, et rationnelle. Cet essai participe avant tout de la volonté affirmée de montrer que l'Assurance Maladie Universelle est possible en Afrique. Les pays africains, et principalement la Côte d'Ivoire, ont la capacité de faire croître harmonieusement des mécanismes d'Assurance Maladie Universelle malgré leur relative pauvreté économique. »
Comme vous l’écrivez, c’est un projet de service public d’avant-garde, à l’échelle de la région. Concernant la position de la France, votre article intitulé « L’AMU ou les leçons d’une expérience inachevée » indique :
Aux réunions statutaires de la Conférence interafricaine Prévoyance sociale (Cipres), les experts français faisaient, sournoisement, une contre-publicité de l’AMU pour empêcher les autres pays africains de suivre l’exemple ivoirien. Le but de cette « guerre » réside dans la volonté des responsables français de protéger les intérêts colossaux que génèrent les maisons d’assurance hexagonales établies en Côte d’Ivoire. La politique du tiers payant généralisé, couvert par les organismes de l’AMU, ne réservait en effet plus que la portion congrue de la couverture complémentaire à l’assurance privée. Mais les autorités françaises voulaient, aussi et surtout, continuer à avoir l’initiative de la décision pour tout ce qui concerne la vie de leurs anciennes colonies.[3]
Quel a été le suivi de l’AMU, sous le régime de Alassane Ouattara ?
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Pourriez-vous déterminer les différentes responsabilités du passif ivoirien ? Responsabilités nationales (des différents camps) et internationales? Quelle est la responsabilité spécifique de la France, à votre avis, sous les diverses présidences françaises depuis 2002 ? Un rendez-vous a t’il été manqué avec le premier ministre de la cohabitation, Lionel Jospin du PS, qui déclarait «ne pas vouloir intervenir dans les affaires intérieures de la RCI» ?
Quel bilan faire en particulier de l’opération Licorne pour laquelle le groupe parlementaire communiste a demandé vainement en 2011 et en 2012 (soit après la chute du gouvernement Gbagbo) une commission d’enquête parlementaire ? [4]
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L’actualité Afrique-France s’est traduite récemment par les demandes d’excuses de l’exécutif français, sous la présidence d’Emmanuel Macron, à l’égard des responsabilités dans le génocide des Hutus et dans les massacres et mauvais traitements de Harkis à la fin de la guerre d’Algérie. Des réparations morales ou matérielles sont à l’étude. Quelle analyse faites-vous de cette évolution ?
Pensez-vous que des excuses et des réparations devraient être à l’étude également, concernant les relations franco-ivoiriennes ? Si tel est le cas, sous quelle forme et dans quels domaines devraient-elles intervenir, à votre avis ?
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Quelle est votre analyse de la situation en Afrique francophone, d’une manière générale, depuis la chute de la présidence Gbagbo en 2011? Celle-ci est considérée par certains observateurs comme le pilier principal du processus de démocratisation qui a été initié dans les années 90, à la faveur de la fin de la guerre froide (de la chute du mur de Berlin). D’autres perspectives se dessinent-elles ? Quel renforcement stratégique (organisationnel, médiatique…) serait nécessaire ?
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Le sommet officiel Afrique-France peut-il apporter des perspectives d’avenir, selon vous ? La médiation d’Achille Mbembe « pour la refondation de ces relations» a-t-elle des chances d’aboutir en l’état?
Table-ronde sur les réparations
Je vous remercie de l’honneur que vous me faites en m’invitant à ces assises. Merci aux organisateurs, principalement à Martine Boudet que j’ai eu l’occasion de rencontrer à Grenoble, il y a environ deux ans. Merci de me permettre de prendre part à cette rencontre pour, ensemble, jeter un regard (critique) sur la pertinence et la justification de ces sommets, questionner les fondamentaux des relations entre le Continent africain et la France et esquisser quelques pistes de solutions. C’est la 2e fois que je participe à un contre-sommet en tant qu’intervenante. La première fois, c’était en 2017, plus précisément les 30 juin et 1er juillet 2017, dans le contexte du vaste mouvement d’opposition à la tenue du G20 à Hambourg en Allemagne. J’étais invitée par la Gauche allemande, notamment, Die Linke Partei, à traiter avec d’autres panélistes, le thème général de la liberté et la souveraineté des États africains face au « Plan Marshall pour le développement de l’Afrique » proposé par Mme Angela Merkel, et explorer la voie du changement de paradigme dans les relations entre le continent africain et les états occidentaux.
Intervenir en dernière position dans une rencontre de ce genre est une chance incroyable parce que tout a été dit et bien dit. Je n’ai plus qu’à…
Si je me réfère au sujet qui m’a été proposé par les organisateurs, il s’agit de traiter la question des réparations nécessaires en Afrique, les réparations pour tous les préjudices et traumatismes subis par notre peuple tout au long de l’Histoire, au cours de sa rencontre avec l'Occident. Mais avant d’aborder la question des réparations, j’aimerais partager avec vous mon expérience personnelle de la manifestation de la Françafrique. La Françafrique n’est pas une idéologie mais le produit du pragmatisme et de la raison d’État. Le dogme qui le sous-tend, c’est l’intérêt supérieur de la France. Cela a été bien démontré tout le long de nos échanges de ce jour. Et comme l’a si justement écrit le journaliste François Mattéi de regrettée mémoire dans son ouvrage « Côte d’Ivoire : révélations sur un scandale français », et je cite : «la Françafrique, c’est un triple cadenas : politique, militaire et financier ». Ce triptyque a toujours sous-tendu les relations entre la France et les pays de sa sphère d’influence en Afrique. Le mouvement impérialiste s’est structuré autour de 3 types d’acteurs qui ont marqué, dans l’ordre chronologique, les étapes de l’aventure coloniale : les Marchands (à partir de 1870), les Missionnaires avec la méthode de pénétration pacifique (1893-1908) et les Militaires qui ont imposé la gestion coloniale par la manière forte (1908-1915). C’est ce qu’on a appelé les 3M. Les époques changent, les méthodes, elles, restent immuables. Toutes ces stratégies savamment élaborées n’ont qu’un seul objectif : conférer prestige et grandeur à la France et conserver son rang au niveau international.
C'est dans ce contexte françafricain flamboyant qu’arrive au pouvoir le socialiste Laurent Gbagbo, en octobre 2000. Il faut dire qu’il n’avait pas le profil des chefs d’Etat africains estimés par Paris. Il est issu d’un moule non conventionnel et affiche à l’entame de sa gouvernance des ambitions indépendantistes et souverainistes évidentes. La diversification des partenaires commerciaux de la Côte d’Ivoire, les réformes structurelles, politiques, économiques et sociales entreprises indépendamment des injonctions françaises en sont quelques éléments d’illustration. Laurent Gbagbo, c’est le vilain petit canard dont la présence incongrue dans le système trouble la quiétude des gardiens du temple de la Françafrique qui redoutent de voir l’édifice s’effondrer. Dès lors, il n’a profité d’aucun délai de grâce, n’a eu aucun moment de répit. Vilipendé, haï, cerné de toutes parts, agressé il est renversé en avril 2011 par une coalition internationale dirigée par Paris.
L’une des réformes structurelles qui irritaient au plus haut point les autorités hexagonales étaient le projet d’instauration d’un système d’Assurance Maladie Universelle initié par le gouvernement ivoirien dans le cadre de sa politique de solidarité nationale. Cet important chantier novateur se présente comme une réponse adéquate aux problématiques de financement de la santé en Côte d’Ivoire. Les initiatives antérieures conçues et imposées de l’extérieur telles que l’Initiative de Bamako ou le choix de la mutualité ou encore la micro-assurance ayant montré leurs limites. Au moment de l’étude du projet en 2001, environ 6% de la population ivoirienne, seulement, bénéficiaient d’une couverture pour le risque maladie. Il s’agit notamment des travailleurs des secteurs modernes de l’économie et leurs familles ainsi que ceux des professions libérales. Étaient par conséquent exposés aux aléas de la maladie les populations en milieu rural, les travailleurs du secteur non structuré (informel) et les demandeurs sociaux. Soit 94% de la population globale. Les indicateurs socio-sanitaires situaient également l’espérance de vie autour de 46 ans. L’instauration d’un système d’assurance-maladie devait donc permettre d’offrir une plus grande accessibilité des populations à des soins de santé de qualité et de faire reculer, de façon significative, les frontières de la maladie et de la mort. Les études de faisabilité ont montré que le pays possédait sur le plan interne les capacités scientifiques et techniques de même que les potentialités financières pour mener à bien une telle entreprise. Mais ce projet qui se présentait comme une approche novatrice du financement de la santé en Afrique subsaharienne, une véritable réponse en matière de mécanisme d'extension de la couverture santé à tous, va évoluer dans un environnement réfractaire et se heurter à la réticence de la communauté internationale et l’hostilité de la France qui estime, à tort ou à raison, que cette réforme pourrait menacer ses intérêts politiques et économiques. Une guerre civile, venue du septentrion ivoirien, préparée depuis la base arrière du Burkina-Faso et au-dessus de laquelle plane l’ombre de la France, va mettre un coup d’arrêt à ce projet.
Aujourd’hui, tirant enfin leçon de l’échec de l’Initiative de Bamako, les pays d’Afrique subsaharienne s’engagent sur la voie de l’Assurance Maladie Universelle comme réponse à la problématique cruciale du financement de la santé et de l'accessibilité des populations aux soins. Il a fallu pour cela que, dans la continuité des conclusions du G20 de Cannes en novembre 2011, l’Assemblée Générale des Nations Unies adopte, à l’initiative de la France, le 12 décembre 2012, une résolution en faveur de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) dans les pays du Sud. Ce que la Côte d'Ivoire depuis 2001 préconisait. Cependant, il faut relever que l’Assurance Maladie (de même que l’ensemble des régimes de systèmes de sécurité sociale), née en Europe au XIXe siècle avec la révolution industrielle et l’émergence du salariat, a été le fruit et l’aboutissement de nombreuses et longues conquêtes historiques du corps social. Or, dans le contexte africain, l’assurance maladie obligatoire est plutôt l’émanation d’une volonté politique affichée. Cette initiative qui, ailleurs, a permis d’apporter des progrès considérables au bien-être des populations, peut être envisagée pour les sociétés africaines en pleine mutation et au sein desquelles la promotion d’une culture proactive et préventive gagne de plus en plus de terrain. A condition que les États ne ratent pas le virage par manque de vision et de stratégie d'approche.
Concernant la responsabilité spécifique de la France, sous les diverses présidences françaises depuis 2002, la littérature en la matière est abondante. Depuis 2002, une politique de « rectification » et de « reprise en main » a été minutieusement élaborée par la France pour évincer Laurent Gbagbo du pouvoir. De l’accord de Marcoussis jusqu’au bombardement de la résidence présidentielle le 11 avril 2011, tout était mis en œuvre pour atteindre ce but. M. Nicolas Sarkozy disait sans ambages : on a sorti Gbagbo pour installer Ouattara. Les évènements survenus en Côte d’Ivoire et l’implication de la France dans une guerre civile interrogent. Auraient dû être défendues la neutralité quant aux enjeux internes ivoiriens et les valeurs intemporelles et universelles qui sont les fondements de l’État français. De plus, ce conflit dont le règlement relève du domaine exclusif du droit va connaître des dérapages dramatiques du fait de l’immixtion belliqueuse de la gouvernance mondiale. Il était impératif que la souveraineté du peuple ivoirien soit respectée, car au regard du droit international et particulièrement de l’article 2§4 de la Charte des Nations unies, il est inacceptable qu’une puissance étrangère s’immisce dans le déroulement des affaires internes d’un pays quel qu’il soit. Dès lors, le rôle joué par la présence militaire de la France en terre ivoirienne, ancienne colonie, peut être considéré comme ambigu et problématique. Selon les autorités françaises, soutenues par une résolution des Nations Unies, cette interposition aurait permis d’éviter une guerre civile et de nombreux massacres. De nombreuses zones d’ombre entourent cette intervention en Côte d’Ivoire et les allégations de graves violations des droits de l’homme planent sur les forces internationales. On se souvient qu’en 2011 et 2012, le groupe parlementaire communiste à l’Assemblée nationale française a vainement demandé la mise sur pied d’une enquête parlementaire sur le bilan de Licorne. En effet, il est important de savoir pourquoi et comment la force Licorne est intervenue en 2011, son rôle dans l’avancée des « forces républicaines » vers Abidjan, pourquoi n’a-t-elle pas protégé les populations civiles dans la partie nord de la Côte d’Ivoire et si des éléments des troupes françaises étaient à proximité de Duékoué.
Par ailleurs, il est impératif de connaître le nombre de victimes imputables aux troupes françaises lors des bombardements visant à protéger les civils ivoiriens. Mais il est aussi important d’avoir une information sur le rôle précis des forces françaises dans la capture de M. Gbagbo et de son épouse et où étaient ces troupes lors des exactions commises par les forces républicaines à Abidjan après la capture et l’enlèvement du président constitutionnellement élu de République de Côte d’Ivoire.
On se souvient également que le 6 novembre 2004, l’aviation gouvernementale ivoirienne a effectué un raid aérien sur la position française de Bouaké. Acte délibéré ou involontaire ? L’enquête menée plus tard par les autorités françaises reste muette sur la question. 9 morts et 37 blessés parmi les soldats français (2e régiment d’infanterie de marine, régiment d’infanterie-chars de marine, 515e régiment du train) sont à déplorer. Les forces françaises ripostent, quinze minutes après l’attaque, en neutralisant l’ensemble des forces aériennes ivoiriennes présentes sur la base de Yamoussoukro et du GATL à Abidjan. Plus d’une soixantaine de civils ivoiriens qui protestaient pacifiquement contre cette intervention musclée de la France ont été tués devant l’Hôtel Ivoire à Abidjan. Des centaines d’autres ont été blessés. En 2020, les autorités françaises dont la responsabilité était engagée dans cette crise s’en sont tirées à bon compte. Du côté des victimes ivoiriennes aucune excuse, aucune action de réparation de la part de Paris. Tout est passé par pertes et profits. L’Etat français du haut de sa condescendance qui frise le mépris refuse d’aborder cette question. C’est dommage que le ou la collègue du Rwanda ne soit pas là pour nous partager l’expérience de son pays en termes de réparations.
La réparation pour moi est un principe de justice. Elle se situe à trois niveaux :
-reconnaître le mal fait et faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Pour qu’elle soit authentique, toute réparation doit se faire sur la base d’une reconnaissance équivalente de la gravité du préjudice subi et des torts infligés.
- s’en excuser
- apporter si possible une compensation pécuniaire aux victimes ou à leurs descendants.
Cette réparation concerne tous les faits historiques qui ont malheureusement causé de grands préjudices aux peuples d’Afrique.
Tout à l’heure, un collègue a traité la question des migrations. De l’opinion assez répandu fait croire que ces jeunes qui traversent le désert puis la Méditerranée viennent uniquement pour arracher le pain de la bouche des Français. Mais non. Ils viennent ici parce que les multinationales pillent les richesses de leurs pays. En juillet 2018, l’association Environnement, Santé et Développement dont je suis la présidente à Grenoble a été mise en mission par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) pour une enquête sur les migrants. C’était la première fois que la parole est directement donnée aux migrants pour parler de leurs motivations profondes, de leurs rêves, de leurs ressentis. La réparation pour moi serait d’amener les multinationales qui pillent les richesses de l’Afrique à investir sur place et à créer du travail pour une jeunesse qui constitue plus de la moitié de la population globale.
À l’occasion de la journée de commémoration de l’esclavage en France, l’historienne Myriam Cottias est revenue sur la question des réparations : celles que des associations réclament de nos jours pour les descendants d’esclaves d’Afrique subsaharienne qui ont été les victimes de la traite et réduits en esclavage. Le concept n'a jamais été concrétisé. En revanche, des propriétaires d'esclaves ont reçu une indemnisation financière à la suite de l’abolition de l'esclavage dans certains pays occidentaux afin de compenser la perte de cette main d’œuvre gratuite, considérée comme un bien faisant partie de leur patrimoine.
Chaque 10 mai, depuis la décision du président Chirac en 2006, on célèbre en France la mémoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Depuis une dizaine d’années, la question des réparations, objet du projet « Repairs » est devenue centrale dans ces questions de mémoire…
Que ce soit en Amérique du Nord et du Sud, aux Antilles, en Afrique ou dans l’océan Indien, la question des réparations est aujourd’hui au cœur des revendications des descendants des esclaves déportés depuis l’Afrique. En France, en 2005, le Mouvement international des réparations a par exemple réclamé 200 milliards d’euros à l’État français au titre de la compensation de la période de l’esclavage. Une demande jugée alors irrecevable car les juges ont estimé qu’il était impossible d’établir le montant des dommages pour des faits aussi anciens. Mais ces demandes de réparations ne sont pas seulement financières.
En France, la loi Taubira de 2001 reconnaît l’esclavage comme un crime contre l’humanité et demande que cette période de l’histoire nationale soit enseignée de l’école primaire au lycée. Sans pousser forcément dans le sens des compensations financières, il faut certainement aller plus loin dans le travail de mémoire collective, il faut être capable de sortir du seul aspect moralisateur et accusateur.
Pour les autres crimes commis par la France en Afrique, à savoir les guerres coloniales, le traumatisme de la politique d’assimilation, les conflits géostratégiques et de positionnement, la course effrénée vers les sources de matières premières, il revient aux Africains de s’organiser pour demander réparation.
Les Africains doivent être les auteurs de leur propre Histoire. Ils doivent agir pour infléchir l’axe d’inclinaison de leur destin dans la trajectoire souhaitée par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Ils ont l’obligation de restituer la vérité historique par rapport aux événements majeurs qui jalonnent la marche de notre temps car les risques de falsification sont bien réels. Rappelons-nous. Le philosophe allemand Georg W. Friedrich Hegel affirmait, péremptoire : « l’Afrique n’est pas une partie historique du monde. Elle n’a pas de mouvements, de développements à montrer, de mouvements historiques en elle (…). Ce que nous entendons par l’Afrique est l’esprit ahistorique, l’esprit non développé, encore enveloppé dans des conditions de naturel et qui doit être présenté ici, seulement, comme au seuil de l’histoire ». En clair, cela signifie que l’Afrique n’a rien accompli et ne peut rien accomplir de remarquable qui puisse sensiblement contribuer à l’évolution qualitative de l’Humanité. Ni savants, ni génies, ni créateurs de dogmes, d’idéologies et de technologies. Comme frappée d’une tare congénitale qui l’empêche de transcender les contingences de la nature, elle s’est présentée, les mains désespérément vides au rendez-vous de l’Universel. On dira trivialement que sa présence équivaut à son absence. Le drame de l’Afrique provient essentiellement de ces conceptions étriquées, de ces visions erronées qui, jadis, ont servi de substrat aux idéologies esclavagistes puis colonialistes et qui continuent de prospérer.
Fort heureusement, les excellents travaux de recherche de l’Egyptologue Cheick Anta Diop, entre autres, ont infligé un cinglant démenti aux thèses controversées et à caractère raciste du penseur allemand. Mais contre toute attente et comme pour faire un pied de nez à l’illustre scientifique sénégalais c’est à Dakar que, trois siècles plus tard, un certain Nicolas Sarkozy reprend, devant toute l’Afrique médusée, les idées « négationnistes » de Hegel.
Pour moi la meilleure réparation pour l’Afrique c’est de s’affranchir de toutes tutelles pesantes et handicapantes pour laisser éclore son génie propre. C’est aux Africains de s’organiser pour exiger le respect. Heureusement ce combat est en cours, porté par le courant néo-panafricaniste basé exclusivement sur la construction d’une Afrique libre, ouverte sur l’extérieur en tant que partenaire à part entière, respectée et considérée. Une Afrique qui sort définitivement du bourbier de la dégradation dans lequel elle est délibérément maintenue, pour s’élever vers la prospérité et l’estime humaine. Afin que les jeunes générations, prises dans la trappe infernale de la précarité, ne soient plus condamnées à aller mourir, par grappes entières, sur les rivages abrupts des espoirs brisés de l’eldorado européen. Ou dans les conflits fratricides qui endeuillent le continent. La meilleure réparation c’est que la France quitte l’Afrique ou change de paradigme dans ses rapports avec le continent. « Mais, pour que des liens nouveaux se tissent, la France doit honorer la vérité, car la vérité est l’institutrice de la responsabilité. Cette dette de vérité est par principe ineffaçable. Elle nous hantera jusqu’à la nuit des Temps. L’honorer passe par l’engagement à réparer le tissu et le visage du monde. » Pr Achille Mbembe