l’absence d’organisation nationale nuit à la prise en
charge des troubles de l’audition
et des maladies rares associées
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La surdité est
une pathologie fréquente, qui concerne 1 enfant sur 1 000 à la naissance (lire le tableau Epidémiologie des
différents types de surdité). Si de nombreux pays ont organisé le dépistage
néonatal des troubles de l’audition, la France est longtemps restée en marge,
affichant un taux de détection de ces troubles de l’ordre de 25 %, contre, par
exemple, 98 % au Danemark (lire l’encadré : Le dépistage néonatal de la
surdité, le retard français).
Le 23 avril 2012, un
arrêté1 faisant suite à la loi
votée en décembre 2010, a rendu obligatoire le dépistage de la surdité
néonatale permanente. Cet arrêté précise que le programme doit être « mis en
oeuvre par les agences régionales de santé conformément à un cahier des charges
national établi par arrêté des ministres chargés de la santé et de la
protection sociale » (article 4).
La rédaction du cahier des charges devrait associer professionnels de la
santé, représentants de toutes les associations de patients, quelle que soit
leur position sur le dépistage néonatal, et les instances chargées de la mise
en oeuvre du programme.
En l’attente de la rédaction du cahier des
charges, le dépistage n’est toujours pas organisé dans les maternités, à
l’échelle de tout le territoire2 : elle
dépend des initiatives ponctuelles de certains établissements ou encore des
centres experts vers lesquels les pédiatres orientent les parents, avec deux
conséquences :
Ø La mise à mal de
l’égalité d’accès aux soins, chère à la Ministre Marisol Touraine ;
Ø L’engorgement des centres
experts qui ont du mal à faire face à la demande consécutive à la publication
de l’arrêté du 23 avril 2012.
1http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025794966&dateTexte=&categorieLien=id
2 Des régions comme la Haute-Normandie, la Basse-Normandie, la région
Champagne-Ardenne et l’Alsace ont ainsi bénéficié de programmes pilotes de
dépistages systématiques.
Le professeur Françoise Denoyelle (service d’ORL
pédiatrique de l’hôpital Trousseau, Paris) alerte : «Avec la publication de
l’arrêté, le dépistage néonatal de la surdité est devenu obligatoire. Mais
comme rien n’est organisé à l’échelle nationale dans les maternités, les
pédiatres adressent les enfants aux centres experts qui sont débordés. Nous
ne pouvons pas assumer le dépistage pour les 800 000 naissances annuelles ».
Et si les centres sont débordés, c’est que les enjeux du
dépistage néonatal de la surdité sont importants :
Ø En effet, l’acquisition du langage se joue durant les deux
premières années de l’enfant. A cet âge, c’est en entendant sa famille et son
entourage lui parler que l’enfant commence son apprentissage de la langue
maternelle. Et s’il n’entend pas, il ne parlera pas. S’il entend mal, la
qualité de son langage s’en trouvera affectée. Ces difficultés retentissent
directement sur ses capacités à communiquer et à s’intégrer en collectivité, avec
parfois pour conséquences, des troubles psychologiques importants,
préjudiciables à son développement et à l’équilibre de toute la famille. Mais
en l’absence de dépistage, la surdité est difficile à détecter, car les enfants
sourds babillent comme les autres, et réagissent aux vibrations provoquées par
les bruits forts (porte qui claque).
ØPar ailleurs, dans près d’un
tiers de cas, la surdité est associée à d’autres troubles qu’elle permet
d’identifier : contamination intra-utérine au cytomégalovirus (à l’origine
de 10 à 15 % des surdités profondes), troubles de l’équilibre, maladie rare à
l’origine d’anomalies du coeur, des yeux ou de la thyroïde, dont les
conséquences peuvent être très graves si elles ne sont pas détectées. Le
dépistage néonatal de la surdité et le bilan précoce évaluant les causes de
celle-ci permettent aussi de repérer ces maladies et de les prendre en charge.
Son intérêt dépasse donc les seuls bénéfices en termes d’audition.
Le dépistage néonatal de la surdité est inclus dans un
dispositif global qui met l’accent sur l’accompagnement et l’information des
familles : ce sont elles qui décident de la prise en charge des troubles de
l’audition. De fait, le dépistage de la surdité n’aboutit pas nécessairement
à la mise en œuvre d’une réhabilitation auditive, si tel n’est pas le souhait
de la famille.
Concrètement, comment le dépistage se passe-t-il ?
Le dépistage consiste en un test d’audition objectif,
automatisé, indolore et non-opérateur dépendant, reposant
sur deux examens :
ØLa mesure du potentiel auditif
évoqué, c’est-à-dire l’enregistrement, grâce à des électrodes, des réactions du
tronc cérébral aux sons ;
ØLa mesure des otoémissions
acoustiques, c’est-à-dire du bruit provoqué par les contractions des cellules
de l’oreille interne, qui témoignent de l’audition.
Dans 98 à 99 cas sur 100, la réponse au test est normale.
Dans 1 à 2 cas sur 100, elle évoque la possibilité d’une surdité, mais celle-ci
peut être transitoire, l’audition du nouveau-né se trouvant parfois affectée
par la persistance de liquide amniotique dans le conduit auditif.
Les parents sont donc informés qu’il n’est pas possible de
conclure au vu de ces premiers tests, et on leur propose de réaliser des tests
auditifs complémentaires après 2 ou 3 semaines.
Les seconds tests permettent de confirmer la surdité dans 1
cas sur 10.
Dans ce cas :
Øun bilan complet est réalisé,
afin de comprendre l’origine de la surdité, et de détecter d’éventuels troubles
ou anomalies associées ;
Øune prise en charge globale de
la famille est organisée : durant plusieurs semaines, médecins, psychologues,
orthophonistes, psychomotriciens3, infirmières, accompagnent les parents, le temps nécessaire à
l’acceptation du diagnostic et à l’information sur tous les modes de
communication possibles (langage des signes compris), comme sur les
possibilités de réhabilitation de l’audition.
Epidémiologie des différents types de surdité
Surdité moyenne
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Surdité sévère
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Surdité profonde à totale
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Déficit de 40 à 70 décibels (dB)
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Déficit de 70 à 90 (dB)
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Déficit supérieur à 90 (dB)
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40 % des enfants dépistés
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20 % des enfants dépistés
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40 % des enfants dépistés
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L’enfant est capable d’entendre une voix de
forte intensité.
Ses difficultés d’audition ralentissent
l’acquisition du langage.
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L’enfant entend quelques bruits mais ne
distingue pas la voix humaine.
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Seuls les bruits très intenses sont entendus
: à titre d’exemple, un marteau-piqueur correspond à l’émission de 100 dB.
L'enfant n'a aucune perception de la voix et
aucune idée de la parole.
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Au terme de cette première étape, la plupart
des parents choisissent de s’engager dans une réhabilitation de l’audition.
L’enfant est alors appareillé, dans un premier temps.
Dans un second temps, en cas de surdité sévère ou profonde,
et si les parents souhaitent s’engager dans un projet d’acquisition du langage
oral, il pourra être envisagé de réaliser un implant qui, accompagné d’un
suivi orthophonique adapté, optimisera les chances de développement d’un
langage oral de qualité.
3Les psychomotriciens sont
impliqués dans la gestion des troubles de l’équilibre parfois associés à la
surdité.
Selon un consensus international, la prise en charge de
la surdité durant les deux premières années de la vie chez un enfant qui ne
comporte pas de troubles ou de handicaps associés, permet l’intégration de
l’enfant dans un milieu scolaire ordinaire à l’entrée en cours préparatoire.
Le dépistage néonatal de la surdité Le retard
français
Ainsi, en 2011 …
Ø 10 pays européens disposaient
d’une loi rendant obligatoire le dépistage néonatal de la surdité.
Ø 16 pays disposaient de fortes
recommandations en faveur du dépistage.
Ø Dans 13 pays, la couverture du
dépistage était de l’ordre de 90 %.
Au Danemark, la surdité permanente néonatale
est dépistée dans 98 % des cas quelques jours après la naissance (contre 25 %
en France). C’est également le cas depuis plus de dix ans, en Suisse, en
Belgique, en Grande-Bretagne, au Canada, et dans une majorité d’états des
Etats-Unis.
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