Infolettre n° 349
mardi 10 septembre 2019Contact : Jacques DRAUSSIN jacques.draussin@biensur-sante.com
Théorie de la relativité phytosanitaire
Doit-on interdire l’épandage de pesticides à moins de 5 mètres seulement des locaux d’habitation comme le souhaite le gouvernement ou à 150 mètres comme le demandent aujourd’hui bon nombre de maires ?
La différence d’appréciation de ce que peut être la distance de précaution assurant de protéger la population des effets délétères du glyphosate et de ses cousins phytosanitaires permet, sinon d’espérer trouver un terrain de consensus sur le sujet, du moins de réinventer la théorie de la relativité.
5 ou 150 ? L’écart d’estimation du nombre de mètres nécessaires entre l’épandage et les riverains est à peu près aussi abyssal que celui du nombre de manifestants dans les rues selon qu’il provient des organisateurs ou du ministère de l’Intérieur.
Si les points de vue sont si irrémédiablement opposés, c’est parce que le gouvernement s’appuie sur un rapport commandé par trois ministères (Santé, Agriculture et Écologie) à l’Agence nationale de Sécurité sanitaire le 28 janvier 2019, rapport que l’ANSES a rendu sans tambour ni trompette le 14 juin dernier.
Qu’y recommande l’Agence ? Effectivement la mise en place de « distances de sécurité » allant de 3 ou 5 mètres pour les grandes cultures à 10 mètres pour les vergers et les vignes… Voilà qui semblerait donner à Élisabeth Borne et Didier Guillaume la possibilité de s’abriter confortablement derrière un arbitrage scientifique.
Hélas pour la ministre de l’Écologie et le ministre de l’Agriculture, l’ANSES précise que ces distances de sécurité « peuvent être supérieures, par mesure de précaution, en particulier pour les produits classés cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ». Aïe...
L’argument gouvernemental vire donc du lourd au futile car l'agence ajoute en outre dans son avis que l'évaluation de l'exposition des personnes présentes et des résidents repose sur des données limitées, issues qui plus est d'études effectuées dans les années 1980.
Pour le coup, la date de péremption de la – très - chiche base d’infos disponibles est largement dépassée et la recommandation « scientifique » prend des airs d’improvisation mal ficelée.
Alors qu’est soumis à consultation un projet de décret, on semble relégué à des années lumière d’un point d’accord. Et, comme ne le disait pas la théorie de la relativité restreinte d’Albert Einstein, « Une année lumière est une distance considérable, particulièrement quand elle est bissextile ».
Jacques DRAUSSIN
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