Affichage de changement et déni de la réalité
M. E. Couty a remis hier son rapport à la ministre des Affaires sociales
et de la Santé, occasion pour elle de préciser ses orientations en matière de
politique hospitalière.
Vous trouverez ci-joint les pré-conclusions du rapport telles que synthétisées
en janvier dernier, le rapport Couty et le discours prononcé hier par la ministre.
Une fois l’effet d’annonce passé, il faut souligner certains points
positifs, mais remarquer aussi qu’il persiste beaucoup de flou et d’incertitudes
sur la mise en œuvre de ces louables intentions.
Allons-nous assister à un changement en profondeur de la loi HPST ou à un
replâtrage de surface ? L’impression laissée par cette après-midi passée au
ministère de la Santé est mitigée, car rien n’a été dit de précis sur le rééquilibrage
de la gouvernance, les changements envisagés pour la tarification (hors du mot
magique de « tarification au parcours »), l’organisation interne de l’hôpital
(le mot service écorche encore la bouche des décideurs).
Surtout, le déni de la réalité est patent : face aux difficultés rencontrées
au jour le jour par les équipes soignantes, il est surtout proposé des mesures
symboliques. Rien n’a été dit sur les politiques budgétaires se traduisant par
des suppressions d’emplois soignants et une dégradation des soins. Pour
illustrer cette dégradation, signalons la lettre terrible des internes du
service d’anesthésie et des réanimations chirurgicales de l’hôpital Henri
Mondor, qui parlent de « maltraitance » et alertent leur direction sur le
manque de moyens élémentaires pour soigner correctement les patients (voir
lettre ci-jointe). Un collectif de médecins hospitaliers, signant Docteur
Blouses, décrit aussi dans la revue du Mauss les conséquences des réformes et
restrictions passées (et à venir ?) dans l’organisation des soins et la prise
en charge des malades (voir résumé
de ce texte sur rue89). Il serait temps que les responsables politiques
prennent conscience de ce qui se passe dans la vraie vie et réorientent les
moyens alloués aux hôpitaux vers les soins plutôt que ces moyens ne soient détournés
de leur but premier pour nourrir la pieuvre techno-bureaucratique qui nous étouffe
et de laquelle la ministre n’a rien dit (si ce n’est, lorsqu’elle a parlé de l’APHP
à la fin de son discours, disant qu’elle y souhaite une « gouvernance simplifiée
»).
Le rapport Couty est en retrait par rapport aux pré-conclusions présentées
en janvier dernier. Le discours de la ministre est en retrait et en décalage
par rapport au rapport Couty. Les décrets attendus dans les mois qui viennent,
notamment pour rééquilibrer la gouvernance, la loi de financement de la sécurité
sociale 2014, qui sera votée à l’automne prochain et visera en partie à
modifier la T2A, et la loi de santé publique prévue pour 2014 devraient mettre
en œuvre les changements annoncés : notre combat au nom de l’éthique des soins
et de l’indépendance professionnelle est loin d’être terminé. Un cacique de la
Fédération hospitalière de France, ancien inspecteur général des Affaires
sociales, disait en coulisse : « Les mots changent, mais la politique reste la
même. » Nous verrons si l’avenir lui donnera tort.
Bernard Granger.
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