C'est Ă lire : đ ouvrages sur l'alimentation
Quand l'Homme a-t-il commencé à cuire ses aliments? Depuis quand peut-on parler de cuisine? A quelle époque les festins sont-ils apparus? Et l'habitude des repas réguliers? Et notre maniÚre de manger...
Histoires de l'alimentation
31/08/2022
Saviez-vous que le Christmas pudding est une recette impĂ©riale, composĂ©e de rhum jamaĂŻcain, de raisins secs d’Australie, de sucre des Antilles, de cannelle de Ceylan, de...
Chaque jour, 100 000 personnes meurent de faim ou de ses consĂ©quences immĂ©diates et 826 millions d'ĂȘtres sont gravement sous-alimentĂ©s de façon chronique. Or, la planĂšte regorge de richesses, les...
21/03/2001
L'alimentation joue un rĂŽle essentiel pour votre sante et votre bien-ĂȘtre. Bien adaptĂ©e, elle favorise la prĂ©vention et la guĂ©rison de nombreux maux : hypertension artĂ©rielle, diabĂšte, cancer,...
"Histoire de l’alimentation – De la prĂ©histoire Ă nos jours"
Cette histoire de l’alimentation rĂ©unit des spĂ©cialistes pour chaque pĂ©riode. Les auteurs inscrivent leur analyse dans le champ de l’histoire culturelle, sans oublier l’histoire des corps, des goĂ»ts et des dĂ©goĂ»ts. L’alimentation, au-delĂ , de la satisfaction d’un besoin vital est un acte Ă©minemment culturel : imaginaire, religion, organisation Ă©conomique et sociale. Le cadre gĂ©ographique est celui d’un vaste espace, le grand bassin mĂ©diterranĂ©en. Une large part est consacrĂ©e aux mondes anciens et mĂ©diĂ©vaux.
Comme pour les autres volumes de la collection RĂ©fĂ©rences dirigĂ©e par JoĂ«l Cornette, chez Belin, on retrouve la qualitĂ© des documents iconographiques, un texte dont la rigueur scientifique puise aux plus rĂ©centes recherches. On apprĂ©cie, comme dans la collection Mondes anciens, la rubrique Atelier de l’historien placĂ© Ă la fin de chaque partie chronologique sous le titre Clio aux fourneaux.
Préhistoire
L’alimentation au palĂ©olithique et au mĂ©solithique
La trĂšs longue pĂ©riode des chasseurs-cueilleurs est marquĂ©e par la diversitĂ© des phases climatiques et donc de l’alimentation disponible. Longtemps la viande de grands herbivores (rennes, bisons, bouquetins…) a Ă©tĂ© la base de l’alimentation. Des traces de charognage de gros animaux (rhinocĂ©ros, Ă©lĂ©phants antiques) ont Ă©tĂ© observĂ©es alors que le petit gibier est soit consommĂ© (lapins en Catalogne, marmottes) soit utilisĂ© comme outils ou parures. Une diversification de l’alimentation apparaĂźt avec le poisson (grotte-abri du Moulin – Troubat, Hautes-PyrĂ©nĂ©es) puis l’introduction de vĂ©gĂ©taux. Sans que l’on puisse parler de tabou alimentaire, les auteures, Sandrine Costamagno et Camille Daujeard, notent la trĂšs faible place de la consommation de carnivores, plus rares que les traces d’anthropophagie.
Les auteures rappellent que les animaux fournissent Ă la fois la viande et surtout la graisse, des outils (os, peaux, tendons) et ont un rĂŽle symbolique (parure, art rupestre).
Elles précisent comment les archéologues élaborent leurs savoirs en ce domaine.
Les premiers paysans
L’objectif n’est pas de retracer la nĂ©olithisation mais d’en Ă©voquer les consĂ©quences alimentaires Ă commencer par les produits laitiers. Le rĂ©gime alimentaire est largement fonction des ressources locales : plantes et animaux domestiquĂ©s. Les cĂ©rĂ©ales dominent, les lĂ©gumineuses sont plus prĂ©sentes dans les Balkans et la chasse continue Ă jouer un grand rĂŽle Ă cĂŽtĂ© de l’Ă©levage.
Divers exemples sont présentés, en Afrique du Nord, en Europe centrale. Un encart évoque la domestication des arbres fruitiers.
Clio aux fourneaux de la préhistoire pose la question du cru et du cuit et constate notre ignorance de recettes.
Mondes anciens
Alimentation et société en Mésopotamie
Brigitte Lion s’appuie sur les sources archĂ©ologiques et iconographiques pour montrer l’entrĂ©e prĂ©coce du « croissant fertile » dans l’histoire.
Les productions de base sont l’orge, plutĂŽt que le blĂ©, le sĂ©same, les lentilles et pois chiches mais aussi des fruits : dattes, figues, pommes. Elle Ă©voque le vin et la biĂšre, quelques lĂ©gumes (navets, concombre…) et l’Ă©levage du petit bĂ©tail. L’orge joue un rĂŽle central, confirmĂ© dans les textes des premiers Ătats qui organisent la production et le salaire en nature (grain, huile, laine).
Les textes du IIIe millĂ©naires et les fouilles archĂ©ologiques permettent de se faire une idĂ©e des rations, de l’Ă©quilibre alimentaire et des objets nĂ©cessaire Ă la cuisine (jamais Ă©voquĂ©s dans les textes, mais trĂšs prĂ©sents dans les fouilles). D’autres textes Ă©clairent sur les repas royauxExemple p. 83, stĂšle du banquet p. 90-91.
Nourrir les vivants et les morts
L’auteure aborde ici l’imaginaire de l’alimentation, montrant les valeurs diffĂ©rentes confĂ©rĂ©es aux aliments, la nourriture des divinitĂ©s et celle des morts qui les accompagne dans la tombe. Des interdits alimentaires apparaissentExtrait de la Bible p. 112-113.
Clio aux fourneaux du Proche Orient ancien propose des recettes de soupe, de bouillon, de gùteau, le mersum, une sorte de pain sucré. Une nourriture raffinée selon Jean Bottéro, assyriologue et gourme.
Du Nil au dĂ©sert, l’extraordinaire variĂ©tĂ© de la diĂšte pharaonique
Damien Agut dispose des riches sources funĂ©raires et de l’archĂ©ologie pour documenter la question de l’alimentation de l’Ăgypte antique. Le Nil apporte l’eau de boisson, les poissons, conservĂ©s dans le sel du delta, le gibier des berges et une plante comestible de marĂ©cage : le souchet. Par la crue il assure la fertilitĂ©. Les cĂ©rĂ©ales : orge, blĂ© dur et amidonnier occupent les terres basses alors que le sorgho et le millet, cĂ©rĂ©ales africaines sont peu prĂ©sentes. Les cĂ©rĂ©ales sont consommĂ©es en pans ou en gruaux.
Sur les terres hautes on trouve des lĂ©gumes, des vergers : dattiers mais aussi vigne et oliviers avant me l’arrivĂ©e des Grecs ainsi que de l’Ă©levage de volailles. Enfin le dĂ©sert offre son gibier, trop chassĂ©es les antilopes disparaissent des reprĂ©sentations, et le miel.
Manger pour se régénérer dans la civilisation pharaonique
Manger est un acte nourricier et purificateur, c’est pourquoi les morts sont accompagnĂ©s de nourriture dans les tombes. Manger est, selon l’auteur « une des occupations favorites des dieux » (p. 149). Il Ă©voque Ă la fois les rituels des offrandes et ceux de la table quotidienne. La prĂ©paration n’est pas faite dans la salle du repas oĂč l’Ă©tiquette est prĂ©cise : sobriĂ©tĂ© et rigueur.
L’alimentation est liĂ©e Ă une vision Ă©conomico-morale et Ă des connaissances mĂ©dicales Ă propos des excĂšs de nourriture et de l’intempĂ©rance. Le jeĂ»ne exprime la peine. Les tabous dĂ©crits dans les textes grecs ou romains sont Ă relativiser sauf pour les animaux sacrĂ©s.
Clio aux fourneaux des pharaons : Damien Agut regrette de n’avoir pas de recettes Ă©crites et des scĂšnes peintes difficiles Ă interprĂ©ter.
GrĂšce ancienne : quotidiens et accidents
Pour les Grecs, blĂ© et vin sont les deux biens indispensables Ă une Ă©poque oĂč le risque alimentaire est prĂ©sent dans la sociĂ©tĂ© antique. Thucydide est une source pour analyser le rapport des Grecs Ă leur alimentation. La base repose sur les cĂ©rĂ©ales : orge, froment et millet, mal aimĂ© mais prĂ©sent. Le froment fait l’objet d’un commerce. Les cĂ©rĂ©ales sont consommĂ©es sous forme de pains, galettes, la « maza » : prĂ©paration de grains d’orge grillĂ©s et moulus, mĂ©langĂ©s Ă un liquide (eau, lait ou vin). Le sel est un marqueur de la civilisation ; « partager le sel », c’est partager un repas.
Les aromates viennent complĂ©ter les moyens d’apporter plus de goĂ»ts comme les olives et les fromages. Les lĂ©gumineuses (pois chiche, fĂšves, vesces), les lĂ©gumes et les fruits sont aussi trĂšs prĂ©sents, ils composent les « opsa ». La viande tient une faible place dans l’alimentation quotidienne mais on la trouve Ă cĂŽtĂ© des poissons dans les festins. Au rayon boisson : l’eau dont la qualitĂ© dĂ©pend du mode d’accĂšs : source ou citerne ; le vin est la boisson de fĂȘte.
Jean-Manuel Roubineau Ă©voque les pĂ©riodes de disettes, le grain est alors une denrĂ©e politique pour l’approvisionnement des citĂ©s mais les pĂ©nuries ont aussi poussĂ© Ă dĂ©velopper des solutions alternatives.
Identités et altérités alimentaires
L’alimentation Ă©tait pour les Grecs un marqueur de civilisation (Ulysse au pays des Cyclopes) mĂȘme s’il existait une certaine diversitĂ© en fonction des citĂ©s. Trois Ă©lĂ©ments associĂ©s Ă une divinitĂ© sont mises en avant : le blĂ© et DĂ©mĂ©ter, l’olivier d’AthĂ©na et la vigne dionysiaque. VinTexte d’invention du vin mĂ©langĂ© p. 197 et huile marque la civilisation toutefois la tempĂ©rance est une vertu.
Les rituels religieux s’accompagnaient souvent de nourriture et notamment lors du sacrifice animal.
Jean-Manuel Roubineau note Ă©galement la distinction entre alimentations masculine et fĂ©minine, servileQui se caractĂ©rise par la consommation de pain non levĂ© ou libre, riche et pauvre. La consommation de denrĂ©es sans pain : « opson »est peu vertueuse et synonyme de dĂ©rĂšglement, soumission aux plaisirs du corps.
Face Ă cette alimentation grecque qu’est-ce qui caractĂ©rise les alimentations barbares ? Ce sont les laitages et viandes des peuples nomades (HĂ©rodote). Pourtant le lait faisait partie de la diĂšte grecque. Les Thraces et les Scythes sont prĂ©sentĂ©s comme buveurs de vin pur ; les ArmĂ©niens de biĂšre.
Les goûts et les gestes
Dans ce troisiÚme chapitre consacré aux Grecs, Jean-Manuel Roubineau aborde les façons de table et de cuisine.
La journĂ©e est rythmĂ©e par quatre repas : « akratisma », « ariston », « hesperisma » et « deipnon » alors que le « symposion » est une fĂȘte. Le temps du repas Ă©tait une forme de sociabilitĂ©.
Un paragraphe est consacrĂ© aux arts culinaires et divers mĂ©tiers associĂ©s. A partir des Ve et IVe siĂšcle on peut parler de raffinement alimentaire. Les Grecs disposaient de divers modes de cuisson reprĂ©sentĂ©s tant sur les vases que par des figurines de terre. La vaisselle est reprĂ©sentative des catĂ©gories socialesInventaire p. 226, service du vin p. 227.La cuisine est agrĂ©mentĂ©e d’aromates d’origine mĂ©diterranĂ©enne (thym) ou plus lointaine (cannelle) utilisĂ©s pour les sauces. A l’Ă©poque hellĂ©nistique le miel de roseau (canne Ă sucre) ne remplace pas l’utilisation prĂ©fĂ©rentielle du miel, l’apiculture Ă©tait trĂšs rĂ©pandue en GrĂšce.
Enfin l’auteur prĂ©sente les maniĂšres de se tenir Ă table, notamment la propretĂ©.
DiÚtes et écarts
Au Ve siĂšcle av. J-C Hippocrate consacre un traitĂ© Ă la diĂ©tĂ©tique. L’alimentation est, selon Acron d’Agrigente ou Dihile de Siphnos, le premier mĂ©dicament.
Des modes alimentaires minoritaires existent : le vĂ©gĂ©tarisme Ă©crit Ă partir des auteurs grecs et, Ă l’inverse, la diĂšte athlĂ©tique sur-protĂ©inĂ©e.
L’auteur s’interroge sur l’existence d’un alcoolisme au-delĂ de l’ivresse d’un soir dans une sociĂ©tĂ© oĂč le vin se consomme, gĂ©nĂ©ralement, en mĂ©lange.
Les excÚs sont condamnés par les dieux, une colÚre souvent évoquée dans la mythologie.
Clio aux fourneaux de la GrĂšce antique s’intĂ©resse au brouet noir spartiate, Ă la boisson Ă base de farine d’orge : le « kykĂ©on », aux usages alimentaires des roses. Jean-Manuel Roubineau donne la recette de la « maza » et de la « vulve de truie ».
La nourriture romaine au quotidien
Christophe Badel retrouve Ă Rome la centralitĂ© du blĂ© dans le rĂ©gime alimentaire mĂ©diterranĂ©en avec la triade : blĂ©, vin, huile d’olive. Les protĂ©ines sont apportĂ©es par le « pulmentarium », Ćufs ou fromages frais consommĂ©s avec la bouillie ou seuls. Les lĂ©gumes secs font figure de viande du pauvre.
Les conquĂȘtes vont apporter de nouvelles denrĂ©es. C’est Lucullus qui apporte les cerises quand Pline apprĂ©cie le melon grec. Les Ă©pices gagnent Rome avec l’expansion orientale.
Cette ouverture donne lieu Ă un commerce, la ville compte aussi sur les surplus agricoles de la campagne (ceinture maraĂźchĂšre) ou sur les viviers de poissons.
L’auteur dĂ©crit un « rĂ©gime impĂ©rial » qui apporte Ă Rome les meilleures denrĂ©es comme en tĂ©moignent Pline ou Apicius. Si l’Ă©lite profiter de l’abondance, le peuple souffre de mal-nutrition, carences dĂ©veloppĂ©es Ă travers deux exemples, l’alimentation des soldats et celle des esclaves.
Trois repas quotidiens rythment la journĂ©e mais seul le dernier, la cĂšne, est un vrai repas. L’auteur Ă©voque ensuite le lieu du repas et les maniĂšres de table.
Pour se nourrir le Romain dispose de marchĂ©s sur le forum, de foires locales ou rĂ©gionales. Pour la beautĂ© et l’assainissement des villes certaines boutiques, les boucheries, sont exclues du forum. L’administration cherche Ă contrĂŽler la qualitĂ© et la salubritĂ© des aliments. Le Romain peut se nourrir Ă l’extĂ©rieur de la maison, la »popina », une sorte de bar-restaurant est un lieu oĂč ,’est pas respectĂ©e la hiĂ©rarchie sociale.
La politique alimentaire des cités romaines
Assurer la paix sociale passe par la sĂ©curisation des approvisionnements, c’est le rĂŽle de l’Anone. Christophe Badel montre comment est nĂ©e cette institution impĂ©riale Ă partir des distributions de vivres sous la RĂ©publique, les « frumentationes » Ă l’Ă©poque de Caius Gracchus. Il en dĂ©crit des actions et les lieux. Si les famines sont trĂšs rares, les crises frumentaires suscite des rĂ©voltes.
Un autre aspect de cette politique est la défense de la morale : les lois somptuaires cherchent à réglementer le luxe des banquets et à promouvoir la frugalité.
Dans les provinces la régulation en cas de crise se fait par les donations des EvergÚtes aux cités.
Le rite social du banquet romain
Le banquet ou plutĂŽt les banquets car les Ă©tudes rĂ©centes en montre la diversitĂ©. Si le « convivium » peut ĂȘtre privĂ© ou public, l’« epulum » est un banquet public. Christophe Badel dĂ©crit les divers types de banquets : avec sacrifices aux dieux, funĂ©railles, banquets impĂ©riaux dans les citĂ©s, banquets Ă la gloire des EvergĂštes. Les notables participent aux banquets quand le peuple reçoit des distributions de nourriture. L’auteur montre les Ă©volutions au fil du temps. A noter deux encarts : les Romains se faisaient-ils vomir ?, la place des femmes dans les banquets.
Les joies de la Gula romaine
Ce chapitre est consacrĂ© Ă la gastronomie romaine dĂ©crite dans les manuels qui permettent aujourd’hui d’en restituer le goĂ»t, la « gula » : le plaisir alimentaire.
L’hellĂ©nisation joue un rĂŽle dans cette Ă©volution de l’alimentation romaine. Le gourmet le plus cĂ©lĂšbre, sous TibĂšre, est Apicius. C’est sous la rĂ©publique que le mĂ©tier de cuisinier se dĂ©veloppe avant que la cuisine ne soit considĂ©rĂ©e comme un art sous l’Empire.
Comme en GrÚce la diététique tient une grande place au service de la santé et de la morale.
Christophe Badel dĂ©taille le goĂ»t Ă©picĂ© (garum), sucrĂ©/sale et moelleux plus que croustillant. Il consacre un paragraphe au vin et rappelle l’existence d’un commerce « mondialisĂ© » dont les amphores atteste de l’intensitĂ©. Pas sĂ»r que l’amateur de vin d’aujourd’hui apprĂ©cierait les vins antiques.
Comme en GrĂšce le goĂ»t romain est opposĂ© au goĂ»t barbare. Les Germains sont qualifiĂ©s par tacite de « mangeurs de racines et de viande crue Ă peine attendrie sous la selle » (p. 351) ; un mĂ©pris nuancĂ© car c’est une alimentation vue comme moins dĂ©cadente que l’alimentation romaine impĂ©riale.
Clio aux fourneaux de la Rome antique prĂ©sente des recettes Ă tester en cuisine : potage punique, porcelet farci et le menu d’un dĂźner amical.
Mondes médiévaux
Tables romaines, barbares, chrĂ©tiennes : l’AntiquitĂ© tardive
Christophe Badel et Alban Gautier traient de l’antiquitĂ© tardive, pĂ©riode de mĂ©tissage alimentaire entre tradition grĂ©co-romaine et habitudes barbares. L’idĂ©al romain de frugalitĂ© se poursuit dans l’ascĂ©tisme chrĂ©tien.
L’encart sur l’image d’Ăpinal d’Attila trouve sa source, on l’a vu, dans un chapitre prĂ©cĂ©dent chez tacite.
Les Ă©lites tentent, non sans le modifier, de prĂ©server leur modĂšle du banquet qui passe de la soirĂ©e vers midi : le prandium » oĂč le lit en arc de cercle remplace les trois lits distincts. Les auteurs dĂ©crivent les maniĂšres de table en Ă©volution et leurs significations sociales en dĂ©veloppant l’exemple du Palais impĂ©rial de Constantinople.
Le Ve siĂšcle est aussi la fin de l’Anone. Depuis AurĂ©lien au IIIe siĂšcle les distributions de vivres contiennent du pain mais aussi de l’huile, du vin, de la viande de porc et elles deviennent quotidiennes. La capitale de l’Empire d’Orient met en place une organisation semblable Ă celle de Rome, systĂšme de distribution copiĂ© dans diverses villes d’Orient comme Antioche. Le but, comme Ă l’Ă©poque prĂ©cĂ©dente, est d’Ă©viter les rĂ©voltes en pĂ©riode de pĂ©nurie alimentaire.
Que dire le la cuisine ? Romaine, byzantine ou mĂ©rovingienne ? La cuisine de la viande est au centre du seul livre de cuisine qui nous soit parvenu. Les auteurs Ă©voquent la continuitĂ© et les Ă©volutions des goĂ»ts, notamment Ă l’aide d’un traitĂ© d’un mĂ©decin de Ravenne. Anthimos, entre mĂ©decine et recettes montre l’adaptation aux goĂ»ts des nouvelles Ă©lites barbares : viande de bĆuf, cervoise, hydromel. On constate le recul de l’huile d’olive au profit des matiĂšres grasses animales. Enfin la christianisation avec le carĂȘme et les jours maigres conduit Ă un certain ascĂ©tisme de l’alimentationEncart sur la RĂšgle de St Benoit p. 377.
De la table des moines à la table impériale : Byzance
Alban Gautier entend montrer l’originalitĂ© de la table byzantine. Le recul des Ă©changes commerciaux modifie l’alimentation avec un recours plus grand aux lĂ©gumineuses (pois, lentilles, fĂšves) et aux lĂ©gumes verts (choux, poireaux…). Si les paysans cultivent toujours l’orge et le blĂ© ils les consomment moins car le grain est vendu pour payer l’impĂŽt. ĂlĂ©ments de continuitĂ©, le « garum » et le vin demeurent consommĂ©s.
Une nĂ©cessitĂ© comme Ă l’Ă©poque antique : approvisionner la ville est une tĂąche confiĂ©e Ă l’Ă©parque. On connaĂźt son action grĂące au « Livre de l’Eparque » compilĂ© Ă la fin du VIIIe siĂšcle. Les deux repas quotidiens sont influencĂ©s par la religion.
Les écrits de Liudprand de Crémone, en mission diplomatique à Constantinople, permettent de définir à grand trait la cuisine byzantine, la table impériale et la mise en scÚne des banquets.
Produire, échanger, cuisiner en Occident
Que retenir de la situation occidentale en ce dĂ©but de Moyen Age ? DiversitĂ© et continuitĂ©, la base de l’alimentation reste centrĂ©e sur les cĂ©rĂ©ales, les lĂ©gumes, les lĂ©gumineuses et le vin. Le dĂ©clin du commerce a pu favoriser l’alimentation des producteurs, les paysans des VIIe et VIIIe siĂšcle, peu de viande mais des produits laitiers. Petit Ă petit un mets devient primordial : le pain, demandĂ© par les Ă©lites.
Alban Gautier aborde une question fondamentale : Comment conserver les aliments, pour les transformer, les échanger ? Le salage est la principale technique Carte des sites salants p. 413.
Un paragraphe est consacré au développement de la consommation et de la commercialisation du poisson. Un autre traite du vin.
L’auteur s’interroge sur la nourriture des Ă©lites : place de la viande, des Ă©pices, du miel pour le sucrĂ©.
Jeûnes et festins en Europe occidentale
Les pĂ©riodes de jeĂ»ne imposĂ©es par l’Ăglise ne doivent pas masquer les disettes et famines frĂ©quentes.
Le jeĂ»ne religieux conduit Ă la crĂ©ation d’une cuisine du maigre oĂč le poisson est roi.
AprĂšs les restrictions, Alban Gautier aborde la profusion : les banquetsReproduction de la tapisserie de Bayeux p. 435 mais aussi les lieux oĂč on prĂ©pare la nourriture (importance du four). Les banquets sont dĂ©crits par les poĂštes, ils sont un moment social et politique important.
Clio aux fourneaux du Haut Moyen Age montre qu’il n’est guĂšre aisĂ© de reproduite les recettes d’Anthimos, Ă peine plus facile pour les rares recettes occidentales comme celle des pommes cuites.
L’alimentation dans le monde islamique mĂ©diĂ©val
Mohamed Ouerfelli, dont la thĂšse porte sur Le sucre : production, commercialisation et usages dans la MĂ©diterranĂ©e mĂ©diĂ©vale, commence son propos par la rĂšgle : le licite et l’illicite en terre d’islam. Les seuls interdits sont les charognes, le sang, la viande de porc et les animaux sacrifiĂ©s Ă d’autres dieux.
Pour l’approvisionnement urbain, comme dans l’antiquitĂ©, les pouvoirs politiques organisent et encadrent le commerce des denrĂ©es alimentaires. De nouvelles cultures se dĂ©veloppent au Proche-Orient, le sorgho, le riz introduit dans les marĂ©cages du bas Irak et les agrumes. L’auteur dĂ©crit l’approvisionnement de quelques villes : Bagdad ; Damas, Le Caire et montre le dĂ©veloppement des souks Plan du Caire p. 460.
L’alimentation de ce vaste espace est diffĂ©rent selon la catĂ©gorie sociale, les rĂ©gions et les modes de vie : BĂ©douins qui consomment lait et dattes, paysans ou citadins. Au dĂ©but de l’islam le vin est consommĂ© et vantĂ© par les poĂštesLe vin dans la poĂ©sie d’AbĂ» NuwĂąs p. 468, avant son interdiction.
Les livres de cuisine, depuis l’Ă©poque abbasside, sont Ă©crits pour les princes. L’auteur en cite plusieurs et montre l’influence persane Ă Bagdad, une cuisine luxueuse, exotique et trĂšs carnĂ©e. S’y cĂŽtoient l’usage du vinaigre, l’aigre-doux et les confiseries. Les repas de fĂȘtes qu’elles soient fatimides, ou mamelouks, sont plutĂŽt ostentatoires.
Les Ă©changes entre monde latin et pays d’islam
Les recherches rĂ©centes permettent de nuancer l’idĂ©e d’un dĂ©veloppement du commerce des Ă©pices avec les croisades. Dans la circulation des produits alimentaires on constate pour les cĂ©rĂ©ales un intense commerce en MĂ©diterranĂ©e pour l’approvisionnement des villes dans les deux sens, en fonction des bonnes et mauvaises rĂ©coltes en dĂ©pit des interdictions religieuses. Le pape interdit en 1291 de vendre des cĂ©rĂ©ales aux musulmans tandis que les juristes malikites prĂŽnent le mĂȘme interdit vers les chrĂ©tiens. L’approvisionnement tient une grande place dans la diplomatie comme le montre les divers exemples citĂ©s.
Les Ă©pices, sens trĂšs large au Moyen Age (condiments, plantes tinctoriales et mĂ©dicinales), et des denrĂ©es orientales : raisins secs, oranges et sucre arrivent en occident depuis l’Asie via le Proche-Orient grĂące aux marchands musulmans et mongols. ContrĂŽler les Ă©changes est trĂšs lucratif mais soumis aux alĂ©as politiques. La route de Syrie-Palestine est bouleversĂ©e par la chute de Saint-Jean-D’Acre aux dĂ©pens de l’Egypte et en faveur de la petite-ArmĂ©nie, de la CrĂšte et de Chypre. Elle est Ă nouveau modifiĂ©e au XIVe siĂšcle1343 attaque mongole en CrimĂ©e, les Italiens, VĂ©nitiens et gĂ©nois, sont de retour en Egypte.
Mohamed Ouerfelli évoque les cargaisons, leur valeur, leurs marchands. Il consacre un paragraphe au sucre qui conduit, en occident , au développement des confituresRecette de la confiture de menthe p. 492 et des confiseries comme les dragées.
Dans ces contacts on note les apports de la pharmacopĂ©e arabo-musulmane Ă la mĂ©decine Ă TolĂšde, Montpellier ou Salerne. La Sicile joue en grand rĂŽle dans ces Ă©changes. Certaines pratiques culinaires musulmanes se sont rĂ©pandues sans qu’on puisse parler d’influence profonde, surtout introduction nouveaux produits : le safran, les agrumes, le sucre dĂ©jĂ Ă©voquĂ©. L’auteur cite quelques recettes orientales trouvĂ©es dans les livres de cuisine italienne du XIVe siĂšcle.
Clio aux fourneaux du monde islamique mĂ©diĂ©val raconte l’histoire d’un plat persan, le « sikbĂąg » qui de Bagdad gagne les cours princiĂšres du monde. Vous pourrez tente la recette de ce mets aigre-doux Ă base de viande, de lĂ©gumes, de fruits et de vinaigre, Ă accompagner de la « fuqqa’ », une biĂšre.
Ecrire et faire la cuisine dans l’occident mĂ©diĂ©val
La codification croissante et les ouvrages de cuisine permettent de connaĂźtre l’alimentation des Ă©lites Ă dĂ©faut d’approcher celle du peuple qui n’est pas Ă©crite. Les ouvrages sont plutĂŽt datĂ©s des XIIIe, XIVe et XVe siĂšcles. Pour les dĂ©buts du Mayen Age les historiens disposent des manuscrits de traitĂ©s mĂ©dicaux.
Antonella Campanini prĂ©sente les livres de cuisine, d’abord anonymes, souvent peu prĂ©cis, notamment concernant les temps de cuisson. Bien que rĂ©digĂ©s en langues vernaculaires les recettes sont difficiles Ă expĂ©rimenter. Petit Ă petit quelques noms apparaissent dont certains sont passĂ©s Ă la postĂ©ritĂ©, le Français Guillaume Tirel dit Taillevent ou le Savoyard ChiquartCe cuisinier des ducs de Savoie AmĂ©dĂ©e VIII dicte en 1420 ses recettes Du fait de cuisine au clerc Jehan de Dudens, le manuscrit est conservĂ© Ă la BibliothĂšque cantonale du Valais Ă Sion. Si vous voulez essayer celle des rissoles, c’est ICI., ou encore Maestro Martino attachĂ© Ă la papautĂ© auquel l’auteure consacre quelques lignes.
Que nous apprennent ces traitĂ©s ? D’abord la volontĂ© de surprendre les convives. Pour rĂ©aliser des mĂ©langes de goĂ»t les cuisiniers employaient de nombreuses Ă©pices qui permettaient Ă©galement de colorer les plats comme le safran. L’auteure note des variations nationales ou rĂ©gionales.
Le bon gouvernement du marché urbain et de la table princiÚre
C’est l’occasion pour Antonella Campanini de revenir sur les relations villes-campagnes, les grandes disettes mĂ©diĂ©vales mais aussi sur l’organisation de l’approvisionnement des villes et le rĂŽle des officiers municipaux (Bologne et ses experts en cĂ©rĂ©ales, les « Domini bladi »). Si les grains sont l’objet d’un commerce lointain, Florence reçoit le blĂ© sicilien, les fromages et el beurre sont aussi Ă©changĂ©s entre rĂ©gions alors que les animaux arrivent sur pied. Les techniques de conservation se dĂ©veloppent (les macaronis). Les officiers contrĂŽlent qualitĂ©, salubritĂ© et prix des denrĂ©es natures ou transformĂ©es.
Les banquets princiers nĂ©cessitent une organisation qui crĂ©e de nouvelles fonctions : maĂźtre d’hĂŽtel, maĂźtre-queux, Ă©cuyer tranchant et Ă©chanson.
De nombreux documents iconographiques complĂštent ce chapitre.
ManiĂšres de consommer en Occident
AprĂšs le quoi, le qui, Antonella Campanini aborde le comment. La hiĂ©rarchie sociale imprĂšgne fortement les maniĂšres de s’alimenter. Les banquets de coursLes deux illustrations, p. 554-555, montrent les aspects de la table mĂ©diĂ©vale par l’ostentation du luxe sont des temps politiques.
A partir du XIIIe siĂšcle partout en Europe, les autoritĂ©s cherchent Ă limiter le luxe des banquets en promulguant des lois somptuaires. La hiĂ©rarchie des aliments suit la hiĂ©rarchie sociale. Ainsi les nobles consomment des aliments lĂ©gersLe classement des aliments est prĂ©sentĂ© dans la « chaĂźne de l’ĂȘtre », p. 560, plus proche de Dieu.
Quelle nourriture pour les voyages ? Le biscuit, nourriture du marin, les viandes et poissons sĂ©chĂ©s, les pĂątesEncart : Marco polo et les pĂątes p. 568 constituent la base de l’alimentation du voyageur, du pĂšlerin. Les guides du pĂšlerin, les rĂ©cits de voyages Ă©voquent les bons produits des rĂ©gions traversĂ©es et de nouvelles denrĂ©es : viande de chameau consommĂ© Ă JĂ©rusalem par Niccolo da Ponggibonsi, de chien, de loup par Jean de plan Carpin.
Clio aux fourneaux au bas Moyen Age Ă©voque une recette internationale : le blanc-manger, mais aussi les mises en forme Ă©tonnantes d’un paon et d’un poisson.
Mondes moderne et contemporain
Florent Quellier, coordinateur de cet ouvrage, se charge en spĂ©cialiste de l’Ă©poque moderne. Il publiait en 2010, chez Armand Colin, Gourmandise – Histoire d’un pĂ©chĂ© capital.
Une premiĂšre mondialisation alimentaire
C’est bien sĂ»r l’Ă©poque de l’Ă©largissement du monde et ses consĂ©quences Ă la fois botanique et alimentaires.avec l’introduction en Europe de nouveaux aliments venus des AmĂ©riques. Mais ce sont aussi des Ă©changes vers l’Asie et l’Afrique : manioc, patate douce. Les voyages et la colonisation apportent aussi en Afrique des produits asiatiques : taro, igname et en AmĂ©rique : cafĂ©, canne Ă sucre. Florent Quellier montre comment on est passĂ© de la curiositĂ© botanique Ă l’adoption culinaire : piment, tomate et bien sĂ»r pomme de terre. Il traite aussi de l’influence du goĂ»t pour les boissons exotiques sur les Ă©conomies des colonies amĂ©ricaines (cafĂ©, chocolat).
L’alimentation de l’autre dans l’Europe des temps modernes
Comme aux Ă©poques prĂ©cĂ©dentes l’alimentation est un marqueur social, distinction et mĂ©pris de l’alimentation de l’autre. Florent Quellier dĂ©cline les rĂšgles de civilitĂ© Ă table et la condamnation des excĂšs alimentaires. Certains plats apparaissent comme liĂ© Ă l’identitĂ© nationale ou rĂ©gionale ; La fondue suisse est prĂ©sente dans un texte de 1699 quand le pudding est anglais. L’auteur Ă©voque Ă©galement les rejets alimentaires et les façons diffĂ©rentes de manger selon que l’on est huguenot, catholique, orthodoxe, riche ou pauvre.
ModernitĂ©s gastronomiques de l’Ancien RĂ©gime
L’Ă©poque moderne est celle d’une nouvelle gastronomie, en particulier en France. Florent Quellier dĂ©crit la cuisine française, en quoi elle est nouvelle et comment elle se diffuse en Europe dans ses goĂ»ts et son lexique. En 1653 on traduit en anglais le Cuisinier français.
Dans la seconde moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle apparaĂźt la cuisine bourgeoise Publication en 1746 de « La cuisine bourgeoise » qui prendra son essor au siĂšcle suivant.
C’est aussi le temps ou certaines spĂ©cialitĂ©s sont associĂ©e Ă un lieu : jambon de Bayonne, moutarde de Dijon, cĂąpres de GĂȘnes.
OĂč cuisine-t-on ? A la Renaissance se diffuse le tournebroche et le potager Illustration p. 639 qui permet de varier les cuissons tout en Ă©conomisant le combustible.
On dĂ©guste les mets dans la salle Ă manger et en ville dans un nouveau lieu : le restaurant. C’est l’Ăąge d’or du service Ă la française : succession de plats dĂ©posĂ©s sur la table, nombreuse vaisselle, l’assiette plate remplace le tranchoir mĂ©diĂ©val, le verre devient individuel.
Clio aux fourneaux des temps modernes
Quelques propositions de recettes : truffes, asperges, salades, la pomme de terre avant Parmentier mas aussi du sucré comme la crÚme de chocolat et un gùteau qui semble trÚs XXIe siÚcle : le gùteau aux carottes/
Vers une alimentation mondialisée
Un extrait de « La Bonne Cuisine aux colonies »Par RaphaĂ«l De Noter (1931) p. 657 introduit la rĂ©flexion sur l’ououvertures 5 l’Europe Ă de nouveaux mets issus du monde colonial en expansion qui, aprĂšs les Ă©lites sociales, gagne une plus large part de la population. Ce qui a des consĂ©quences sur les agricultures asiatiques, africaines, latino-amĂ©ricaines avec le dĂ©veloppement des cultures de rente (thĂ©, cacao). Emmanuelle Cronier et StĂ©phane Le Bras montrent l’Ă©volution des ports pour accueillir ces produits, le dĂ©veloppement de la navigation Ă vapeur. On assiste Ă une reconfiguration de la gĂ©ographie alimentaire, par exemple le Venezuela abandonne la culture du cacao au profit du cafĂ©. Chicago devient en 1848 la capitale des marchĂ©s des matiĂšres premiĂšres agricoles. L’Ă©volution capitalistique marque l’Ă©conomie agro-alimentaire au XIXe siĂšcle.
Si des produits parviennent en Europe de l’ensemble du monde, les habitudes alimentaires Ă©voluent peu. Quelques plats gagnent en popularitĂ© hors de leur rĂ©gion d’origine comme les pĂątes.
Au XXe siĂšcle si les cuisines mĂ©tropolitaines s’ouvrent lentement, l’alimentation europĂ©enne se rĂ©pand dans le quotidien des colonies mĂȘme aprĂšs leur indĂ©pendance comme le montre cette photographie (p. 665) d’une boulangerie Ă SaĂŻgon en 1962.
Un paragraphe est consacrĂ© aux effets du dĂ©veloppement des classes moyennes : uniformisation de l’alimentation, chaĂźnes de magasins de distribution.
On peut parler d’une gĂ©opolitique de l’alimentation Ă travers les rĂ©ceptions officielles mais aussi de l’imposition de certaines cultures dans les colonies.
Les industries alimentaires avant 1940
Martin BruegelIl a coordonnĂ© avec Marilyn Nicoud et Eva Barlösius l’ouvrage Le choix des aliments – informations et pratiques alimentaires de la fin du Moyen Age Ă nos jours, Presses Universitaires François Rabelais – Presses Universitaires de Rennes, 2010 caractĂ©rise l’Ă©mergence de l’industrie alimentaire liĂ©e au commerce international du blĂ© et d’autres matiĂšres premiĂšres agricoles. Ces industries s’installent prĂšs des consommateurs (industrie de la margarine en Ruhr). Elles se dĂ©veloppent surtout dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle tant dans la premiĂšre que dans la deuxiĂšme transformation avec la naissance de la publicitĂ© et de l’empaquetage. Des marques naissent qui sont encore connues aujourd’hui : Lu, Amieux, NestlĂ©, Kellog’s, Maggi…
Faite d’innovations techniques, l’industrie remplace peu Ă peu les activitĂ©s artisanales tant dans la minoterie que dans la transformation des viandes. La mĂ©canisation et le travail Ă la chaĂźne sont introduits lĂ oĂč les matiĂšres premiĂšres sont homogĂšnes : distillerie ; brasserie, meunerie, sucrerie. ? La main-d’Ćuvre fĂ©minine domine rapidement (conserveries). Le progrĂšs technique est associĂ© Ă l’hygiĂšne et Ă la standardisation. L’auteur Ă©voque le dĂ©veloppement des colorants, mais aussi de la lĂ©gislation.
Consommateurs et paniers alimentaires
Martin Bruegel analyse l’Ă©volution des possibilitĂ©s alimentaires en Europe, dĂ©sormais sortie des disettes, avec un focus sur l’exemple français. Il constate l’augmentation de la consommation de produits carnĂ©s, 12 % de la ration, et des fruits et lĂ©gumes, vantĂ©s au XXe siĂšcle pour leur apport en vitamines. Il montre les disparitĂ©s rĂ©gionales et sociales, les Ă©volutions en un siĂšcle et demi.
Si les femmes jouent un rĂŽle majeur dans l’approvisionnement de la famille, elles sont, pourtant, les premiĂšres victimes des privations. Le chapitre se termine sur l’Ă©vocation d’une mythologie alimentaire : Popeye et les Ă©pinards.
Guerre et alimentation Ă l’Ă©poque contemporaine
Emmanuelle Cronier montre comment la faim a été une arme de guerre du siÚge de Paris en 1870 aux camps allemands de la seconde guerre mondiale. Elle note que dÚs la fin du XIXe siÚcle le droit international a chercher à protégé les civils.
L’approvisionnement est un souci pour nourrir les soldats en opĂ©ration : marins menacĂ©s par le scorbut, mais aussi troupes terrestres : biscuits et conserves de viande, cuisines roulantes. L’auteure aborde le ravitaillement des civils pendant les deux guerres mondiales : rĂ©gulation, rationnement. Si les guerres contribuent Ă la stigmatisation des identitĂ©s alimentaires de l’ennemi, paradoxalement elles favorisent la dĂ©couverte de nouveaux aliments : Tirailleurs sĂ©nĂ©galais dĂ©couvrant la limonade ou les confitures pendant la PremiĂšre Guerre, introduction en Europe du chewing-gum., sans oublier les Ă©dulcorants (fĂ©cule, saccharine).
L’auteure montre les images positives ou nĂ©gatives associĂ©es Ă certains produits dans l’imaginaire des populations.
L’alimentation au temps des paradoxes 1945 – annĂ©es 1980
Cette Ă©poque est celle de la quantitĂ© : production de masse, dĂ©veloppement de l’Ă©levage. StĂ©phane Le Bras montre comment la modernitĂ© rime avec chimie, alimentation industrialisĂ©e et micro-onde. Pourtant, des contre-modĂšles apparaissent dĂšs les annĂ©es 1950_1960 : recherche d’une alimentation saine, rĂ©gime crĂ©tois… Si l temps de cuisiner s’est rĂ©duit, jamais les livres de cuisine n’ont eu autant de lecteurs.
L’auteur analyse les reprĂ©sentations identitaires dans la publicitĂ©, le cinĂ©ma.
Clio en quĂȘte de repĂšres alimentaires : les peurs (vache folle, OGM), les discours diĂ©tĂ©tiques… le monde occidental est-il malade de son assiette. »Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » disait Brillat Savarin note citĂ© p. 767 la phrase reste d’actualitĂ© : fusion food, slow food. L’identitĂ© alimentaire garde toute sa valeur comme le montre l’inscription, depuis2010, d’une presque dizaine de savoir-faire culinaires au patrimoine immatĂ©riel de l’humanitĂ©.
L’alimentation autour de la MĂ©diterranĂ©e de la prĂ©histoire au XXIe siĂšcle est une aventure au long court entre continuitĂ© et exotisme. A dĂ©guster sans modĂ©ration en un festin copieux ou en grignotant selon ses envies et centres d’intĂ©rĂȘt.
PrĂ©sentation sur le site de l’Ă©diteur : Histoire de l’alimentation
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