LIBRES PROPOS : signés Jacques Draussin

Jeux en ligne : qui veut gagner des millions [d'accros] ?

Près de 3 ans après le vote de la loi légalisant les paris et les jeux en ligne, on n'a encore qu'une très vague idée des effets de cette libéralisation sur une éventuelle progression du nombre de joueurs pathologiques et du niveau de leur dépendance.

L'Inpes, qui vient d'ouvrir un « portail interactif d'information et d'aide personnalisée sur les jeux liés à l'argent » [www.joueurs-info-service.fr], répond à la fois à ce qui paraît être une demande croissante d'aide émanant de joueurs excessifs ou de leur entourage… et à une ferme recommandation formulée par un rapport sénatorial de 2011. Son auteur reprochait alors à l'organisme public de n'avoir utilisé pour la prévention qu'une partie des sommes pourtant prélevées à cette fin sur les paris en ligne.

Quel que soit le motif de cette – excellente – initiative, il reste que bien peu d'informations sont encore disponibles sur la réalité du jeu virtuel depuis sa légalisation sous surveillance étroite.

Avant la loi de 2010, on estimait à plus de 3 millions le nombre de Français jouant et pariant sur des sites de jeu d'argent, presque tous illégaux puisque la FdJ, le PMU et les casinos étaient seuls habilités à se partager le pactole, tous réseaux confondus.

Pour limiter la casse – sanitaire et fiscale – de l'accès aux sites « .com » installés dans les paradis offshore, mieux valait donc résolument promouvoir les « .fr », strictement contrôlés par une autorité publique. Le pari est-il gagné ?

En matière d'enjeux sportifs, un exemple récent dans le Hand Ball suffit à montrer à la fois les débordements suscités… mais aussi l'efficacité des contrôles opérés.

Hélas, la légalité n'est pas un rempart contre l'addiction. La véritable passion engendrée par le poker en ligne donne d'ailleurs du grain à moudre aux derniers nostalgiques du bon vieux monopole d'Etat, ou du moins aux partisans d'une sévérité accrue.

On attend avec impatience les résultats du prochain Baromètre Santé de l'Inpes. Le dernier en date est estampillé 2010 et l'enquête, réalisée avant la loi de libéralisation des jeux en ligne, ne peut évidemment être considérée que comme un point de référence.

On estimait alors que 400.000 personnes présentaient un risque modéré de dépendance et que 200.000 pouvaient être classées parmi les joueurs excessifs. Combien sont-elles désormais ? Les paris sont ouverts.

Jacques DRAUSSIN