Sauver l’accès aux soins en luttant contre la fraude
Ainsi donc, pour sauver l’assurance maladie et garantir l’accès
de tous à des soins de qualité, il faudra, en 2014, lutter contre la fraude. C’est
le chef de l’Etat qui dénonce lui-même les abus et les excès… vite associés par
les commentateurs à la fraude. Lutter contre la fraude est évidemment une très
bonne idée, à condition d’avoir en tête que « la fraude des pauvres est une
pauvre fraude », selon l’aphorisme bien connu. Ainsi, en 2010, le rapport
de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude indiquait que celle des
arrêts de travail de complaisance atteignait 5,4 millions d’euros quand celle
des établissements de santé pointait à 71,1 millions d’euros !!!
Au fil des rapports publics, les chiffres de la fraude se
précisent. Lorsque les transporteurs sanitaires facturent sur la base d’ordonnances
falsifiées ou volées, le coût pour la collectivité est de 7 millions d’euros
soit 16 000 euros en moyenne par société d’ambulance ! Et, du côté des
infirmiers libéraux, ce sont par exemple 13 millions d’euros qui auraient été
facturés abusivement en 2010 !
Au CISS, personne ne défendra la fraude, quel qu’en soit l’auteur,
mais nous n’acceptons pas que les usagers soient stigmatisés en première ligne,
alors qu’ils ne représentent qu’un peu plus de 3 % de cette fraude.
Ce n’est pas la fraude qui déstructure l’accès aux soins
Pour garantir l’accès de tous à des soins de qualité, il
faut bien entendu lutter contre la fraude, mais ce sera loin d’être suffisant.
Il faut surtout s’engager résolument dans une stratégie nationale de santé
nouvelle recherchant des solutions structurelles plutôt que conjoncturelles.
Rappelons que, selon plusieurs études convergentes, 30 % des soins prescrits ou
administrés sont inutiles. Cela fait près de 60 milliards d’euros. Sans parler
des coûts humains et financiers à économiser en s’attaquant plus et mieux aux
infections nosocomiales et à la iatrogénie médicamenteuse toujours aussi
difficilement évaluables par manque d’accès à des données idoines.
C’est donc en engageant des réformes structurelles que nous
garantirons à tous un accès aux soins de qualité en tout point du territoire.
En effet, à ce prix-là, 60 milliards d’euros tout de même ( !), nous pouvons
faire d’une pierre deux coups : viser l’équilibre comptable de l’Assurance
maladie tout en répondant surtout aux enjeux bien identifiés de notre système
de santé, à savoir de mettre fin aux déserts médicaux, aux dépassements d’honoraires
et aux inégalités d’accès aux soins. Nous pouvons même engager la réforme de l’information
et de l’accompagnement des patients et de leurs proches perdus dans un système
sans boussole. Nous pouvons aussi avoir une pratique de la démocratie sanitaire
à la hauteur de l’affirmation politique dont elle a fait l’objet en France.
La lutte contre
la fraude ne peut pas être LA solution magique pour garantir l’accès de tous à
des soins de qualité. Nous croyons plutôt dans une stratégie nouvelle qui
repose sur la double révolution de la santé publique et de la médecine de
premier recours. En 2014, ce serait idéal pour en faire une bonne année.