Nora ANSELL-SALLES

jeudi 23 juin 2022

Réforme de la Hte Fonction Publique

La justice s’apprête à trancher les contentieux sur la réforme de la haute fonction publique

Le Conseil d’État examinera, le 27 juin en audience publique, les recours déposés par plusieurs syndicats et associations contre l’ordonnance réformant la haute fonction publique publiée en juin 2021. Une décision très attendue et qui intervient alors que la donne politique vient de changer.

 

Dix mois après leur dépôt, les recours contentieux contre l’ordonnance du 2 juin 2021 réformant la haute fonction publique vont être, selon nos informations, examinés par le Conseil d’État en audience publique le 27 juin. Parmi les auteurs des recours : l'Association des anciens élèves de l'ENA (AAEENA), à laquelle se sont jointes des membres de plusieurs inspections ; l'Association des magistrats de la Cour des comptes ; le Syndicat des juridictions financières ; l'Association pour l'égal accès aux emplois publics ; l'Union syndicale des magistrats administratifs et le Syndicat de la juridiction administrative.

Tous ont soulevé des griefs différents en fonction des points traités par l’ordonnance. Déposés au cours de l’été dernier, ces recours comportaient, pour certains d’entre eux, des questions d’ordre constitutionnel. Deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) avaient ainsi été transmises par le Conseil d’État aux sages de la Rue de Montpensier et touchaient à l’indépendance des inspections générales et la composition des commissions d’intégration au Conseil d’État et à la Cour des comptes. Le 14 janvier, le Conseil constitutionnel avait rejeté les deux QPC. Ne reste plus au Conseil d’État qu’à trancher les autres points.

Une vague de protestations et 2 grèves

La décision du Palais-Royal interviendra alors que la donne politique a changé depuis le lancement du chantier, en 2021. La réforme, très contestée dans certains pans de l’élite administrative, a fait l’unanimité contre elle dans les partis politiques d’opposition, tous ayant réclamé son retrait et promis, pendant la campagne présidentielle, son annulation en cas de victoire. Au sein-même de la haute administration, la réforme reste un sujet sensible, comme en ont témoigné la grève historique organisée au Quai d’Orsay le 2 juin et, dans une moindre mesure, celle menée par les élèves de la dernière promotion de l’ENA quelques jours plus tard. 

Une censure sur tel ou tel point de l’ordonnance constituerait, pour le gouvernement, une difficulté importante. Privé de majorité, il éprouverait le plus grand mal à remettre l’ouvrage sur le métier et à rectifier le tir sur le plan législatif. 

D’ores et déjà, une difficulté existe concernant le corps préfectoral. Tardivement, au premier semestre 2022, le gouvernement Castex a fini par admettre que le texte de l’ordonnance était mal calibré sur le plan juridique, comme le Conseil d’État l’avait déjà relevé dans un avis sur le projet d’ordonnance rendu en mai 2021. L'encadrement du droit syndical et l’interdiction du droit de grève faite aux sous-préfets et préfets ne semblent pas suffisamment sécurisés sur le plan juridique, en particulier du point de vue de la hiérarchie des normes. Une faiblesse juridique qui ne date pas de la réforme mais que cette dernière a mise en lumière. Posée au niveau réglementaire, la restriction devrait relever du niveau législatif pour recouvrer toute sa force car elle constitue une dérogation au droit commun de la fonction publique qui, lui, relève de la loi et non du règlement.

Droit syndical et droit de grève dans la préfectorale

L'article 7 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) présenté en Conseil des ministres en mars dernier prévoit de rectifier le tir en interdisant le droit de grève et en encadrant le droit syndical des agents occupant des emplois de préfets et sous‑préfets. Recueillir une majorité sur le vote de cet article n’aura rien d’une sinécure. 

De son côté, le Conseil d’État devra également traiter de plusieurs recours déposés contre les décrets d’application de l’ordonnance. Leur examen devrait intervenir au deuxième semestre de cette année. 

 

PAR PIERRE LABERRONDO

Acteurs publics 22 06 2022

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire