Nora ANSELL-SALLES

Affichage des articles dont le libellé est Vladimir Mitz. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Vladimir Mitz. Afficher tous les articles

dimanche 16 janvier 2022

L' Art et la chirurgie esthétique...

L'art et la chirurgie esthétique

Par le docteur Vladimir Mitz

Chirurgien esthétique à Paris

On parle souvent du caractère artistique du chirurgien esthétique, comparant son adresse chirurgicale à la virtuosité que manifeste le peintre ou le sculpteur, maniant habilement son pinceau ou son burin.

C'est vrai que (comme dans une activité artistique), l'expérience du chirurgien conduit à une forme de plénitude du rendu chirurgical, comparable à un tableau de la Renaissance aux belles  formes harmonieuses, et aux couleurs chatoyantes.

  Tableau de  Chaïm Soutine


Réussir l'opération du premier coup sans erreur!

 

Contrairement à l'artiste le chirurgien n'a pas le droit à l'erreur, bien que dans certains cas, il lui faille faire des retouches pour arriver à un résultat aussi parfait que possible; bien sûr; l'opération peut se prolonger, des petites retailles, reprises, modifications des tissus sont parfois nécessaires pendant l'acte, mais une seule opération définitive est souhaitée par le patient super informé de nos jours, tolérant mal l'approximation et le retour au bloc pour reprise sous anesthésie.

Toutefois, comme dans l'art, le chirurgien esthétique connait l'inspiration du moment, ce qui rend son opération non pas aléatoire mais comportant un certain nombre de coups de bistouri variables dont le but final est d'arriver au résultat souhaité, non pas par un esprit chirurgical artistique, mais bien dans l'optique et le désir du patient demandeur d'une réparation d'un complexe.

C'est pourquoi on parle beaucoup plus d'une technique chirurgicale que d'un art de la chirurgie, bien que beaucoup de praticiens dans cette discipline se souhaitent intérieurement dignes d'un artiste et non point d'un moindre exécutant! Artisan plus qu'artiste, c'est ainsi que se voit la majorité des collègues en exercice.

  Tableau de Jacques Le Pesteur


Pourtant, à la différence fondamentale d'un artiste, le travail idéal du chirurgien esthétique est un rendu qui demeure INVISIBLE, Naturel, NON RETOUCHE!

Pas de félicitations glorieuses à attendre de ceux qui voient, remarquent ou critiquent un nez opéré d'évidence, ou un lifting si tendu que les oreilles se rapprochent du nez ou la bouche soit fendue en gueule de vieille carpe...

 Tableau de Vladimir Mitz


Une prédisposition génétique?

 
Un certain nombre de mes collègues sont issus de familles où il y avait un parent peintre ou sculpteur, designer ou publicitaire.
Ce n'était pas du tout mon cas;
Mon premier rapport à l'art est apparu bien tard quand j'étais étudiant en médecine, à la Faculté de

Médecine des Saints-Pères à Paris.
Ce bâtiment hiératique, au fronton orné de sculptures célébrant la médecine antique, est situé en plein milieu des galeries parisiennes dévolu à l'art le plus moderne; c'est en me promenant dans ce quartier que j'ai
découvert la beauté d'un tableau de Soutine, représentant la lune peinte à grandes flaques de blanc de zinc, en pleine nuit tourmentée parsemée de nuages éventés, tableau bien au-delà de mes moyens financiers à cette époque d'indigence pour moi; ce tableau qui m'a toujours fait rêver,
était  vendu dans une galerie spécialisée dans l'école de Paris dont la propriétaire, maligne, l'exposait en ayant changé le nom du peintre, pour éviter que l'œuvre  ne soit volée par un amateur malhonnête!

Petit à petit, et dès que mes moyens me l'ont permis, j'ai acquis des œuvres de certains de mes patients qui, en tant qu'artistes me consultant par hasard, ont ressenti en moi une fibre artistique naissante, comme amateur d'art et non comme pratiquant.

Pratiquer un art pour éduquer l'œil et la main
 
Je me suis rendu compte au cours de ces années que seule la pratique du dessin, et à moindre 
degré, de la peinture me permettait de mieux comprendre la qualité d'une œuvre artistique, et l'importance de la lumière reflétée par le corps humain ou par un objet: Cette constatation fondamentale a d'ailleurs beaucoup
influé sur mes techniques de rajeunissement du visage chez les patients âgés, notamment en augmentant des volumes disparus au niveau des pommettes des joues ou des tempes;
C'est surtout la pratique de la sculpture sur le marbre ou sur des calcaires qui représente ma source de joie
artistique  la plus féconde, suivi par le dessin sous toutes ses formes; bien sûr la beauté de la femme et la volupté qu'elle dégage restent une source d'inspiration fondamentale, ce qui m'évite des pulsions disparates et plus ambiguës.
Finalement je ne considère pas les actes chirurgicaux comme une pratique artistique, mais la formation et l'exercice de l'art sont par contre un moteur fondamental dans mon analyse de chaque patient à opérer, et dans la prévision en 3D des
volumes à améliorer à restituer ou à diminuer; l'exemple le plus frappant en est la plastie de réduction ou d'augmentation mammaire: Là où beaucoup de mes collègues ont besoin des ordinateurs ultra
sophistiqués pour se représenter l'objectif final de leur intervention, j'ai développé une sorte d'instinct pour imaginer
les surfaces et les volumes à modifier pour parvenir au résultat idéal sans trop de perte de temps ni d'erreurs .
Par contre bien que j'apprécie l'art abstrait, celui-ci me semble plus difficile à intégrer en tant que substrat de pensée pour mon exercice de chirurgie au quotidien; je reconnais que la trouvaille de l'équilibre dans un tableau de Kandinsky,
de Paul Klee ou des primitivistes russes est toujours une émotion forte, mais ne comporte pas d'arc-en-ciel d'inspiration pour la conception d'un acte opératoire, du moins en ce qui me concerne.
Chirurgien esthétique aimant l'art mais pas artiste total!
 
 Je pense qu'il faut se méfier des chirurgiens esthétiques qui se considèrent comme des artistes; il y en a eu qui ont réussi cette double vocation, qui ont voulu faire des expositions
et VENDRE leurs œuvres comme tout peintre ou sculpteur en quête de renommée-en même temps qu'ils menaient une carrière chirurgicale; ce fut le cas du Suisse Rudi Meyer;
mais on ne peut pas être grand en personnage dédoublé; beaucoup de mes collègues ont des talents de dessinateur ou d'artiste, comme feu mon ami Jacques le Pesteur,
peintre de grand talent sous le nom de Boroffe; mais lui qui était un peintre extraordinaire, ayant étudié aux Beaux-Arts, ne voulait pas porter le même nom que le magnifique chirurgien qu'il était. Pourquoi?
Sans doute par une sorte de pudeur et par un instinct qui lui disait de bien séparer son activité professionnelle brillante, et sa pulsion artistique- pour laquelle il réservait une grande partie de son temps secret,
s'ouvrant à des  amitiés  avec d'autres créateurs bien en dehors du monde du bistouri.
Mais l'art nourrit notre esprit scientifique, car être chirurgien, c'est être homme de technique, de raison, de cartésianisme auquel une bonne pincée d'instinct, de talent, d'inspiration, de doutes vient apporter son pesant d'or
d'humanité et d'empathie.
 

Découvrez les 3 articles les plus lus cette semaine sur Mine d'Infos...

1) "RIP François FIEVEZ...".

Très bon week-end à tous

jeudi 8 juillet 2021

Quid de la chirurgie esthétique sur les peaux noires


Les spécificités chirurgicales de la peau des patients d'origine africaine.
Le Dr Vladimir Mitz, chirurgien plasticien à Paris, fait le point pour Mine d'Infos.

Les téguments des patients d'origine africaine ou apparentés ont comme particularités :

- une plus grande épaisseur de l'épiderme et du derme
- la présence de mélanocytes qui sont les cellules colorées
- une réactivité particulière au microtraumatisme, qui peut engendrer des cicatrices hypertrophiques voire chéloïdiennes ;
Aussi le chirurgien esthétique qui doit intervenir chez un patient d'origine africaine doit avertir celui-ci des risques cicatriciels potentiels, qui ont de plus un caractère génétique et familial.

De nouvelles normes particulière de beauté

Il existe des Tendances esthétiques singulières chez les patients d'origine africaine :

- un nez  d'apparence plus européenne est une demande pas très fréquente mais néanmoins prégnante chez certains patients qui souffrent d'un nez à la racine aplatie, et aux narines épatées; évidemment tous les individus ayant ce morphotype ne se précipitent pas vers ces opérations…; la réparation d'un nez ethnique  repose sur la mise en place d'un greffon silicone ou osseux qui permet de refaire l'arête et de projeter la pointe nasale; des ostéotomies des os propres sont souvent nécessaires pour affiner le nez de face; il faut de plus faire une résection à la base des ailes du nez, pour les réenrouler, et éviter les ailes flottantes au pied de la pyramide nasale.

- une augmentation d’un menton en retrait(profiloplastie) peut être indiquée chez certains patients qui présentent une insuffisance de la projection du menton ; l'amélioration du profil se fait alors par une génioplastie d'apposition, c'est-à-dire une augmentation de la pointe du menton par la mise en place d'un implant mentonnier en silicone, au travers d'une incision dans le sillon gingival inférieur ; ceci pour éviter toute cicatrice cutanée sous le menton.

- une poitrine moins tombante et plus projetée surtout après plusieurs grossesses ; en effet de façon génétique malheureuse, certaines patientes présentent une poitrine qui se vide à la suite des allaitements,
Il s'associe souvent chez ces patientes une ptôse mammaire, avec des seins très tombants qu'il convient de remodeler par une plastie mammaire avec des cicatrices, ou dans certains cas par la mise en place d'un implant mammaire que j’introduis par la voie axillaire pour éviter les cicatrices visibles.
Il y a aussi une possibilité de pratiquer des lipofilling mammaires, en complément des implants, ou de façon isolée mais il faudra deux ou trois séances pour parvenir à augmenter la poitrine de plus d'un bonnet.
Photos avant après plastie mammaire avec cicatrices chéloidiennes

- une augmentation des fesses est actuellement une exigence assez fréquente chez les patientes de couleur, initiée par la mode brésilienne ;au Brésil, en Colombie, au Mexique, ce type d'opération fait fureur ; il existe deux possibilités qui peuvent être associés pour augmenter les fesses:
*Soit la mise en place d’implants fessiers spécifiques en silicone gel assez ferme, introduits par une incision placée dans le pli inter-fessier supérieur,
*soit des lipofillings de grande quantité de graisse prélevée sur la patiente elle-même ; la zone donneuse est variable, ventre, pneus thoraciques, cuisses, genoux, mollets. Malgré les progrès de la technique du lipofilling, il est difficile de prévoir combien de tissu graisseux restera vivant après 4 mois, l'idéal étant au moins 50% de survie ;il faudra donc recommencer une ou deux fois les sessions de lipofilling pour obtenir le résultat maximal.

- les cicatrices chéloïdes: Il s'agit du problème le plus difficile à résoudre; la cicatrisation chéloïdienne n'est pas propre au patient de race noire; européens, asiatiques, peuvent aussi cicatriser de cette façon; il s'agit de cicatrice en relief, foncée et exubérante qui  persiste et augmente après une  année d'évolution; la cicatrice fine des premiers jours évolue progressivement pour devenir hypertrophique; elle ne disparaît pas après un an, bien au contraire; la cicatrice s'épaissit, se boursouffle, démange et dérange.
Il n'y a que deux traitements efficaces :
* Soit des injections de produits cortisonés retard dans la cicatrice, qui parviennent au prix de plusieurs séances, à aplatir ces cicatrices bourgeonnantes ; mais il faut parfois recommencer plusieurs fois ;
* soit des séances de radiothérapie ciblée, pratiquées par des radiothérapeutes compétents qui sauront doser correctement l'intensité des rayons, et limiter les zones d'irradiation pour ne pas affecter les tissus sains.
* d'autres traitements sont en cours d'exploration, telle la cryothérapie intra chéloïdienne.

- la demande de blanchiment de la peau est actuellement difficile à exaucer, car le traitement autrefois efficace à base d'hydroquinone est actuellement interdit, du fait que cette molécule un pouvoir cancérigène à haute dose. Heureusement ces demandes sont plutôt rares et occasionnelles…

En conclusion, la peau noire a des spécificités particulières, qui impose une information circonstanciée aux patients qui souhaitent une opération avec cicatrices ; heureusement ce n'est pas le fait de tous les patients de couleur, mais tout chirurgien esthétique a en tête le risque chéloïdien quand il s'agit d'opérer ce type de patient.

Propos recueillis auprès du Dr Vladimir Mitz par Nora Ansell-Salles

  📚 Bibliographie 
  • Chirurgie Esthétique, Éditions du Cygne, 2006 (ISBN 978-2849240175)
  • Les liftings, Ellipses Marketing, 2004 (ISBN 978-2729818784)
  • Art-Thérapie, avec Marie-Claude Joulia, Éditions L'Harmattan 2003 (ISBN 978-2747546003)
  • La chirurgie esthétique, Éditions Flammarion, coll. « Dominos », 1995 (ISBN 9782729869809