👉 Accords des partenaires sociaux sur l’assurance chômage, les seniors et le dialogue social, coût du travail, aménagements de la réforme des retraites, formation, insertion professionnelle des jeunes et des seniors…
🗞 À LIRE
dans les "Échos"
ministre du Travail et de l'Emploi
Transposition des accords que viennent de négocier le patronat et les syndicats, situation de l'emploi, retraites, ouverture de nouveaux dossiers… La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, déroule sa feuille de route dans une interview aux « Echos ».
Les partenaires sociaux ont réussi à boucler trois accords sur l'assurance-chômage, les seniors et les parcours syndicaux. Les soutenez-vous intégralement ?
Ces négociations sont un exemple du compromis qu'on peut réussir en faisant le pari du dialogue social sur des sujets pourtant potentiellement polarisants. C'est la méthode que nous promouvons avec le Premier ministre.
Ces accords trouvent de bons équilibres : en matière d'assurance-chômage, renforcement de la protection des primo-inscrits - principalement des jeunes dont le taux de chômage remonte -, durcissement de certaines règles notamment pour les transfrontaliers. Ils favorisent l'emploi des seniors avec un nouveau « contrat de valorisation de l'expérience » qui lève des freins à l'embauche, la meilleure accessibilité de la retraite progressive, et un entretien de mi-carrière.
Sur les parcours syndicaux, l'intention initiale était de rajeunir et renouveler. Mais si patronat et syndicats disent qu'il y a des améliorations à apporter, je veux les écouter. Il n'y a pas de dogme.
Les accords sont encore à la signature des partenaires sociaux. Mais notre intention est bien de les transposer fidèlement, sachant que certaines mesures sont d'ordre législatif.
Pensez-vous que l'élargissement de la retraite progressive va la faire décoller ?
Moins de 1 % des salariés l'utilisent, contre 50 % ailleurs en Europe. L'accord propose de l'ouvrir quatre ans avant l'âge du taux plein contre deux aujourd'hui. C'est une bonne chose : il faut arrêter de voir la fin de carrière comme binaire - plein-temps ou rien - quand on a besoin ou envie de flexibilité.
Il permettra aussi de changer le regard sur les seniors au travail. L'accord n'en fait pas un droit automatique. C'est aussi une bonne chose car j'entends le besoin des PME-TPE de pouvoir s'organiser.
Le gouvernement avait évoqué l'idée d'améliorer la réforme des retraites sur la retraite progressive mais aussi les métiers pénibles. Où en est-on ?
Sur l'usure professionnelle nous avons le Fipu (Fonds d'investissement pour la prévention de l'usure professionnelle), prévu dans la réforme des retraites de 2023 pour préserver la santé de salariés qui portent des charges lourdes, subissent des vibrations mécaniques, ont des postures pénibles… Il est doté de 1 milliard d'euros sur cinq ans et opérationnel depuis mars dernier. Mais seulement 6 branches ont finalisé le processus pour en bénéficier.
Je veux rendre son utilisation plus simple et que les branches négocient davantage sur la liste des métiers exposés.
Michel Barnier a aussi parlé des inégalités hommes et femmes en matière de retraite…
Avec le Premier ministre, nous allons proposer aux partenaires sociaux une concertation sur les aménagements justes et raisonnables que nous pourrions apporter à la réforme des retraites, sur ce sujet comme sur d'autres et dans le cadre financier contraint que nous connaissons.
La question des carrières longues va-t-elle être réouverte ?
Nous devons discuter avec les partenaires sociaux des thèmes traités précisément. Je tiens surtout à ce que soit abordée la question de l'usure professionnelle. Je souhaite aussi élargir la réflexion : pour moi, derrière les craintes sur la réforme des retraites exprimées en 2023, il y avait une demande de mieux travailler « ici et maintenant ». C'est pourquoi je vais lancer au premier trimestre 2025 une nouvelle « conférence travail », que j'aimerais récurrente.
Il y a déjà eu des Assises du Travail…
Ce sera le prolongement des assises menées par Jean-Dominique Senard et Sophie Thiéry, en centrant cette fois les travaux sur un thème précis. L'année prochaine, ce sera la santé au travail. Nous voyons, à l'occasion du débat sur la forte augmentation des arrêts de travail, à quel point ce sujet est important.
Des députés veulent empêcher les entreprises d'indemniser les jours de carence. Qu'en pensez-vous ?
Il faut s'attaquer au fond du problème. Le coût des arrêts de travail dans le privé pour la Sécurité sociale a explosé pour atteindre 17 milliards d'euros. Environ 60 % de la hausse sont liés au vieillissement de la population et à la hausse du SMIC mais 40 % sont liés à d'autres facteurs.
L'idée de la conférence travail est justement de les comprendre et trouver des solutions pour l'année prochaine, avec un juste équilibre entre responsabilité individuelle, responsabilité de l'entreprise et solidarité nationale.
Les accords signés par les partenaires sociaux laissent de côté un sujet important : celui de la reconversion…
Il est important à deux titres. D'une part, certains métiers ne sont pas tenables sur toute une vie. Il faut donc pouvoir soit aménager les postes, soit anticiper pour changer de métier. D'autre part, les restructurations en cours dans de nombreux secteurs - automobile, chimie, grande distribution - exigent elles aussi la reconversion des salariés.
Alors que faire ?
Il est indispensable de simplifier les outils existants. Aujourd'hui il y a en a pour les transitions individuelles, pour les transitions collectives, dans le même secteur, dans un autre secteur, la création de nouveaux emplois… Ce fonctionnement n'est pas optimal. C'est un constat partagé. Nous allons discuter rapidement avec les partenaires sociaux et les régions pour simplifier ces outils.
Le débat est vif sur la refonte des allègements de charges. Quelle sera la copie finale ? Pensez-vous comme Antoine Armand que le gouvernement risque « l'impôt de trop ? »
D'abord, depuis le début de la réflexion sur les allègements de cotisations, il y a un an, la réalité politique et financière a changé. Ensuite, sur les exonérations de cotisations patronales, j'ai déjà dit ma vigilance sur les emplois autour du SMIC et dans l'industrie. Je suis ouverte, depuis le début, à la discussion avec le Parlement. Elle se poursuit. Nous visons un équilibre entre trajectoire financière d'un côté, emploi et compétitivité de l'autre.
Il faut pourtant combler le déficit de la Sécurité sociale…
Oui. Passons d'abord ce budget car il n'y aurait rien de pire qu'un dérapage du déficit. Il faudra ensuite travailler posément sur le coût du travail en regardant non seulement les allègements généraux mais aussi leur articulation avec les prestations sociales. Ce sera une partie du chantier de l'allocation sociale unique proposée par le Premier ministre.
On prélève trop sur la valeur du travail, on redonne ensuite beaucoup mais en créant au passage des trappes à bas salaires ou à inactivité et en freinant la compétitivité nationale. On manque donc aujourd'hui plusieurs cibles.
La multiplication des annonces de plans de licenciement augure-t-elle selon vous d'un retournement du marché du travail ?
Non. Des tensions mais pas un retournement. Il faut être lucides et mobilisés, sans verser dans le catastrophisme. Le chômage remonte un peu - en particulier chez les jeunes - mais le nombre d'embauches reste soutenu dont plus de la moitié en CDI. En parallèle, les restructurations sont plus nombreuses aux quatre coins de la France - celles qui se voient dans les gros groupes et celles beaucoup plus discrètes dans les TPE-PME sous-traitantes.
Ma priorité est d'assurer la continuité professionnelle et salariale de tous les travailleurs concernés et l'insertion des jeunes sur le marché du travail.
Faut-il assouplir les conditions d'accès à l'activité partielle pour limiter les licenciements ?
Les conditions d'accès sont déjà larges. Et ce n'est pas toujours le bon outil. La situation est différente selon que l'entreprise est confrontée à un problème purement conjoncturel auquel cet outil peut répondre ou à une mutation profonde de son secteur. Dans ce cas, la priorité est d'anticiper notamment grâce à la formation, qui doit être davantage fléchée sur les besoins de l'économie.
Y compris en faisant le ménage dans les formations des établissements privés lucratifs ?
Oui. Une formation de qualité, c'est une bonne insertion des étudiants dans le monde du travail, à un coût juste pour les finances publiques. Il y a objectivement du tri à faire. Je conduis des groupes de travail avec l'ensemble des parties prenantes sur le sujet depuis plusieurs semaines. Nous aurons rapidement des propositions.
Sur l'apprentissage, le gouvernement veut limiter le coût des primes accordées aux entreprises, où en est-on ?
Il faut limiter les effets d'aubaine et je souhaite continuer à encourager l'apprentissage à tous les niveaux de qualification. Nous déciderons très prochainement des modalités précises. Nous reverrons ensuite le système de financement des centres de formation des apprentis, en soutenant particulièrement les formations aux métiers les plus demandés.
Il y avait urgence budgétaire. Mais pour moi, la mère des batailles est d'augmenter la quantité de travail tout au long de la vie, pas quelques heures par an, et donc d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes et des seniors.
Heures supplémentaires, temps partiels… tous ces sujets sont typiquement des sujets de dialogue social. Il prend peut-être plus de temps mais est un gage d'apaisement et d'efficacité, au plus près de la réalité des entreprises qui sont toutes différentes.
Source : Les Échos [publié le 22/11/2024]
Leïla de Comarmond, Isabelle Ficek, Etienne Lefebvre et Solenn Poullennec
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire