"La conscience de soi est une prise de possession"
Bernard B. Dadié, Opinions d'un Nègre.
Consultant en stratégie d'images et arts visuels, critique d'art et curateur franco-ivoirien, Franck Hermann Ekra est membre de Open section de Aica international (Association internationale des critiques d'art, fondée sous l'égide de UNESCO). Premier lauréat du Prix Aica international pour la jeune critique, il est membre fondateur de la Fondation Bibliothèque-Archives Bernard Binlin Dadié dédiée au rayonnement de l'œuvre de l'écrivain et homme politique ivoirien. Il en préside la Société des amis.
Si le vingtième siècle s'est inscrit dans la mémoire collective comme étant celui de la guerre, le vingt et unième s'affirme comme celui d'une géopolitique de l'émotion et du sentiment public, fondée sur l'économie de la dette et le ressentiment.
Le discours fondateur du président de la République française, Emmanuel Macron, lors de son premier voyage officiel en terre africaine, en 2017 à Ouagadougou, a replacé la question des restitutions du patrimoine culturel et cultuel spolié au coeur des relations internationales. L'ancien assistant éditorial du philosophe Paul Ricœur pendant la rédaction de "La mémoire, l'Histoire, l'oubli", ne se doutait certainement pas qu'il créerait un effet d'emballement chez ses voisins (L'Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne se livrent à une course à l'échalote. L'Italie s'inscrit quant à elle du côté des requérants...), autour d'une des trois questions géopolitiques majeures de notre temps : la terreur extrémiste, l'angoisse écologique, la justice restaurative.
Mais Emmanuel Macron n'est pas le premier chef d'État à inscrire à l'agenda international, la diplomatie culturelle des restitutions, même si une sorte d'oubli de réserve a prévalu jusqu'ici. En 1973, il y a exactement un demi-siècle, le Maréchal du Zaïre Mobutu Seseseko, portait cette revendication à la tribune de l'ONU lors de ses Assemblées annuelles. Il invitait par ailleurs l'Association internationale des critiques d'art (Aica international, fondée sous l'égide de UNESCO), à soutenir ce plaidoyer pour aider le Continent africain à recouvrer la mémoire, après le traumatisme colonial qui fut avant tout celui de la dépossession. L'équipée de Aica, s'était effectuée sous le slogan "Aica rencontre l'Afrique".
Depuis ce sont les acteurs de société civile Afro-descendants qui s'en sont fait les porte-voix au sein même de l'Empire, de manières parfois spectaculaires, la transformant en un enjeux de politique intérieure. Le cinéma s'est emparé du sujet. Dans le film culte "Black Panther" (2020), qui s'inscrit dans le registre hollywoodien du cinéma dit de sécurité nationale, l'antihéros Killmanger se rend au Museum of Great Britain, pour réclamer des objets ancestraux provenant du Wakanda. La conservatrice lui oppose une fin de non recevoir. La fiction rejoint le réel !
Du 22 au 24 août 2023, la Fondation Open Society, organise à Accra un sommet mondial pour la restitution du patrimoine africain. Le choix de ce pays largement ouvert à l'accueil des Afro-descendants et au tourisme mémoriel (Elmina, Cape Coast), indique que le centre de gravité s'est déplacé. C'est d'ailleurs son président, Nana Akufo-Addo, qu' Emmanuel Macron avait convié en juillet 2019, pour son grand débat élyséen à vocation économique avec les diasporas africaines, "Parlons Afrique". 2019 avait été consacrée "Année du retour" des descendants d'Esclaves au Ghana. Pour le président français, il s'agissait non seulement de séduire la part africaine d'une France archipelisée, mais aussi de changer les perceptions sur les deux versants de la Méditerranée. Lors du Forum de Paris sur la paix cette même année 2019, Open Society annonçait investir en soutien d'une coalition pour les restitutions, 15 millions de dollars pour 4 ans. Voilà l'acte joint à la promesse d'engagement.
Je suis ravi de modérer le premier pannel de cette rencontre qui s'intitule , "Les restitutions du patrimoine africain : qu'est ce que c'est et pourquoi est-ce important?". Trois intervenants nous entreriendrons de ce sujet à partir de leur expertise spécifique (Nana Offoriata Ayim, Victor Ehikhamenor, Toussaint Kafarhire Muruhla).
À un moment où des pays comme la France semblent retropédaler devant les résistances d'un "État profond" du patrimoine se justifiant par un principe d"inaliénabilité des collections en dépit de la provenance frauduleuse ou suspecte des objets conservés, il est urgent de penser des stratégies adaptées. L'héritage culturel est chose trop sérieuse pour être abandonnée aux politiques inégalitaires de coopération entre États. Il nous faut repenser les formes d'appropriation, et défendre le droit à reconnexion des sociétés avec leur génie créatif ancestral.
Nous nous retrouverons ensuite, en fin de symposium, en atelier de travail pour remettre ces questions qui relèvent du conflit de mémoire, de la lutte pour la reconnaissance et de l'éthique relationnelle, sur le métier afin de parfaire notre quête de justice patrimoniale. Un geste politique supranational s'il en est...
Franck Hermann Ekra
👉Pour aller plus loin :
👇
👇
👇
👇
Propos recueillis par Nora Ansell-Salles auprès de Franck Hermann Ekra
🤔QUESTION:
Êtes-vous "POUR" ou "CONTRE" la restitution des œuvres d'Art❓️
"POURQUOI"...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire