POINT PRESSE
Mardi 4 novembre 2014
Stéphane MANTION directeur général de la Croix Rouge Française, Aboubakar SIDIKI DIAKITE, Marc GENTILINI, François BRICAIRE,
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Au programme de la séance
organisée par le
professeur Marc
GENTILLINI
Philippe DOUSTE-BLAZY (UNITAID) les financements innovants en matière de santé – Application
aux situations d’urgence
Henri AGUT (Service de Virologie –
Pitié-Salpêtrière, Paris) le virus et sa détection
François BRICAIRE (Pitié-Salpêtrière, Paris. Membre
de l'Académie nationale de médecine) et Christophe RAPP (Maladies
infectieuses, Hôpital Bégin, Saint-Mandé) symptomatologie et prise en
charge d’un malade confirmé ou d’un sujet suspect par
Aboubakar SIDIKI DIAKITE, Inspecteur Général de la Santé de la République de Guinée l’épidémie à
virus Ebola en Guinée, ses conséquences sanitaires et socio-économiques
Tuan TRAN MINH et Patrice DALLEM (Croix
Rouge, France) contrôle de l’épidémie aux frontières à Conakry et à
Roissy
Denis MALVY (Pathologie infectieuse et
tropicale, CHU Bordeaux) Protocoles de recherche thérapeutique INSERM
Anne BIDEAU Rôle des sociétés
nationales de Croix-Rouge, de la Fédération et du CICR
Pierre BÉGUÉ et Marc GENTILINI ( membres
de l'Académie nationale de médecine)
Conclusion et recommandations
« Epidémie à virus Ebola »
Recommandations
Le 4 novembre 2014 Devant
l'épidémie à virus Ebola, en cours en Afrique de l'ouest, l'Académie nationale
de médecine, analysant ses causes, ses aspects actuels et ses conséquences à
venir, recommande :
1. une action internationale en vue d'inciter les « Etats pauvres » à
majorer substantiellement la part de la santé dans leur budget où elle ne
représente souvent que 2 % de celui-ci au lieu des 10 recommandés ;
2. le renforcement des ressources humaines dans le domaine de la santé,
dans les pays atteints par l'épidémie, afin de remplacer les soignants,
médecins et infirmières, décimés par celle-ci ;
3. la prise de conscience par les « Etats riches » des conséquences
désastreuses d'une épidémie qui, en dehors de sa tragédie sanitaire,
déséquilibre les sociétés, les économies et les politiques des « Etats pauvres
» ;
4. le rappel que les frontières sanitaires constituent une barrière
poreuse, souvent illusoire, et que les maladies transmissibles ne seront
maîtrisées que par une action d'envergure dans les pays d'origine et non
seulement par des mesures conjoncturelles protectionnistes ;
5. la nécessité de doter l'Organisation Mondiale de la Santé de moyens, en
vue de lui permettre de jouer réellement et en temps opportun, son rôle
d'alerte actuellement dévolu, par défaut, aux Organisations Non
Gouvernementales ;
6. le rééquilibrage de nos engagements en rétablissant une part
substantielle de notre coopération bilatérale sanitaire abandonnée depuis l'an
2000 au profit d'actions multilatérales, privant ou retardant souvent
l'efficacité de nos réalisations en matière de santé et ne permettant plus
l'évaluation de nos engagements multilatéraux ;
7. la création, en cas de crise sanitaire internationale, d'une
coordination ouverte et généreuse entre tous les intervenants, écartant les
démarches concurrentielles désordonnées, hautement préjudiciables à
l'efficacité sur le terrain
Renforcer l'engagement de la France
en coopération sanitaire pour le développement
Monsieur le Président de la Commission
chargée par le Ministre des Affaires Etrangeres,
dans le cadre du programme de
modernisation de l'action publique, d'analyser la coopération en matière de
santé.
Une particularité française
Depuis 2000, la particularité de la France a été d’orienter son Aide Pour
le Développement en santé vers le canal multilatéral (73% des contributions) et
de privilégier la lutte contre le VIH/sida (78 % des financements
multilatéraux). Ce choix politique a été dicté avec l'espoir d'occuper une
place plus importante dans les structures internationales concernant la santé.
Cet objectif n'a été que très partiellement atteint et l'on constate que ce ratio
de l'aide multilatérale par rapport à l'aide bilatérale est l'inverse de celui adopté
par d'autres grands États comme les États Unis d'Amérique, le Royaume Uni ou
l'Allemagne.
Un choix de politique publique lourd de conséquences
Malgré d'importants moyens attribués par la France pour financer la
solidarité internationale, la diminution drastique de l'aide bilatérale et
l'absence de stratégie d'ensemble dévalorisent ses efforts. La compétence
française est insuffisamment utilisée pour participer au renforcement des
systèmes de santé. Son influence parmi les contributeurs et les bénéficiaires
de la solidarité internationale n'est pas proportionnelle à ses ambitions et
aux moyens qu'elle injecte. La France se doit d'avoir une approche plus
prospective des objectifs à atteindre en fonction de ce savoir-faire
universellement reconnu et de partenariats qu'il faut renforcer. Cette volonté
doit s'insérer de façon durable et globale, dépassant les urgences sanitaires
et les seules maladies transmissibles, devenues pour certaine chroniques, afin
de s'adresser également à d'autres pathologies : cancers, maladies
cardiovasculaires, obésité, diabète ou santé mentale... L'offre de soin ne
saurait d'ailleurs suffire, et doit s'accompagner nécessairement d'une offre
dans le domaine de la recherche et de la formation. C'est dire que les
moyens de cette solidarité ne peuvent se limiter à des financements.Il faut
aussi construire et développer en commun. L'expertise et le savoir faire
français peuvent y contribuer, à condition de disposer d'un minimum de moyens
médicaux, scientifiques et humanitaires, d'être visibles et de pouvoir
infléchir les choix de l'aide multilatérale .
Propositions
1. Valoriser le savoir faire et l'expertise française par un soutien accru
de l'Etat à l'aide bilatérale
Il faut en accroître la part dans l'Aide publique au Développement (APD),
dont le volume global est en augmentation alors que l'aide bilatérale diminue. La relation
bilatérale avec la France est réclamée par de nombreux partenaires. Or, c'est
un instrument dont il faut considérer qu'il sert non seulement les intérêts des
partenaires, qui peuvent s'en prévaloir pour valoriser leur action, mais aussi
ceux de la France par la mobilisation de son expertise en partenariat.
Considérée comme mieux adaptée aux besoins, plus souple dans son attribution
que l'aide multilatérale, elle scelle souvent une relation de confiance entre
la France et ses partenaires. Elle rend visible l'action de la France pour les
populations auxquels elle bénéficie ; l'expertise et l'oeuvre de
solidarité de la France sont plus et mieux reconnus qu'à travers son engagement
dans l'aide multilatérale. Il s'agit des lors de s'engager plus dans l'aide
bilatérale, sans soustraction au détriment du multilatéral, à travers
des partenariats en formation, soin et recherche. Les opérateurs pivots de la coopération
française - Agence Française pour le Développement (AFD) et France
Expertise International (FEI) - devraient être pilotés pour soutenir de tels
programmes qui pourraient s'articuler en recherche aux soutiens à
l'international de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), l'Agence Nationale
de Recherche sur le SIDA et les hépatites (ANRS) et l'Institut National du
Cancer (InCA).
2. Mieux gérer l'engagement multilatéral
L'engagement multilatéral n'a pas suffisamment fait l'objet d'une stratégie
clairement définie, notamment pour l'articuler avec l'aide bilatérale,
et pour favoriser un continuum soin, formation et recherche. Une des
raisons est la complexité de la gestion de l'aide par différents Ministères,
par l'AFD et FEI, avec des personnels peu formé au médical, et par
l'organisation des différents services. Il est indispensable d'encourager le
décloisonnement des services en gérant mieux la coopération multilatérale dans
les ministères et agences de développement concernés, en créant un outil de
coopération capable d'en donner une présentation synthétique et un pilotage
interministériel. Lexpertise du bilatéral doit venir en appui aux actions du
multilatéral pour le valoriser. Par ailleurs, si l'investissement dans les
Fonds verticaux dédiés aux pandémies,vaccinations, santé de la mère et de
l'enfant, doit être poursuivi, une réflexion doit être menée afin d'étendre
l'aide à d'autres pathologies non transmissibles telles cancer, maladies
cardiovasculaires, obésité, diabète, santé mentale.
3. Rentabiliser les financements des bailleurs actuels et en chercher de
nouvelles sources
Indépendamment d'une majoration du volume de l'APD en santé, il s'agit de
mieux gérer les crédits déjà dédiés car Il existe en France des capacités
d'investissement pour le développement qui sont insuffisamment valorisées.
Ainsi, l'engagement des collectivités locales dans la coopération avec les
partenaires du Sud est important et en augmentation. Il constitue un apport
réel à la politique étrangère de la France et à son effort de solidarité. Les
capacités de financement qu'elles représentent devraient mieux s'inscrire dans
une cohérence nationale, tout en préservant les capacités d'initiative et
les choix des collectivités locales. Il convient donc de mieux coordonner et
évaluer les efforts de la coopération décentralisée. Il en est de même
pour les crédits de coopération des CHU affectés à l'international sans aucune
coordination. Toutefois, même si leurs choix comme ceux d'autres bailleurs
institutionnels, tel l'AFD, pourraient être mieux guidés dans le cadre d'un
réel plan stratégique, il n'en reste pas moins nécessaire de trouver de
nouveaux financements. A coté de la taxe des billets d'avion, la recherche
de financements innovants doit être privilégiée, et de nouvelles pistes
trouvées, au-delà de celles déjà en cours d'évaluation, comme la taxe sur les
transactions financières. Il est de la responsabilité des États, sur le plan
éthique comme sur le plan politique, d'alerter les citoyens des pays riches sur
le déséquilibre du monde et de faire appel à de nouveaux modes planétaires et
pérennes de financement de la Santé dans le secteur du développement .
4. Créer un "Commissariat général à la coopération sanitaire pour le
développement”
Le comité Interministériel pour la Coopération Internationale pour le
Développement, le CICID, ne suffit pas à assurer un pilotage suffisamment
efficient de l'aide multi et bilatérale, dans le cadre d'une stratégie
construite et évaluée. La réflexion gagnerait à être menée dans un lieu de
dialogue, de réflexion prospective et d’expertise sur les politiques
publiques, ouvert à l'ensemble des acteurs sociaux et aux partenaires du Sud,
qu'il est proposé d'appeler "Commissariat General à la coopération
Sanitaire pour le développement". Il aurait pour mission de fixer des
priorités sectorielles et géographiques en fournissant un cadre médical,
scientifique et éthique à partir de l'évaluation des besoins sanitaires des
populations des pays partenaires et des conditions de développement
démographique et socio-économique. En éclairant l'action des Ministères sur
l'engagement de l'aide en soin, formation et recherche, la création d'un
tel organisme permettrait de (re)trouver le chemin d'une stratégie collective
et concertée avec toutes les forces vives prêtes à s'engager sur la coopération
sanitaire pour le développement.
Conclusions
Malgré des efforts important en matière de solidarité internationale,
l'aide de la France en santé pour le développement perd de son efficacité et de
sa visibilité du fait d'une insuffisance de soutien à la coopération bilatérale
et de l'absence de définition d'un cadre stratégique clair qui puisse guider et
coordonner les différents bailleurs nationaux. Or, la situation sanitaire
mondiale s'aggrave et l'accès à la Santé est de plus en plus inégal. Le
savoir faire français spécifique en matière de santé dans les PED,
universellement reconnu, plaiderait en faveur d'un engagement plus actif pour
renforcer nos partenariats et soutenir, notamment dans les pays de la zone
francophone, une coopération hélas aujourd'hui en déclin.
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