L’arrêt du Conseil d’Etat du 14
février 2014 suspendant en référé un arrêté qui conditionnait le remboursement
d’une technique à son utilisation au long cours par les malades est « comme un
coup de tonnerre dans un ciel serein ». A juste titre les observateurs peuvent être
interloqués.
La France, à la différence d’autres pays européens, avait
fait le choix de la qualité et de l’efficience. En acceptant de rembourser une
prestation au long cours, pour un coût non négligeable de 20€ par semaine (soit
plus de 1000€ en année pleine), le Comité Economique des Produits de Santé
(CEPS) avait privilégié l’engagement et la rémunération de professionnel pour
un meilleur service aux malades. Qu’était-il demandé en retour ? Une
utilisation effective de ces dispositifs.
L’Allemagne et l’Espagne ont une démarche différente, basée
sur une politique de bas-coût. En confiant le marché au moins-offrant, ces pays
ont tiré les prestations vers le bas. Au bilan, à 7€ par semaine, les malades
allemands et espagnols ne bénéficient plus d’aucun service de la part des
prestataires, le matériel mis à disposition prend une voie rapide vers l’obsolescence
et le résultat sanitaire est catastrophique.
En France, qu’était-il attendu en retour ? Simplement une
utilisation effective des appareillages. Il était convenu qu’au bout de 8 mois
sans utilisation, les prestations ne seraient plus prises en charge. Les
malades et leurs médecins avaient bien évidemment la possibilité de rencontrer
leur médecin-conseil à l’Assurance Maladie, dans les cas qui auraient pu donner
lieu au maintien des remboursements.
Le système, pour le citoyen respectueux de l’argent
collectif qu’il contribue, par son travail, à mettre à disposition de la
solidarité nationale, était frappé de bon sens et d’équité : l’état de santé de
certains patients pris en charge contre l’assurance que ces services soient
effectivement utilisés.
Las, les sophistes en ont décidés autrement : car ce n’est
pas tant la proposition qui a été contestée, que l’outil utilisé pour
surveiller l’utilisation effective de ces appareils : la télé-observance. Voilà
bien Big Brother dans les familles ! Utiliser les outils modernes, sans
contrainte supplémentaire pour les malades (tout est automatique) pour veiller à
l’utilisation correcte d’une prestation mise à disposition et prise en charge
par la solidarité nationale, voilà bien le péché mortel !
Le plus troublant dans cette histoire, c’est que l’arrêté
suspendu est effectif depuis… octobre 2013. Bon nombre d’appareillages ont été équipés
qui ont nécessité des investissements, de l’innovation et donné lieu à des créations
d’emplois. Les discussions d’ailleurs, avec les industriels, ne dataient pas d’hier,
mais de 2011. Le système avait été amendé deux fois sur le plan réglementaire
et une étude réalisée auprès des malades montrent qu’ils plébiscitent celui-ci à…
plus de 90%*. Actuellement près de la moitié des malades en bénéficient.
Au moment où l’Etat cherche à réduire les déficits publics,
voilà un arrêt qui aboutit à un triple impact négatif :
§ c’est un
bel encouragement à un dévoiement d’argent collectif : en ces temps de disettes
budgétaires, il profiterait mieux aux malades qui ont des difficultés d’accès
aux soins. Ils sont nombreux
§ c’est un
coup de frein brutal à tout ce qui relève de la télémédecine et de la télésurveillance
des malades : ce sujet hautement innovant et profitable pour les personnes
trouve déjà de grandes difficultés dans son financement
§ c’est une
perte en ligne d’investissements et la fragilisation d’emplois : et ce n’est
pas le moment.
* sondage commandé par la Fédération des Prestataires de
Santé à Domicile (FEPSAD): 1000 patients interrogés par Opinion Way en janvier
2014, à partir d'une base de 10 000 patients :
§ 92 % se
disent satisfaits par la prise en charge à domicile incluant le télésuivi
§ 88 %
trouvent acceptable le conditionnement du remboursement à l'observance