Communiqué
À propos du maintien ou de la levée de l’obligation
vaccinale
Yves Buisson, Pierre
Bégué au nom de la commission VII
(maladies infectieuses et maladies tropicales).
En France, trois
vaccins relèvent encore d’un régime obligatoire : ce sont les vaccins
contre le tétanos, la diphtérie et la poliomyélite. Avec le temps, cette
situation est devenue paradoxale puisque les trois maladies ciblées par la
vaccination obligatoire ne sont plus à l’avant-scène des risques infectieux encourus
par la population française alors que d’autres maladies infectieuses dont
l’impact en santé publique est considérable (coqueluche, hépatite B, rougeole,
rubéole, oreillons, infections invasives à méningocoque ou à Haemophilus influenzae de type b,…) ne
font l’objet que de recommandations vaccinales. En outre, les vaccins
disponibles sur le marché pour l’immunisation des enfants sont des formulations
combinées qui associent des valences obligatoires et des valences recommandées.
Un tel paradoxe rend le calendrier vaccinal difficile à comprendre par le grand
public, difficile à appliquer par les médecins et difficile à justifier par les
autorités de santé [1,2].
Ces dispositions devraient
donc être modifiées.
Le concept d’obligation vaccinale est-il désuet? Faut-il
l’abandonner ?
La réponse est
clairement non. Abolir l’obligation vaccinale serait interprété
comme l’aveu implicite que les vaccins ont une efficacité et une innocuité
discutables. Devenue facultative, la vaccination deviendrait un moyen
de prévention comme un autre dont le caractère optionnel serait rapidement exploité
par ses détracteurs. La perception du bénéfice collectif en serait aussi
probablement altérée. L’exemple des pays européens qui ont supprimé
l’obligation vaccinale ne doit en aucun cas être imposé comme un modèle en
France où la tradition de la vaccination obligatoire demeure profondément
ancrée dans la mémoire collective et où le terme "recommandé" n’a pas la même force que dans les pays
anglo-saxons [3].
Vers quelles nouvelles conceptions faut-il se
diriger ?
1. Reconsidérer le terme "obligatoire" : il faut évoluer d’une obligation
de principe, jusqu’ici invariablement limitée à trois valences vaccinales, vers
une exigibilité des preuves de la
vaccination dans un certain nombre de circonstances de la vie telles que :
-l’entrée en
collectivité : crèches, garderies, écoles, jusqu’à l’université ;
-des professions
exposées : métiers de la santé, militaires…
- les cas
particuliers : voyageurs, migrants, missions à l’étranger…
- un contexte épidémique.
Toutes ces
conditions nécessiteront des mesures réglementaires adaptées.
2. Réévaluer le caractère immuable et
intangible de ces dispositions : la liste des vaccinations exigibles
devrait être révisée chaque année par le Haut Conseil de la Santé Publique
(HCSP) lors de l’édition du nouveau calendrier vaccinal, en tenant compte de
l’actualité de l’épidémiologie des
maladies-cibles, des progrès de la vaccinologie et de la balance des avantages
et inconvénients.
Comment faire accepter un tel changement ?
Pour être
consenties, les modifications préconisées doivent être précédées d’un programme
national d’information de grande ampleur, adapté pour un large public (parents,
par ex) et pour les professionnels de la santé (médecins, pharmaciens). Cette
campagne pédagogique ne peut se concevoir sans un engagement formel de la part de
l’autorité politique et sans le soutien actif du Ministère de la santé. Elle
doit impliquer les différents organismes en charge de l’éducation pour la
santé, tels que le HCSP et l’Agence nationale de santé publique, et devrait aussi
bénéficier de la participation de l’Académie nationale de médecine.
Références :
- Floret D, Bourdillon F. Vaccination : entre recommandation et obligation
(2013). Actualité et
dossier en santé publique, N° 83 : 54-56.
- Truchet D. L’avenir de l’obligation vaccinale :
aspects juridiques (2010). Bull.
Acad. Natle Méd., 194, Nos 4 et 5 : 733-740.
- Bégué P. Le refus des vaccinations. Aspects actuels
en 2012 et solutions en santé publique (2012). Bull. Acad. Natle Méd., 196, N° 3 : 603-618.
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