🖋 Billet d'humeur de la semaine du Dr Christophe Prudhomme
Des dérives inacceptables de la médecine par le
Dr Christophe Prudhomme
Face à une demande croissante, un certain nombre de médecins se sont orientés vers la médecine esthétique pour des raisons strictement financières avec des pratiques qui ne sont pas contrôlées et qui peuvent mettre les patient.e.s en danger.
Une affaire récente est éclairante avec la plainte d’une patiente sévèrement brûlée après une séance d’épilation définitive opérée par une infirmière sous la responsabilité d’un médecin s’attribuant les qualificatifs de « morphologue et « anti-âge ». Ce praticien exerçait notamment dans une clinique de La Baule vantant ses services en proposant des ristournes sur les réseaux sociaux, en invitant les clientes à venir seule ou en duo pour échanger autour d’un cocktail.
Le cas de ce médecin est emblématique de ces dérives qui sont théoriquement interdites par le code de déontologie qui précise que l'exercice de la profession ne doit pas être assimilé à une activité commerciale où le profit est l'objectif principal. Les professionnels sont tenus de respecter un certain nombre de règles pour éviter toute pratique qui pourrait nuire à l'intérêt général, à l'image de leur profession, ou qui pourrait être perçue comme une exploitation commerciale de leur savoir-faire.
La presse spécialisée fait état de l’association du conseil de l’Ordre des médecins de Loire-Atlantique à cette plainte. C’est le minimum car son rôle est le contrôle a priori des conditions d’exercice des médecins. Que ce médecin ait pu obtenir l’autorisation d’exercer et qu’aucun contrôle n’ait été effectué par l’Ordre avant la plainte de cette patiente pose question. En effet, l’État a délégué à l’Ordre des médecins le contrôle de l’exercice de la profession, mais le bilan n’est pas à la hauteur de la mission au regard des multiples scandales récents, dont le plus emblématique est l’affaire Le Scoarnec, ce chirurgien pédophile qui a pu obtenir l’autorisation d’exercer par les Ordres respectifs de plusieurs départements, alors que des signalements avaient été effectués pendant des années sur de possibles agressions sexuelles vis-à-vis d’enfants.
L’autre question qui peut se poser est le rôle de l’Agence régionale de santé dont la mission est de contrôler le fonctionnement des établissements. Or cette clinique de La Baule semblait avoir une activité très éloignée des missions de service public que la population est en droit d’attendre de tout établissement de santé.
Alors que le gouvernement ne cesse d’accuser les assurés sociaux de profiter, voire d’abuser de notre système de protection sociale et a présenté par la voix de la ministre Vautrin toute une série de sanctions, il serait bon qu’il se préoccupe aussi du type d’abus que constitue cet exemple. Ce d’autant qu’il serait malvenu d’arguer du caractère exceptionnel de ce cas, car il s’agit d’un parmi d’autres, avec une augmentation de ce type de mésaventures subies par des patient.e.s ces dernières années. Deux questions se posent. La première est de savoir si le contrôle de la profession par l’Ordre des médecins doit se poursuivre au regard de son bilan désastreux. La deuxième est de mettre à plat le bilan des ARS qui ont été incapables de contrôler les EHPAD avec le scandale d’ORPEA et qui visiblement ne contrôlent pas mieux les activités des cliniques privées à but lucratif.
En savoir plus sur l'auteur du billet
Le Dr Christophe Prudhomme est urgentiste au Samu 93, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, depuis 1987. Il est représentant CGT des médecins, porte-parole de l'AMUF et conseiller régional Ile-de-France.
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