Nora ANSELL-SALLES

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vendredi 18 janvier 2013

Rapport Le Déaut :


des avancées confirmées mais toujours un malaise des jeunes chercheurs sur leur représentativité

Le rapport remis le 14 janvier au premier ministre confirme les avancées relatives aux attentes des jeunes chercheurs proposées dans les précédents rapports, avec certaines améliorations. La CJC reste cependant sceptique sur la volonté des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche de donner une juste représentativité aux jeunes chercheurs.

La CJC s’était réjouie de la prise en compte en compte des problématiques des jeunes chercheurs dans les précédents rapports1. Le rapport Le Déaut, nouvelle étape dans la préparation de la future loi, confirme un certain nombre d’avancées sur les problématiques des jeunes chercheurs : l’intégration du doctorat hors du secteur académique, la limite du nombre de doctorants par encadrant, l’accès des docteurs à la fonction publique, l’accueil des jeunes chercheurs étrangers et la lutte contre la précarité dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche.

Jean-Yves Le Déaut conforte le statut du doctorat comme expérience professionnelle et la nécessité de résorber la précarité à tous les niveaux : accumulation des contrats non pérennes, contractualisation des doctorants… Aussi, il souhaite responsabiliser les établissements grâce à l’application de la Charte du chercheur et au Code de conduite pour le recrutement des chercheurs, promus au niveau européen2.

Le rapport laisse cependant une ambiguïté sur le droit à la représentativité des chercheurs non permanents. Ces derniers (doctorants et docteurs non titulaires) ont des problématiques communes justifiant une unicité de leur représentation dans les instances de l’ESR. Les solutions proposées ne permettent pas leur représentation juste et authentique, ce qui empêche l’existence d’une réelle démocratie dans la gouvernance des établissements. En effet, dans les propositions, les docteurs chercheurs non permanents (« post-docs », ATER…) ne sont pas intégrés au sein du collège « jeunes chercheurs » et les doctorants sont maintenus au sein d’un collège « étudiants, doctorants et autres usagers » du conseil d’administration, niant le caractère professionnel du doctorat.




Analyse

Jeunes chercheurs étrangers : des avancées pour leur accueil

La CJC se félicite de la proposition d’extension de la durée de carte de séjour mention « scientifique-chercheur » qui permet d’inclure les droits sociaux3. Le principe de réduction des délais par une meilleure organisation des procédures et par une meilleure coordination des acteurs concernés, tout comme le renforcement de l’information des bénéficiaires de la carte scientifique-chercheur, permettront également de renforcer l’attractivité de la recherche en France. Mais la CJC souligne également la nécessité de conférer à ce titre un caractère pluri-annuel dès la première attribution, afin de répondre également aux problèmes rencontrés dans leurs démarches administratives par les jeunes chercheurs étrangers qui étaient déjà en France avant leur première mission de recherche4.

Jeunes chercheurs : un malaise sur leur représentation

La CJC tient à souligner que les propositions du rapport ne permettent pas une représentation satisfaisante des jeunes chercheurs. Les doctorants et chercheurs docteurs non titulaires ont les mêmes problématiques : ils sont des chercheurs non permanents. Il est donc légitime que cette représentation soit commune dans un collège qui reconnaisse le caractère professionnel de leur activité.

La proposition de création d’un collège au Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire (CEVU) des doctorants sur le même modèle que celui du Conseil Scientifique (CS) pose un double problème. Tout d’abord, les docteurs non permanents ne sont pas intégrés au sein de ce collège ; ensuite le collège doctorants du CS est présenté comme un collège « usagers ». Un usager est un bénéficiaire du service public d’enseignement et de recherche. Or les doctorants ne sont pas bénéficiaires mais producteurs de ce même service public, aussi ils ne peuvent être convenablement représentés dans un statut qui n’est pas le leur. Le rapport Le Déaut sur ce point maintient l’ambiguïté du statut du doctorant, voire se révèle contradictoire alors même qu’il réaffirme la nécessité de reconnaître pleinement le caractère professionnel du doctorat par des modifications de l’article L612-7 du Code de la recherche5. La valorisation du doctorat ne pourra être pleinement réalisée que si l’université, au sein même de ses structures, cesse d’assimiler l’étudiant et le jeune professionnel de la recherche6. Il en est de même pour l’intégration d’un doctorant dans les listes des usagers au Conseil d’Administration (CA)7.

Lors de la concertation du ministère du 19 décembre autour du projet de loi d’orientation, la création d’un collège spécifique « doctorants » avait été proposée au sein d’un conseil académique qui réunirait le CS et le CEVU, ce dont la CJC s’était félicitée tout en demandant au ministère d’intégrer les docteurs non permanents et d’étendre cette proposition au CA. Or dans le rapport Le Déaut, il semble que la proposition d’un collège « étudiants, doctorants et autres usagers » au CS et au CEVU soit un retour en arrière par rapport aux espoirs que la proposition du ministère avait suscités chez les jeunes chercheurs.

La CJC espère que la réforme proposera la création d’un collège spécifique intégrant les chercheurs non permanents au sein de tous les conseils8 permettant, enfin, une juste représentation pour les jeunes chercheurs.

Encadrement et suivi du doctorat : vers une amélioration des conditions ?

Dans toutes les disciplines, l’échec des projets doctoraux est souvent en partie lié à des problèmes d’encadrement. La CJC relève plusieurs propositions qui permettraient d’améliorer cet encadrement parmi lesquelles : la diminution du nombre de doctorants encadrés par un même directeur doctoral, un suivi individualisé des doctorants, le co-encadrement9, et une formation à la direction de recherche10.

La CJC se questionne sur la pertinence d’une soutenance à mi-parcours11, qui semble en décalage avec les dynamiques propres de chaque projet doctoral.

Amélioration des conditions de travail : vers une résorption de la précarité ?

Dès le début des Assises, la CJC se positionnait pour une gestion des ressources humaines responsables12, d’où sa décision de soutenir le mouvement des « précaires ».

La CJC se félicite des propositions du rapport qui prône « la contractualisation de tous les doctorants », et « la résorption des libéralités et du travail gratuit sur aides sociales »13 par l’augmentation du contingent des contrats doctoraux, tout en procédant à un rééquilibrage dans les disciplines encore sous-dotées. Cette mesure répond pleinement aux souhaits de la CJC.

Pour résorber la précarité des docteurs non permanents, le rapport énonce la nécessité d’un recrutement au plus près du doctorat14 par la mise en place d’une charte encadrant la politique des établissements en termes d’emplois contractuels et de vacataires.

Dans une vision plus générale de la politique de ressources humaines, le rapport souligne la nécessité d’un engagement des établissements à appliquer la « Charte européenne du chercheur et le code de conduite pour le recrutement des chercheurs »15. La CJC et Eurodoc16 rappellent que pour faciliter la mise en place de cette charte et évaluer son application dans les établissements, la Commission Européenne, sous l’impulsion de la France, a mis en place une politique « Human Resources Strategy for Researchers » permettant l’obtention d’un label « HR Excellence in Research »17. Ce dispositif est tout indiqué pour accompagner la transition des établissements vers de meilleures pratiques de gestion de ressources humaines, et devrait être explicitement cité et utilisé. La CJC se tient à la disposition de tout établissement pour partager son expertise à ce sujet vis-à-vis du doctorat et des jeunes chercheurs.

Poursuite de carrière : une valorisation du doctorat hors ESR

La proposition d’accès aux doctorants à des formations destinées à préparer leur poursuite de carrière18, la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives19, l’accès aux fonctions publiques par des concours spécifiques20 sont des propositions qui répondent aux attentes des jeunes chercheurs, dont la CJC se félicite grandement.

La réforme du Crédit Impôt Recherche, pour inciter encore plus les petites et moyennes entreprises à recruter des docteurs en CDI, constitue une proposition qui permettra d’intégrer au mieux les docteurs au tissu économique et social en dehors de l’ESR.

Confédération des Jeunes Chercheurs


Contact presse joignable par téléphone au 06 50 94 77 03.

La CJC (Confédération des Jeunes Chercheurs) est une association de loi 1901, nationale et pluridisciplinaire. Elle regroupe une quarantaine d’associations de doctorant-e-s et de docteurs en emploi académique non permanents, bénévolement impliqués dans la valorisation du doctorat. Au niveau national, de par son expertise sur le doctorat, elle est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics (syndicats, Parlement, Ministères, Élysée, Commission Européenne...), représentée notamment au CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche). Au niveau européen, elle participe à la réflexion sur le doctorat et les jeunes chercheurs par l’intermédiaire du conseil EURODOC, dont elle est membre fondateur.



3p. 63, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

4Améliorer la situation des jeunes chercheurs étrangers en France, contribution de la Confédération des Jeunes Chercheurs aux Assises territoriales internationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, octobre 2012

5p. 125, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

6p. 25, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

7p. 19, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut


9p. 126, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

10p. 124, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

11p. 126, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

12Dépêche AEF, 10 septembre 2012 : La CJC plaide pour « une politique de ressources humaines responsable » vis-à-vis des jeunes chercheurs

13p. 124, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

14p. 122, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

15p. 122, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

16Améliorer l’attractivité et le rayonnement de la recherche française, contribution d’Eurodoc aux Assises territoriales internationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, octobre 2012


18p. 123, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

19p. 127, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut

20p.126, Refonder l’université, Dynamiser la recherche, janvier 2013, Jean-Yves Le Déaut