EXCLUSIF : ✂️Interview du styliste Pathé'O icône de la mode africaine
Ainé Pathé Ouédraogo (né en 1950 à Guibaré, Burkina Faso), dit Pathé'O, est un styliste burkinabè basé en Côte d'Ivoire depuis les années 1970.
Célèbre internationalement notamment pour avoir habillé Nelson Mandela et de nombreux chefs d'État africains :
le roi du Maroc Mohammed VI, le Rwandais Paul Kagame, le milliardaire nigérian Aliko Dangote… Tous ont porté des créations de Pathé Ouédraogo.
Je suis une personne comme tout autre personne, je ne me sens pas différent des autres: une des choses qui me caractérise c’est l’humilité.
D’enfant du village, je suis devenu celui que je suis aujourd'hui.
Je sais mieux que quiconque que de zéro on peut devenir un héros...
Alors je ne minimise personne et ne cherche pas à me donne une contenance.
Pour être franc, je n’avais pas de profession, mon seul rêve était d’immigrer en Côte d’Ivoire.
À voir les aînés qui revenaient de Côte d’Ivoire, mon seul rêve était de tenter l’aventure en Côte d’Ivoire.
La couture qui est le métier que je pratique aujourd’hui est un métier que je pratiquais initialement juste pour gagner ma vie, au fil du temps je me suis fixé des objectifs notamment satisfaire mes clients et exceller davantage dans cette profession.
Ainsi que je vous l’ai dit, c’est un métier que je pratiquais pour assurer ma survie, en suivant l’exemple de mon employeur j’ai fini par aimer ce métier de couturier.
Alors oui ce métier par nécessité est ensuite devenu pour moi un métier comme tout autre pour gagner ma vie.
Au fil des années je me fixé de nouveaux objectifs comme celui de satisfaire ma clientèle.
J’éprouve un sentiment de fierté au regard de toutes ces étapes gravies.
En vérité il n’y a pas eu de temps, les choses sont venues d’elles-mêmes.
Toutefois le prix des " ciseaux d’or" que j'ai remporté en 1977 a été un moment décisif dans ma carrière.
Ce prix m’a donné, bien évidemment plus de visibilité.
Tous les défilés m’ont marqué.
Je mets les défilés au même niveau parce que je déploie la même énergie peu importe le défilé, c’est un métier qui ne se limite pas à une seule opportunité, un seul défi, tous les défis et défilés sont de taille.
On n’atteint jamais de limite donc pas de satisfaction particulière.
D’abord il est souvent difficile de leur prodiguer des conseils, certains ne les apprécient pas, c’est les rabaisser selon leur entendement...
Je veux tout de même profiter de votre media pour dire aux jeunes créateurs que nous ne devons pas obligatoirement suivre la mode occidentale, ils doivent créer des vêtements en phase avec nos traditions "made in Africa".
Me concernant, je me suis imposé depuis 1998, de coudre les vêtements à partir de tissus fabriqués par nous-mêmes.
Nos jeunes créateurs doivent créer des tenues en fonction de nos civilisations.
J’ai mal lorsque je vois des africains se battre pour acheter des friperies européennes...
Pourquoi absolument porter ce que les occidentaux ont déjà porté, c’est justement parce que nos créateurs se conforment à la mode occidentale
Ils doivent être fiers de la mode africaine, au Japon, en Inde, ils conservent, encore jusqu’à présent, leurs cultures vestimentaires.
Aucun couturier africain, n’a réussi en Europe, personne n’a réussi à s’imposer en Europe à partir de culture vestimentaire africaine et de style africain.
Les couturiers africains travaillent pour survivre en Europe tout en adaptant le style européen.
Je n’avais pas de rêves étant enfant à part celui de venir vivre en Côte d’Ivoire.
J’étais séduit par les aînés qui revenaient de Côte d’Ivoire.
Naître en Afrique, dans des conditions précaires vous enlève tout rêve, seule la survie te préoccupe...
De tout ce que la nature offre, tout m’inspire en Afrique, un foulard mal attaché, un écolier qui va à l’école, des enfants qui s’amusent etc.
Je m’inspire de tout de ce que je vois, je m’inspire aussi des échecs, des ratés aussi bien que des réussites dans l’optique de m’améliorer afin de satisfaire ma clientèle.
Gigantesque, quand vous avez Mandela en face, c’est comme si vous n’existiez pas.
C’était un homme très humble, accessible sans beaucoup de protocole.
Il avait un grand esprit, il est celui qui a le plus fait ma publicité.
En parler me fait ressentir à nouveau cette joie qui m’a animé lorsque je l’ai rencontré pour la première fois.
Il a été une muse pour moi, il m’a dit « l’Afrique de demain appartient aux créateurs de richesses ».
Pathé'O, lauréat du Prix du Beau Livre de La Maison de L'Afrique 2025
Le jury du Prix du Beau Livre de La Maison de L'Afrique a décerné sa récompense pour l'année 2025 à Pathé'O, écrit par Catherine Morand, Chayet Chienin et Denise Epote, publié par les éditions Patrick Frey. Le titre faisait face à deux autres ouvrages, à l'occasion de cette deuxième édition de la distinction.
Le parcours extraordinaire du couturier ivoiro-burkinabé Pathé'O, icône internationale de la mode africaine.
Ce livre retrace le parcours extraordinaire de Pathé'O et de sa marque. Son histoire permet de mieux comprendre le spectre de la mode en Afrique de l'Ouest, la fusion d'un présent mondial et d'un riche héritage culturel. Le livre explore des sujets allant de l'industrie de la mode et du textile à la migration de la main-d'œuvre, en passant par le patrimoine culturel, la politique et le showbiz, dans l'histoire et le présent.
Avec un entretien de Catherine Morand et des textes de Chayet Chiénin, Denise Epote, Anne Grosfilley, Geneviève Hill-Thomas, Saidi Mamadou Ouédraogo et Victoria Rovine.
En savoir plus :
Le livre est disponible à la Fnac.
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PATHÉ’O DANS LE REGARD DU STYLISTE IVOIRIEN GILLES TOURÉ
🖋PATHÉ'O c’est difficile de le nommé comme cela, pour moi, qui l’appelle ”Papathéo”.
J’ai tellement de choses à dire sur lui, que je ne sais pas par où commencer.
À côté de mes parents PATHÉ'O a été la 1ère personne qui a cru en moi.
Pathé'o m'a remarqué lors d’un défilé de fin d’année d’école. Il a été le 1er à m'accorder un 1er rendez-vous. J’étais encore un très jeune élève quand il m’a pris dans son équipe pour Miss Côte d'Ivoire, il y a bien longtemps de cela. C’est parti comme ça...
Quand j’ai obtenu ma licence et que décidé de partir à Paris, il m’a mis en contact avec beaucoup de créateurs africains au niveau de la France.
PATHÉ'O ne m’a jamais lâché. C’est ”mon papa”. J’aime a dire que c’est mon papa au niveau de la mode.
C’est le papa de tous au au niveau de la mode, mais j’aime à dire que je suis son 1er fils. Je revendique d’être ”son aîné”... Je suis son aîné. PATHÉ'O est un ”MONSIEUR” formidable.
Le milieu de la mode comme celui du showbiz est un milieu très difficile, où chacun est dans son coin. Il y a beaucoup de jalousies, beaucoup de méchancetés, mais PATHÉ'O aime tout le monde,il est apprécié de tout le monde il ouvre ses bureaux à tout le monde. Il ouvre sa maison à tout le monde .il ouvre ses ateliers à tout le monde... et c’est très rare dans ce milieu là. PATHÉ'O nous l’avons tous adopté.
Paris, Dakar, Cotonou, Lomé ou Ouagadougou, à chaque fois que PATHÉ'O avait un défilé il m’imposait presque aux organisateurs. C’est comme cela que j’ai fait beaucoup de voyages avec lui.
Vraiment je lui serai reconnaissant à vie. Je dois tout une grosse grosse partie de ma carrière à PApaTHÉ'O. Je lui dis tout le temps, et il le sait.
C'est difficile de parler de son ”papa” mais je voudrais justement à travers ce reportage, lui dire encore une fois mais vraiment aux yeux du monde entier : MERCI Papathéo pour ce que tu es pour moi.
MERCI pour ce que tu es pour nous créateurs.
MERCI pour ce que tu es pour la mode africaine.
PATHÉ’O DANS LE REGARD DE LA CRÉATRICE FRANÇAISE KATHERINE PRADEAU
🖋 "Pathé'o, c'est un visionnaire en avance sur son temps, un homme d'une grande sagesse comme on en rencontre qu'en Afrique, un homme calme, humble, une force tranquille avec un zest d'humour.
Pathé'o n'a pas besoin de mettre en avant son égo, parce que sa mode parle d'elle-même.
Je retrouve dans ses collections sa détermination à mettre en lumière les savoir-faire africains et ses références culturelles.
C'est au FIMA ( Festival international de la Mode Africaine) au Niger que nous nous sommes rencontrés il y a environ vingt ans.
Pendant les essayages du grand défilé, comportant une trentaine de créateurs et couturiers , j'étais contrariée et agacée par l'égo démesuré d'un jeune créateur qui était très peu conciliant avec le concept de défilé en commun, et je lui en avait fait la remarque. Pathé'o m'avait alors abordé, tout à fait d'accord avec mon intervention.
Nous avons échangé sur l'importance d'intégrer les savoir-faire et la culture dans notre travail de création, notre propre interprétation donnant alors l'ADN de notre marque et notre propre style. Et si nous intégrons d'autres cultures, ne pas oublier d'où nous venons. Le résultat peut alors être un savant et subtil métissage.
Il avait insisté sur l'importance de sublimer sa clientèle au travers du vêtement avec des pièces qu'elle peut porter.Ne pas oublier que la couture c'est avant tout un vêtement qui se porte, ce qui n'empêche en rien quelques pièces spectaculaires, un concentré de savoir-faire.
Par la suite, nous avons participé à plusieurs événements de mode en Afrique ainsi qu'à Paris lors d'un défilé commémoratif à l'ambassade de Côte d'Ivoire.
Pathé'o est pour moi un "Monstre Sacré" de la couture africaine, une référence pour les nouvelles générations de couturiers qui ont compris l'importance d'intégrer leurs cultures et leurs savoir-faire dans leurs créations.
Je suis très honorée de l'avoir rencontrée.
J'espère ne pas avoir fait de faute...
En écrivant ce texte, j'ai pensé à mon amie Michèle Yakice, une créatrice ivoirienne. Son travail de création et de formation des jeunes autour du tissage est remarquable".
Propos recueillis par Nora Ansell-Salles Legrand assistée sur place par Lucas Ateby.
Crédit photos: Maison Pathé'O, Jeune Afrique, Maison de l'Afrique, Lucas Ateby. Frédéric de la Lachapelle
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