đ„ Interview "Ă coeur ouvert" avec le grand reporter Alain Hamon
AVANT PROPOS
Journaliste français spécialiste des affaires policiÚres et judiciaires,
Alain Hamon, est né le 3 février 1951 au Havre.
Il dĂ©bute sa carriĂšre en 1969 comme correspondant de presse dans l'Oise, pour Le ProgrĂšs de l’Oise, puis l'AFP, Le Figaro et RTL.
En 1973, il intÚgre la rédaction de RTL. Reporter, il va couvrir durant 22 ans les faits divers les plus retentissants et, comme chroniqueur judiciaire, les procÚs les plus importants.
Devenu en 1981, grand reporter pour la radio de la rue Bayard, il va aussi intervenir Ă l'international (guerres au Tchad en 82 et 83, au Liban Ă la mĂȘme Ă©poque, aux Malouines, Ă Sarajevo, dans le golfe, coup d'Ătat en Roumanie, tremblements de terre en AlgĂ©rie, en ArmĂ©nie, en Iran...), les boat-people, le procĂšs d'Idi Amin Dada.
En 1993, il crée sa propre agence de presse : CREDO, installée 30, rue des Acacias Paris XVIIe arrondissement, dans les anciens locaux des célÚbres studios Harcourt.
Dans les annĂ©es 2000, il collabore Ă plusieurs magazines tĂ©lĂ©visĂ©s d'enquĂȘte (Zone Interdite, Le Droit de savoir, EnvoyĂ© SpĂ©cial).
Il intervient rĂ©guliĂšrement aujourd'hui pour le magazine "Au bout de l'enquĂȘte, la fin du crimes parfait ?" de France 2.
Auteur de nombreux ouvrages sur les crimes et faits divers, il prépare actuellement son 1er polar...
Bonjour Alain Hamon,
vous n'avez pas votre pareil, pour commenter et décrypter les grandes affaires policiÚres.
Les férus de faits divers criminels vous connaissent bien, pour suivre depuis des années vos reportages, chroniques et analyses des grandes affaires judiciaires.
Ils sont nombreux à dévorer vos livres.
L'article de "Mine d'Infos" consacré à votre livre "Bonjour on vient pour l'affaire" a fait un tabac!
a fait plaisir aux abonnés des pages
dédiées aux habitants et commerçants du 17Úme, qui espÚrent votre retour dans le quartier...
Bref, vous manquez à vos amis parisiens, et aux habitués de votre ancien quartier [depuis votre départ pour la Corse] qui espÚrent vous recroiser bientÎt rue des Acacias...
Pour autant l'homme public est beaucoup plus connu que l'homme privé...
đ Si vous deviez faire votre auto portrait que diriez-vous de vous ?
Ayant rangĂ© mon Ă©go depuis longtemps au magasin des accessoires, j'ai pris pour habitude d'expliquer qu'aprĂšs avoir Ă©tĂ© grand reporter, je suis devenu (l'Ăąge aidant) "gros" reporter. Mais depuis, je surveille ma ligne. Peut ĂȘtre parce que depuis juillet j'ai Ă mes cĂŽtĂ©s "quelqu'une" qui compte beaucoup pour moi... Ă part ça, je suis le pur produit de la presse Ă l'ancienne, passĂ© par toutes les petites portes, ayant dĂ©butĂ© "sur le tas", propulsĂ© Ă RTL grĂące Ă un grand reporter gĂ©nial des annĂ©es 80, Claude Fouchier. Le reste, c'est Ă©normĂ©ment de travail et beaucoup de chance...
đ Quand avez-vous dĂ©cidĂ© de devenir journaliste ?
DĂšs l'Ă©cole primaire. Au Havre, quand j'Ă©tais au lycĂ©e, mon pĂšre me laissait lire ses journaux prĂ©fĂ©rĂ©s : France Soir, Le Parisien LibĂ©rĂ©, l'Aurore, Paris Jour, le quotidien communiste local : Le Havre Libre... Et aussi le Canard EnchaĂźnĂ© et l'Os Ă moelle de Pierre Dac. Assidu aux cours de Français, d'Histoire-gĂ©o, de langues, je profitais de ceux de mathĂ©matiques que j'exĂ©crais pour faire mes revues de presse. Ce serait reporter et rien d'autre. Au travers des reportages et des enquĂȘtes je faisais la connaissance de journalistes qui devenaient mes idoles, mes modĂšles... et bientĂŽt mes confrĂšres... Car ma force sera de commencer trĂšs jeune, comme CLP (correspondant local de presse), pour Le ProgrĂšs de l’Oise, un bi-hebdo d'infos dĂ©partementales de CompiĂšgne. Ce fut le 1er coup de chance. Du Havre, je rejoignais ma mĂšre qui tenait un cafĂ©-restaurant dans un bourg voisin. ArrivĂ© par le dernier train, plus de taxi. Une femme en 4L m'emmĂšne jusqu'au bout des 15 km que j'avais Ă parcourir : c'est la rĂ©dactrice en chef du ProgrĂšs. informĂ©e de ma passion, en 20 minutes de route, elle me recrute comme CLP sur l'arrondissement de Senlis. Nous sommes en 68, je viens de poser le bout d'un pied dans le journalisme. Ensuite, c'est beaucoup de chance. Sur mon secteur vont se succĂ©der d'Ă©normes affaires criminelles : le tueur de l'ombre (Ă Nogent sur Oise); Le mage de CompiĂšgne (qui laissait les gens sans soins en leur conseillant de prier); l'affaire du gendarme Lamarre. Chance et...culot ! Ainsi vais-je proposer mes services Ă l'AFP oĂč le chef du reportage m'engage par tĂ©lĂ©phone, avant de me recommander Ă son homologue du Figaro. Je deviens correspondant pour les deux rĂ©dactions. Enhardi, je dĂ©borde de mon secteur et je vais couvrir le rapt de la petite
Sophie Duguet prĂšs de Soissons. N'ayant pas l'Ăąge d'avoir le permis, je couvre les affaires en scooter. Et en 1971, j'ajoute RTL Ă mon portefeuille de correspondances. En juin 93, j'intĂšgre le 22 rue Bayard. CoĂŻncidence, destinĂ©e : quand j'Ă©tais gosse, Ă la maison au Havre, nous n'Ă©coutions QUE Radio Luxembourg (l'ancĂȘtre de RTL); et en primaire, pour une piĂ©cette de théùtre de fin d'annĂ©e, je suis dĂ©signĂ© pour jouer... un reporter radio (!).
đ Pourquoi les faits divers ?
Pour plusieurs raisons objectives : d'abord parce qu'en presse locale, pour laquelle vous couvrez d'abord la vie de la cité, quand un fait divers vous tombe dessus, vous allez pouvoir tenir vos lecteurs en haleine, parfois plusieurs jours de suite; ensuite grùce à cela, vous allez pouvoir exprimer votre goût de la narration, de l'écriture, du détail, et aussi de l'investigation.
Ensuite, parce que, comme je l'ai déjà exprimé, j'en ai eu beaucoup en peu de temps sur mon secteur d'activités dans l'Oise. De plus, à mes yeux, il n'y a pas de petit ou de gros fait divers, de petites ou de grosses histoires : il y a ce qui est intéressant et ce qui ne l'est pas.
Et puis, s'il fallait ajouter une raison subjective à mon goût pour le fait divers, je dirais que lorsque lycéen je dévorais les quotidiens, leurs pages en étaient pleines. J'ai donc trÚs tÎt baigné dedans...
đ Vous ĂȘtes un fin limier... vous auriez pu ĂȘtre flic ?
SĂ»rement pas ! D'abord parce qu'il fallait passer un concours, pas pour ĂȘtre simple correspondant de presse... Ensuite, atavisme paternel peut-ĂȘtre - le pĂšre de mon pĂšre, et ce dernier Ă©taient des sortes d'anars, fort heureusement pas dangereux - , qui m'ont lĂ©guer une forte allergie pour l'ordre Ă©tabli et tous ceux qui le reprĂ©sentent. Je prĂ©cise : dans la limite du raisonnable, bien entendu. Mais l'uniforme ne m'a jamais attirĂ©. C'est peut ĂȘtre pour ça que je prĂ©fĂšre les gens de police judiciaire aux gendarmes, par exemple. Et ce recul m'a aussi permis de me mĂ©fier parfois de la justice qui - parfois - dysfonctionne au dĂ©triment du citoyen... Tout ceci ne m'ayant pas empĂȘchĂ© - au fil du temps - de me faire quelques trĂšs bons amis parmi les flics, les magistrats et les avocats. Et je me dis que, si ceux-lĂ m'apprĂ©cient, tout en me traitant parfois professionnellement d'emmerdeur, c'est que je dois pas ĂȘtre complĂštement Ă cĂŽtĂ© de la plaque...
đ D'oĂč vous vient ce talent de conteur ?
De l'Ă©criture, venu trĂšs jeune. Puis celui de le porter Ă la radio. Car, il faut le dire et le savoir : la radio ça s'Ă©crit, mĂȘme si l'Ă©criture radio est diffĂ©rente de celle rĂ©servĂ©e Ă la presse Ă©crite; peut-ĂȘtre aussi - en radio - la frĂ©quentation de grands aĂźnĂ©s Ă la plume facile ( Georges Penchenier, Claude Fouchier, Philippe Alexandre...) et au goĂ»t du rĂ©cit judiciaire inimitable ( FrĂ©dĂ©ric Pottecher, Raymond ThĂ©venin).
đ Quelle partie de votre carriĂšre avez-vous prĂ©fĂ©rĂ©e : les affaires judiciaires ou les reportages Ă l'international ?
Je ne choisis pas. Sans doute les premiĂšres ont Ă©tĂ© pour beaucoup dans ce qu'il serait convenu d'appeler ma petite "renommĂ©e", et puis elles m'ont permis de "griller" au poteau pas mal de consĆurs et de confrĂšres; mais les seconds m'ont permis de vivre des moments d'une rare intensitĂ©, souvent dramatique, des Ă©motions trĂšs fortes. J'exĂšcre les "grands reporters" qui disent pouvoir s'extraire d'une situation dramatique, pour ne pas en subir l'Ă©motion. Pour ĂȘtre reporter il faut aimer les gens. Et si vous aimez les gens et que vous partagez les drames de leur vie, vous ĂȘtes forcĂ©ment touchĂ©...
đ Qu'elle affaire judiciaire vous a le plus marquĂ© ?
LĂ encore, impossible de n'en citer qu'une : l'assassinat du Prince de Broglie, le meurtre de Robert Boulin, le guet apens pour neutraliser Mesrine, GrĂ©gory, Fourniret un des rares Ă m'empĂȘcher - parfois - de dormir...
đ Vous avez fait plusieurs papiers sur "l'affaire GrĂ©gory" pensez-vous que l'on saura un jour qui a tuĂ© ?
Mais on le sait déjà , à quelques détails prÚs ! D'ailleurs, tout est dans le dossier... depuis le début. Et moi qui, à une époque, tapa sur les gendarmes, j'ai depuis battu ma coulpe car ils étaient dans le vrai, depuis le départ. Aujourd'hui on sait qui a enlevé Grégory. On sait que celui qui l'a pris en charge n'est pas son meurtrier. Je dis meurtrier à dessein car rien n'indique que l'on soit en présence d'un acte prémédité, d'un assassinat. On peut imaginer que l'enfant à été remis par son kidnappeur à un groupe d'autres personnes qui, pour une sombre histoire de vengeance familiale, voulait le soustraire quelques heures à ses parents. Malheureusement, un incident est intervenu durant cette courte détention, Grégory en est mort. Restait à se débarrasser du corps. Malheureusement, plus les années passent, plus les témoins - auteurs vieillissent. Certains vont mourir et il sera de plus en plus difficile de coucher sur procÚs verbal, voire de juger une vérité connue de longue date...
đ Vous avez couvert plusieurs conflits internationaux pour RTL, vous est-il arrivĂ© d'avoir peur ?
Comment pourrait-il en ĂȘtre autrement ? Ceux qui disent ne pas avoir peur sont ou inconscients, ou menteurs... Ă Beyrouth, Ă Sarajevo, Ă Timisoara, j'ai parfois passĂ© autant de temps dans les caves - abris d'hĂŽtels, ou le nez dans la poussiĂšre des rues oĂč ça chauffait. Mais ça n'a pas Ă©tĂ© non plus mon quotidien...
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đ Pouvez-vous nous dire quels mots sur vos futurs projets ?
J'ai en route mon prochain bouquin. Je tente la fiction, avec un polar tirĂ© d'un des chapitres de mon dernier document : "Bonjour on vient pour l'affaire". J'espĂšre pouvoir le prĂ©senter au prix du quai des OrfĂšvres. Je viens de participer au tournage d'un Ă©niĂšme Ă©pisode de l'Ă©mission "Au bout de l'enquĂȘte" prĂ©sentĂ©e chaque samedi par Marie Drucker sur la 2 Ă 14h. La premiĂšre diffusion de cet Ă©pisode sur "l'affaire Pierre Conty - les tueurs de l'ArdĂšche" Ă©tait programmĂ©e le 30 septembre*.
Et j'ai longuement et largement participĂ© au tournage d'une sĂ©rie documentaire en huit Ă©pisodes (!) sur la brigade anti gang des annĂ©es 70/80. Le premier sera diffusĂ© sur Canal + doc's le 27 octobre. Selon le rĂ©alisateur, je suis le "fil rouge" des huit Ă©pisodes. Ă force d'ĂȘtre le fil rouge de ce genre de documentaire, je vais pouvoir ouvrir une mercerie...
đ A la fermeture de votre agence CREDO, vous avez "larguĂ© les amarres" pour la Corse... Aujourd'hui vous recherchez un pied Ă terre dans le 17Ăšme, l'avez-vous trouvĂ© ?
L'agence CREDO existe toujours. Son siĂšge social a juste Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© chez moi en Corse, oĂč je vis depuis 2007. Mais, jusqu'au dĂ©mĂ©nagement de nos locaux je faisais des AR entre Calvi et Paris. J'avais en effet conservĂ© un studio - bureau au 30 rue des Acacias. Aujourd'hui, je n'ai plus de point de chute fixe Ă Paris et je suis bien ennuyĂ© car mon amoureuse est parisienne et nous essayons de nous voir le plus souvent possible. Et, coĂŻncidence, elle vit dans le XVIIe, au dessus de la place Clichy. Je cherche donc en effet, un point de chute ou du cĂŽtĂ© des Batignolles ou mĂȘme dans mon ancien quartier des Acacias. Je dois d'ailleurs faire mon mea culpa par rapport Ă l'annonce que vous avez eu l'extrĂȘme gentillesse de relayer. Je viens de m'apercevoir que, telle que je l'ai rĂ©digĂ©e, on pourrait croire que je veux devenir Ă nouveau propriĂ©taire. Plus modestement, je recherche ce qu'il est convenu d'appeler une "location saisonniĂšre". Mais au mois, pour au moins 5 mois par an (de novembre Ă mars par exemple). Un beau studio ou un petit deux piĂšces ferait l'affaire du moment oĂč, si c'est en Ă©tage, il y ait un ascenseur...
đ Qu'est ce qui vous manque le plus dans le 17Ăšme... Qu'est-ce qui fait selon vous le charme de cet arrondissement ?
C'est peut-ĂȘtre un peu bateau, car il y a d'autres arrondissements oĂč ce doit ĂȘtre le cas, mais je dirais le cĂŽtĂ© "villages" de certains quartiers. Ainsi, la rue des Acacias**, de l'avenue de la Grande ArmĂ©e jusqu'Ă la FNAC avenue des Ternes, c'est un village. Avec une mention spĂ©ciale pour le carrefour avenue Carnot - Acacias - rue d'ArmaillĂ©, avec Ăric de la boucherie de l'Ătoile, le Grand Carnot, mais malheureusement Thierry nous a laissĂ© choir, la boulangerie avec les p'tites dames qui stationnent sur le passage protĂ©gĂ© pour acheter leur baguette, mon jeune successeur dans les murs du 30 qui cuisine sans doute quelques uns des meilleurs burgers de Paris, mes copines de la pharmacie Française, un peu plus loin le "Crabe marteau" oĂč, un temps, j'avais mes habitudes avec Jacques Pradel, en sortant de son Ă©mission "l'Heure du crime" sur RTL... un village !
đ Si vous aviez la possibilitĂ© de faire vous mĂȘme les questions/ rĂ©ponses
đ€ Quelle question vous poseriez-vous ?
Ma réponse : Chiche ! Mais on refait tout pareil, on a trop rigolé...
Propos recueillis par Nora Ansell-Salles auprĂšs de Alain Hamon
*Emission disponible en replay
** La rue des acacias possĂšde effectivement un potentiel d'animation non exploitĂ© Ă ce jour qui mĂ©riterait d'ĂȘtre creusĂ©....
Un collectif de commerçants c'est constitué pour tenter d'exploiter le cÎté environnementale...
Pourquoi pas un "Village Acacias" sur le modĂšle du "Village Niel" ou du "Village St Ferdinand"...
Affaire Ă suivre...
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