Nora ANSELL-SALLES

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lundi 23 mars 2015

MSF publie une analyse critique de la riposte mondiale au virus Ebola, un an après l’apparition de l’épidémie



Poussés au-delà de nos limites
MSF publie une analyse critique de la riposte mondiale au virus Ebola,
un an après l’apparition de l’épidémie la plus meurtrière de l'histoire
Rapport: http://www.calameo.com/books/003152624b687595bc7c2



Genève, le 23 mars 2015 – L’organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF) a sorti aujourd’hui une analyse critique portant sur la gestion de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. Un an après que les premiers cas aient été détectés, l’organisation revient sur la faiblesse de la réponse apportée et met en garde sur le fait que, malgré une diminution importante du nombre de cas, l’épidémie n’est pas terminée. 
Le rapport « Poussés au-delà de nos limites », repose sur des entretiens réalisés avec des dizaines de membres du personnel qui ont été impliqués dans la gestion de l’épidémie sur le terrain. Il décrit les toutes premières mises en garde de l’organisation, il y a juste un an, quand l’épidémie se répandait dans toute la Guinée ; le déni des gouvernements des pays touchés alors qu’elle s’étendait progressivement à toute la région ; et la mise en place par MSF d’un projet médical unique par son ampleur en raison de l’inaction des autres acteurs. Au cours de cette période, plus de 1.300 membres du personnel international et 4.000 membres du personnel national ont été déployés en Afrique de l’Ouest, où ils ont pris en charge près de 5.000 personnes atteintes de l’Ebola. 
« Aujourd’hui, nous prenons le temps de la réflexion. Analysant non seulement la manière dont nous avons réagi à la plus grande épidémie d’Ebola jamais constatée, mais aussi la réponse apportée par les différents acteurs » rapporte Joanne Liu, Présidente de MSF international. « Cette épidémie, par son caractère exceptionnel, a mis en lumière l’inefficacité et la lenteur de la réponse apportée par les acteurs de l’aide humanitaire et médicale lors d’une telle situation d’urgence ». 
Le rapport revient sur les conséquences médicales de l’apathie de la « coalition de l’inaction » dénoncée par MSF durant plusieurs mois début 2014, période pendant laquelle le virus a disposé de temps pour se propager, nous obligeant à faire appel à la mobilisation de matériel médical, civil et militaire et à des moyens de réponse spécifiques aux catastrophes biologiques. Fin août 2014, notre centre de d’Ebola d’Elwa 3 à Monrovia était totalement submergé de patients. Notre staff était obligé de renvoyer chez elles des personnes visiblement malades, tout en sachant bien qu’en rentrant dans leurs communautés, elles seraient de nouveaux vecteurs de la propagation du virus. 
« On a souvent dit que cette épidémie était le fruit d’une accumulation de mauvaises circonstances. Une épidémie étendue sur plusieurs pays, dotés d’un système de santé faible et n’ayant jamais dû faire face au virus Ebola » dit Christopher Stokes, le Directeur Général de MSF. « Cette explication est bien trop facile. L’ampleur atteinte par cette épidémie d’Ebola est aussi due à une réaction défaillante de plusieurs institutions. Leur inaction eut des conséquences tragiques qui auraient pu être évitées. » 
Le rapport revient également sur le défi que la réponse à l’épidémie a représenté pour MSF et sur les choix difficiles que nous avons parfois été amenés à faire en l’absence de moyens suffisants et de traitements efficaces de la maladie. Alors que notre expérience de l’Ebola était cantonnée à un groupe d’experts relativement restreint, il nous était difficile de réagir plus adéquatement.
Devant l’ampleur de la catastrophe et la faiblesse de la réaction internationale, nous avons souvent dû nous limiter à une pure gestion des dommages. Incapables de répondre à tous les défis à la fois -le traitement des patients, la surveillance des nouveaux cas, l’enterrement des morts, entre autres activités- nous avons dû nous résoudre à des compromis. 
« Pendant la période la plus critique, les équipes de MSF étaient juste incapables d’admettre davantage de patients ou de donner les meilleurs soins possibles » se rappelle le Dr Liu. « Cette expérience était traumatisante pour une organisation de médecins volontaires comme la nôtre. De nombreuses discussions, et parfois même, des tensions ont éclaté au sein même de MSF. »
Une réflexion est en cours au sein de MSF, afin de tirer des leçons de l’épidémie actuelle pour une meilleure gestion des épidémies futures. Nous analysons notamment notre base de données de patients pour définir les multiples facteurs influant sur le taux de mortalité. Plus important encore, nous soutenons la recherche et le développement de vaccins, de traitements et d’outils de diagnostic fiables et faciles à utiliser. 
Mais le plus grand défi reste à venir. Pour que l’épidémie puisse être déclarée « sous contrôle », chaque personne qui a été en contact avec une personne infectée par le virus doit être identifiée. Nous n’avons pas droit à l’erreur et nous ne pouvons pas relâcher notre attention. Le nombre de nouveaux cas détectés chaque semaine demeure supérieur à celui constaté lors des épidémies d’Ebola précédentes. En outre, le nombre total de cas ne diminue plus significativement depuis fin janvier.
En Guinée, le nombre de patients atteints par Ebola augmente même à nouveau. En Sierra Leone, de nombreux patients identifiés ne figurent pas sur les listes de personnes ayant été en contact avec d’autres personnes contaminées. Le Libéria a entamé le décompte des jours avant l’annonce de la fin de l’épidémie mais demeurera une zone à risque tant que le virus sera présent dans les pays voisins.
« L’épidémie d’Ebola a aussi ébranlé la confiance que la population a envers le système de santé et démoralisé les travailleurs du secteur. Les gens sont non seulement appauvris et endeuillés. Mais ils sont aussi devenus suspicieux, » constate le rapport. 
Dans les 3 pays les plus touchés par l’épidémie, près de 500 travailleurs de la santé ont péri au cours de l’année. Ces pertes tragiques affaiblissent davantage des structures médicales déjà fragiles avant le début de l’épidémie. Rétablir un accès de base aux soins de santé doit être la première étape de la reconstruction des systèmes de santé dans les pays touchés par l’épidémie. 
« Des milliers de personnes ont payé de leur vie l’échec de la réponse apportée à l’épidémie. Nous devons analyser toutes les raisons de cette catastrophe médicale sans précédent, de la faiblesse des systèmes de santé nationaux, à la lenteur et à la paralysie de l’aide humanitaire internationale », conclut le rapport.