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Covid-19 : quels prélèvements pour quels tests ?
Avis de l’Académie nationale de médecine
17 février 2021
La politique gouvernementale de lutte contre l’épidémie de Covid-19 s’appuie sur le triptyque « Tester, Alerter, Protéger ». Cette stratégie repose sur différentes techniques de laboratoire, chaque type de test étant tributaire d’une modalité de prélèvement. Parmi les tests disponibles visant à détecter la présence du SARS-CoV-2 chez une personne malade ou asymptomatique, le choix doit prendre en compte, d’une part les données anatomiques, virologiques et épidémiologiques, d’autre part l’objectif diagnostique ou épidémiologique.
Au cours du cycle infectieux, la virémie est inconstante, faible et de courte durée, la virurie est inexistante et l’élimination fécale variable. Les quantités de virus les plus élevées se trouvant dans les voies aériennes supérieures et inférieures, les méthodes de recueil du matériel viral privilégient en pratique le prélèvement nasopharyngé, technique de référence, et le prélèvement salivaire [1].
I. Les prélèvements nasopharyngés
Si le recueil d’un échantillon de salive est aisé, il n’en est pas de même pour l’obtention d’un échantillon de sécrétion nasopharyngée, plus difficile du fait de la voie d’abord : il s’agit en effet de guider un écouvillon souple au travers de la fosse nasale pour atteindre le nasopharynx situé 5 à 6 cm en arrière de l’orifice narinaire. Cette technique de prélèvement, non dénuée de risques, doit s’appuyer sur une bonne connaissance des repères anatomiques.
1 – Rappel anatomique des cavités nasales et du nasopharynx
La profondeur du prélèvement nasopharyngé doit tenir compte de la complexité de l’anatomie nasale et de ses variations congénitales ou relevant d’une pathologie naso-sinusienne sous-jacente.
La cavité nasale est un espace étroit reliant le vestibule nasal en avant, au nasopharynx en arrière. Les deux cavités nasales, droite et gauche, sont séparées par une cloison, ou septum, fréquemment déviée ; de ce fait, les deux cavités nasales sont rarement symétriques.
Lorsque l’on introduit un écouvillon dans la cavité nasale, il faut avoir une représentation spatiale de l’organe que l’on doit traverser, chaque cavité nasale ayant la forme d’un parallélépipède :
– en bas, la paroi inférieure sépare la cavité nasale de la bouche ; c’est le plancher nasal que l’écouvillon doit longer d’avant en arrière. Cela conditionne la position de la tête du sujet prélevé.
– en haut, la paroi supérieure sépare la cavité nasale de l’endocrâne, contenant le cerveau. Ce toit de la cavité nasale supporte en outre l’organe de l’odorat. C’est une zone de danger qu’il faut éviter en plaçant correctement la tête lors du prélèvement.
– en avant, la face antérieure est le vestibule nasal par lequel l’écouvillon sera introduit.
– en arrière, la face postérieure communique avec le nasopharynx, lieu du prélèvement.
– en dedans, le septum sépare la cavité nasale de l’autre cavité nasale. Cette cloison peut être l’objet d’anomalies anatomiques qui peuvent compliquer le prélèvement.
– en dehors, la cavité nasale est essentiellement en rapport avec les sinus de la face et l’orbite. Dans sa partie basse, elle supporte le cornet nasal inférieur que l’écouvillon doit suivre, parallèlement au plancher nasal (schéma). C’est à partir de cette paroi latérale que des éléments peuvent gêner le prélèvement, notamment des polypes issus des cavités sinusiennes.
Une fois que l’extrémité de l’écouvillon a traversé la fosse nasale et est parvenue dans le nasopharynx, elle se trouve dans une cavité en forme de cube, site du prélèvement sur la face postérieure.
Figure : la flèche quasi horizontale indique le trajet que doit effectuer l’écouvillon
Les difficultés que l’on peut rencontrer lors de la traversée de la cavité nasale viennent essentiellement de variations anatomiques, plus rarement pathologiques. Ces anomalies sont fréquentes. Il s’agit essentiellement :
– d’une déviation du septum : ces anomalies sont fréquentes. Elles peuvent être simples, en verre de montre, obstruant une seule cavité nasale mais laissant la cavité nasale opposée largement ouverte. Mais elles peuvent être complexes, en zig-zag, conduisant à une obstruction des deux cavités nasales. Comme elles sont d’origine cartilagineuse ou osseuse, il n’est pas possible de forcer le passage sans risquer de provoquer des plaies muqueuses et des saignements, la muqueuse tapissant la cloison étant fragile et très vascularisée.
– d’une hypertrophie du cornet nasal inférieur : cette anomalie est également fréquente puisqu’elle est un marqueur des rhinites chroniques dont on estime la prévalence à plus de 10% de la population. La muqueuse du cornet nasal inférieur est molle et elle peut être refoulée avec prudence lors de l’introduction de l’écouvillon dans la cavité nasale.
– de polypes : souvent présents lors de toute affection des sinus de la face, leur taille varie considérablement d’un patient à l’autre. Les plus volumineux s’observent chez les patients porteurs d’une polypose naso-sinusienne dont le marqueur sémiologique est une perte ancienne de l’odorat pouvant être retrouvée lors de l’interrogatoire. S’ils ne sont pas trop volumineux, les polypes peuvent être refoulés par l’écouvillon lors de la traversée de la cavité nasale.
– une intervention chirurgicale nasale ou sinusienne : ce sont des interventions de routine en ORL (chirurgie de la cloison, du cornet nasal inférieur, et surtout des sinus de la face) à rechercher en interrogeant le patient sur ses antécédents chirurgicaux avant tout prélèvement. En effet, une importante chirurgie des sinus, comme l’ethmoïdectomie, peut fragiliser le toit de la cavité nasale qui n’est plus protégé par les différentes structures endocavitaires. Il convient dès lors d’être prudent lors du prélèvement et de suivre avec attention de plancher de la cavité nasale, sans bifurquer vers le haut.
2 – La technique du prélèvement nasopharyngé
Dès la contamination, le SARS-CoV-2 se réplique dans les cellules de la muqueuse nasale, se propage tout au long des voies aériennes supérieures, puis dans l’arbre respiratoire. Le site idéal de prélèvement pour rechercher la présence de matériel génétique viral est le nasopharynx, les premières cibles du virus étant les cellules ciliées des voies aériennes supérieures.
Le préleveur doit être protégé (masque FFP2, lunettes, surblouse, gants).
Le sujet prélevé doit être rassuré. La nature des gestes qui vont être réalisés doit lui être expliquée. Avant de réaliser le prélèvement, il est nécessaire de questionner le patient sur :
– l’existence de symptômes nasaux fréquents comme une obstruction nasale, en précisant le côté obstrué ce qui guidera le prélèvement du côté opposé ;
– la présence d’une perte majeure de l’odorat, associée à une obstruction nasale, pouvant faire découvrir des polypes dans les cavités nasales ;
– des antécédents chirurgicaux : interventions sur les sinus de la face (surtout l’ethmoïdectomie) imposant de pratiquer le geste avec prudence, en s’écartant de la partie haute de la cavité nasale.
Techniquement, le point le plus important est de « visualiser » le trajet de l’écouvillon qui doit être situé dans le tiers inférieur de la cavité nasale, en fuyant les deux tiers supérieurs. Pour cela, l’écouvillon doit suivre le cornet nasal inférieur dont la direction est strictement parallèle au plancher de la cavité nasale. Ce cornet nasal inférieur est situé environ à un centimètre au-dessus du plancher de la fosse nasale.
Pour ce faire, le patient doit avoir la tête droite, le menton parallèle au sol. Il ne faut jamais mettre la tête en extension, encore moins en hyperextension, car naturellement l’écouvillon serait alors dirigé vers les zones de la cavité nasale à éviter, en particulier son toit. En outre, le site de prélèvement ne serait pas adapté car éloigné du nasopharynx. L’écouvillon suit donc lentement et régulièrement le plancher pour atteindre la queue du cornet inférieur voire la paroi postérieure du nasopharynx. Il faut alors effectuer un frottement doux et non « récurer » la muqueuse, les cellules sont recueillies à l’extrémité de l’écouvillon retiré sans geste brutal. Il s’agit donc d’un frottis.
En cas de résistance, il ne faut jamais essayer de forcer le passage dans la cavité nasale car cela risque de générer une plaie de la cloison nasale et des saignements.
La formation des préleveurs est simple : elle consiste en un enseignement présentiel d’environ une heure et peut être idéalement assistée par un spécialiste ORL qui peut illustrer cette formation par le film d’une fibroscopie nasale, très didactique pour décrire au mieux l’anatomie d’une cavité nasale.
II. Les prélèvements salivaires
La salive qui, sous forme de postillons ou d’aérosols, sert de véhicule pour la transmission du SARS-CoV-2 de personne à personne, peut aussi être utilisée pour sa détection. Le virus peut gagner la salive à partir des muqueuses des voies respiratoires inférieures et supérieures où il se réplique, mais aussi par l’infection des glandes salivaires [2].
En pratique, un échantillon de salive peut être recueilli par crachat dans un récipient stérile (pot ou tube suffisamment évasé) ou par pipetage sublingual. Réalisable en auto-prélèvement, cette facilité de prélèvement convient aux dépistages de masse. En revanche, la composition hétérogène du liquide salivaire impose un certain nombre de précautions. Le recueil de l’échantillon doit respecter des conditions préalables (ne pas avoir mangé, ni bu, ni fumé depuis une demi-heure). Puis, une étape d’homogénéisation et de fluidification est nécessaire avant son transfert dans un tube de stockage, ces manipulations exposant à un risque de contamination et surchargeant l’étape pré-analytique [3].
Le prélèvement salivaire est couramment pratiqué au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux États-Unis. En France, la Haute autorité de santé (HAS) l’a recommandé pour les personnes chez lesquelles le prélèvement rhinopharyngé est difficile comme les jeunes enfants, les personnes âgées ou les déficients mentaux. Malheureusement, sa pratique reste encore marginale en raison des contraintes techniques pré-analytiques et d’une sensibilité estimée inférieure à celle du prélèvement nasopharyngé par la HAS [4], mais considérée comme équivalente par d’autres méta-analyses [5].
III. Quels tests pour quels objectifs ?
La recherche du virus peut s’inscrire dans une démarche clinique (confirmer le diagnostic d’infection par le SARS-CoV-2) ou épidémiologique (dépister les porteurs du SARS-CoV-2).
1 – Prélèvements à visée diagnostique
Ces prélèvements s’adressent, en premier lieu, aux patients présentant des symptômes évocateurs de Covid-19, aux personnes vivant sous le même toit ainsi qu’à leurs contacts récents. Le prélèvement nasopharyngé suivi d’une RT-PCR reste la méthode de référence, à privilégier dans toutes ces indications et chaque fois que le résultat d’une autre technique laisse subsister un doute ou se trouve en désaccord avec la clinique. De plus, la propagation des nouveaux variants du SARS-CoV-2, apparus en Grande Bretagne, en Afrique du Sud et au Brésil, nécessite le développement de nouveaux kits de RT-PCR de criblage et de PCR multiplex pour les détecter avant confirmation par séquençage.
Le prélèvement salivaire suivi d’une RT-PCR offre une alternative très utile lorsque le prélèvement nasopharyngé s’avère difficile, voire dangereux.
2 – Prélèvements à visée épidémiologique
Le premier but recherché est d’identifier les chaînes de transmission, en aval et en amont des cas confirmés, afin de les interrompre.
Plus largement, les tests virologiques participent de la surveillance épidémiologique en fournissant des indicateurs essentiels au contrôle de l’épidémie. Afin de suivre la circulation du SARS-CoV-2 et de ses variants, il convient de tester avec une périodicité rapprochée des échantillonnages représentatifs de populations régionales, départementales, locales, correspondant à des groupes d’activité (hôpitaux, entreprises, écoles) ou à des collectivités (EHPAD, USLD, établissements médico-sociaux, prisons).
Dans ce cadre de dépistage en population, indispensable pour détecter précocement et circonscrire les foyers de résurgence épidémique, le prélèvement salivaire (suivi d’une RT-PCR), qui présente l’avantage de sa simplicité, peut être réalisé en première intention [6].
Toutefois, l’analyse par RT-PCR imposant toujours un délai de réponse minimum de 24 heures il est souhaitable de développer de nouvelles techniques permettant de rendre un résultat rapide. Ainsi, le système d’amplification isothermique utilisable sur système intégré sans extraction d’ARN, la RT-LAMP (Loop-mediated isothermal Amplification), peut fournir un résultat en 60 minutes. Dans la version LAMP-seq, l’adjonction d’un système code-barres affecté à chaque échantillon permettrait d’analyser, en une même étape d’amplification, un mélange de plusieurs centaines à plusieurs milliers d’échantillons [7]. Cette méthode rapide et peu onéreuse, conviendrait particulièrement aux activités de dépistage de masse, mais elle n’est pas encore validée.
La situation épidémiologique instable qui prévaut depuis plusieurs semaines en France rend urgente l’homologation de méthodes de dépistage ayant des performances analytiques acceptables et présentant le double avantage d’un prélèvement facile et d’un résultat rapide.
Références
[1] Communiqué de l’Académie nationale de médecine « Dépistage des porteurs du SARS-CoV-2 : et les tests salivaires ?», 30 juin 2020.
[2] Baghizadeh Fini M. Oral saliva and COVID-19. Oral Oncol, 2020 ; 108 : 104821.
[3] Avis de la Société Française de Microbiologie relatif à la réalisation des prélèvements salivaires pour la détection du SARS-CoV-2 par RT-PCR dans le cadre du diagnostic des formes symptomatiques de la COVID-19, 29 septembre 2020.
[4] Méta-analyse de l’intérêt diagnostique des tests RT-PCR salivaires de détection du SARS-CoV-2. 10 février 2021.
[5] Butler-Laporte G et al. Comparison of Saliva and Nasopharyngeal Swab Nucleic Acid Amplification Testing for Detection of SARS-CoV-2: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Intern Med. 2021 : e208876.
[6] HAS. Communiqué de presse « Tests RT-PCR salivaires : la HAS étend leur utilisation et définit les modalités pratiques de réalisation», 11 février 2021.
[7] Schmid-Burgk JL et al. LAMP-Seq: Population-Scale COVID-19 Diagnostics Using a Compressed Barcode Space. bioRxiv 2020 : 04.06.025635.
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