Infolettre n° 366 mardi 28 janvier 2020 | |
Contact : Jacques DRAUSSIN jacques.draussin@biensur- | |
Zoonoses, viroses, psychoses et autres choses Hier encore, grippe aviaire ou SRAS tenaient dans tous les media la chronique d’une mort collective annoncée… heureusement jamais constatée. Aujourd’hui, même si l’animal probablement à l’origine de la contagion n’est pas encore désigné, le spectre du « coronavirus 2019-nCoV » plane au-dessus de nos têtes comme une colonie de chauves-souris. Comment naissent les épidémies ? Personne ne doute plus désormais que les zoonoses [maladies transmises des vertébrés à l’Homme] puissent parfois rendre moins sympathiques les relations entre espèces animales et espèce humaine. Mais il ne s’agit pas pour autant de crier haro sur le baudet et d’imputer à d’innocentes bestioles la responsabilité de tous les maux que nous refilons très bien nous-mêmes à nos congénères. L’actualité nous enseigne que de nouveaux défis sont lancés en permanence aux systèmes de santé publique, aux médecins, aux vétérinaires, aux biologistes. Le coronavirus new trend constitue depuis une semaine la parfaite illustration de la difficulté d’évoquer un risque sanitaire et la façon d’y répondre sans provoquer immédiatement un effet de panique collective. Car, c’est un classique de santé publique : les psychoses se propagent toujours plus vite que les viroses. Les épidémies ont en commun avec les rumeurs leur capacité à circuler. Pourtant, tout devrait les séparer : la rumeur naît on ne sait où, l’origine d’une épidémie finit toujours par être définie. La rumeur se répand par le bouche à oreille, désormais virtuel, l’épidémie toujours par contact direct, jamais via Facebook, Twitter, Instagram ou BFM. C’est vrai, on ne sait pas quelle ampleur prendra ce sino-coronavirus. On sait déjà en revanche que l’épidémie de grippe saisonnière bat son plein en France et que les quelque 8 000 à 10 000 décès qu’on en attend cette année encore devraient suffire à nourrir notre propension à psychoter. Jacques DRAUSSIN | |
c |
TRIBUNE. "L'aide active à mourir, un débat nécessaire"
Thierry Beaudet, président de la Mutualité française, signe une tribune pour appeler à ouvrir un débat parlementaire sur la fin de vie.

Voici la tribune de Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française, au sujet de la fin de vie : "La révision de la loi bioéthique explore en ce moment certains territoires touchant au droit à la vie, voire à la vie 'augmentée' ou 'accompagnée' : PMA pour toutes les femmes et intelligence artificielle. Elle y apporte des réponses empreintes des valeurs propres à notre République pour offrir plus de liberté et plus d’égalité. Nous nous en réjouissons. Pour autant, à mon sens, elle demeure incomplète en laissant de côté une question actuelle et fondamentale : le droit de choisir une fin de vie digne.
Pour des raisons culturelles ou cultuelles, la fin de vie en France, et a fortiori son accélération volontaire pour des motifs thérapeutiques, reste un domaine interdit. La mort serait un mystère intouchable, en débattre serait inconvenant. Face à la douleur ou à une dégradation physique vécue comme insupportable et humiliante, notre société décide de facto qu’il faut se faire disciple de Sénèque et se taire pour rester digne. Ou, pour les familles et le corps médical, vivre le traumatisme des prétoires et de l’exposition malsaine que cela engendre.
Le droit à la fin de vie assistée progresse trop lentement
Le droit à la gestation - son contrôle comme son accomplissement - s’est heureusement étendu. Peu à peu des limites et des tabous sont tombés. A contrario, le droit à la fin de vie assistée progresse trop lentement, le plus souvent en réaction à des situations dramatiques.
Bien sûr, le Code de déontologie médicale (article 37), le Code de santé publique (article L 1111-4) et les lois Leonetti de 2005, puis Leonetti-Claeys de 2016 créent et élargissent les droits des malades et des personnes en fin de vie. Sont visés les objectifs de soulager la douleur, d’éviter une obstination déraisonnable, de respecter durablement la volonté de la personne malade ou d’une personne de confiance par le biais des directives anticipées, de développer des soins palliatifs jusqu’à la sédation profonde.
Mais, contrairement à certains pays voisins, aucun de ces textes ne traite de l’aide active à mourir. Et les débats du CCNE (Comité consultatif national d’éthique) préalables à la révision de la loi bioéthique ont écarté d’emblée cette option.
Avec l’augmentation de la durée de la vie, [cette question] se posera de manière lancinante
Or cette question mérite d’être débattue au nom de la responsabilité. Avec l’augmentation de la durée de la vie, elle se posera de manière lancinante. Elle s’imposera aux personnes concernées, bien sûr, mais aussi à leurs familles, à leurs médecins. Elle s’imposera à notre société. Mais toujours avec le risque de la fragmenter et d’alimenter la chronique si on n’y remédie pas avant.
Cette question mérite également d’être débattue au nom de la dignité.
Il y a plusieurs façons de comprendre la dignité, qui peuvent d’ailleurs être antagonistes.
Il en est une qui fait de "la vie" une vertu cardinale, un principe intouchable. Celle-ci restreint la liberté individuelle face aux aléas de la vie, y compris ceux qui conduisent à une douleur ou à une situation inhumaines. Cette acception de la dignité interdit de modifier par quelque manière que ce soit le cours de la vie, aussi accidenté et insupportable soit-il.
Il est une autre acception de la dignité qui, au contraire, revendique l’autonomie et le libre arbitre face à ces mêmes aléas. Cette acception invite à intervenir - par la science et la médecine - à tous les moments de la vie, de la naissance à la mort. C’est cette acception que je défends.
Les pays voisins qui se sont engagés dans cette voie peuvent être une source d’inspiration
C’est au nom de cette dignité et de cette autonomie que des mutualistes ont été pionniers en développant l’accouchement sans douleur, en permettant aux femmes en situation de handicap de vivre une maternité heureuse et que, plus largement, ils ont milité pour que femmes et hommes puissent disposer librement de leur corps.
C’est au nom de cette dignité et de cette liberté qu’il me semble nécessaire qu’un débat sur l’aide active à mourir soit ouvert. Les pays voisins qui se sont engagés dans cette voie peuvent être une source d’inspiration pour le nourrir. La Mutualité Française, par le biais de son espace fédéral d’éthique, s’est emparée de cette question et va l’instruire au premier semestre de cette année.
Pour ma part, je plaide pour une solution de liberté qui laisse à chacun le choix d’une fin de vie digne. Et si une réforme allait dans ce sens, alors je suis sûr que des mutuelles se feraient encore pionnières en créant les lieux et les conditions permettant d’exercer cette liberté."