ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE
Communiqué
de presse / 28 janvier 2014
EXPOSITION AUX ONDES ELECTROMAGNETIQUES
La santé publique ne doit pas être un enjeu politique
La proposition de loi relative à « la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière
d'exposition aux ondes électromagnétiques » remet encore une fois en
cause les données scientifiques sur la dangerosité des ondes et, sous prétexte
de précaution et de « modération », risque d'entretenir chez nos
concitoyens une inquiétude sans fondement avéré. Une telle loi n'apporterait
aucun bénéfice sanitaire, mais aurait au contraire, par son effet anxiogène,
des effets indésirables préjudiciables à la santé publique en accréditant
l’idée, réfutée par des dizaines d’expertises collectives, que les ondes radiofréquences des
wifi ou antennes de téléphonie mobile seraient
dangereuses, notamment pour les enfants.
L'Académie nationale de médecine tient à rappeler
que :
·
aucun risque des radiofréquences n’est avéré en dessous des limites
réglementaires et qu’il n’a pas été mis en évidence de mécanisme pouvant
entraîner l’apparition d’une maladie : c'est
la conclusion de l’ensemble des rapports d’expertises collectives
internationaux, dont plus d’une trentaine depuis 2009, fondés sur des milliers
d’études[1], expérimentales sur des cultures
cellulaires, des animaux et des humains volontaires ainsi que sur des études
épidémiologiques.
Les radiofréquences ont pour seul
effet connu l’échauffement, par absorption d’une partie de la puissance émise.
Si la puissance absorbée par unité de masse (DAS[2]) est
négligeable, l’échauffement l’est également,
et l’absence de lésion ne peut pas conduire à leur accumulation. La
réglementation limite la puissance autorisée avec une marge de sécurité
importante et aucun « effet thermique » (échauffement) n’est
susceptible d’apparaître au-dessous ces valeurs.
Les antennes relais émettent des
radiofréquences qui conduisent à un très faible niveau d’exposition des
personnes. Au niveau de la tête, la puissance absorbée est 10 000 à 100 000
fois moins élevée que celle engendrée par le téléphone portable lui-même
pendant une conversation. C’est donc essentiellement l’usage du téléphone
mobile (émetteur-récepteur) qui a été à l’origine des recherches sur les
radiofréquences.
La recherche d’éventuels effets « non thermiques », qui
surviendraient en l’absence d’échauffement significatif, a fait l’objet de
centaines de publications. Les expériences conduites sont délicates et trois
conditions sont nécessaires pour valider les résultats d’une étude : la
maîtrise des conditions d’exposition aux radiofréquences, la maîtrise des
effets biologiques recherchés, la réplication de l’expérience par une autre
équipe avec obtention des mêmes résultats. Aucun effet biologique non thermique
répondant à ces trois conditions n’a été observé. Aucun mécanisme par lequel
les radiofréquences pourraient avoir un effet nocif en dessous des seuils
réglementaires n’a été identifié.
·
En ce qui concerne
l’électrohypersensibilité (EHS), aucun système sensoriel humain permettant de
percevoir les champs émis par les antennes n’a été identifié. La quasi-totalité
des études sur l’EHS a montré que les sujets concernés, bien que manifestant
des troubles variés en présence de dispositifs émetteurs de champs
électromagnétiques, sont incapables de reconnaître si ces dispositifs émettent
des ondes ou non. Le rapport 2009 de l’AFSSET concluait sur l’EHS :
« aucune étude ne montre que
l’électrohypersensibilité est due aux ondes électromagnétiques. Les études
suggèrent un effet nocebo (inverse de l’effet placebo : troubles relatés
résultant d’un mécanisme psychologique) et des facteurs neuropsychiques
individuels ».
Toutefois, la somatisation en
présence d’émetteurs de champs électromagnétiques peut se traduire par des
troubles bien réels pouvant aller en s’aggravant jusqu’à constituer un handicap
familial, professionnel et social sévère, nécessitant une prise en charge
adaptée. On ne peut que déplorer que ces troubles soient utilisés à des fins
contestables, notamment idéologiques ou lucratives, souvent au détriment des
intéressés. Il faut ici rappeler les campagnes appelant à boycotter les centres
de prise en charge et d’étude de l’EHS dans les hôpitaux publics ;
En Suède, une prise en charge adaptée est proposée dans les cas extrêmes,
mais l’EHS n’est pas pour autant considérée comme résultant d’une perception
réelle des ondes. Au contraire, dans une déclaration commune de 2009[3], effectuée avec les autorités sanitaires danoises, finlandaises,
norvégiennes et islandaises, les autorités suédoises reprennent les conclusions
de l’OMS, selon lesquelles il n’y a pas de fondement scientifique permettant de
relier les symptômes de l’EHS à un champ électromagnétique.
·
Enfin, contrairement aux déclarations des directions de l'AFSSET en 2009
puis de l'ANSES en 2013, reprises en préambule de la proposition de loi, les
rapports des experts réunis par ces organismes n'ont nulle part dans leur
rapport recommandé « d’abaisser les
expositions aux ondes électromagnétiques ». Les Académies des sciences, de médecine et des technologies n'ont pas manqué, en 2009 et en 2013[4], de dénoncer ce déni de l'expertise scientifique.
L'Académie nationale de médecine considère donc que, dans ce débat plus
idéologique et politique que sanitaire, le vrai danger pour la santé publique
consiste justement à accréditer des risques purement hypothétiques qu’aucune
étude validée n’a confirmés.
C'est pourquoi, elle doit mettre en garde contre les
effets indésirables de mesures restrictives régulièrement réclamées depuis des
années, mais dont l'effet anxiogène risque de générer des inquiétudes
susceptibles de provoquer des effets néfastes bien réels chez certaines
personnes.
·
De telles mesures ne
manqueraient pas d’être interprétées comme une confirmation de la dangerosité
des radiofréquences, au risque de justifier sans raison la demande de mesures
encore plus restrictives et contre-productives pour notre pays dans la
compétition internationale à tous les niveaux, notamment sur le plan scolaire.
·
Loin d'aider
les personnes électrohypersensibles, cette proposition de précaution ou de
« modération » ne pourrait qu'aggraver leurs troubles. Il est en
effet bien établi que ce ne sont pas les ondes elles-mêmes, mais l'information
sur les ondes, que l'on retrouve à l’origine des symptômes attribués aux
émetteurs (effet nocebo). On détourne ainsi les électrohypersensibles des
circuits de prise en charge adaptés en favorisant leur isolement et leur
détresse, et on laisse fleurir impunément le charlatanisme des dispositifs
« anti-ondes » et certaines thérapies infondées. De plus,
on provoque l’apparition de nouveaux cas[5] en entretenant contre toute justification sanitaire
un débat artificiel et nuisible à la santé publique.
·
Ces mesures, enfin, peuvent
générer une anxiété infondée chez les parents d’enfants exposés au wifi à
l’école ou à la maison.
André Aurengo, ancien élève de l’Ecole Polytechnique, ancien Interne des Hôpitaux
de Paris, Docteur en médecine, Docteur es
sciences physiques, chef du service de médecine nucléaire du Groupe Hospitalier
Pitié-Salpêtrière (Paris), professeur de Biophysique (Faculté de Médecine
Pierre & Marie Curie), ancien président de la Société Française de
Radioprotection, ancien membre bénévole du conseil scientifique de Bouygues
Télécom, ancien administrateur d’EDF, président du Conseil médical d’EDF.
[1] Environ 3000 publications scientifiques dans les gammes de fréquences de
la téléphonie et du Wifi référencées dans la base de données emf-portal
[3] Nordic Statement EMF 161109
[4] Aurengo A. Réduire l’exposition aux ondes des antennes-relais n’est pas justifié
scientifiquement. Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 9, 2127-2130. http://www.academie-medecine.fr/publication100036100/
Communiqué
de presse, radiofréquence et santé. es utilisateurs de portable ont besoin de
messages clairs
[5] Witthöft M & Rubin GJ, Are
media warnings about the adverse health effects of modern life self-fulfilling?
An experimental study on idiopathic environmental intolerance attributed to
electromagnetic fields (IEI-EMF). J Psychosom Res 2013; 74 : 206