Chers
collègues,
Vous avez appelé à manifester
le 15 mars contre le projet de loi de santé qui apporte des réponses
insatisfaisantes, voire inquiétantes, aux questions soulevées par la « stratégie
nationale de santé ». Vous avez été rejoints par l’ensemble des syndicats de
médecins libéraux et par la Fédération de l’hospitalisation privée à but
lucratif, qui sont en train de négocier les modifications de la loi avec la
ministre. Ce « front » de circonstance risque fort d’aboutir à une loi de
compromis autour du plus petit dénominateur commun, ce qui ne satisfera
réellement personne mais qui permettra, hélas, au système de suivre sa plus
grande pente : celle de la marchandisation de la médecine, d'un côté, et de sa
bureaucratisation de l'autre, à la satisfaction des managers adeptes du « new
public management », mais au détriment des professionnels, considérés comme des
prestataires à l'autonomie de plus en plus réduite, et des patients, transformés
en clients.
Ce mouvement témoigne de la
souffrance de l’ensemble des professionnels, médecins hospitaliers (dont
certains, à titre personnel, manifesteront avec vous par solidarité) comme
médecins libéraux, en raison de la dégradation de leurs conditions de travail :
toujours plus d’activités avec toujours moins de temps, toujours plus de
contraintes et toujours plus de tâches administratives. Mais au-delà, il nous
faut chercher à comprendre les origines du mal pour cesser de subir en
protestant, mais pour être capable de proposer une réforme globale concernant
aussi bien les modes d’exercice et de rémunération des professionnels que
l’organisation, le financement et la gestion du système de santé. Le système de
santé mixte dont nous avons hérité et qui a été encore consacré comme un des
meilleurs en 2000, ne cesse de se dégrader. La multiplicité des acteurs
institutionnels et commerciaux a rendu le système illisible pour nos
concitoyens, et même pour les professionnels que nous sommes. On ne cesse de
déplorer la coupure entre la ville et l’hôpital, l’insuffisance du travail
d’équipe, le manque de coordination, la dévalorisation de la médecine générale,
et plus globalement de l’acte intellectuel et du temps consacré au patient, la
sous-valorisation de nombreux actes de chirurgie, le désengagement de
l’assurance maladie obligatoire (Sécurité sociale), qui rembourse aujourd’hui
moins de 50% du coût des soins courants, le poids grandissant des assureurs
privés, mutuelles et compagnies d’assurances, qui manifestent leur volonté de
piloter le système de santé en organisant des réseaux de soins contrôlés grâce à
un conventionnement sélectif des professionnels.
Finalement, la gestion de ce
système mixte est inefficiente avec des coûts de gestion double de la moyenne
des pays de l’OCDE, soit plus de 16 milliards par an. Il faut en finir avec ce
cofinancement, en distinguant d’une part un panier de soins solidaire financé
par la Sécurité sociale et d’autre part des choix de santé personnels ne
relevant pas de la solidarité mais d’assurances privées supplémentaires
(mutualistes ou non). Il faut que la Sécurité sociale ne soit pas étatisée mais
cogérée par l’Etat, les professionnels de santé et les représentants des
usagers. Il faut qu’à côté de la tarification à l'activité et du paiement à
l’acte pour des activités standardisées soient mis en place des modes de
financement et de rémunération forfaitaires donnant la liberté aux
professionnels d’adapter l’offre de soins aux besoins des
patients.
Bref, un immense chantier est
devant nous. La loi Hôpital, patients, santé et territoires de 2009 a été
élaborée par des managers ralliés au concept d'« hôpital-entreprise », sans
dialogue avec les médecins. La nouvelle loi ne règlera rien, mais il nous
appartient, il vous appartient, de faire en sorte que toute nouvelle loi soit
préparée avec les professionnels, même si nous savons d’expérience que le corps
médical n'est jamais unanime.
Il est essentiel que soient
proposés au pays des choix clairs après un débat argumenté opposant
fondamentalement ceux qui pensent que la santé doit relever pour l’essentiel
d’une prise en charge solidaire permettant de réduire les inégalités sociales de
santé, et ceux qui estiment qu'elle relève de choix
individuels du patient promu « consommateur éclairé ». Il serait temps que les
questions de santé fassent partie du débat démocratique autrement qu’à travers
des slogans ou à l’occasion de nièmes mesures de replâtrage du système de soins.
C’est notre devoir de médecins d’impulser et de participer à ce débat, parce que
nous continuons à penser que préserver la santé de tous est un objectif parmi
les plus précieux, et que nous devons poursuivre avec détermination cet objectif
qui donne un sens à notre vie. C’est avec cette conviction et sur cette base que
nous vous proposons d’élaborer ensemble une nouvelle charte de la santé pour des
temps nouveaux.
Pour le Mouvement de défense de
l'hôpital public
Natahalie De Castro, Alain
Faye, Noël Garabédian, Anne Gervais, Bernard Granger, André Grimaldi, Julie
Peltier
FIL DE LA DISCUSSIONRésultats pour #manifestation du 15 mars
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