Nora ANSELL-SALLES

dimanche 6 octobre 2024

REGARDS CROISÉS SUR LA CONDITION FEMINE DANS LE MONDE

AVANT PROPOS :

Le présent article ouvre une série consacrée à
la condition féminine dans le monde.

Chacun présentera le regard de personnalités d’horizons professionnels différents et sera émaillé des témoignages de personne  souhaitant partager leur vécu dans leur propre pays.
témoignage à faire parvenir à la rédaction de Mine d'Infos : Pressentinelle2@gmail.com

Cette  1ère partie, consacrée à l’Afrique, sera actualisée régulièrement des contributions parvenues à la rédaction.
Bonne lecture à tous.
Nora Ansell-Salles

🔷️ LE REGARD DE
Catherine Coquery-Vidrovitch
Professeure émérite
Université Paris Diderot


FEMMES EN DEVENIR
en Afrique subsaharienne
Catherine Coquery-Vidrovitch, 
Professeure émérite, Université Paris-Diderot Paris-7

🔹️les lecteurs sont invités  
 a compléter cet article au regard de l'évolution récente qu’ils ont éventuellement constatée.

Résumé
Les femmes africaines ont depuis le début du XXe siècle joué un rôle essentiel dans le développement des villes. Les femmes ont été les premières à migrer pour fuir la condition servile qui les touchait plus que les hommes. Durant la colonisation, leur travail « informel » suppléa aux besoins des travailleurs migrants salariés. Il s’est démultiplié avec l’explosion urbaine depuis l’indépendance. Enfin des femmes diplômées sont désormais formées aux techniques les plus modernes. Les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes en ville, et elles assument de plus en plus. Malgré la prééminence tenace du préjugé masculin, l’évolution est inéluctable. Mais la condition  préalable est l’accès à l’éducation qui leur permettra de se voir reconnaître la place qui leur est due.
Résumé anglais
African women played an important part in the making of colonial cities. They early began to flee from the countryside to avoid slavery. From the beginning of colonialism, urban male workers needed their informal activities (cooking, washing, sex). The process still increased with the demographic boom after independence. Nowadays there are more women than men in town. A number of them got education and diplomas. In spite of male domination, women’s independence and job improvement is unavoidable. Nevertheless, the condition for them to be fully recognized is more and more education.

LES ORIGINES : LES PREMIERES MIGRATIONS FEMININES URBAINES

Peu de choses sont connues sur les femmes africaines au sud du Sahara. Les sources, et tout particulièrement les sources coloniales, sont pauvres sur le sujet. Plus que partout ailleurs, les femmes constituaient la moitié oubliée de l’humanité, parce que les colonisateurs s’étaient intéressés quasi exclusivement aux hommes, c’est-à-dire à ceux qui payaient l’impôt et que l’on pouvait recruter comme travailleurs ou comme soldats. Or, les femmes africaines jouent un rôle bien plus important que ce que l’on croyait. Le moment décisif fut celui de la décennie pour les femmes proclamée par les Nations unies de 1975 à 1995.

Des migrations individuelles précoces
Les recherches les plus récentes contredisent les vues traditionnelles qui font des hommes les migrants privilégiés et des femmes des « bêtes de somme » restant à la campagne. Certes, au début, le pourcentage des femmes migrant volontairement fut faible. Le premier mouvement bien repéré est celui des femmes esclaves « libérées » par le pouvoir colonial, dès la fin du XIXe siècle en Afrique occidentale française où furent créés des « villages de liberté » . Marie RODET (2007) a démontré, sur le cas de Kayes (dans le Mali d’aujourd’hui), que les esclaves libérés étaient surtout des femmes  . Car ces femmes esclaves accomplissaient, dans leur société d’origine, la majeure partie des travaux les plus pénibles ; elles cultivaient à la houe, en sus elles assuraient tous les travaux domestiques : portant sur la tête l’eau, le bois de chauffe, les récoltes, s’occupant des enfants, faisant la cuisine, etc., sans compter les besoins sexuels de leurs maîtres. Elles travaillaient deux fois plus que les femmes libres, et quatre fois plus que les hommes. Elles eurent vite fait de découvrir que les nouveaux « villages » pouvaient les faire échapper à leur misérable condition. On trouve le même phénomène en Afrique australe, où l’historienne Marcia WRIGHT a dépouillé les archives d’un magistrat britannique en poste à Abercorn, un petit centre administratif colonial situé au cœur de l’Afrique à la frontière entre la Zambie et la RDC d’aujourd’hui, entre 1897 et 1903  . La plupart des plaignants qu’il recevait étaient des plaignantes, jeunes femmes fuyant la campagne, qui venaient implorer sa protection contre leur mari qui les battait, ou exigeait trop de travail, ou était un vieux et riche polygame. Une raison qui revenait souvent était un mariage forcé, ou bien l’usage du lévirat : le fait pour une veuve d’être cédée au frère ou au neveu du mari défunt. Dès lors, les toutes premières migrantes volontaires furent des femmes jeunes en quête de sécurité qui cherchaient leur émancipation, bref qui revendiquaient leur liberté individuelle. 
Durant la période coloniale, la présence d’un colon impliquait la mise en œuvre de six à dix travailleurs mâles, qui n’étaient guère pris en charge ni pour leur logement ni pour leur ravitaillement. Or ces hommes, il fallait les nourrir, les entretenir, satisfaire leurs besoins sexuels : autant d’incitations à partir pour des fillettes ou de toutes jeunes femmes qui trouvaient ainsi un échappatoire à la très dure condition rurale qui leur était réservée. Le travail dit « informel » des femmes a suppléé tous les besoins des travailleurs mâles : subsistance, lavage, commerce, sexe. Leur migration en ville a donc commencé de bonne heure. 


De la migration urbaine à la migration du travail  
Les hommes étaient recrutés par les Blancs pour  travailler sur les chantiers forestiers ou de travaux publics ou bien dans les mines, sur des sites pour la plupart du temps situés loin de leur résidence. Entre 1900 et 1930, à la veille de la grande dépression, ils migraient encore nettement plus que les femmes ; par exemple, en Haute-Volta, haut lieu de migration du travail des Mossi vers les plantations de cacaoyers de Gold Coast et de Côte d’Ivoire, les migrantes ne constituaient qu’un cinquième du total  . À Kinshasa (Léopoldville) au Congo, on comptait encore en 1960, à l’indépendance, deux hommes pour une femme. C’est que, dans les villes, quasi aucun travail salarié n’était proposé aux femmes. Elles étaient préposées au travail domestique informel pour les jeunes mâles célibataires. D’où l’essor d’une prostitution féminine longtemps non contrôlée par les autorités .
Progressivement, à partir de la grande crise des années 1930, la migration féminine augmenta. Elle devint active, c’est-à-dire à proprement parler une migration du travail, et ce pour des raisons économiques . Dorénavant, les femmes avaient besoin de trouver un travail rémunéré. Ceci intervint plus tôt en Afrique de l’ouest où existait depuis longtemps une tradition féminine d’activités commerciales, en particulier dans les zones côtières où s’activaient des « marketwomen » souvent étrangères à la ville où elles exerçaient sur les marchés leurs activités, surtout axées sur les biens vivriers de subsistance. Des entrepreneuses de commerce indépendantes se mirent à développer leurs affaires dans les principaux ports. Un des cas les plus connus est celui des « Nana Benz » de la ville de Lomé au Togo  . C’était de grosses commerçantes en pagnes, très impliquées dans le commerce de gros et de demi-gros, qui voyageaient pour le commerce tout le long de la côte. Une des manifestations de leur opulence consistait (et consiste encore) à s’acheter une automobile Mercedes-Benz, d’où le surnom qui leur fut donné par les colons. Les femmes tenaient le commerce des pagnes depuis le pays Igbo et Yoruba au Nigeria jusqu’à la Gold Coast (aujourd’hui Ghana). Au Sénégal ce sont les femmes qui se chargeaient du commerce du poisson, acheté sur la plage aux hommes de retour de la pêche. Elles s’occupaient éventuellement à le sécher (comme à Mbour ou Kayar au Sénégal), et affrétaient (et affrètent toujours) des camions pour le distribuer dans toute la Sénégambie. 


LA GENÈSE DU TRAVAIL SALARIÉ FÉMININ

Ces activités ont gagné l’ensemble de l’Afrique de l’ouest ; depuis les années 1960, le taux de migration des femmes au Burkina-Faso (ex Haute-Volta) est supérieur à celui des hommes. Depuis les années 1970, le taux de migration urbaine des femmes n’a cessé de s’accroître aux dépens de celui des hommes. Dans la capitale du Burkina-Faso, Ouagadougou, où en 1985 les femmes migrantes représentaient encore moins de 48% du total, elles en constituent aujourd’hui plus de la moitié  . En Afrique centrale, le processus a démarré plus tard, car la dépendance des femmes dans le système coutumier était nettement plus accentuée. La migration ne s’accélère qu’à l’indépendance. L’activité des migrantes s’est démultipliée avec l’explosion urbaine depuis un demi-siècle. Aujourd’hui, les femmes migrent en ville plus que les hommes. L’inversion s’est produite la plupart du temps autour des années 1970, et s’est accentuée avec les problèmes liées à la récession durable qui a démarré avec les chocs pétroliers.

Le boom migratoire urbain
La migration urbaine féminine a augmenté massivement depuis les années 1980-90 et le début des programmes dits d’ajustement structurel (PAS) qui ont provoqué une énorme crise sociale. C’est à ce moment là que la migration féminine se met à l’emporter pratiquement partout dans les villes africaines, où la population féminine dépasse désormais la population masculine : c’est le cas dans toutes les métropoles sauf celles qui offrent une véritable activité industrielle. C’est pourquoi le nombre de citadins n’excède celui des citadines en Afrique intertropicale qu’à Lagos au Nigeria. Plus la ville, même grande, est en relative perte d’activités, et plus le ratio entre les sexes est favorable aux femmes : ainsi, par exemple, la ville de Saint-Louis du Sénégal où,  au pire de la crise, le ratio était de l’ordre de 840 hommes pour 1000 femmes (BONNARDEL 1992). 

L’essor du salariat féminin
Il y a eu évolution dans les familles surtout depuis les années de crise des années 1980 : le travail salarié des femmes est accepté. Ce sont désormais, la plupart du temps, des filles qui travaillent comme employées de maison chez les « expatriés » de la coopération ou la bourgeoisie locale, alors que ces postes étaient au temps colonial réservés aux hommes (les « boys », comme le nom l’indique). Il est même devenu normal, pour les jeunes Casamançaises du sud du Sénégal (souvent chrétiennes), de « monter » à Dakar pour gagner le pécule nécessaire au mariage, ce qui autrefois ne concernait que les jeunes hommes. De même, il y a eu retournement dans les emplois de bureau : jusqu’alors, les secrétaires étaient quasi toujours des hommes. Maintenant, ce sont en général des femmes, dont l’appoint de traitement est nécessaire pour la survie du foyer. A l’inverse, le travail du couturier, effectué naguère par les hommes qui étaient les seuls à disposer de l’argent nécessaire à l’achat d’une machine à coudre, se féminise de plus en plus sur les marchés. 
Il restait d’usage que la femme ne migre pas seule mais en famille ou avec de la parenté. Désormais, au moins 10% de la migration concerne des jeunes filles ou des jeunes femmes indépendantes qui migrent seule, ou en groupe de femmes, dans le but reconnu de chercher un travail salarié. La nouveauté n’est pas qu’il existe des femmes indépendantes, ce qui a toujours existé. C’est qu’elles reconnaissent sans complexe qu’elles viennent en ville pour gagner leur vie. 60% d’entre elles sont salariées, 20% sont établies à leur compte, et seulement 20% ne gagnent pas leur vie (ce qui signifie qu’elles sont femmes au foyer). Les femmes vont en ville et y restent (COMPAORE et OUATTARA 2003).
Les femmes qui migrent en ville ont toujours fait partie, et continuent de faire partie de deux groupes principaux : le premier comprend les plus pauvres (paysannes, veuves, femmes divorcées ou épouses stériles, ou vieilles femmes sans enfant vivant susceptible de les prendre en charge). Celles-ci migrent pour survivre. Dans les zones rurales les plus démunies, les familles peuvent même vendre leurs filles pour qu’elles aillent travailler en ville. Comme la dot est traditionnellement payée par la famille du mari, c’est le subterfuge qu’utilisent les matrones proxénètes : elles envoient de jeunes hommes déscolarisés qu’elles ont recrutés pour ce faire aller promettre un mariage à venir contre le paiement immédiat de la dot : en fait, à proprement parler, l’achat de la jeune victime. Il s’agit alors de jeunes femmes peu éduquées, plus analphabètes que les garçons, qui n’auront donc, au mieux, comme choix que de s’investir dans le travail informel urbain. 
Mais, à l’autre bout de la chaîne, l’ambition de décrocher un bon diplôme est un puissant incitateur à migrer en ville, voire à l’étranger. C’est évidemment le cas dans les familles aisées, qui veillent à donner à leurs filles une éducation similaire à celle de leurs fils. Ceci est un fait nouveau sauf dans les familles où, dès l’époque coloniale, le père avait compris l’intérêt de garantir à ses filles, comme il le faisait déjà souvent pour ses garçons, la promotion sociale par l’éducation : on le constate chaque fois qu’une femme de la cinquantaine aujourd’hui est sortie du lot. Autrefois, comme marier une fille représentait un bénéfice (du fait du paiement par la famille du promis de la compensation matrimoniale), faire éduquer sa fille revenait surtout à augmenter sa valeur au mariage, donc le prix de la dot. Cela se développa en particulier en Afrique centrale et australe christianisée : les milieux influencés par les missionnaires acceptèrent alors volontiers de laisser enseigner à leurs filles les éléments considérés par eux nécessaires pour faire une bonne épouse (hygiène, couture, broderie, cuisine …). Quelques femmes exceptionnelles réussirent alors à aller plus loin. En AOF (ancienne Afrique occidentale française) seule existait pour les filles une école d’infirmière. En 1938 fut enfin créée une École normale de filles qui forma des promotions d’institutrices  . Les filles de cette première génération de femmes éduquées font souvent partie des femmes dominantes d’aujourd’hui. Depuis une ou deux décennies apparaissent de plus en plus fréquemment non seulement des « businesswomen » d’envergure, mais aussi des femmes hautement diplômées, sorties du MIT ou d’ailleurs, et donc formées aux techniques les plus modernes, informatique incluse bien entendu. Côté francophone, on note que celles d’entre elles qui ont plus de 50 ans ont le plus souvent passé une partie de leur jeunesse à l’étranger, la plupart du temps grâce à la profession de leur père (ambassadeur ou expert international).
De nos jours, pour la première fois, on voit dans un certain nombre d’universités africaines presque autant de filles que de garçons. Comme partout ailleurs, les filles, qui ont plus à prouver que leurs homologues masculins, travaillent davantage et réussissent mieux, tout en étant moins contraintes par les préjugés sociaux dominants que, dès le départ, elles ont appris à devoir transgresser. Les femmes de responsabilité, mobiles et sans complexes, ne constituent encore qu’une petite minorité. Mais les structures même de la société risquent de s’en trouver profondément modifiées d’ici une génération ou deux.

LA SITUATION ACTUELLE : DES FEMMES ACTIVES ET RESPONSABLES

Il a existé depuis les débuts de la colonisation un petit nombre de femmes militantes et responsables qui ont joué un rôle syndical et politique non négligeable : en Afrique du Sud depuis le début du XXe siècle  , au Nigeria, au Sierra Leone, au Togo ou au Sénégal depuis l’entre deux guerres. Elles étaient exceptionnelles, elles tendent aujourd’hui à devenir « normales ». Mais elles restent des lutteuses, dans des pays où la suprématie masculine demeure très forte. Leur lutte fondamentale demeure donc le droit des femmes qui entend protéger leur droit à l’éducation, leur émancipation économique, et leur rôle politique.

Le droit des femmes
Un certain nombre de femmes universitaires choisissent des carrières juridiques : juristes, magistrates. Ce n’est pas un hasard : leur lutte pour faire évoluer le droit en leur faveur est essentiel . On se souvient peut-être du film reportage camerounais savoureux Sisters in Law (2006) montrant comment deux juges locales réussissaient avec autant d’énergie que d’habileté à rendre un droit moins inégalitaire. 
Le moment décisif a été la décennie de la femme proclamée par les Nations unie (1975-1985). Auparavant, sauf en Afrique du Sud où des milliers de femmes, entre 1950 et 1956, ont manifesté contre la loi créant pour les femmes l’obligation du « passe » jusqu’alors réservé aux hommes, les actions étaient rares, et surtout le fait de rares hommes politiques au pouvoir : Sekou Touré dans les premières années de son règne, quand il n’avait pas encore viré au dictateur sans foi ni loi ou, plus éclairé et plus déterminé, le président Thomas Sankara au Burkina Faso qui était un vrai féministe (1983-1987). Mais il existait déjà des femmes instruites et militantes, qui avaient souvent comme ascendant un père de statut professionnel élevé (diplomate par exemple) ou instituteur conscient de faire éduquer ses filles comme ses garçons, ou une mère formée à l’école de sages femmes de Dakar ou à l’Ecole normale d’institutrices de Rufisque créée en 1938 , les seules professions offertes aux femmes sous la colonisation française. En 1975, Agnès Fatoumata, sociologue malienne féministe de la première heure (sa tante était institutrice) intègre ainsi la commission économique des Nations unies pour l’Afrique, au lendemain de la première conférence mondiale de Mexico sur les femmes. Ancienne militante du RDA, elle participe à toute une série de programmes d’action, sensible aux revendications de femmes de son pays qui réclamaient la suppression de la polygamie et du contrôle de la virginité des filles au mariage (alors encore en usage également au Sénégal)  . Une autre avocate, Marie-Elise Gbedo, Béninoise née en Côte d’Ivoire, a aussi bénéficié d’un environnement favorable, avec un père informaticien et une mère sage-femme. Juristes et associations féminines se sont conjuguées en 2002 pour organiser manifestations et sit-in à Porto Novo, capitale politique du pays, pour enfin obtenir ce qui leur avait été refusé deux fois par le Parlement, en 1965 et en 1973 : modifier le « droit coutumier » du pays qui énonçait encore un texte remontant à 1931 : « la femme n’a aucun pouvoir juridique… elle fait partie des biens de l’homme et de son héritage  ». Elle est aujourd’hui présidente de l’Association des femmes juristes du Bénin, et s’est présentée deux fois à la présidence de la république, en 2001 et en 2006. On peut aussi citer Unity Dow, du Botswana, fille d’un agriculteur devenue avocate en 1983, qui a fait adopter en appel, au bout de cinq années de combat au nom de l’égalité des droits, le « citizenship act » statuant qu’une Botswanaise mariée à un étranger pouvait transmettre sa nationalité aux enfants du couple. Divorcée et mère de trois enfants, elle est devenue présidente de la cour suprême du Botswana  . Et aussi la nigériane Hauwa Ibrahim, qui a arraché en 2003, à la cour d’appel charia de Katsina, l’acquittement d’Amina Lawal condamnée à la mort par lapidation pour adultère  . 
 Unies, les Africaines, au bout de décennies de lutte, ont obtenu un succès important : en 2003, l’Union africaine a adopté le Protocole des Droits des femmes en Afrique, texte qui a été intégré à la charte des Droits de l’Homme et des Peuples en 2005. On doit en grande partie l’adoption de ce texte au travail de l’avocate congolaise (Brazzaville) Julienne Ondziel-Gnelenga, nommée en 1998 rapporteure spéciale sur les droits des femmes en Afrique au sein de la commission des droits de l’homme et des peuples où elle avait été recrutée en 1995 : elles n’y étaient alors que deux femmes, autant dire que le combat n’était pas gagné d’avance, même si la parité acquise à Durban en 2002 les avaient fait monter à cinq femmes sur 11 membres  . Le protocole reconnaît « le rôle crucial des femmes dans la préservation des valeurs africaines et condamne toute forme de violences verbales ou physiques, qu'elles aient lieu dans la sphère publique ou privée, en temps de paix ou en situation de conflit, notamment toute forme de mutilation génitale ... de rapports sexuels ». L’âge minimum du mariage est fixé à 18 ans pour les filles et le texte préconise « l’élimination de toute pratique culturelle et traditionnelle néfaste, fondée sur l’idée d’infériorité ou de supériorité de l’un ou l’autre sexe ou sur les rôle stéréotypés de la femme et de l’homme ». Il prévoit l’égale protection devant la loi et la participation au processus politique et de décision. Il engage les États à « protéger la petite fille contre toute forme d’abus, y compris le harcèlement sexuel  ». 
Dans les faits, on en est souvent encore loin. Il reste évidemment à mettre en œuvre ce programme, ce qui demeure un défi majeur. Les Tunisiennes ont récemment su, par leur action politique commune, faire échec au projet de constitution rétrograde qui voulait faire des femmes « le complément de l’homme ». Le succès est rarement aussi net ailleurs, même en Algérie où, en 1984, les femmes ont pourtant manifesté contre la régression de leurs droits quand le code de la famille les a faites mineures à vie. Néanmoins, des progrès parfois décisifs sont en cours. Ils sont le fait d’une petite minorité de femmes décidées : avocates, magistrates, juristes, enseignantes, médecins, syndicalistes, militantes associatives se sont fait entendre et continuent de le faire dans les conférences internationales, comme à Pékin en 1995 et tout récemment, à Kinshasa où s’est tenu, en 2014, le 3e Congrès des femmes noires, et où la présidente de Africa Femmes Performantes en a appelé à la prise de conscience des femmes africaines. 
Toutes les femmes actives ne sont pas nécessairement diplômées. Beaucoup n’ont pas pu réaliser leurs ambitions, précisément en raison de leur sexe. La plupart ont donc privilégié l’action de terrain, sous la forme d’associations et d’ONG souvent créées à leur initiative. Ainsi la kényane Rebecca Lolosoli, aujourd’hui âgée de 50 ans, qui, avec une quinzaine de femmes révoltées, a créé le village UMOA (Unité, en swahili), doté d’une citerne d’eau potable, pour abriter et réinsérer dans des activités productives artisanales des femmes qui ont fui les violences de leur mari  . Mais c’est surtout dans le domaine économique, où les femmes ont longtemps été écartées de la modernité faute de formation suffisante, que des femmes dynamiques ont parfois investi de façon innovante  dans les ONG qu’elles ont créé et soutenues.

Femmes et économie
En 1999, le pourcentage des femmes ayant une activité économique, salariée ou dans le domaine informel, était estimé à plus de 60% dans la plupart des pays africains (contre 40 à 49% pour la France et l’Allemagne). « Ce n’est pas parce qu’on va au salon de beauté ou qu’on change d’habits quatre fois par jour que l’on est appelé femme. La femme actuelle, c’est celle qui cherche à gagner sa vie  » explique une mécanicienne automobile de Bukavu (RDC) où l’association APROFA forme les femmes aux métiers de mécanique, menuiserie ou maçonnerie.
Nous n’insisterons pas ici sur le secteur dit informel, car le rôle des femmes y est particulièrement bien étudié. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’informel ne coïncide nécessairement ni avec analphabétisme ni avec technique rudimentaire. Un certain nombre de femmes ont saisi les opportunités parfois offertes au démarrage par des organismes internationaux ou, comme au Sénégal, par le ministère de la femme. C’est le cas de Anta Dia, qui est allée à l’école jusqu’au CM2, et qui s’est investie dans la promotion des « micro-jardins » de Cambérène (environs de Dakar), aux soigneuses méthodes de culture « bio » inaugurées en 1999  . Aujourd’hui, ces jardins communautaires commencent à essaimer un peu partout dans le pays. C’est aussi le cas des 375 femmes du collectif de Thiaroye sur Mer (Sénégal) qui se sont organisées depuis 2006 pour recenser et soutenir les familles des morts de l’émigration clandestine et scolariser leurs enfants  . De même,  Hasna Saïd est fière de la coopérative d’un village du pays Afar, « une première en Éthiopie », qui s’est spécialisée en cultures maraîchères pour approvisionner la ville qui se situe à 80 km de là.  
Un nombre important de femmes de haut niveau culturel privilégie l’action de formation et d’éducation auprès des autres femmes. Elles sont à l’origine d’ONG actives dans la promotion féminine. Certaines en ont fait leur métier, comme la libérienne Saran Kaba Jones, fondatrice depuis 2009 de Face Africa, un organisme à but non lucratif qui fournit l’eau potable à des milliers de Libériens en milieu rural . La Malgache Lalao Randriamampionona, docteur en Philosophie, à force de pédagogie, d’écoute et de collaboration étroite avec les acteurs, a su développer dans les villages un vaste réseau qui regroupait, en 2002, 670 associations féminines. Mariée à un ingénieur des Ponts, elle est également fondatrice et présidente de l’organisation TARATRA qui coordonne les activités du réseau eau et assainissement  . Un certain nombre de ces femmes parviennent à des postes de responsabilité ministérielle qui leur permet d’agir pour la promotion féminine : Joséphine Ouedraogo, fille d’ambassadeur, a été pendant trois ans ministre de l’Essor familial et de la Solidarité nationale sous la présidence de Thomas Sankara. Elle a, à partir de 1997, dirigé le Centre africain pour le Genre et le Développement aux Nations unies. La sociologue sénégalaise Soukeyna Ndiaye-Ba a créé un réseau de micro-finance, la FDEA (Femme Développement Entreprise en Afrique) qui touche un réseau de 100 000 personnes à travers le pays et qui se consacre à la formation et à l’aide aux femmes entrepreneurs ; elle l’a dirigée jusqu’à ce qu’elle devienne ministre de la coopération décentralisée et de la planification régionale (2002-2010). 

Femmes d’affaires
En somme, ce genre d’activités essentielles se « banalise ». Plus nouveau est l’émergence, à l’égal des hommes, de femmes d’affaires de stature nationale ou internationale. On les connaît encore peu, mais elles sont bien plus nombreuses qu’on ne le croit – 10% des entrepreneurs africains -, même si les pays sont très inégaux dans leur promotion, en fonction de l’évolution des mœurs et des lois. Il faudrait faire un inventaire systématique et raisonné de ces chefs d’entreprise qui se situent souvent au cœur de la société ; car ces femmes, que leur formation et leur milieu inscrivent au sein des ressources vives internes du pays, ont souvent fait leurs études dans les meilleures universités. Elles savent désormais à merveille utiliser les ressorts du capitalisme contemporain, - réseau internet inclus évidemment -, pour en assurer la rentabilité. 
Certes, un certain nombre d’entre elles, surtout dans la précédente génération, ont mis à profit la position prééminente de leur famille ou de leur mari. De ces femmes, nous ne parlerons guère ici, tout en en citant quelques-unes : ainsi Pascaline Bongo, la sœur aînée du Président actuel du Gabon Ali Bongo, a géré d’une main de fer la fortune de son père. Elle a toujours la haute main sur Delta Synergie, holding d'investissement actionnaire de nombreuses entreprises, dont BGFI Group et la puissante Compagnie du Komo. Peut-on mettre dans ce groupe Martine Coffi Studer, ivoirienne mariée à un fidèle collaborateur de Vincent Bolloré (elle siège au sein du conseil d'administration du groupe ?) Elle est PDG d'Océan Ogilvy, groupe de communication présent dans cinq pays d'Afrique de l'Ouest, et s’est trouvée compromise dans les malversations liées à la filière café-cacao. Ou bien Alizéta Ouédraogo, Burkinabe présidente de la CCI qui, à 30 ans, était secrétaire dans une agence de l'ONU. Aujourd'hui, elle est la femme la plus prospère du Burkina ; après avoir fait fortune dans le cuir dans les années 1990, elle s'est lancée dans l'immobilier et les travaux publics. Selon ses détracteurs, son ascension fulgurante coïncide avec le mariage de sa fille et de François Compaoré, frère du président. Elle a pris la tête de la Chambre de commerce et d'industrie en 2011. 
Néanmoins, compte tenu de la compétence incontestable de beaucoup de ces femmes, on ne peut se contenter de les ranger dans ce groupe. Certes, la plupart d’entre elles – mais pas toutes – continuent d’appartenir à des familles de premier plan, ce qui a facilité leur acquisition de prestigieux diplômes américains, au MIT ou ailleurs, qui les qualifient pour exercer des professions de responsabilité dans les banques et la finance internationale. C’est d’ailleurs par cette voie qu’elles ont commencé à sortir de leur quasi clandestinité, car les carrières nationales leur sont restées plus longtemps fermées compte tenu des très fortes réticences masculines. Un certain nombre d’entre elles ont d’abord été recrutées par les diverses instances de l’ONU, travaillant plus souvent à Genève ou à la Banque mondiale que dans leur pays. C’est là qu’elles ont commencé à faire leurs preuves, comme Marie-Angélique Savané, expulsée en 1968 de l’université de Dakar pour « menées subversives », qui a ensuite fait carrière dans les instances féminines panafricaines à Genève. C’était l’une des premières, si l’on excepte le cas de Aoua Keita, militante du RDA, qui a été la première et la seule femme élue à l’assemblée constituante du Soudan-Mali en 1958. Il avait fallu l’intervention du chef de l’État, Modibo Keita, pour faire accepter sa présence par les autres députés. Aujourd’hui, parmi beaucoup d’autres, on peut citer le cas de la Rwandaise Valentine Rugwabiza, 
qui a piloté pendant sept ans (jusqu’en 2012), à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), l'examen des politiques commerciales des États membres. Membre fondateur de l'Association rwandaise des femmes chefs d'entreprise et de la Fédération rwandaise du secteur privé, elle a aussi été ambassadrice du Rwanda auprès de l'ONU en Suisse.
La visibilité en Afrique des femmes d’affaires africaines est apparue en 1999, quand l’Association panafricaine des femmes d’affaires a tenu son premier congrès à Accra, ville où les commerçantes sont reines depuis longtemps ; le deuxième a eu lieu à Addis-Abeba et le troisième… à Orlando en Floride (États-Unis)  . Depuis lors, et surtout depuis la conférence de Durban, ce genre d’initiative s’est démultiplié, en particulier mais pas seulement dans les pays anglophones (Afrique du Sud bien sûr, mais aussi Nigeria, Ghana et Kenya, entre autres). Il existe aujourd’hui, et de plus en plus, des femmes responsables d’entreprises dans le secteur moderne qui ne le doivent qu’à elles-mêmes. Naguère, à Bamako (Mali), Mme Aminata Traoré, sociologue de formation et qui fut ministre de la Culture, fut pionnière en fondant, il y a une trentaine d’années, une entreprise de luxe destinée à mettre en valeur le bel artisanat de son pays (tissage, poteries, vannerie, etc.). Elle a, dans le même esprit, monté un restaurant de couleur locale, d’un goût exceptionnel. C’est une vraie chef d’entreprise, au sens moderne du terme, qui fait vivre une vingtaine de personnes, qui lui coûtaient dans les années 1990 une soixantaine de millions de Francs CFA par mois (600 000 FF, ou euros100 000), ce qui est considérable pour une entreprise locale de ce type. Les exemples se multiplient, même s’ils sont encore peu collectés. Modélistes et artistes féminines sont les plus connues en Occident, car leur clientèle devient internationale. 
Jeune Afrique a proposé la liste des « 25 femmes les plus influentes du business en Afrique   ». Originaires des pays les plus variés, diplômées et directrices de leur propres affaires, elles ne sont pas issues de
la génération « micro-crédit » et ne répondent plus aux stéréotypes de « la femme vendeuse de rue » ou de la « Première dame ». Ces chefs d’entreprise se sont imposé comme leaders économiques de leur région. Elles s’attaquent à des secteurs rentables de
pointe,  notamment mais pas seulement dans l’informatique. Bien sûr, il y a des Sud-africaines : Yolanda Cuba, une des responsables d’Afrique du Sud les plus respectées, n’avait que 29 ans quand elle fut nommée  PDG du Mvelaphanda Group, un conglomérat coté à  la bourse de Johannesbourg. Phuti Malabie, également Sud Africaine, est PDG du groupe Shanduka, détenu à 100% par des noirs. En 2007, elle été sélectionnée par le World Economic Forum comme Young Global Leader. 
Elles sont aussi très présentes en Afrique intertropicale. Depuis 2008, Stella Kilonzo, comptable de formation, est directrice générale du Capital Market Authority du Kenya, chargé de réguler les marchés financiers. Evelyne Tall, Sénégalaise, est 
depuis janvier 2012 numéro deux du groupe Ecobank. C'est elle qui veille au maintien de bonnes relations avec les autorités politiques et financières de chaque pays d'implantation (33 filiales). « Cela signifie trois semaines de voyage sur quatre », affirme-t-elle. Laurence do Rego, ivoirienne, est aussi devenue directrice financière d'Ecobank. Elle est  rentrée au Bénin en 2002 après vingt ans de carrière en France et aux États-Unis. Elle dit avoir eu à combattre « beaucoup de réticences » et n'avoir « pas eu droit à l'erreur ». Selon elle, Ecobank est un modèle de « ce que les Africains sont capables de construire ». En 2012, Cina Lawson a d'abord été consacrée jeune leader mondiale par le Forum économique mondial, puis classée parmi les 20 jeunes femmes les plus puissantes d'Afrique par le magazine Forbes. Diplômée de Harvard, elle a été responsable de la stratégie et du développement de France Télécom à New York après un passage à la Banque mondiale. Revenue au Togo, elle a fait de la démocratisation d’internet (baisse des prix de communication, hausse du taux de pénétration) son leitmotiv. 


Femmes et politique
Les femmes, toujours assez nombreuses à travailler dans les institutions internationales qui cherchent à pratiquer une relative parité, deviennent donc de plus en plus importantes sur le plan national. Quelques femmes sont devenues des journalistes réputées : ainsi la Kényane Julie Gichuru est, depuis une quinzaine d’années, une des journalistes les plus chevronnées de la radio et de la presse écrite. Elle est à la tête de la chaîne Citizen TV Kenya. De même, Funmi Iyanda est une journaliste et productrice très populaire de la télévision nigériane. 
Des femmes d’action, militantes féministes ou femmes d’affaires, cherchent à influer dans le domaine législatif et politique. Dans plusieurs parlements africains, au Sénégal ou au Rwanda par exemple, il y a proportionnellement plus de femmes députées qu’en France. Le Rwanda est d’ailleurs le seul pays au monde où, avec 63,8% des députés, les femmes y sont majoritaires. Le phénomène est antérieur au génocide puisque, à cette époque, le premier ministre, de même qu’au Burundi, y était une femme. Néanmoins, selon une étude récente sur ce pays, il y a décalage entre le nombre de femmes engagées dans la sphère politique et leur manque de pouvoir de fait, pour des raisons socio-culturelles et politico-ethniques  .
Ailleurs, on ne compte plus les femmes ministres ou très hauts fonctionnaires, et pas seulement d’un ministère social ou dédié aux femmes. Citons par exemple Kaba Nialé, ministre de l'Économie et des Finances de Côte d'Ivoire. Elle est incontournable. Proche d'Amadou Gon Coulibaly, secrétaire général de la présidence, elle a travaillé avec l'actuel Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, à la fin des années 1990. Technocrate redoutable, elle s'est fait remarquer lors des discussions de la troisième revue du programme économique et financier (2012) avec les émissaires du FMI. Ou encore Aminata Niane, conseillère spéciale du président du Sénégal Abdoulaye Wade pour les infrastructures. Nommée en 2000 directrice générale de l'Agence de promotion des investissements et des grands travaux (Apix), elle a supervisé jusqu'en 2012 la plupart des grands projets d'Abdoulaye Wade, parmi lesquels l'aéroport Blaise-Diagne dont elle reste présidente du conseil d'administration. Cette technocrate formée en France et en Angleterre est aussi membre du conseil d'administration d'Atos, groupe coté à Paris. Wade parti, elle a été remplacée à la tête de l'Apix. Mais ses compétences lui ont valu d'être nommée conseillère spéciale du Président Macky Sall. Ingrid Awadé, directrice générale des Impôts du Togo, puissante et controversée, appartient au premier cercle du président togolais. Elle est surnommée la dame de fer pour avoir en 2006, à sa prise de fonctions, infligé de sévères redressements fiscaux aux hommes d'affaires considérés jusqu’alors comme « intouchables » comme Ram Shriyan (magasins Ramco) ou le Libanais Bassem El Najar, protégés du frère de Faure Gnassingbé, le Président du Togo. Quant à Claire Akamanzi, entrée au Rwanda Development Board (RDB) en 2008, elle en est devenue  la directrice générale. Elle a aussi été négociatrice auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève pour son pays. Bourreau de travail formée en Ouganda, en Afrique du Sud et aux Pays-Bas, elle est une figure incontournable des réunions internationales
L’Afrique subsaharienne est le seul sub-continent du monde qui peut se targuer de compter trois femmes chefs d’État (et non plus « premières dames » discutables de potentats encore en place) : au Liberia (Mme Ellen Johnson Sirleaf depuis 2006), au Malawi où il n’y a pourtant que deux femmes députés sur 193 (Mme Joyce Banda depuis 2012) et en Centrafrique (Mme Catherine Samba-Panza depuis janvier 2014). Il est à noter que deux d’entre elles ont conquis le pouvoir à la suite de guerres civiles cruelles. Leur façon apparemment plus concrète, moins engoncée dans un système de conventions et de prébendes masculines, est plutôt un gage de confiance. L’avenir évidemment dira si le pouvoir est « genré » !
C’est donc, pour les militantes de pouvoir, la voie politique qui est privilégiée, afin de faire évoluer le droit jusqu’alors resté aux mains des  hommes.

Les jeunes femmes  et l’avenir
Aujourd’hui, face à la désespérance ou au laisser aller des jeunes hommes, ce sont les femmes qui assument de plus en plus. C’est sans doute la raison pour laquelle l’idée se banalise d’un avenir africain qui serait « aux mains des femmes ». Malgré la prééminence tenace du préjugé de supériorité masculine, les femmes accèdent dorénavant de plus en plus souvent, surtout en ville, à de meilleures opportunités économiques, et assument de plus en plus les charges familiales. Car dans la plupart des pays africains, il y a désormais quasi égalité entre filles et garçons au niveau de l’enseignement primaire – et souvent désormais (surtout, mais pas nécessairement, en pays non musulmans) au niveau secondaire. Il en résulte que de plus en plus de filles entrent à l’université, voire sont envoyées par leurs parents de la bourgeoisie locale, comme les garçons, poursuivre leurs études supérieures aux États-Unis, au Canada ou ailleurs. Comme partout dans le monde, les filles travaillent davantage que les garçons à l’université, car elles ont tant à prouver. Elles en sortent donc mieux diplômées, ce qui a commencé à provoquer, de la part du genre masculin, des réactions ultraconservatrices visant à limiter le pouvoir montant du genre féminin (notamment par le biais de codes de la famille rétrogrades). Il est important de préciser que ce machisme parfois virulent déborde largement le seul monde musulman. 
L’évolution du statut politique et social des femmes est donc inéluctable, même si elle se situe encore dans le long terme. Néanmoins, même si la revendication des femmes se généralise à tous les niveaux, y compris chez la plupart des femmes encore analphabètes qui souffrent dans les campagnes et dans les habitats précaires des villes, ce tableau encourageant ne doit pas faire oublier qu’il s’agit, en réalité, d’une toute petite minorité de femmes particulièrement battantes. Plus encore que pour les jeunes hommes, la condition  préalable est l’accès à une éducation de qualité qui assurera les Africaines de se voir reconnaître la place qui leur est due. Sauf exceptions, c’est encore très loin d’être le cas.

🔹️Bibliographie : 
Kathleen Sheldon African Women Early History to the 21st Century Bloomington University Press 2017
paper 352 pages, 1 map, 1 table ISBN: 978-0-253-02722-1


LE REGARD DE PIERRE KIPRÉ 
Historien et écrivain
" La Journée Internationale de la femme et la question nationale en Afrique subsaharienne"

🔹️Mise en garde
"Je ne pense pas les choses aient beaucoup changé depuis la publication initiale de cette contribution, sauf de timides progrès dans les politiques publiques d’autonomisation des femmes rurales". Pierre Kipré

🔹️Introduction
La question de la construction pérenne de l’État-nation continue d’être un des problèmes essentiels en Afrique subsaharienne. Car y sont principalement liées la cohésion interne des sociétés, leur capacité de renouvellement autant  que leur résilience aux chocs et défis du développement. Au lendemain des "soleils de l’independence", beaucoup avaient pensé que, dans le prolongement des recettes des colonisateurs, l’État conduirait les meilleurs changements sous la seule autorité des personnalités issues des luttes pour l’independence. On avait occulté deux faits essentiels : refus de la soumission et de l’injustice, la quête d’indépendance était, d’une part, soif de promotion pour tous et, d’autre part, action de tous pour y  parvenir. Le citoyen du nouvel État était en fait la pierre angulaire de tout édifice. Les échecs cuisante des premières décennies venaient largement de là. Les principales victimes autant que principale catégorie de laissés-pour-compte sont les femmes, depuis si longtemps en marge des changements sociaux positifs. Si la condition féminine, ailleurs, n’est  pas fondamentalement différente, en Afrique subsaharienne, elle est si médiocre qu’elle en est presque caricaturale.

Perceptibles depuis  les années 70, les mutations de l’opinion en vue de la participation de tous au développement mettent progressivement le citoyen au cœur de la problématique de (re) construction de l’État-nation pour échapperà l’effondrement et à la spirale continue  de la dépendance. Les  presentes  réflexions  sur la Journée internationale de la femme (J.I.F.) doivent se comprendre par rapport à cette problématique générale de la citoyenneté en Afrique subsaharienne. Quel rôle doit jouer la citoyenne qu'est la femme dans  la construction de l’État-nation et en quoi la J.I.F. peut-elle y contribuer ?
L’analyse des luttes  sociales, particulièrement celles  conduit par  (et pour) les femmes pose deux problèmes de méthode. D'une part, il faut concentrer son attention sur les luttes significatives dans la société globale tout en étant attentif  au cadre historique de la société dans  lequel se posent les problèmes. Or, de ce point de vue, malgré la similitude des situations, l’Afrique subsaharienne est marquée par la diversité des questions;  la documentation, même la plus récente, peine à décrire précisément toutes les réalités que vivent ces millions d’Africaines. Il faut donc ici beaucoup de prudence dans notre approche  de la question.
D’autre part, - ce n’est pas le moindre des problèmes méthodologiques-, malgré les exemples et le vécu que donne à voir des cultures extra-africaines, le maniement des concepts et l’étude de certaines questions doivent êtres mis, chaque fois  que possible, en rapport avec l’univers mental et cutureldominant. Par exemple, bien que la question ne soit plus tabou dans les travaux en cours, le problème de la liberté séquelle et de l'homosexualité ne peut pas se traiter en Afrique subsaharienne dans  les mêmes termes qu’en Occident. Le formatage idéologique par les religions et les pratiques sociales et culturelles produisent des visions différentes et un accès différencié à la documentation sur ces questions. Aussi, devons-nous ici faire preuve également de prudence. Nous avons choisi de ne pas aborder cet aspect dans l’exercice de sa citoyenneté par l’Africaine. Il n’enrichit pas plus le débat, même si c'est un aspect de la libertéindividuelle que pourraient revendiquer des femmes, hors  des effets de mode et face à la volonté de l’État en Afrique de régenter cette dimension incontrôlable de la vie humaine.
Il ressort donc de notre approche que, au rang des principales luttes sociales qui marquent l’Afrique subsaharienne contemporaine, il y a la question des inégalités qui continue de fragiliser la cohésion sociale et l’État-nation. Celui-ci n’est pas seulement un espace de souveraineté que lorqu’il est un ensemble cohérent de citoyresponsables et engagés dans la défense multidimensionnelle  de tous ( ou avec tous). Sous ce rapport, constatant que partout qu’elle  s’appuie de plus en plus  pour cela sur la J,I.F., on peut partir de l’hypothèse que, au-delà de son sens  habituel, la J.I.F. est une "fete-prétexte" de rupture, un moment de questionnement des droits de la personne, une étape nécessaire dans l’élaboration des nouveaux paradigmes de la cohésion nationale pour mieux construire l’État-nation en Afrique subsaharienne par mobilisation de tous.
Pour vérifier notre hypothèse, analysons ces trois dimensions en comparant, si possible, les situations dans quelques pays d'Afrique de l’Ouest et du Centre.
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