quel soutien le web social
apporte-t-il au patient ?
Comment contribue-t-il à l’avancée des connaissances médicales ? »
Pour les personnes atteintes de
maladies chroniques, l’impact sur le quotidien est souvent double. Elles
doivent non seulement faire face à la gestion d’une maladie « à vie », mais également
à l’isolement. En effet, les symptômes dits « invisibles » comme la fatigue ou
les douleurs sont souvent mal compris par leur entourage. Le web social leur
permet d'échanger avec une communauté de personnes qui vivent la même chose
qu'eux. Premier réseau social dédié aux patients et à leurs proches, Carenity
met à la disposition de ses membres une information médicale de qualité, des
espaces communautaires sécurisés et modérés et des applications personnalisées
de suivi de leur état de santé.
Maladies chroniques : de plus en
plus de patients en France…
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS), la maladie chronique est « un problème de santé qui nécessite une prise
en charge sur une période de plusieurs années ou plusieurs décennies ». Les
maladies chroniques touchent près de 15 millions de personnes en France et
constituent un enjeu majeur de santé publique.
Pour répondre aux besoins spécifiques des
personnes concernées par les maladies chroniques que le réseau social Carenity
a été fondé en 2011 par Michael Chekroun. Il s’adresse aux patients et à leurs
proches pour leur permettre de suivre l’évolution de la maladie et des
traitements, d’échanger au sein d’espaces sécurisés grâce à des applications
personnalisées, et de faire progresser les connaissances médicales en participant
à des enquêtes en ligne. Carenity regroupe en février 2013 plus de 12 000
membres au sein de 41 communautés de patients, un chiffre qui a triplé en 1 an.
A terme, plus de 1 000 pathologies, y compris de nombreuses maladies rares,
seront proposées afin de donner à un maximum de patients, ainsi qu’à leurs
proches, la possibilité de se retrouver entre eux et d’échanger.
Des maladies souvent invisibles et
silencieuses
Certaines maladies chroniques sont dites «
invisibles », explique le Professeur Jean-Marie
Le Parc, rhumatologue à l'hôpital Ambroise Paré (Boulogne-Billancourt)
Certaines maladies sont en outre «
silencieuses », c’est-à-dire qu’elles sont présentes sans que les symptômes ne
soient perceptibles. Le Docteur Corinne Antoine, néphrologue à l’Hôpital Saint
Louis (Paris), mentionne le cas de l’insuffisance rénale.
Quant à la maladie de Crohn, maladie
inflammatoire des intestins. « Elle évolue de façon imprévisible par poussées
successives », explique le Professeur Yoram Bouhnik, gastroentérologue à
l'hôpital Beaujon (Paris).
La « double peine » de la maladie
chronique invisible : résultats de l’enquête menée auprès des patients
Les malades chroniques dont la pathologie n’est
pas reconnue par l’entourage proche ou professionnel subissent une forme de «
double peine ». Une enquête a été menée par Carenity auprès de 279 patients
inscrits sur le site, souffrant de spondylarthrite ankylosante, de la maladie
de Crohn ou d’insuffisance rénale.
La combativité caractérise le
mieux l’état d’esprit du patient, même s’il est confronté à l’incompréhension
des autres.
Au-delà
du soutien : l’échange d’information, y compris scientifique
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Internet
a sans nul doute constitué une révolution pour de nombreuses personnes
atteintes de maladies chroniques. « Les premiers forums ou listes de
discussion ont permis à des personnes qui avaient peu de chances de se
rencontrer dans la vraie vie, mais qui partageaient une expérience commune
en matière de santé, d’échanger facilement », observe Madeleine Akrich,
sociologue et directrice du Centre de Sociologie de l'Innovation (CSI) des
Mines ParisTech. Dans ces nouvelles « communautés » est apparue une notion
de « soutien mutuel », poursuit-elle, « similaire à des groupes de
parole associatifs, mais qui déborde de ce cadre. Car au-delà du soutien,
il y a un vrai échange d’information, jusqu’à l’information scientifique. »
Les premières expériences de forums ouverts, anonymes, sans modération, ont
montré leurs limites, mais « une liste de discussion (qui est par définition
réservée à des membres inscrits) constitue une communauté de fait qui s’autorégule
et s’autocontrôle », estime Madeleine Akrich. « Les informations qui
circulent dans ce genre d’espace sont souvent de meilleure qualité que
celles éventuellement données par un médecin non spécialiste de la
question, poursuit-elle. Une étude souvent citée sur un forum consacré au
cancer du sein a montré que lorsqu’une information fausse était mentionnée,
des rectificatifs étaient apportés en quelques heures, selon un principe
collaboratif efficace. »
Un réseau social comme Carenity est plus qu’un prolongement de ces échanges
« car il y a une dimension de collecte de données sécurisées, organisée
par une instance extérieure », observe Madeleine Akrich. En outre,
poursuit-elle, « dans des pathologies mal comprises, l’exploration
collective que peuvent réaliser les patients est susceptible d’apporter des
connaissances nouvelles ». Pour la sociologue, « la notion d’invisibilité
n’est pas la motivation essentielle qui pousse les patients à adhérer à des
réseaux sociaux. En effet, les personnes s’inscrivent certes pour
rechercher du soutien, mais aussi et surtout pour mieux comprendre la
pathologie. Elle revêt néanmoins une grande importance lorsque les
personnes souffrent d’un problème de santé mal identifié des professionnels
ou attribué à des causes psychologiques pures : faire en sorte que leur
pathologie soit mieux reconnue et prise en compte par le corps médical est
alors une motivation profonde des patients pour se rassembler », relève
Madeleine Akrich.
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Le réseau social comme espace d’échange
libre
« Dans une maladie
inflammatoire chronique des intestins (MICI), les contraintes et les difficultés
sont grandes par rapport à l’image de soi, la vie sociale, la vie
professionnelle, etc. », souligne Corinne Devos,
patiente experte et bénévole de l’Association François Aupetit (AFA). Et
pourtant, « c’est invisible », poursuit-elle. « Sur un réseau social,
on peut sortir de l’isolement, s’exprimer sans tabou, et se nourrir de l’expérience
des autres. Au-delà du partage d’expérience, on arrive dans le partage des
solutions et des ressources, et cela devient un élément moteur, positif, comme
un véritable interlocuteur. »
Le « carnet de bord » de Carenity « permet de suivre l’évolution de sa
maladie », explique Corinne Devos. « Ainsi, on ne retient pas uniquement
les mauvais moments comme on a tendance à le faire avec sa seule mémoire. C’est
une fonction intéressante au niveau de l’historique des événements. »
L’expertise du patient appelée à
devenir un service professionnel ?
Corinne Devos a suivi 40h de formation, en
compagnie de professionnels de santé, pour intervenir comme patiente experte
dans des programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP). Elle réalise également
du « coaching santé » pour l’AFA et s’interroge sur des formules qui permettraient
à terme « de valoriser cette expertise ». « Un patient ne pose pas
les mêmes questions à un autre patient qu’au médecin », souligne-t-elle. « Il
interroge sur le quotidien de la maladie, les difficultés au travail, dans le
couple, en famille, etc., c’est-à-dire l’expérience et le vécu du patient
expert. Il est important d’être formé pour ne pas simplement inciter les autres
à faire comme soi. Chacun doit aller vers des solutions adaptées à sa
situation. »
« Le patient expert qui devient éducateur thérapeutique diplômé comme un
infirmier devrait pouvoir être rémunéré pour ses services à terme »,
conclut-elle. « On pourrait sinon penser que l’un est moins compétent, moins
professionnel que l’autre. »
Carenity en pratique
Carenity met gratuitement à la disposition
de ses membres une information médicale de qualité, des espaces communautaires
sécurisés et des applications personnalisées de suivi de santé. Construit sur
le principe d’une plateforme collaborative de patient à patient, Carenity
facilite le partage d’informations de santé entre membres de façon anonyme et sécurisée.
Le contenu médical a été élaboré en collaboration avec des professionnels de
santé et les espaces de discussion font l’objet d’une modération quotidienne
par des community managers salariés de Carenity.
L'apport de Carenity dans la vie
du malade chronique selon l'enquête
Suivre
sa santé, mieux connaître sa pathologie, créer et animer son réseau
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Le
suivi régulier d’une maladie chronique est important et notamment l’observance
rigoureuse du traitement. Plusieurs indicateurs permettent au membre de
Carenity de renseigner selon la fréquence qu’il souhaite son état de santé
(forme physique, humeur, poids, sommeil, etc.), et de partager des
informations sur ses traitements. Un tableau de bord représente
graphiquement l’évolution des données renseignées et l’historique du suivi
de la maladie, qui peut être partagé avec le médecin pour un dialogue plus
fructueux. Un agenda permet de gérer les prises de rendez-vous et les événements
médicaux.
Un contenu médical actualisé et varié est proposé aux membres de Carenity
pour les aider à mieux appréhender leur condition. Des médecins spécialistes
décrivent la pathologie à travers plusieurs rubriques. Des forums thématiques
sont animés et modérés quotidiennement par des community managers de
Carenity. Cette partie propose également quizz, enquêtes et sondages, ainsi
que de nombreux outils pratiques : lexique médical, base de médicaments,
contacts d’associations de patients…
Comme les réseaux sociaux généralistes, Carenity offre la possibilité de créer
son groupe d’amis et d’interagir avec lui selon le niveau de proximité
souhaité.
Carenity est un site entièrement gratuit pour ses membres. Ses revenus
proviennent essentiellement de la commercialisation d’études réalisées à
partir d’enquêtes anonymisées auprès de ses utilisateurs. L’objectif est de
traduire les expériences individuelles des patients en connaissances
mobilisables par des chercheurs et des industriels pour favoriser la mise
au point, par les professionnels compétents, d’une meilleure offre de soins
et de services médicaux.
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Le modèle
Carenity : une philosophie ?
Carenity repose sur une « conviction profonde », explique Michael Chekroun. « Longtemps
on a écouté la seule parole du médecin pour comprendre les besoins des malades.
Nous sommes en train de changer de paradigme : le web collaboratif, ou web 2.0,
permet aujourd’hui de recueillir des informations pertinentes issues de la «
vraie vie » du patient ». Ainsi, à la connaissance scientifique du médecin
s’ajoute « la connaissance profane du patient », note Michael Chekroun.
Ces informations, anonymes et agrégées, constituent de précieuses « données
en vie réelle » que les industries de santé peuvent prendre en compte dans
la mise au point de nouveaux traitements ou services médicaux. « La grande
majorité de nos utilisateurs reconnaît que ces données anonymes permettent de
créer une intelligence collective contribuant au progrès des connaissances médicales,
et que cela constitue par ailleurs un outil puissant pour faire entendre la
voix des patients », relève Michael Chekroun.